Fredette c. R.

2019 QCCS 4116

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre criminelle)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

 

 

 

N° :

700-01-160794-171

 

 

 

DATE :

6 SEPTEMBRE 2019

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MYRIAM LACHANCE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

UGO FREDETTE

REQUÉRANT-accusé

c.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

INTIMÉE-poursuivante

et

 

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

           MISE EN CAUSE

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

(ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION - ART. 648(1) C. cr.)

____________________________________________________________________

 

L’APERÇU

[1]           Le requérant, Ugo Fredette, fait face à un acte d’accusation comportant les chefs d’accusation suivants :

JL4445

1.

Le ou vers le 14 septembre 2017, à Saint-Eustache, district de Terrebonne, a causé la mort de Véronique Barbe, commettant ainsi un meurtre au premier degré, l'acte criminel prévu à l'article 235 du Code criminel.

2.

Le ou vers le 14 septembre 2017, à Lachute, ou ailleurs dans le district judiciaire de Terrebonne, a causé la mort de Yvon Lacasse, commettant ainsi un meurtre au premier degré, l'acte criminel prévu à l'article 235 du Code criminel.

[2]          Le requérant conteste une disposition de la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares[1] (Loi) qui restreint les conditions d’admissibilité de la défense partielle de provocation prévue au paragraphe 232(2) C. cr.

[3]          Les nouvelles exigences imposées par l’adoption du projet de loi S-7[2] limitent désormais la provocation à un geste « qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus ».

[4]          Selon les prétentions du requérant, cette modification législative serait contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) puisqu’elle porte atteinte à la liberté de la personne sans être conforme aux principes de justice fondamentale.

[5]           Le requérant demande au Tribunal de déclarer inopérante cette nouvelle définition de l’acte provocateur puisqu’elle ne peut être justifiée au nom de l’intérêt public en application de l’article premier de la Charte.

[6]           La procureure générale du Québec (PGQ) conteste les prétentions du requérant et la poursuite s’en remet aux arguments de la PGQ[3].

[7]           Pour les motifs qui suivent, le paragraphe 232(2) porte atteinte à l’art. 7 de la Charte puisqu’une loi qui n’a aucun lien avec son objet peut avoir une portée excessive.

[8]           La nouvelle définition de la conduite de la victime qui constitue une provocation au sens du paragraphe 232(2) présente une telle portée excessive étant donné son objectif.

[9]           Cette atteinte n’est pas justifiée au regard de l’article premier de la Charte puisque la modification législative implique des moyens pour réaliser l’objet qui n’ont pas des liens rationnels ou ne sont pas minimalement attentatoires.

[10]        La mesure corrective appropriée consiste à supprimer les termes fautifs du paragraphe 232(2) afin de le rendre conforme à l’article 7 de la Charte

1.            LA QUESTION EN LITIGE

[11]        Est-ce que la nouvelle exigence du paragraphe 232(2) définissant la provocation comme un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus est contraire à l’article 7 de la Charte?

[12]       Dans l’affirmative, cette modification est-elle justifiable au regard de l’article premier de la Charte

2.            LE CONTEXTE

[13]       Le 14 septembre 2017, la conjointe du requérant, Véronique Barbe, est poignardée à son domicile et décède d’un traumatisme thoracique par instrument piquant et tranchant. Elle a été atteinte par cet instrument à dix-huit reprises.

[14]        Il est admis que le requérant est l’auteur de ces gestes.  

[15]        La relation amoureuse entre Véronique Barbe et le requérant était difficile. Ils se sont séparés à quelques reprises et des querelles ont été fréquemment observées par leur entourage.

[16]        Le 14 septembre 2017, une voisine du couple entend des cris et observe le requérant, Véronique Barbe et X sur le balcon de leur maison.

[17]        La voisine voit ensuite le requérant tirer Véronique Barbe vers l’intérieur de leur résidence en la prenant sous les bras.

[18]        Selon la thèse de la poursuite, le requérant aurait poignardé Véronique Barbe alors qu’ils se trouvaient sur leur balcon extérieur.

[19]        Ces faits supportent l’accusation de meurtre au premier degré puisque le requérant aurait commis ce meurtre alors que Véronique Barbe était victime de harcèlement criminel ou alors que cette dernière était séquestrée.

[20]        Le requérant quitte ensuite son domicile dans sa voiture en compagnie de X.

[21]        Il rencontre Yvon Lacasse dans une halte routière de Lachute et lui inflige plusieurs fractures au visage de nature à causer sa mort.

[22]        Cette agression serait survenue alors que X était séquestré et c’est sur la base de cette séquestration que la poursuite a déposé un deuxième chef d’accusation de meurtre au premier degré.

[23]        Le requérant fuit les lieux par la suite, en compagnie de X. Ils utilisent le véhicule de monsieur Lacasse. Le requérant aurait disposé de son corps près d’une route.

[24]        Le 15 septembre 2017, le requérant est localisé avec X par les services policiers de l’Ontario qui les interceptent et arrêtent le requérant.

[25]        La preuve démontre que X avait de l’ADN de Véronique Barbe et de Yvon Lacasse sur ses bas, l’un de ses souliers, ses sous-vêtements, ses pantalons et son chandail.

[26]        Le requérant veut invoquer la défense de provocation sur la base de deux comportements de la victime Véronique Barbe, soit :

·        Les menaces de la victime envers lui à l’aide d’un couteau;

·        [...] Ces menaces seraient survenues dans un contexte de médisance, de dénigrement chronique, de jalousie malsaine, de mensonges de la part de madame Barbe [...]. Un rapport d'évaluation daté du 25 avril 2017 fait état de cette situation.

[27]        Le premier évènement implique des menaces à l’aide d’un couteau, ce qui peut constituer un geste provocateur au sens du par. 232(2) C. cr. tel qu’il est actuellement rédigé, puisqu’il constitue un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus, selon l’article 267a) C. cr.

[28]        Toutefois, les menaces de couper les liens entre l’accusé et X ne peuvent entrer dans cette catégorie, ce qui limiterait la défense de provocation à l’évènement du couteau.

3.            L’ANALYSE

[29]       Le 20 mai 2019, le requérant a déposé une requête pour contester la constitutionnalité du par. 232(2) C. cr. accompagnée d’un avis à la PGQ alléguant une atteinte à la liberté de la personne garantie par l'article 7 de la Charte d’une manière qui contrevient aux principes de justice fondamentale.

[30]       La PGQ souligne que les pouvoirs d’adjudication du Tribunal à l’égard de la question constitutionnelle sont limités au contenu de cet avis et que seuls les moyens qui y sont exposés peuvent faire l’objet de l’examen constitutionnel, selon l’alinéa 4 de l’article 76 du Code de procédure civile[4].

[31]        Le requérant demande à ce que la validité constitutionnelle du par. 232(2) C. cr. soit tranchée avant la présentation de la preuve, sur la base de deux scénarios hypothétiques.  

[32]        Le requérant craint que la preuve qu’il entend présenter sur les menaces de couper les liens avec X constitue également une preuve de mobile ou d'intention coupable relativement au meurtre allégué, et il ne veut pas introduire inutilement cette preuve.

[33]        Les parties ont donc convenu, dans le cadre d’une saine et efficace administration de la justice, de débattre de cette question constitutionnelle avant le début de la présentation de la preuve, sur la base de deux scénarios hypothétiques[5].

[34]        Il est juridiquement possible de contester la validité constitutionnelle d’une loi sur la base de scénarios hypothétiques qualifiés de « raisonnables » étant donné qu’une « loi ne saurait être rendue inopérante sur la base de pures conjectures[6] ».

[35]        Les scénarios doivent donc être raisonnablement susceptibles de se présenter dans le cadre de l’application générale et habituelle de la loi[7]

[36]       Le requérant soumet les cas hypothétiques raisonnables suivants :

a.    Un homme abuse psychologiquement sa femme pendant des années. Un jour, alors qu’elle coupe de la nourriture en vue de faire le repas, l'homme la tourne au ridicule en utilisant des insultes et des railleries dont il sait qu’elles vont fortement l’affecter. Couteau en main, elle le poignarde à mort ;

b.    Une personne de couleur ou pratiquant une religion particulière, qui a par le passé subi des pertes personnelles, familiales ou communautaires en raison de la violence raciale ou sectaire, se fait lancer des insultes haineuses et violentes sur la base de la couleur de sa peau ou de sa religion par un sympathisant néonazi ou autre, et y répond par la violence létale.

[37]       Dans ces deux cas, les accusés ne pourraient bénéficier de la défense de provocation, en raison du libellé du par. 232(2) C. cr., puisque l'acte provocateur n’est pas un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans et plus.

[38]       Les accusés seraient donc passibles d’une peine minimale d’emprisonnement à perpétuité, sans pouvoir faire valoir les effets atténuants de leur perte de contrôle tant au chapitre de leur responsabilité pénale qu'au niveau de leur peine, ce qui affecte leur droit à la liberté prévu à l’art. 7 de la Charte.

[39]       Une fois qu’il est démontré une atteinte à la vie, la liberté ou à la sécurité de personne, le Tribunal doit évaluer si cette privation est conforme aux principes de justice fondamentale[8].

[40]        Il appartient au requérant de démontrer la violation ou de la négation des droits ou libertés que lui confère la Charte, selon la norme de persuasion de la prépondérance des probabilités[9].

3.1  L’atteinte à la liberté de la personne selon l’article 7 de la Charte

[41]        La provocation est une défense partielle qui permet de réduire une déclaration de culpabilité de meurtre, laquelle est passible d’une peine minimale d’emprisonnement à perpétuité (art. 235 C. cr.), à celle d’homicide involontaire coupable (art. 236 C. cr.) qui ne prévoit pas une telle peine minimale[10].

[42]       Voici le libellé actuel du par. 232(2) C. cr. définissant la nature et la portée de la défense de provocation :

232 (2) Une conduite de la victime, qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus, de telle nature qu’elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser est une provocation pour l’application du présent article si l’accusé a agi sous l’impulsion du moment et avant d’avoir eu le temps de reprendre son sang-froid.

[Soulignement ajouté]

[43]       L’ancienne version du par. 232(2) C. cr. était rédigée ainsi :

232. (2) Une action injuste ou une insulte de telle nature qu’elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser, est une provocation pour l’application du présent article, si l’accusé a agi sous l’impulsion du moment et avant d’avoir eu le temps de reprendre son sang-froid.

