Décision

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Okoli c. Groupe Raf Ray (4067240 Canada inc.)

2025 QCTAL 28825

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

580593 31 20210722 T

No demande :

4781932

 

 

Date :

08 août 2025

Devant la juge administrative :

Vanessa O’Connell-Chrétien

 

Amadi Okoli

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Groupe Raf Ray 4067240 Canada Inc

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Le demandeur s’adresse au Tribunal administratif du logement (Tribunal) par l’entremise d’une procédure signée le 6 juin 2025 pour obtenir la rétractation d’une décision rendue le 29 mai 2025 par le juge administratif Ross Robins[1]. Par cette décision, le Tribunal résiliait le bail liant les parties et ordonnait l’expulsion du demandeur et des autres occupants du logement, en plus d’ordonner l’exécution provisoire de la décision et d’autoriser l’huissier à disposer des biens entreposés au sous-sol et condamnait le demandeur aux frais du dossier.

PREUVE FAITE DE PART ET D’AUTRE

  1.          Le demandeur recherche la rétractation de la décision au motif qu’il ne s’est pas présenté à l’audience tenue devant le juge administratif Robins parce qu’il n’a jamais reçu l’avis d’audition « sans qu’il y ait faute de sa part ». Il allègue aussi qu’il a pris connaissance de la décision dont il demande la rétractation le 5 juin 2025. Il allègue comme motif sommaire de défense à faire valoir sur le fond de la demande sur laquelle porte la décision à rétracter que son loyer est à jour.
  2.          À l’audience, il explique qu’il n’a pas reçu l’avis d’audience pour se présenter devant le juge administratif Robins. Il fait valoir que la boîte aux lettres de l’immeuble située à l’entrée de l’immeuble peut être ouverte par quiconque. Il a pris connaissance de la décision au retour d’un déplacement à Ottawa pour quelques jours sans préciser à quelle date il est parti. Il serait revenu le 5 juin au soir et aurait formulé sa demande le lendemain.
  3.          Quant aux motifs de contestation qu’il entend faire valoir si la décision rendue est rétractée, il fait valoir essentiellement qu’il a fait les paiements requis de son loyer. Il remet à l’audience une série d’impressions de transferts électroniques tous au montant de 500 $.
  4.          La défenderesse fait quant à elle valoir que jamais le demandeur ne l’a informée que les boîtes aux lettres de l’immeuble avaient un problème.


ANALYSE

  1.          La rétractation d’une décision est une exception au principe consacré de la stabilité des décisions. La rétractation ne peut être accordée que pour des motifs et conditions fort limités lesquels sont encadrés par l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[2]:

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

  1.          Il revenait au demandeur de faire la preuve que ces conditions sont rencontrées[3]. Le demandeur devait convaincre le Tribunal qu’il a été empêché de se présenter à l’audience. Il fait valoir, à l’audience, sous serment, qu’il n’a pas reçu l’avis d’audience.
  2.          Le dossier entre les parties en est un pour lequel plusieurs audiences ont été convoquées, la décision du juge administrative Robins mentionne à cet égard que :

« [27]   Lors de la reprise des parties le 17 mai 2023, le locataire soutient qu'il n'a jamais reçu copie de la décision interlocutoire susmentionnée.

[28]   Le tribunal a subordonné son scepticisme justifié (sans parler de la présomption de réception encapsulée dans l'article 16 du Règlement de procédure du Tribunal) aux dictats de audi alteram partem et a ajourné l'audience.

[29]   Mais pas avant d'avoir assuré que le locataire avait en main une copie de la décision.

[30]   Lorsque les parties sont convoquées à nouveau le 28 mars 2024, la mandataire du locateur fait une preuve prépondérante de son allégation à l'effet que le locataire s'est approprié illégalement le sous-sol de l'immeuble comme lieu d'entreposage personnel et que ses multiples biens, empilés du plancher au plafond, empêchent les plombiers du locateur de réparer les tuyaux que le locataire a cavalièrement obstrués.

[31]   Cependant, le locataire a ensuite déclaré qu'il était malade et, une fois de plus, le tribunal a ajourné l'audience. L'ajournement n'a pas permis au tribunal de vérifier si le locataire s'était conformé à l'ordre de produire les documents décrits dans l'ordonnance du 17 janvier 2022. »

