Décision

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Décision

Ndlovu c. Office municipal d'habitation de Gatineau

2018 QCRDL 4736

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Gatineau

 

No dossier :

345343 22 20170706 T

No demande :

2394394

 

 

Date :

07 février 2018

Régisseure :

Anne A. Laverdure, juge administrative

 

Caireen Khething Ndlovu

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION de Gatineau

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

CONTEXTE

[1]      La demanderesse requiert la rétractation de la décision du 7 novembre 2017, rendue par la soussignée.

[2]      Elle prend connaissance de cette décision en novembre et dépose sa demande le 12 décembre 2017.

[3]      Le Tribunal doit évaluer le délai écoulé avant d’entreprendre les procédures de rétractation, les moyens sur la demande en rétractation et, de façon sommaire, les moyens de défense sur le fond du dossier.

QUESTIONS EN LITIGE

[4]      Le délai écoulé entre la réception du jugement et le dépôt de la demande invalide-t-il le recours?

[5]      La demanderesse a-t-elle été empêchée de se présenter à la première audience par une cause jugée suffisante?

[6]      Les moyens de défense passent-ils l’analyse sommaire sur la demande de rétractation?

ANALYSE ET DÉCISION

[7]      La locataire explique qu’elle ne comprend pas du tout le français et que toute la correspondance reçue de la Régie était en français.

[8]      Elle ajoute qu’elle est mère célibataire de 4 enfants en bas âge et que, suite à l’accouchement de son dernier, elle a fait une dépression.

[9]      Elle témoigne qu’elle a demandé à son pasteur afin d’avoir une référence pour l’aider à comprendre les documents reçus et réunir les documents demandés par la locatrice.


[10]   Le Tribunal rappelle que la présente demande se fonde sur l’article 89 de la Loi sur la Régie du logement[1] (Loi) qui prévoit :

89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.

[11]   La demande doit donc être faite dans les 10 jours de la connaissance de la décision. L’article 59 de la même loi donne le pouvoir à la soussignée de relever la demanderesse de son défaut, si l’autre partie n’en subit pas de préjudice.

[12]   Le Tribunal peut comprendre que le fait que la décision soit en français ait causé un problème. Il appert en outre que l’aide qu’a obtenu la demanderesse l’ait erronément guidée vers la Cour du Québec où elle a déposé une première demande vers le 6 décembre 2017.

[13]   Compte tenu que le délai à déposer sa demande n’est pas excessif et qu’il n’y pas de préjudice qui découle de ce délai supplémentaire pour l’autre partie, le Tribunal ne rejettera pas la demande pour ce motif et relève la demanderesse de son défaut.

[14]   Toutefois, les tribunaux ont rappelé à maintes reprises le principe de l'irrévocabilité des jugements et qu’en conséquence la rétractation est un moyen procédural exceptionnel. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec en ces termes:

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. » [2]

[15]   L'absence d'une partie ne donne donc pas ouverture automatiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy[3]:

« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »

[16]   Pour obtenir une rétractation, il faut de plus que la demanderesse n’ait pas été négligente dans l’exercice de ses droits. Comme l’écrivait l'honorable Juge Louis Rochette de la Cour supérieure :

« Cela n'est que logique et en conséquence, une partie ne peut laisser cheminer une affaire judiciaire qui la concerne directement sans s'en préoccuper. Elle doit être empressée de faire valoir sa prétention et de préserver ses droits. Les règles de procédure ne peuvent être modulées pour tenir compte du laxisme d'une partie. » [4]

[17]   Or, un avis d’audition lui a été envoyé le 6 septembre 2017 pour une audience tenue le 13 octobre 2017. Même si l’avis était en français, la demanderesse aurait pu communiquer avec la Régie du logement qui offre un service téléphonique où les préposés peuvent répondre à ses interrogations en anglais. Elle aurait pu envoyer un courriel à la Régie du logement pour demander des explications. Elle aurait reçu une réponse en anglais.

[18]   La demanderesse aurait aussi pu se présenter au bureau de la Régie du logement où le service lui aurait été offert en anglais.

[19]   Le Tribunal conclut que la demanderesse a été négligente dans l’exercice de ses droits.

[20]   Quant à ses moyens de défense, qu’il suffise de dire que les documents demandés par la locatrice n’étaient toujours pas disponibles en totalité à l’audience. Ils concernent pourtant les années financières 2015 et 2016.


[21]   À la lumière de la preuve, le Tribunal est d'avis que la demanderesse n'a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[22]   REJETTE la demande en rétractation;

[23]   MAINTIENT la décision rendue le 7 novembre 2017.

 

 

 

 

 

 

 

 

Anne A. Laverdure

 

Présence(s) :

la locataire

Me Jean-Philippe Brochu, avocat de la locataire

la mandataire de la locatrice

Date de l’audience :  

16 janvier 2018

 

 

 


 



[1] RLRQ, c. R-8.1.

[2] Entreprises Roger Pilon Inc et al. c. Atlantis Real Estate Co., (1980) C.A. 218.

[3] Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée (1989) Montréal, p. 307.

[4] Dans l'affaire, Mondex Import Inc. c. Victorian Bottle inc., Cour supérieure 200-17-001038-983, REJB 1999-12482.

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