[Soulignement ajouté]

[44]       Toutes les parties reconnaissent que dans certaines circonstances, la nouvelle condition sous-jacente requise par le paragraphe 232(2) C. cr. est de nature à porter atteinte à la liberté d’une personne accusée compte tenu de la peine minimale d’emprisonnement à perpétuité en cas de condamnation.

[45]       Il convient ainsi de passer immédiatement à l’analyse des principes de justice fondamentale.

3.2  La conformité avec les principes de justice fondamentale

[46]        La formulation de l’objet d’une règle de droit permet d’évaluer sa conformité avec les principes de justice fondamentale qui, en l'espèce, sont les suivants :

1)    La portée excessive : le moyen choisi par le Parlement ne doit pas être trop grand et faire ainsi obstacle à un comportement qui n’a aucun lien avec l'objectif de la loi;

2)    Le caractère arbitraire : il doit exister un lien entre son effet et son objet;

3)    Le caractère totalement disproportionné de la règle de droit face à l’objectif de l’État[11].

[47]        Le requérant soulève la portée excessive et le caractère arbitraire de la nouvelle exigence législative de la défense de provocation.

[48]        La première étape de l'analyse exige de circonscrire l’objectif de la loi[12] alors que la deuxième requiert de bien distinguer les effets qui découlent des moyens pris par le législateur pour réaliser cet objectif[13].

3.2.1       L’objectif de la loi

[49]        Voici, tel qu’énoncé par la Cour suprême dans l’arrêt Moriarity, les considérations utiles pour dégager l’objectif du législateur dans le cadre d’une analyse portant sur l’art. 7 de la Charte:

·        Ne pas confondre l’objectif et le moyen retenu pour l’atteindre[14];

·        L’objectif de la règle de droit doit être qualifié en fonction du bon degré de généralité[15];

·        L’objectif doit être à la fois succinct et précis[16];

·        L’objectif doit être considéré comme « valide », approprié et légitime dans l’analyse  de la portée excessive en fonction de l’article 7 de la Charte[17].

[50]        La détermination de l’objectif de la règle de droit exige de tenir compte de (1) son énoncé dans le texte de loi lorsqu’il existe, (2) du texte, du contexte et de l’économie de la loi, et (3) des éléments de preuve extrinsèques, tels que l’historique du texte de loi et son évolution[18].

3.2.1.1        L’énoncé de l’objectif, le texte, le contexte et l’économie de la loi

[51]        La Loi ne renferme aucun exposé explicite de son objectif législatif, mais son intitulé abrégé donne à penser qu’elle vise à éliminer certaines pratiques culturelles à l’endroit des femmes.

[52]        Le titre abrégé qui a été donné à cette loi modificatrice est la « Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares[19] ».

[53]        Le projet de loi S-7 a servi à modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d’autres lois en conséquence.

[54]       La PGQ fait remarquer que rien n’indique dans le par. 232(2) C. cr. que la défense de provocation est réservée aux cas spécifiques de crimes d’honneur et elle plaide qu’en aucun cas cet amendement ne s’est voulu restreint aux seules « pratiques culturelles barbares » allant à l’encontre des valeurs canadiennes, contrairement aux prétentions du requérant.

[55]       Elle ajoute que le titre abrégé d’une loi, qui pourrait être qualifiée de loi                                   « omnibus » selon elle, ne saurait à lui seul déterminer l’objectif législatif d’une disposition qu’elle contient.

[56]        Néanmoins, le sommaire de la Loi nous révèle, du moins en partie, les intentions du législateur. On peut y lire ce qui suit :

La partie 1 modifie la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés de façon à prévoir l’interdiction de territoire d’un résident permanent ou d’un étranger pour pratique de la polygamie au Canada.

La partie 2 modifie la Loi sur le mariage civil afin d’y prévoir l’exigence légale du consentement libre et éclairé au mariage ainsi que celle de la dissolution ou de l’annulation de tout mariage antérieur avant qu’un nouveau mariage puisse être contracté. (…)

La partie 3 modifie le Code criminel afin :

·       a) de clarifier que le fait, pour un célébrant, de célébrer sciemment un mariage en violation du droit fédéral constitue une infraction;

·       bd’ériger en infraction le fait de célébrer un rite ou une cérémonie de mariage, d’y aider ou d’y participer, sachant que l’une des personnes qui se marient le fait contre son gré ou n’a pas atteint l’âge de seize ans;

·       c) de prévoir que constitue une infraction le fait de faire passer à l’étranger un enfant avec l’intention qu’y soit commis un acte qui, s’il était commis au Canada, constituerait l’infraction de célébrer un rite ou une cérémonie de mariage, d’y aider ou d’y participer, sachant que l’enfant se marie contre son gré ou est âgé de moins de seize ans;

·       d) de prévoir qu’un juge peut ordonner qu’une personne contracte l’engagement, assorti de conditions, de ne pas troubler l’ordre public et d’observer une bonne conduite en vue de l’empêcher de commettre l’infraction relative au mariage d’une personne contre son gré ou d’une personne âgée de moins de seize ans ou l’infraction de faire passer à l’étranger un enfant avec l’intention qu’y soit commis un acte qui, s’il était commis au Canada, constituerait l’une de ces infractions;

·       ede limiter la défense de provocation aux situations où la victime a eu une conduite qui constituerait un acte criminel prévu au Code criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus. [20]

[Soulignement ajouté]

[57]        Dans chacune des modifications apportées à ces lois, soit la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil ainsi que le Code criminel, il y a un lien constant : le contexte conjugal ou relationnel.

[58]        Seule la modification liée à la défense de la provocation ne réfère pas directement au contexte conjugal ou relationnel.

[59]        Ceci considéré, il convient maintenant d’examiner l’évolution historique de la défense de provocation ainsi que les débats parlementaires et sénatoriaux précédant l’adoption du projet de loi S-7.

3.2.1.2        LES ÉLÉMENTS DE PREUVE EXTRINSÈQUES
3.2.1.2.1        L’évolution de la défense de provocation

[60]        La défense de provocation s’applique uniquement lorsque la poursuite a démontré que l’accusé a l’intention requise pour commettre un meurtre et qu’il y a donné suite[21]

[61]        Ainsi, ce moyen de défense n'écarte pas la nécessité de prouver l'intention de tuer, mais elle peut constituer une excuse ayant pour effet de réduire l'accusation de meurtre à celle d'homicide involontaire coupable[22].

[62]       Avant l’adoption de la modification législative du par. 232(2) C. cr., la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Tran, avait résumé ainsi les conditions d’ouverture de la défense de provocation :

1)    Le volet objectif de la provocation implique une action injuste ou une insulte qui doit être suffisante pour priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser[23];

2)    Le volet subjectif implique que l’accusé doit avoir agi en réaction à la provocation et sous l’impulsion du moment, sans avoir eu le temps de reprendre son sang-froid[24].

[63]       La défense de provocation est issue de la common law et est incluse dans le Code criminel depuis son adoption en 1892. Le texte de loi n’a pas été modifié de façon substantielle avant l’adoption du projet de loi S-7[25].

[64]       Cette défense a cependant évolué avec le temps et différentes restrictions se sont ajoutées en fonction de son application dans la jurisprudence. Voici les propos de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Cairney quant à l’évolution historique de ce moyen de défense :

[29] Avec le temps, les catégories créées pour circonscrire l’accès au moyen de défense ont cédé le pas à une norme formelle, de sorte que celui qui invoquait la provocation devait respecter la norme de la maîtrise de soi dont était censé faire preuve un « homme raisonnable » (R. c. Welsh (1869), 11 Cox C.C. 336; Tran, par. 16).

 

[30] De plus, la common law a refusé de faire bénéficier du moyen de défense l’accusé qui avait délibérément recherché la provocation afin de disposer d’un prétexte pour assassiner autrui (Mason’s Case (1756), Fost. 132, 168 E.R. 66; A. J. Ashworth, « Self-Induced Provocation and the Homicide Act », [1973] Crim. L.R. 483, p. 484-485).  Par exemple, dans l’affaire Mason, après avoir été vaincu par sa victime lors d’une bagarre dans une taverne, l’accusé était retourné sur les lieux, un couteau dissimulé sur lui, et il avait de nouveau invité la victime à se battre.  Celle-ci avait tenté de frapper l’accusé, lequel avait alors sorti son couteau.  La cour a statué que l’accusé n’avait pas vraiment été provoqué par les coups de la victime, mais qu’il avait plutôt recherché la provocation afin de disposer d’un prétexte pour assassiner autrui.

[31] Au Canada, ces mesures propres à la common law pour circonscrire l’ouverture du moyen de défense ont été intégrées à la codification de la défense de provocation (Code criminel, 1892, S.C. 1892, ch. 29, art. 229) et subsistent toujours.  Le paragraphe 232(2) du Code criminel énonce l’exigence objective établie par la common law, à savoir que seule une action injuste ou une insulte « de telle nature qu’elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser » est une provocation.  Le paragraphe 232(3) fait obstacle à la provocation « recherchée » comme moyen de défense et dispose que « nul n’est censé avoir provoqué un autre individu [. . .] en faisant une chose que l’accusé l’a incité à faire afin de fournir à l’accusé une excuse pour causer la mort ou des lésions corporelles à un être humain ».[26]

[65]        Cette évolution historique de la défense de provocation n’a toutefois jamais modifié l’exigence de définir les éléments objectifs et subjectifs permettant son application.

[66]        Il appartient au jury de trancher les questions de fait, mais il incombe au juge du procès de déterminer d’abord l’existence de quelque élément de preuve qui pourrait permettre à un jury de conclure qu'il y a eu provocation. Il appartient ensuite au jury de décider du poids de cette preuve.

[67]        Avant l’adoption du projet de loi S-7, le juge du procès tenait « compte de la nature de l'action injuste ou de l'insulte ainsi que de la façon dont cette action ou insulte [devait] être considérée dans le contexte de l'affaire[27] » avant d’accepter de soumettre cette défense au jury.

[68]        Il s’agissait là d’un rempart qui permettait d’éviter de donner ouverture à une défense qui ne respectait pas les critères minimaux de la loi.

[69]        Par ailleurs, une conclusion de droit ou de fait écartant cette défense n’a jamais fait en sorte que le geste provocateur dispense le ministère public d'établir l'intention requise pour l'accusation de meurtre.

[70]        En effet, le fardeau de la poursuite en matière de meurtre est de prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé a commis un acte illégal ayant causé la mort de la victime alors qu’il avait formé l’intention requise pour qu’il y ait meurtre.