  1.          Il faut en comprendre que plusieurs audiences ont été convoquées.
  2.      À l’audience du 17 mai 2022, le demandeur était présent mais prétendait ne pas avoir reçu copie de la décision interlocutoire rendue par le juge administratif suivant la dernière audience tenue. L’audience a donc été ajournée parce que le demandeur n’était pas préparé à procéder.
  3.      À l’audience suivante du 28 mars 2024, le demandeur était présent, mais a informé le Tribunal qu’il ne pouvait procéder parce qu’il était malade. L’audience a donc été ajournée à nouveau.
  4.      Enfin, une autre audience a été convoquée le 28 février 2025, lors de laquelle le demandeur n’était pas présent et il fait valoir que son absence s’explique par le fait qu’il n’a pas reçu l’avis d’audience.
  5.      Comment expliquer qu’il ait reçu les autres avis d’audience mais pas celui pour l’audience du 28 février?
  6.      Le demandeur fait valoir qu’une problématique avec la sécurité des boîtes aux lettres de l’immeuble pourrait expliquer la situation. Cette problématique n’apparaît pas avoir été dénoncée auparavant. Qui plus est, il apparaît curieux que le demandeur n’ait aucune vidéo ou photographie de cette problématique de sécurité avec sa boîte aux lettres.
  7.      L’explication apparaît peu crédible comme le reste du témoignage du demandeur.

  1.      Le demandeur livre un témoignage vague et évasif à l’audience et ne répond pas de manière transparente aux questions du Tribunal.
  2.      De plus, il fait valoir que le loyer est à jour, mais il ne fait la preuve que du versement de montant que lui considère payable. Il apparaît visiblement en désaccord avec la décision rendue à ce niveau. Sur les documents demandés par décision interlocutoire, il fait valoir qu’il a faxé les documents demandés.  Il n’a toutefois aucune preuve à cet effet. Il ne fait rien valoir comme motif de contestation eu égard aux biens obstruant le sous-sol de l’immeuble.
  3.      Ce n’est que lorsqu’une partie a été empêchée de se présenter à l’audience, notamment sans négligence de sa part, qu’une décision peut être rétractée. Ici, plusieurs audiences ont été convoquées et le demandeur était présent. Il savait lors de l’audience du 28 mars 2024 qu’il serait convoqué à une nouvelle audience. Il ne semble toutefois avoir fait aucun suivi de son dossier à aucun moment. Il allègue tout bonnement que le 5 juin 2025 après être revenu d’Ottawa, il a pris connaissance de la décision rendue contre lui. Cela apparaît peu crédible qu’une personne reçoive certains avis et pas d’autres et encore moins, qu’après plusieurs mois sans être convoquée en audience pour un dossier que l’on sait ajourné qu’on ne fasse aucune démarche pour voir ou en est le dossier.
  4.      Le Tribunal n’est pas convaincu à la lumière de la preuve faite que le demandeur a été empêché de se présenter à l’audience.
  5.      Cela étant, la rétractation demandée ne peut être accordée. La décision du 29 mai 2025 est maintenue.

LIMITATION PROCÉDURALE

  1.      La défenderesse à la demande de rétractation demande à l’audience de limiter les droits du demandeur, tel que le permet l’article 63.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[4] :

« 63.2. Le Tribunal peut, sur demande ou d’office après avoir permis aux parties intéressées de se faire entendre, rejeter un recours qu’il juge abusif ou dilatoire ou l’assujettir à certaines conditions.

Lorsque le Tribunal constate qu’une partie utilise de façon abusive un recours dans le but d’empêcher l’exécution d’une de ses décisions, il peut en outre interdire à cette partie d’introduire une demande devant lui à moins d’obtenir l’autorisation du président ou de toute autre personne qu’il désigne et de respecter les conditions que celui-ci ou toute autre personne qu’il désigne détermine.

Le Tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif ou dilatoire d’un recours, condamner une partie à payer, outre les frais visés à l’article 79.1, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les autres frais que celle-ci a engagés, ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs. Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus, le Tribunal peut en décider sommairement dans le délai et aux conditions qu’il détermine. »

  1.      La demande que formule la défenderesse à l’audience repose sur le second alinéa de l’article 63.2 précité. Elle nécessite la démonstration que la partie adverse abuse de son recours, en l’espèce, la procédure de rétractation, dans le but d’empêcher l’exécution d’une décision. Cette preuve n’apparaît pas faite.
  2.      Le fait que la demande de rétractation de la décision soit mal fondée n’est pas en soi abusif. Il en faut plus pour que le Tribunal limite les droits d’une partie.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande de rétractation formulée par le demandeur de la décision du juge administratif Ross Robins rendue le 29 mai 2025;
  2.      REJETTE la demande de limitation procédurale de la défenderesse;

  1.      Le tout sans frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Vanessa O’Connell-Chrétien

 

Présence(s) :

le locataire

la mandataire de la locatrice

Date de l’audience : 

10 juillet 2025

 

 

 


 


[1] Groupe Raf Ray (4067240 Canada inc.) c. Okoli, 2025 QCTAL 19106 (CanLII).

[2] RLRQ c T-15.01.

[3] Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art. 2803-2804. (C.c.Q.)

[4] Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ c T-15.01.

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