[71]        Avant la modification législative, une « action injuste ou une insulte de telle nature qu’elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser situation » qui ne correspondait pas à la définition d’un geste provocateur au sens du par. 232(2) C. cr., pouvait néanmoins être considérée au chapitre de l’intention criminelle nécessaire à la commission d’un meurtre.

[72]        De ce fait, un geste, qu’il soit qualifié ou non de provocateur, pouvait susciter un doute raisonnable au niveau du meurtre. De plus, il pouvait neutraliser le propos délibéré et ainsi réduire une accusation de meurtre au premier degré à un meurtre au deuxième degré[28].

[73]        Cette situation demeure inchangée suite aux modifications du par. 232(2) C. cr., et un acte qui ne peut être qualifié de provocateur peut tout de même servir à soulever un doute raisonnable au niveau de l’intention criminelle ou du propos délibéré, qu’il s’agisse d’un contexte de meurtre d’honneur ou non[29].

[74]        Néanmoins, la PGQ suggère que la modification apportée par la Loi poursuit un courant de modernisation qui tend à exiger que l’acte provocateur soit désormais un acte illégal, réprouvé moralement par la société, et intrinsèquement grave.

[75]        Il est vrai que le contexte social, tant au Canada qu’à l’étranger, a changé et que le concept de la défense de provocation a évolué de façon à correspondre aux normes sociales contemporaines et, en particulier, aux valeurs consacrées par la Charte puisque la notion d’insulte suffisant à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser n’est pas figée dans le temps[30].

[76]        En effet, l’élément objectif de cette défense implique qu’elle dépend des valeurs et des normes sociales courantes dont « le regard différent que jette la société sur la nature de l’union maritale et le fait que, de nos jours, celle-ci se solde souvent par une séparation[31] ».

[77]        Or, il est essentiel d'établir la distinction suivante : l’élément objectif de la défense de provocation et l’objectif de la Loi sont deux choses différentes.

[78]        Le 4 novembre 2014, le communiqué de presse émis par le Gouvernement du Canada annonçait le dépôt du projet de loi visant à renforcer les lois canadiennes dans le but d’empêcher les pratiques culturelles barbares en sol canadien (Loi S-7). Ce texte révèle une manifestation non équivoque de s’attaquer aux meurtres d’honneur et aux homicides en matière conjugale ou familiale :

La Loi modifierait la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), la Loi sur le mariage civil et le Code criminel. Elle permettrait d’offrir plus de protection et de soutien aux immigrants vulnérables, principalement les femmes et les jeunes filles, notamment en :

(…)

limitant la défense de provocation afin qu’elle ne s’applique pas aux cas de meurtres « d’honneur » et à de nombreux cas d’homicides conjugaux;

(…)

Ces changements s’appuient sur les initiatives fédérales existantes qui offrent un soutien, une protection et des services essentiels aux nouveaux arrivants au Canada, particulièrement aux femmes et aux jeunes filles immigrantes.[32]

[Soulignement ajouté]

[79]       Voyons maintenant les débats parlementaires et sénatoriaux qui ont succédé à ce communiqué de presse du Gouvernement du Canada.

3.2.1.2.2        Les débats parlementaires

[80]        Comme indiqué par la Cour suprême dans Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (procureur général), « bien que les débats parlementaires soient admis en preuve et soient pertinents quant au contexte et à l’objet d’un texte législatif, les tribunaux ne doivent pas oublier que leur fiabilité et leur poids sont limités[33] »

[81]        C’est avec cette précaution que les débats parlementaires et sénatoriaux seront analysés dans le cadre de la preuve extrinsèque visant à formuler l’objet de la loi S-7.

[82]        Voici les propos de l’honorable Salma Ataullahjan qui propose que le projet de loi S-7 soit lu pour la deuxième fois aux débats du Sénat, le 14 novembre 2014 :

Les dispositions du projet de loi modifieraient également le Code criminel pour lutter contre les meurtres d’honneur, des actes de violence prétendument motivés par l’honneur visant des membres de la famille — d’ordinaire des femmes et des jeunes filles — perçus comme ayant déshonoré la famille. En général, les meurtres d’honneur sont prémédités et commis avec un certain degré d’approbation de la famille ou des membres de la communauté.

Cependant, dans certains cas, il pourrait s’agir de meurtres spontanés en réponse au comportement de la victime, perçu comme étant irrespectueux, insultant ou préjudiciable à la réputation de la famille. Aux termes du Code criminel, toute personne accusée de meurtre peut invoquer la défense de la provocation pour essayer de faire réduire l’accusation à un homicide involontaire coupable.

 

Autrement dit, l’accusé peut faire valoir que le comportement de la victime a provoqué chez lui un accès de colère et qu’il était dans cet état lorsqu’il l’a assassinée. Cette défense a été invoquée, sans succès, dans plusieurs cas de meurtres d’honneur au Canada. Des personnes accusées de meurtre ont fait valoir que l’infidélité, le manque de respect, le mépris ou le comportement insultant de la victime à l’égard de son époux, de son frère ou de ses parents a provoqué l’assassinat. Autrement dit, un père, par exemple, pourrait faire valoir que le comportement déshonorant de sa fille l’a tellement irrité qu’il a été obligé de la tuer. Les dispositions du projet de loi S-7 modifieraient le Code criminel de sorte que le comportement légitime de la victime ne pourrait pas légalement être considéré comme étant une provocation. Il est tout simplement contraire aux valeurs canadiennes que le comportement légitime d’une personne, peu importe s’il est perçu comme étant insultant, puisse être utilisé pour excuser son assassinat. Honorables sénateurs, le projet de loi S-7 renforcerait notre législation pour protéger les Canadiens et les nouveaux arrivants au Canada contre des pratiques culturelles barbares.[34]

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[83]        Devant le Comité permanent des droits de la personne du Sénat tenu le 11 décembre 2014, l’honorable Chris Alexander, qui parraine ce projet de loi à titre de ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, indique ceci dans sa déclaration préliminaire :

Certaines mesures du projet de loi modifieraient également le Code criminel de façon à s’attaquer aux meurtres dits d’honneur. La violence dite d’honneur est généralement perpétrée à l’encontre de membres de sa famille — souvent des femmes et des filles — que l’on juge avoir apporté la honte ou le déshonneur sur la famille. N’oublions pas qu’étant donné le nombre toujours aussi important de crimes commis au Canada par des personnes qui connaissent leurs victimes qui, dans bien des cas, sont même apparentées à ces victimes, toute cette dimension du sens de l’honneur, de la dynamique des relations personnelles entre l’agresseur et sa victime sont très importante. Les crimes d’honneur sont habituellement prémédités et commis avec une certaine approbation — et parfois, avec la participation — de membres de la famille ou de la communauté.

Cependant, dans certains cas, on peut prétendre que ces crimes constituent des meurtres spontanés en réaction à un comportement de la victime perçu comme étant irrespectueux, insultant ou néfaste pour la réputation de la famille. En vertu du Code criminel, toute personne accusée de meurtre et reconnue coupable de l’avoir effectivement commis peut invoquer la défense de provocation dans le but de faire réduire la gravité du crime à une infraction moindre d’homicide involontaire.

(…)

Cette défense a été invoquée dans plusieurs cas de crimes dits d’honneur au Canada. Des meurtriers accusés ont affirmé qu’une infidélité conjugale, un manque respect, une attitude de défi ou un comportement insultant à leur endroit de la part de l’époux ou du parent victime avait provoqué le meurtre, que cette perception ait été avérée ou non. En tant que société, nous devons envoyer un signal clair selon lequel ce genre de raisonnement et ce genre d’actes sont inacceptables et entraîneront une pénalité grave.

Des mesures du projet de loi S-7 modifieraient le Code criminel de sorte que le comportement de la victime ne puisse pas être juridiquement considéré comme de la provocation. Le projet de loi S-7 renforcerait nos lois de façon à protéger les Canadiens et les nouveaux arrivants au Canada contre les pratiques culturelles barbares. Nous sommes un pays accueillant pour des centaines de milliers de nouveaux immigrants chaque (p. 14 :19) année. La grande majorité de ces nouveaux arrivants enrichissent notre pays de leurs idées, leur énergie et leurs cultures. Ils apprennent très vite et sont ravis d’avoir la possibilité de vivre sous la protection de nos lois. Pour les rares personnes qui tentent de promouvoir des pratiques culturelles barbares perpétuant la violence, nous devons offrir une réponse sans équivoque. L’entrée en vigueur du projet de loi S-7 enverrait un message fort aux personnes se trouvant au Canada ou souhaitant y venir, selon lequel le Canada ne tolérera pas les pratiques culturelles qui portent atteinte aux droits de la personne sur son territoire. Nous ne tolérerons pas les personnes qui invoqueront leurs pratiques culturelles en tant qu’excuse pour commettre des actes barbares à l’endroit de femmes et de jeunes filles, perpétuant ainsi la violence faite aux femmes. Ces pratiques ne seront pas tolérées en sol canadien.[35]

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[84]        Lors de cette même séance du 11 décembre 2014, il y a cet échange entre la présidente du Comité et Joanne Klineberg, avocate-conseil à la Section de la politique en matière de droit pénal de Justice Canada :

La présidente : Deuxièmement, cet article sur la provocation s’applique à tous les Canadiens. On y définit le motif de provocation pour tous les Canadiens. Ce n’est pas simplement pour les Canadiens ou les résidents permanents qui sont impliqués dans un crime d’honneur. N’est-ce pas exact?

Mme Klineberg : C’est exact, ça aussi.

La présidente : Je sais que le ministre l’a affirmé, mais je veux que cela soit consigné par écrit. Il n’y a jamais eu de procès dans notre pays qui ait été gagné pour le motif que l’accusé avait fait l’objet d’une provocation. Est-ce exact?

Mme Klineberg : C’est exact, madame la présidente, mais j’ajouterai simplement qu’il est arrivé qu’on l’invoque avec succès dans des affaires mettant en cause des hommes qui avaient...

La présidente : Vous l’avez déjà dit[36].

[Soulignement ajouté]

[85]        Encore le 11 décembre 2014, il y a eu cet échange entre le sénateur Eggleton et Me Klineberg :

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de bien comprendre. Ce projet de loi vient du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Il est soumis à notre examen sous l’angle de crimes d’honneur à caractère culturel présumés de pratique courante chez certaines personnes dans certaines communautés dans le monde, et certaines de ces personnes en commettent ou y croient aussi au Canada.Est-ce que vous dites que la législation, telle que modifiée ici, s’appliquera à tous les cas de provocation?

Mme Klineberg : Oui, mais je soulèverais une question plus fondamentale, soit que la législation vise les pratiques. Elle ne vise pas les communautés, comme je crois que le ministre l’a affirmé. Il est question de la pratique d’excuser le meurtre sur la base d’une décision, par exemple pour mettre fin à une relation, une infidélité réelle ou perçue ou des insultes verbales. Dans la plupart des dossiers où ces faits sont évoqués et que c’est la nature de la provocation alléguée, les accusés sont des hommes qui ont tué leur partenaire actuelle ou passée. Je veux simplement dire qu’il est question de violence à l’endroit des femmes, ce qui est le moteur de cette législation par rapport à ces pratiques culturelles barbares, mais il est question également d’un enjeu qui affecte tous les Canadiens tous les jours.

La défense de provocation appelle la compassion pour la violence masculine à l’endroit des femmes sous toutes ses formes au quotidien, donc ces éléments sont traités ensemble parce qu’ils sont perçus comme étant tous en lien avec la violence faite aux femmes. Ils sont donc liés.

Le sénateur Eggleton : Je trouve bizarre que cela se trouve dans un projet de loi parrainé par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, s’il a une portée générale plutôt qu’une application particulière, soit le point de départ de la démarche. [37]

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[86]        Et voici d’autres échanges révélateurs tenus le 11 décembre 2014, entre la Présidente, les membres du Sénat et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, devant le Comité permanent des droits de la personne du Sénat :

La Présidente : Vous en avez glissé un mot dans votre exposé, mais pourquoi avoir choisi un titre comme « Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares »?

M. Alexander : Parce que nous considérons la violence contre les femmes comme étant barbare. [38]

(…)

La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Alexander, merci d’être venu ici. Au sujet de ce projet de loi, certains ont allégué qu’il ciblait une certaine communauté ou ethnicité. Est-ce vrai? Avez-vous tenu des consultations sur ce projet de loi et que vous ont dit les parties consultées?

M. Alexander : Il cible un groupe très précis — les personnes qui commettent des actes de violence envers les femmes, forcent des filles à se marier contre leur gré, pratiquent la polygamie, se font passer pour d’autres dans nos programmes d’immigration et, à l’étranger, pour des membres de la famille aux fins de réunification familiale — ceux qui disent «J’emmène ma sœur ou ma cousine ». Il cible les personnes qui, sous le prétexte de vouloir sauver l’honneur de la famille, commettent toutes sortes de violences, pas seulement des meurtres, au sein de leur propre foyer[39].

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[87]        Le 17 février 2015, le ministre Chris Alexander indique ceci dans sa déclaration visant à amener ce projet de loi en deuxième lecture afin qu’il soit renvoyé à un comité:

Le projet de loi prévoit également des mesures qui modifieraient le Code criminel, afin de prévenir ce qu'on appelle des meurtres d'honneur. Malheureusement, de tels cas se sont produits bien trop souvent dans notre pays. En fait, même s'ils ne sont pas légion — quelques dizaines de cas au cours des dernières décennies —, on en a dénombré davantage ces 10 ou 15 dernières années que dans les 20 années précédentes, selon les études disponibles. Les actes de violence prétendument motivés par l'honneur visent habituellement des membres de la famille — d'ordinaire des femmes ou des jeunes filles — perçus comme ayant humilié ou déshonoré la famille.

Ces meurtres au nom de l'honneur sont habituellement prémédités et commis avec un certain niveau d'approbation de la part de membres de la famille et de la communauté, et parfois avec leur participation.

Toutefois, dans certains cas, on pourrait dire qu'il s'agissait d'un acte spontané en réaction à un comportement de la victime qui a été perçu comme irrespectueux, insultant ou pouvant porter atteinte à la réputation de la famille. En vertu du Code criminel, quiconque est accusé et reconnu coupable de meurtre peut invoquer la provocation en espérant une réduction de l'accusation à celle d'homicide involontaire coupable. En vertu du projet de loi S-7, ce ne serait plus possible.

Nous pensons qu'ensemble ces mesures représentent un important pas en avant pour contrer les pratiques barbares qui sont trop courantes dans le monde aujourd'hui et qui sont encore présentes au Canada. Je suis reconnaissant de pouvoir les présenter à la chambre.

(…)

Je suis très conscient des témoignages offerts en comité. Nous avons toujours vu, que ce soit concernant l'immigration ou le Code criminel, des groupes soi-disant spécialisés dans tel ou tel domaine dire qu'on n'a pas besoin de légiférer, qu'on devrait leur laisser le soin de s'occuper de cela et qu'ils vont résoudre le problème, sans que personne du système de justice et du système de l'immigration soit obligé de s'ingérer. On a essayé cette méthode pendant de longues décennies. Les mariages forcés et les mariages précoces continuent, la polygamie continue, les crimes d'honneur continuent dans plusieurs cas. Le temps est venu d'offrir aux femmes et aux filles victimes de ces crimes le même degré de protection que celui offert aux citoyens canadiens dans tous les autres domaines, pour ce qui est de tous les autres crimes. Il faut la force du Code criminel et il faut la force de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés pour prévenir ces pratiques barbares et ces crimes. Il n'y a pas d'autre moyen d'assurer une bonne protection que de légiférer de la façon que nous nous apprêtons à le faire.[40]

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

 

[88]       Le 17 février 2015, à la question du sénateur Eggleton : « Le projet de loi, si je comprends bien, et corrigez-moi si j’ai tort, ne s’occupe que des références culturelles quant au recours à la défense de provocation. Est-ce exact? », l’avocate Joanne Klineberg répond ceci :

Les universitaires canadiens dont j’ai déjà parlé, qui se sont penchés sur le recours à la défense de provocation dans les dossiers de crimes d’honneur, se sont donné beaucoup de mal et sont tous d’accord pour dire que lorsque nous nous intéressons uniquement aux dossiers de crime d’honneur et que nous nous persuadons que c’est correct et que ce moyen de défense n’a pas été fructueux à ce jour, nous nous persuadons presque, dans un certain sens, de croire que le fonctionnement de cette défense, hors du contexte des crimes d’honneur, est tout à fait en conformité avec les valeurs canadiennes, en particulier au regard de l’égalité des sexes. Ces universitaires affirment que l’examen de la manière dont cette défense est assurée au Canada et des dossiers où elle est quelquefois fructueuse montre que cette défense excuse les homicides conjugaux sur un partenaire présent ou passé pour cause de simples insultes à l’occasion, de sorte qu’elle n’est pas en conformité avec ces mêmes valeurs qui préoccupent les tribunaux dans un contexte de crime d’honneur. En fait, ce qu’ils affirment, c’est que la façon dont fonctionne la défense dans la culture canadienne dominante constitue une défense culturelle. C’est en fait une défense basée sur l’honneur.

La défense fondée sur la provocation tire son origine de la common law des années 1600, une époque où la loi considérait la femme comme la propriété de son époux. De fait, l’une des grandes catégories de provocation de l’époque englobait le cas du mari qui prend son épouse en flagrant délit d’adultère avec un autre homme; les tribunaux qualifiaient l’adultère de la plus grave atteinte à la propriété de l’homme. Voilà l’histoire et l’origine de la défense de provocation. En fait, j’aimerais ajouter qu’au début de la common law, c’était une défense fondée sur l’honneur. Ce n’était pas une défense fondée sur le manque de maîtrise de soi.

Cette défense affirmait qu’un homme qui tue dans certaines circonstances pose un geste normal pour recouvrer son honneur. Voilà l’origine de la défense fondée sur la provocation dans la common law.

À un moment de l’histoire de la common law, ce moyen de défense en est venu à évoquer la perte théorique de la maîtrise de soi pour cause de provocation, par opposition au meurtre, considéré comme une réponse adéquate à un comportement ayant bafoué l’honneur de l’homme; cependant, si vous lisez les dossiers, vous constaterez qu’on renvoie aux notions d’honneur et de fierté personnelle de l’homme[41].           

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[89]        Des propos similaires ont été tenus devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes, le 31 mars 2015, par le ministre Chris Alexander qui a aussi référé à l’affaire Shafia[42], laquelle impliquait des meurtres d’honneur[43].

 

[90]        À cette occasion, le ministre Alexander indique également ceci :

C'est parce que nous trouvons que la violence est quelque chose de barbare. Nous constatons que des gens, de toutes sortes d'origines et de toutes sortes de religion, la justifient parfois au nom de la culture, de la tradition ou de la famille. Des études qui ont été faites jusqu'à maintenant le démontrent. Pour notre part, nous voulons dire que la défense de la violence au nom de la culture n'est pas acceptable. Cette culture de la violence n'est pas acceptable[44].

[Soulignement ajouté]

[91]        Lors des débats de la Chambre des communes tenus le 16 juin 2015, le ministre Chris Alexander propose que le projet de loi S-7 soit lu pour la troisième fois et adopté. Il est dit ceci :

Nous limitons aussi la défense de provocation, car l'honneur, peu importe la forme qu'il prend, ne justifie en aucun cas les actes violents. Nous ne voulons pas qu'un accusé ou son avocat puisse, publiquement ou devant les tribunaux, invoquer le déshonneur pour justifier un crime. Aucune parole, aucune insulte, aucune faute ni aucun manquement au devoir conjugal ne peut justifier les actes violents[45].

[Soulignement ajouté]

[92]        Selon la PGQ, l’amendement au paragraphe 232(2) C. cr. vise essentiellement à supprimer du droit canadien la défense de provocation lorsque l’acte provocateur n’est pas un acte violent et d’une gravité objective élevée. Elle réfère aux propos de Joanne Klineberg, avocate-conseil à Justice Canada à la section de la politique en matière de droit pénal, tenus lors des débats au Sénat :

La manière dont cette défense fonctionnera à l’avenir, ce sont tous les aspects de la jurisprudence qui continueront de s’appliquer. C’est uniquement la nature de la conduite provocante qui sera circonscrite, peu importe ce qui a provoqué l’accusé; par exemple, sa femme a mis fin à la relation et au moment de franchir le seuil de la porte, elle a tourné au ridicule sa performance sexuelle. Ça s’est produit. La défense fondée sur la provocation ne serait pas applicable dans un tel cas et ne serait tout simplement pas présentée.

Elle continuera d’être valide lorsque la conduite de la victime représente une forme relativement grave de comportement criminel, par exemple une agression. Les voies de fait simples, des menaces verbales ou toute forme de violence peuvent encore équivaloir à une conduite provocante, ce qui permettra d’invoquer ce moyen de défense[46].

[Soulignement ajouté]

[93]       Toutefois, l’opinion de la PGQ voulant que l’objectif du législateur fût de définir l’acte provocateur comme un geste illégal et d’une gravité objective élevée, se fonde sur une lecture étroite des débats parlementaires et sénatoriaux.

[94]       Il est indéniable à la lecture de tous ces débats que cette modification vise à réprimer les crimes d’honneur à l’endroit des femmes.

[95]        Les professeures Isabel Grant et Debra Parkes, dans un texte intitulé « Equality and the Defence of Provocation : Irreconciliable Differences », commentent les modifications législatives apportées à la défense de provocation[47] et elles soulignent que les femmes ont été désavantagées par l’évolution historique du concept légal de provocation face à la violence masculine. Il n'est donc pas surprenant que la réforme législative paraisse vouloir maximiser la protection des femmes et d’autres groupes marginalisés[48].

[96]        Elles précisent que l’objectif apparent de cette loi vise bel et bien les crimes d’honneur: « The apparent justification for the changes was to prevent perpetrators of so-called "honour killings" from invoking the provocation defence[49]. »

[97]        Le professeur Christopher Nowlin a une opinion similaire. Il mentionne ceci: « Homicidal responses to the slings and arrows of insults and unrequited love can no longer result in manslaughter convictions. Neither can short-tempered honour killings[50]. »

[98]        La Cour suprême de Colombie-Britannique, dans l’affaire Simard[51], a récemment eu à traiter de la même contestation constitutionnelle. À cet égard, des cas hypothétiques identiques à ceux soumis par le requérant ont mené le juge Thompson à conclure que la modification au par. 232(2) C. cr. par la Loi S-7 contrevenait à l’art. 7 de la Charte.

[99]       Le juge Thomson, suite à une analyse minutieuse, a défini l’objectif législatif de la modification législative du par. 232(2) C. cr. de cette façon : « To protect vulnerable women by removing any vestige of "honour" as a basis for invoking the provocation defence[52]. »

[100]    La PGQ plaide que le juge Thomson a effectué une analyse partielle de la preuve extrinsèque ce qui l’a mené à déterminer un objectif étroit, ce qui constitue une erreur qui vicie le reste de son analyse.

[101]    Selon la PGQ, seuls les actes violents et graves, réprouvés par la société canadienne, sont désormais admis aux fins de l’administration de ce moyen de défense.

[102]    Cette interprétation se rapporte plutôt à l’effet de la loi et non à l’objet que vise cette modification. La position de la PGQ fait également fi de l’évolution de cette défense dans la jurisprudence puisque son application n’a jamais été stagnante.

[103]    C’est ce que souligne la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Cairney :

[24] En common law, comme sous le régime de l’art. 232 du Code criminel, la défense de provocation comporte deux éléments, l’un subjectif, l’autre objectif.

[25] À l’origine, il suffisait que l’accusé ait perdu la maîtrise de soi à cause des actes du défunt.  Il s’agissait de l’élément subjectif, la question étant alors seulement de savoir si l’accusé avait en fait (c’est-à-dire subjectivement) perdu la maîtrise de soi par suite des actes de la victime.

[26] Puis, graduellement, afin de circonscrire l’ouverture du moyen de défense, on a exigé que l’acte de provocation soit susceptible de priver une personne raisonnable (ou ordinaire) du pouvoir de se maîtriser.  L’élément objectif était né.

[27] Selon les premières décisions judiciaires, il suffisait d’établir l’élément subjectif.  Le moyen de défense était issu de la notion, datant du 16e siècle, d’homicide lors d’une « mêlée imprévue » (chance-medley), un homicide commis [traduction] « accidentellement (sans préméditation) à la suite d’une rixe, bagarre ou dispute soudaine » (E. Coke, The Third Part of the Institutes of the Laws of England :  Concerning High Treason, and Other Pleas of the Crown, and Criminal Causes (1809, publié d’abord en 1644), p. 57; G. Coss, « “God is a righteous judge, strong and patient : and God is provoked every day”.  A Brief History of the Doctrine of Provocation in England » (1991), 13 Sydney L. Rev. 570, p. 573-574).  L’homicide n’était pas prémédité et survenait dans un accès de colère.  On y associait donc un degré de culpabilité morale moindre qu’à celui commis délibérément, de sang-froid (Tran, par. 13).

[28] Or, la common law a tôt fait de circonscrire les cas dans lesquels le moyen de défense pouvait être invoqué, ce dont notre Cour fait état comme suit dans Tran :

. . . les tribunaux se sont employés à accroître la certitude en la matière en créant des catégories précises de « faits provocateurs » jugés suffisamment « importants » pour entraîner la perte de la maîtrise de soi.  Dans l’arrêt de principe R. c. Mawgridge (1707), Kel J. 119, 84 E.R. 1107, le lord juge en chef Holt établit quatre catégories de provocation . . .  [par. 15]

L’application d’un nombre restreint de catégories de faits qui permettaient d’invoquer la défense avait pour prémisse que [traduction] « les gens ne devaient pas céder à certaines provocations et que, s’ils y cédaient, ils devaient subir toute la rigueur de la loi » (A. J. Ashworth, « The Doctrine of Provocation » (1976), 35 Cambridge L.J. 292, p. 295 (en italique dans l’original))[53].

[104]     La formulation de l’objectif d’une loi est différente des moyens choisis pour le réaliser et il importe de considérer son contexte historique pour le faire.

[105]     Il est vrai, comme le souligne la PGQ, que l’objectif devrait présenter un niveau approprié de généralité, mais une formulation trop large est à proscrire.

[106]     C’est ce qu’indique la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Moriarity  lorsqu’elle précise que la formulation de l’objectif requiert de l’énoncer en termes précis et succincts[54].

[107]     L’objectif suggéré par la PGQ n’est pas précis ni succinct et il ne prend pas en considération le contexte conjugal ou relationnel à la base de l’adoption de cette loi.

[108]     Elle suggère que l’objectif vise à proscrire « que la défense de provocation soit invoquée comme prétexte lorsque l’acte provocateur allégué est constitué de paroles, d’actes légaux et/ou d’actes illégaux de faible gravité, perçus comme injures ou insultes par l’accusé, peu importe le contexte de l’affaire[55] ».

[109]     Elle résume son opinion en affirmant que le but de cette loi est de supprimer du droit canadien la possibilité d’invoquer la défense de provocation dans le cas où l’acte provocateur n’est pas un acte violent et d’une gravité objective élevée » [56].

[110]    Néanmoins, les infractions suivantes sont des actes criminels passibles d’un emprisonnement de moins de cinq ans et peuvent constituer des actes violents, tel que discuté par le professeur Kent Roach :

·        Article 73 : Prise de possession et détention par la force;

·        Article 89 : Port d’arme à une assemblée publique;

·        Article 127 : Désobéissance à une ordonnance du tribunal;

·        Article 173 : Actions indécentes et exhibitionnisme;

·        Article 176 : Gêner ou arrêter un ministre du culte, ou lui faire violence;

·        Article 319 : Incitation publique à la haine et fomenter volontairement la haine;

·        Article 372 : Communications indécentes et harcelantes[57].

[111]    Bien que dans certaines circonstances le caractère violent de ces gestes soit indiscutable, ils ne donnent pas ouverture à la défense de provocation.

[112]    La PGQ rétorque que cela appuie sa définition de l’objectif visant un geste provocateur qui soit violent et objectivement grave.

[113]    Toutefois, cette définition de l’objectif suggérée par la PGQ ne tient aucunement compte du contexte conjugal et relationnel auquel réfèrent constamment les participants aux débats parlementaires et sénatoriaux.

[114]    Cet objectif suggéré par la PGQ est plutôt axé sur le moyen choisi par le législateur pour atteindre son but, soit d’éliminer la défense de provocation en l’absence d’un acte d’une certaine gravité.

[115]     Le juge Cromwell dans l’arrêt R. c. Moriarity, précise qu’à l’étape de la formulation de l’objectif législatif, il faut axer l’analyse sur l’objectif lui-même et non sur les moyens pour l’atteindre, sans quoi il n’y aurait plus rien à examiner à l’étape portant sur le lien rationnel dans le cadre de la portée excessive[58].

[116]    De son côté, le requérant propose une définition qui comporte également un niveau de généralité à proscrire. Il est d’avis que l’objectif législatif est d'empêcher que la défense de provocation soit utilisée pour justifier des pratiques culturelles barbares contraires aux valeurs canadiennes, par exemple les crimes d’honneur.

[117]    Cette dernière portion de l’objectif proposé par le requérant ouvre la porte à une multitude de situations contraires aux valeurs canadiennes sans qu’il soit possible de les définir.

3.2.1.3        La formulation de l’objectif

[118]    Dans le cadre de la question dont elle est saisie, la Cour doit se limiter à déterminer l’objectif législatif dans le contexte et l’économie globale de la loi, et elle ne peut s’attarder à la sagesse de cet objectif[59].

[119]     À l'issue de l'examen de ce qui précède et des commentaires du professeur Kent Roach sur l’objet de cette loi [60], le Tribunal conclut que l’objectif du législateur eu égard à la modification du paragraphe 232(2) C. cr. apportée par la Loi est « d’empêcher que le meurtre d’honneur soit réduit à un homicide involontaire coupable ».

3.2.2       La portée excessive

[120]     La portée excessive implique des moyens trop généraux par rapport à l'objectif[61].

[121]     Elle vise également l’absence de lien entre cet objectif et l’effet de la disposition « en faisant tomber sous le coup de son application un comportement qui n’a aucun rapport avec son objectif[62] ».

[122]     C’est le cas en l’espèce puisque le moyen choisi, soit de limiter le geste provocateur à un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus, est tellement général qu’il empêche la défense de provocation dans certains cas qui n’ont rien à voir avec son objectif qui vise à empêcher que le meurtre d’honneur soit réduit à un homicide involontaire coupable.

3.2.2.1         Le moyen trop général par rapport à l’objectif

[123]     Selon la PGQ, la modification législative vise à restreindre l’utilisation de la défense de provocation aux cas de provocation les plus importants.

[124]     Il ne s’agit cependant pas d’une simple restriction. Le législateur interdit complètement d’invoquer cette défense si l’acte provocateur ne répond pas à la nouvelle description qu’il en fait.

[125]     L’objectif suggéré par la PGQ repose sur la prémisse que la loi contestée vise à empêcher une personne accusée de meurtre d’utiliser des paroles, actes légaux ou illégaux de faible gravité, à titre de provocation.

[126]     Toutefois, la rédaction du par. 232(2) C. cr. ne permet pas la réalisation de l’objectif suggéré par la PGQ ni celui formulé par le Tribunal puisqu’elle est trop large pour ne cibler que le meurtre d’honneur.

[127]     Contrairement à ce qu’avance la PGQ, et à ce qu’énonçait le ministre Chris Alexander lorsqu’il a présenté ce projet de loi, le geste qui constituerait un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus ne vise pas uniquement un geste de grave violence.

[128]     Voici un extrait des échanges tenus devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes impliquant le ministre Chris Alexander lorsqu’il réalise que les gestes provocateurs constituant un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus ne sont pas nécessairement des gestes violents :

Quant à la défense fondée sur la provocation, nous sommes persuadés du bien-fondé de la modification proposée. Nous disons que seule une très grave violence de la part de la victime peut constituer une provocation admissible devant un tribunal. Les actes criminels passibles de cinq ans d'emprisonnement ou plus sont des actes violents. N'ai-je pas raison?

L'hon. John McCallum: Non, pas nécessairement.

L’hon. Chris Alexander: Quelles seraient les infractions non violentes?

Me Joanne Klineberg (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Les infractions contre les biens d'une valeur supérieure à 5 000 $…

L'hon. John McCallum: Oui, exactement.

Me Joanne Klineberg: … sont également passibles d'un maximum de 10 ans, de même que l'extorsion, quoique cette infraction implique en général un comportement menaçant. Il y a quelques infractions contre les biens pour lesquelles il resterait possible d'invoquer la provocation.

L'hon. John McCallum: C'est exactement l'argument que j'avançais. Je vous remercie.

L’hon. Chris Alexander: C'est une chose que nous pourrions examiner[63].

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[129]    Or, cet examen, s’il a été fait, n’a jamais mené à une réécriture de la modification législative ciblant les actes violents.

3.2.2.2        L’absence de lien entre l’objectif et l’effet de la disposition qui touche des comportements autres que ceux ciblés

[130]    Les scénarios hypothétiques démontrent l’absence lien de connexité entre l’effet de la loi, qui consiste à interdire cette défense dans toutes les situations impliquant un acte provocateur qui n’est pas un acte criminel passible d'un emprisonnement de cinq ans et plus, et son objectif qui vise à empêcher que le meurtre d’honneur soit réduit à un homicide involontaire coupable.

[131]    Les hypothèses formulées par le requérant impliquent une femme accusée de meurtre, mais qui était également victime de violence conjugale. Cette violence l’a conduite à une perte de contrôle létale suite aux paroles de son conjoint.

[132]    Elle ne pourrait pas invoquer cette défense puisque le geste provocateur n’est pas un acte criminel qui entre dans la définition du par. 232(2) C. cr.

[133]    Or, la Cour suprême dans l’arrêt Lavallée a conclu qu’un diagnostic du syndrome de la femme battue permet de soulever la légitime défense compte tenu des « motifs raisonnables pour appréhender la mort ou quelque lésion corporelle grave » même en l’absence d’attaque physique immédiate puisqu’une appréhension raisonnable suffit[64].

[134]    La Cour suprême rappelle qu’il « est difficile d'exagérer la gravité, voire la tragédie, de la violence domestique[65] ».

[135]     Ainsi, les modifications ne permettent plus à la femme victime de violence conjugale qui réagit par une attaque mortelle incontrôlée face à la violence verbale de son conjoint d’invoquer la défense de provocation afin de diminuer l’accusation de meurtre à celle d’homicide involontaire coupable, et ce même si le syndrome de la femme battue était existant[66].

[136]     Pourtant, dans l’arrêt Lavallée, la Cour suprême précise qu’il « se peut en fait qu'une femme battue soit en mesure de prédire avec certitude que la violence aura lieu avant que le premier coup soit porté, même si une personne étrangère à la situation ne peut le prédire[67] ».

[137]     Dans le premier scénario, la perte de maîtrise de cette femme pourrait constituer une légitime défense en application de l’arrêt Lavallée. Toutefois, elle ne saurait soulever une défense de provocation.

[138]     L’effet de cette disposition législative n’a, d’une part, aucun lien avec son objectif, en ce qu’il ne s’agit pas d’un meurtre d’honneur et, d’autre part, son résultat est d’empêcher cette femme de plaider la provocation afin de diminuer l’accusation de meurtre à un homicide involontaire coupable.

[139]    Le deuxième scénario mène au même résultat puisque l’accusé subit une violence haineuse qui est passible d’un emprisonnement maximal de deux ans en vertu de l’article 319 C. cr.

[140]     De ce fait, un accusé réagissant avec une colère incontrôlée à une injure raciale grave, qui constitue par ailleurs un acte criminel, ne pourrait pas invoquer ce moyen de défense. Cette situation n’a rien à voir avec un meurtre d’honneur et encore ici, il sera impossible de plaider la provocation afin de diminuer l’accusation de meurtre à un homicide involontaire coupable.

[141]     Ces deux scénarios hypothétiques comportent des gestes provocateurs impliquant de la violence conjugale et de la haine basée sur la race ou les croyances religieuses alors que ces comportements sont vivement dénoncés dans la société actuelle[68].

[142]     Le moyen choisi est si large qu’il a pour effet de priver ces personnes de pouvoir invoquer la défense de provocation alors qu’elles sont dans des situations qui n’ont rien à voir avec des meurtres d’honneur et que la loi n’avait pas prévues.

[143]    Suite à cette analyse, le Tribunal considère que le requérant a démontré de façon prépondérante la portée excessive de la modification législative introduite par le projet de loi S-7 au par. 232(2) C. cr.

3.2.3       Le caractère arbitraire de la loi

[144]     Outre la notion de portée excessive, une règle de droit qui limite la liberté de manière arbitraire, trop générale ou exagérément disproportionnée ne respecte pas les principes de justice fondamentale[69].

[145]     La portée excessive et l'imprécision d’une règle de droit sont des concepts différents qui peuvent cependant être connexes puisqu’une loi imprécise peut aussi avoir une portée excessive, ce qui rend difficile de circonscrire l'étendue de son application[70]

[146]     Voici la définition du caractère arbitraire d’une règle de droit telle que formulée par la Cour suprême dans l’arrêt Bedford : « Le principe de justice fondamentale interdisant l’arbitraire vise l’absence de lien rationnel entre l’objet de la loi et la limite qu’elle impose à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne[71]. »

[147]     Cette définition a été précisée de cette façon dans l’arrêt Carter : « Une loi arbitraire est une loi qui ne permet pas la réalisation de ses objectifs. Elle porte atteinte à des droits reconnus par la Constitution sans promouvoir le bien public que l’on dit être l’objet de la loi[72]. »

[148]     Dans l’affaire R. c. Simard[73], la Cour suprême de Colombie-Britannique a conclu que les nouvelles modifications sont arbitraires en ce que les restrictions ne sont pas en mesure d’atteindre leurs objectifs, n’ayant aucune relation avec l’objet de la loi modificatrice.

[149]     Le Tribunal n’est pas du même avis puisqu’il n’a pas été démontré que les effets de la loi n’ont aucun lien avec son objectif.

[150]     Au contraire, et tel que discuté dans les rubriques précédentes, la nouvelle définition du geste provocateur a pour effet, entre autres, d’empêcher la défense de provocation dans des cas d’un meurtre d’honneur, ce qui est exactement l’objectif visé lors de l’adoption de cette modification législative.

[151]    En conséquence, le caractère arbitraire de la nouvelle disposition législative n’a pas été démontré de façon prépondérante.

3.2.4       Le caractère totalement disproportionnel

[152]     Une des questions à se poser dans le cadre de l’analyse fondée sur l’art. 7 est celle de savoir si une disposition législative prive une personne du droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de sa personne.

[153]     La loi qui a un effet totalement disproportionné, même à l’endroit d’une seule personne, suffit pour établir l’atteinte au droit garanti à l’art. 7 de la Charte[74].

[154]     Cette violation n’a pas été soulevée par le requérant dans sa requête et étant donné que le Tribunal a déjà conclu à la portée excessive du par. 232(2) C. cr., il n’est pas nécessaire de répondre à cette question.

[155]     Dans le contexte où cette question est intrinsèquement liée aux effets de la législation sur la liberté des personnes, il convient d’aborder ce principe de justice fondamentale dans le cadre de l’analyse de l’atteinte minimale de l’article premier de la Charte.

3.3  L’incompatibilité avec l’article 7 est-elle justifiée au regard de l’article premier de la Charte?

[156]     La Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Oakes, a établi trois volets qui permettent de déterminer si l’atteinte à un droit est justifiée sur le plan constitutionnel au regard de l’article premier de la Charte :

1)    L’existence d’un objectif urgent et réel;

2)    Les moyens choisis sont raisonnables et leur justification peut se démontrer selon un critère comportant trois éléments, soit : (1) les mesures adoptées ont un lien rationnel avec l'objectif en question, (2) le moyen choisi est de nature à porter « le moins possible » atteinte au droit ou à la liberté en question et (3) il doit y avoir proportionnalité entre les effets des mesures et l'objectif reconnu comme « suffisamment important »;

3)    La gravité des restrictions apportées aux droits et libertés face à l'ampleur de l'atteinte et du degré d'incompatibilité des mesures restrictives avec les principes inhérents à une société libre et démocratique. Une loi qui va trop loin satisfait difficilement au critère de l’atteinte minimale[75].

[157]     Les violations de l’art. 7 ne sont pas facilement justifiables au regard de l’article premier puisque « seules des circonstances exceptionnelles, comme l’éclatement d’une guerre ou une urgence nationale, justifieront une telle violation[76] ». 

[158]    Par ailleurs, bien qu’il soit difficile de justifier une violation à l’article 7 de la Charte sous l’article premier de celle-ci, la Cour suprême a reconnu qu’il est tout de même possible de le faire, par exemple lorsque les intérêts opposés de la société sont eux-mêmes protégés par la Charte, une restriction aux droits garantis par l’art. 7 peut, en fin de compte, être jugée proportionnée à son objectif[77].

[159]    Ce n’est pas le cas en l’espèce et le Tribunal ne peut souscrire à l’argument de la PGQ voulant que cette la portée excessive de la loi constitue une limite raisonnable dans le cadre d’une société libre et démocratique en ce qu’il s’agit d’un choix visant à faciliter l’application de son objet[78].

[160]    À cet égard, la poursuite n’a pas réussi à rencontrer son fardeau prépondérant après l’analyse des critères établis dans l’arrêt Oakes. Il convient de les détailler dans les paragraphes qui suivent.

3.3.1       Le besoin urgent et réel

[161]     L’objet général du paragraphe 232(2) concerne la protection des femmes vulnérables en empêchant que le meurtre d’honneur soit réduit à un homicide involontaire coupable. Il s’agit d’un objectif urgent et réel, comme le concède le requérant.


 

3.3.2       Le lien rationnel avec l’objectif et l’atteinte minimale

[162]    Dans certaines des applications de la modification législative, la mesure adoptée par le législateur au par. 232(2) C. cr., soit l’exigence voulant que l'acte provocateur soit passible d’un emprisonnement de cinq ans et plus, a un lien rationnel avec l'objectif d’empêcher que le meurtre d’honneur soit réduit à un homicide involontaire coupable.

[163]     Cependant, pour les mêmes motifs qui font que le par. 232(2) a une portée excessive, cette nouvelle exigence législative ratisse trop large et porte atteinte plus que minimalement au droit à la liberté des personnes.

[164]     Le Tribunal fait siens les propos du juge Thomson dans l’affaire Simard[79] sur cet aspect, puisqu’il a basé son analyse sur les mêmes scénarios hypothétiques à l’étude.

[165]     Dans ces cas, la défense de provocation ne serait pas permise compte tenu de la nouvelle définition du geste provocateur.

[166]     L’effet est d’interdire complètement aux accusés de soumettre les contextes de l’agression au juge devant imposer la peine minimale d’emprisonnement à perpétuité en cas de meurtre[80].

[167]     Comme expliqué dans l’arrêt Tran, la défense de provocation n’est pas une justification, mais une excuse partielle par compassion pour la faiblesse humaine[81].

[168]     Ce moyen de défense ne serait pas nécessaire s’il n’existait aucune peine obligatoire pour meurtre puisque les circonstances entourant la commission du geste pourraient être considérées comme facteurs atténuants au niveau de la peine.

[169]     Comme l’indique le professeur Kent Roach: « In our view, the constitutionality of mandatory sentences for murder does not hinge on the availability of provocation as a defence, but rather on the lack of a principled mitigation regime to account for the wide range of circumstances in which intentional killings occur[82]. » 

[170]     Les professeures Isabel Grant et Debra Parkes soulignent que la seule raison de l’existence de la défense de provocation, seulement applicable dans les cas de meurtres, réside dans le fait qu’elle permet d’éviter la peine obligatoire, qui historiquement était la peine de mort[83].

[171]     Il appert que devant l’imposition impérative d’un emprisonnement à perpétuité, l’effet préjudiciable de l’interdiction d’invoquer la défense de provocation dans les scénarios hypothétiques à l’étude est de priver les accusés du droit à la liberté.

[172]     Le préjudice subi par les accusés est donc très grave, principalement, mais non exclusivement, dans le cas d’un meurtre au premier degré.

[173]     En effet, non seulement le juge devra imposer l’emprisonnement à perpétuité, mais suite à l’abolition de la procédure de la dernière chance (« faint hope clause[84] ») à l’article 745.6 du C. cr.[85],  une personne condamnée pour meurtre ne peut plus demander une réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle, après avoir purgé au moins quinze ans de sa peine.

[174]     Avant l’abolition de ce processus, il appartenait à un jury de prendre en compte les facteurs atténuants permettant à une personne condamnée pour meurtre de bénéficier d’une libération conditionnelle après avoir purgé 15 ans de sa peine. Voici les propos de la juge Dickson de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire Simmonds :

[16]        As Justice Pomerance observed in her thorough and thoughtful analysis in Jenkins, the historical underpinnings and content of the faint hope provisions suggest that, structurally, the jury is a conduit of the executive power of mercy, delegated to the community: Jenkins at para. 40.  In my view, they also suggest that the opportunity for clemency mitigates the harsh sentence ordinarily imposed by law in a markedly significant way.  As noted, before Parliament abolished the death penalty, cabinet regularly exercised clemency in capital cases; however, automatic executive review of murder sentences ceased after the 1976 reforms were enacted.  While the basis upon which clemency was exercised before the reforms may be open to question, the important role it played in mitigating the harshness of murder sentences is clear: “The Lottery of Death: Capital Punishment, 1867-1976” at p. 618[86].

[175]     L’adoption du projet de loi C-48[87] a aussi prévu que le délai préalable à la libération conditionnelle puisse être consécutif en cas de meurtres multiples (art. 745.21 et 745.51).

[176]     Dans le cas d’un meurtre au deuxième degré, l’impact est moindre puisque la période d’admissibilité à une libération conditionnelle permettra de prendre en considération le contexte du geste provocateur. Il n’en demeure pas moins que la peine minimale dans ce cas est également l’emprisonnement à perpétuité.

[177]     Or, un comportement qui constitue un geste provocateur constituant une défense selon le par. 232(2) C. cr. et qui conduit à une condamnation moindre pour homicide involontaire coupable, sera considéré comme un facteur atténuant à l’étape de l’imposition de la peine.

[178]     La Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Stone, précise que le juge peut tenir compte de la provocation à titre de facteur atténuant et qu’il ne s’agit pas d'un « double avantage » si la provocation est prise en considération lors de la détermination de sa peine de l’homicide involontaire coupable[88].

[179]     Il importe également de noter qu’il n'existe pas de défense autonome ou indépendante de panique équivalente à la défense de provocation permettant de réduire un meurtre à un homicide involontaire coupable[89].

[180]     De plus, ces modifications législatives ne sont pas nécessaires pour empêcher d’invoquer la défense de provocation dans le cas d’un meurtre d’honneur, comme la Cour suprême l’avait déjà analysé dans l’arrêt Tran[90].

[181]     Dans cet arrêt, la Cour suprême a commenté l’exigence de démontrer le volet objectif de la défense de provocation. Elle dit ceci :

Il s’ensuit que la notion de personne ordinaire doit être circonscrite en fonction des normes de comportement actuelles, y compris les valeurs fondamentales comme la recherche de l’égalité consacrée par la Charte canadienne des droits et libertés.  Par exemple, lorsque l’accusé a fait l’objet d’une remarque raciste,  il convient d’attribuer à la personne ordinaire la caractéristique de l’appartenance à la race visée alors que lorsqu’il a fait l’objet d’avances homosexuelles, il n’est pas opportun de lui attribuer celle de l’homophobie.  De même, cette norme objective ne saurait admettre une conception archaïque voyant dans [TRADUCTION] « l’adultère . . . la plus grave atteinte à la propriété » (Mawgridge, p. 1115), non plus que la justification de quelque forme de meurtre que ce soit par un sens de l’« honneur » envisagé de manière inacceptable[91].

[Soulignement et caractère gras ajoutés]

[182]    Ainsi, le moyen choisi pour atteindre l’objectif est de restreindre la définition du geste provocateur, peu importe le contexte dans lequel ce geste survient.

[183]     La portée excessive réside dans le fait que la disposition va trop loin et empiète sur quelque comportement sans lien avec son objectif, c’est-à-dire que certains actes sans aucun rapport avec l’objectif d’empêcher que le meurtre d’honneur soit réduit à un homicide involontaire coupable [92].

[184]    Le contexte conjugal ou relationnel des meurtres d’honneur est indéniable dans la Loi et le moyen choisi de restreindre l’application de la défense de provocation aux seuls actes criminels passibles d’un emprisonnement de cinq ans ou plus, sans tenir compte des effets qui incluent tous les cas de meurtres sans distinction, n’a rien à voir avec l’objectif de la Loi.

[185]    En conclusion, la nouvelle disposition définissant le geste provocateur comme un acte criminel passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus implique une impossibilité pour quiconque invoque un geste de provocation qui n’entre pas dans cette définition d’obtenir une mesure atténuante face à la peine que le Tribunal devra imposer pour le meurtre commis.

[186]    Cette disposition ne satisfait donc pas au volet de l'atteinte minimale et, en conséquence, elle ne peut se justifier en vertu de l'article premier de la Charte.

3.3.3       Les effets bénéfiques face aux effets préjudiciables

[187]     La violation de l’article 7 repose sur une analyse de la violation des droits individuels alors que l’analyse fondée sur l’article premier de la Charte repose sur la protection de l’intérêt public[93].

[188]     Les nouvelles exigences doivent aussi, pour constituer un geste provocateur au sens du par. 232(2) C. cr. , satisfaire au critère de proportionnalité requis par une analyse fondée sur l’article premier en portant le moins possible atteinte aux droits que l’art. 7 garantit[94]

[189]     L’analyse au niveau de la portée excessive et de l’atteinte minimale démontre que cette législation outrepasse largement l’impact positif relativement à la diminution du crime d’honneur qu’elle souhaite bannir.

[190]     À l’instar du juge Thomson dans l’affaire Simard[95], le Tribunal conclut que l’atteinte à l’art. 7 n’est pas justifiée au regard de l’article premier de la Charte puisque la modification législative implique des moyens pour réaliser l’objet qui ne sont pas de nature à porter « le moins possible » atteinte au droit à la liberté et qu’il y a une disproportion entre ses effets et son objectif.

3.4  La réparation

[191]     Le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 précise que la Constitution rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. Les termes de la Loi ne sont pas visés[96].

[192]      La doctrine de la dissociation (« reading down »), ou de « l'interprétation atténuée », permet aux tribunaux de déclarer inopérante seulement une partie de la disposition « de façon à s'ingérer le moins possible dans les lois adoptées par le corps législatif ».  La partie fautive d'une disposition qui viole la Constitution sera ainsi déclarée inopérante alors que le reste du texte demeurera en vigueur[97].

[193]     L'incompatibilité peut résulter de ce qui a été omis ou inclus à tort dans le libellé de la Loi[98].

[194]     Comme l’indique le juge en chef Lamer dans l’arrêt Schachter, « dans les circonstances appropriées, les tribunaux ont un pouvoir limité, en vertu de l'art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, de donner une interprétation large à une loi pour en étendre le champ d'application[99]».

[195]     De plus, afin d’éviter un empiétement illégitime sur le domaine législatif, le Tribunal doit « se demander si le sens du texte qui reste serait grandement modifié par le retranchement des parties fautives[100] ».

[196]     L’incompatibilité́ du par. 232(2) C. cr. avec les exigences constitutionnelles réside dans le fait qu’il limite indument la portée de la défense de provocation par l’ajout d’exigences pour y donner ouverture, comme c’était le cas pour la défense de contrainte analysée par la Cour suprême dans l’arrêt Ruzic[101].

[197]     L’invalidation partielle du par. 232(2) C. cr. constitue une réparation permettant d’élargir la portée de son champ d’application afin que la défense de provocation ne soit pas réservée aux actes criminels passibles d’un emprisonnement de cinq ans ou plus.

[198]     En effet, le par. 232(2) C. cr. est intrinsèquement valide, mais il couvre certains cas d’application incompatibles avec l’art. 7 de la Charte.

[199]     Une correction de la disposition s’impose par le retrait des termes fautifs afin de la rendre conforme à la Constitution.  

[200]     Le Tribunal estime que retirer du par. 232(2) C. cr. la définition du geste provocateur comme étant des actes criminels passibles d’un emprisonnement de cinq ans ou plus, élargissant ainsi cette défense à certains d’accusés, ne change pas le sens de la défense et n’est pas incompatible avec le reste du texte.

[201]      En effet, les critères d’applicabilité imposés par la common law depuis la codification de cette défense en 1892 continueront de contrôler les cas d’ouverture de la défense de provocation.

[202]     Pour rappel, voici la rédaction de la nouvelle version du par. 232(2) C. cr. expliquant ce qu’est une provocation :

232 (2) Une conduite de la victime, qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus, de telle nature qu’elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser est une provocation pour l’application du présent article si l’accusé a agi sous l’impulsion du moment et avant d’avoir eu le temps de reprendre son sang-froid.

[Soulignement ajouté]

[203]    L’ancienne version du par. 232(2) C. cr., à l’adoption du projet de loi S-7 en 2015, était rédigée ainsi :

232. (2) Une action injuste ou une insulte de telle nature qu’elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser, est une provocation pour l’application du présent article, si l’accusé a agi sous l’impulsion du moment et avant d’avoir eu le temps de reprendre son sang-froid.

[Soulignement ajouté]

[204]     La réparation convenable consiste, comme dans l’affaire Simard[102], à retrancher la partie « qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus » afin que le par. 232(2) se lise comme suit :

232 (2) Une conduite de la victime de telle nature qu’elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser est une provocation pour l’application du présent article si l’accusé a agi sous l’impulsion du moment et avant d’avoir eu le temps de reprendre son sang-froid.

[205]    Le geste provocateur est désormais défini comme « une conduite de la victime de telle nature qu’elle suffise à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser ».

[206]    L’exigence additionnelle référant à ce que le geste provocateur constitue également « un acte criminel prévu à la présente loi passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus » est retranchée en application du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

4.            LA CONCLUSION

[207]     Les moyens mis en œuvre par l’État pour atteindre son objectif ne doivent pas être arbitraires, avoir une portée trop générale ou des effets totalement disproportionnés à l’objectif législatif[103].

[208]     Il est reconnu que le législateur a le pouvoir de limiter ou d’éliminer complètement l’accès à un moyen de défense en matière criminelle sans que cela viole nécessairement l’article 7 de la Charte[104]

[209]     Puisque la Constitution assujettit l’ensemble des règles de droit à faire l’objet d’un examen fondé sur la Charte, les moyens de défense et les excuses prévus par la loi ne font pas exception et les tribunaux n’ont pas à faire preuve de retenue en effectuant leur analyse[105].

[210]     Cela inclut l’évaluation de la portée excessive, qui repose sur le rapport entre l’objectif de la loi et des moyens choisis pour le réaliser[106], ainsi que l’analyse de ses effets qui doivent avoir un lien avec son objet pour ne pas être arbitraire[107].

[211]     Eu égard à la portée excessive, « un tribunal ne devrait pas intervenir simplement parce que le juge aurait peut-être choisi des moyens différents d'atteindre l'objectif s'il avait été législateur[108] ».

[212]     En ce qui concerne le caractère arbitraire, la Cour suprême mentionne dans l’arrêt Carter c. Canada (Procureur général), qu’ « il ne s’agit pas de savoir si le législateur a choisi le moyen le moins restrictif, mais de savoir si le moyen choisi porte atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne d’une manière qui n’a aucun lien avec le mal qu’avait à l’esprit le législateur[109]».

[213]     Enfin, il peut y avoir une disproportion totale de la loi face à son objectif indépendamment du nombre de personnes touchées : l’effet totalement disproportionné sur une seule personne suffit[110].

[214]     Il s’agit de trois notions distinctes, bien que la portée excessive soit liée au caractère arbitraire en ce que l’absence de lien entre l’effet de la disposition et son objectif est commun aux deux[111].

[215]     En résumé, l’objectif législatif de la Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares[112] est d’empêcher que le meurtre d’honneur soit réduit à un homicide involontaire coupable.

[216]     Le moyen retenu pour atteindre l’objectif est de restreindre le geste provocateur à celui « qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus ».

[217]     Cette disposition a pour effet d’exclure l’application de cette défense dans ces situations :

1)    une femme vulnérable victime de violence conjugale dans les cas où le geste provocateur ne constitue pas une infraction criminelle passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus malgré une perte de maîtrise de soi;

2)    une personne victime de propos haineux qui, même s’ils sont de nature criminelle, ne constituent pas une infraction criminelle passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus malgré une perte de maîtrise de soi.

[218]     Il s’ensuit que, dans certains cas, le moyen choisi par le législateur, soit la nouvelle définition du geste provocateur, a une portée excessive face à son objectif.

[219]     L’atteinte à l’art. 7 n’est pas justifiée au regard de l’article premier de la Charte puisque la modification législative implique des moyens pour réaliser l’objet qui n’ont pas de liens rationnels avec celui-ci ou ne sont pas minimalement attentatoires au droit à la liberté garanti à l'article 7 de la Charte.

[220]     La réparation de la disposition doit se faire la suppression des termes qui donne une portée excessive au par. 232(2) afin de la rendre conforme à la Constitution. 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[221]     ACCUEILLE la requête de la défense;

[222]     DÉCLARE inconstitutionnels et inopérants les termes « qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus » inclus au paragraphe 232(2) C. cr.;

[223]     SUPPRIME le passage suivant du paragraphe 232(2) C. cr. : « qui constituerait un acte criminel prévu à la présente loi passible d'un emprisonnement de cinq ans ou plus »;

[224]     LE TOUT sans frais.

 

 

 

 

__________________________________mYRIAM LACHANCE, j.c.s.

 

 

 

 

Me Louis-Alexandre Martin

Procureur du REQUÉRANT-accusé

 

Me Steve Baribeau, Me Karine Dalphon et Me Alexis Marcotte Bélanger

Bureau du Directeur des poursuites criminelles et pénales

Procureur de l’INTIMÉE-poursuivante

 

Me Pierre Rogué

Procureur de la mise en cause

 

 

 

Date de l’audition :

 

 

 

26 août 2019

 



[1]     Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, LC 2015, c 29, (Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d’autres lois en conséquence).

[2]     Id., art. 7.

[3]     Le Procureur général du Canada n’a pas participé à l’audition de la requête.

[4]     Code de procédure civile, RLRQ c C-25.01, article 76, alinéa 4.

[5]     R. c. Nur, [2015] 1 R.C.S. 773, 2015 CSC 15, par. 51-52 et 58. Voir aussi R. c. Appulonappa, [2015] 3 R.C.S. 754, 2015 CSC 59, par. 28.

[6]     R. c. Nur, précité note 5, par. 62.

[7]     Id., par. 68.

[8]     Canada (Procureur général) c. Bedford, [2013] 3 R.C.S. 1101, 2013 CSC 72, par. 57; Carter c. Canada (Procureur général), [2015] 1 R.C.S. 331, 2015 CSC 5, par. 55; Canada (Procureur général) c. Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, [2015] 1 R.C.S. 401, 2015 CSC 7, par. 69.

[9]     R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, par. 21; R. c. Moriarity, [2015] 3 R.C.S. 485, par. 16.

[10]    Il importe de souligner qu’une condamnation pour meurtre entraine une peine d’emprisonnement à perpétuité, mais qu’en vertu de l’article 745 C. cr., le bénéfice d’une libération conditionnelle sera octroyé selon les délais prévus dans cette disposition.

[11]    Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 45, 103, 105; R. c. Nur, précité note 5, par. 107. Voir aussi R. c. Appulonappa, précité note 5, par. 107.

[12]    R. c. Nur, précité note 5, par. 24 citant R. c. Moriarity, précité note 9, par. 24; voir aussi Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 101.

[13]    R. c. Moriarity, précité note 9, par. 24.

[14]    Id., par. 27.

[15]    Id., par. 28.

[16]    Id., par. 29.

[17]    Id., par. 30.

[18]    Id., par. 31.

[19]    Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, précité note 1.

[20]    Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, précité note 1.

[21]    R. c. Tran, [2010] 3 R.C.S. 350, 2010 CSC 58, par. 10.

[22]    R. c. Parent, [2001] 1 R.C.S. 761. Voir aussi R. v. McGregor, 2019 ONCA 307, par. 153 qui indique que la défense de provocation doit faire partie d’une branche décisionnelle distinctes de la mens rea et qu’elle doit être évaluée avant celle-ci

[23]    R. c. Tran, précité note 21, par. 25.

[24]    Id., par. 36.

[25]    Id., par. 18.

[26]    R. c. Cairney, [2013] 3 R.C.S. 420, 2013 CSC 55, par. 29 à 31. Voir aussi R. c. Tran, précité note 21, par. 13 et ss.

[27]    R. c. Thibert, [1996] 1 R.C.S. 37, 1996 CanLII 249 (CSC), par. 7.

[28]    R. c. Gentry, REJB 1999-12648, [1999] J.Q. nº 1590 (C.A.). Voir aussi R. c. Hill, 2015 ONCA 616 et R. v. McGregor, précité note 22, par. 146 et 148.

[29]    Voir les propos de l’auteur dans le texte Canada's Provocation Reform and the Need to Revisit Culpability in ‘Loss of Control’ Cases, Christopher Nowlin (MA, LLM, PhD. Instructor at Langara College, Vancouver, BC. Practicing member of the Law Society of BC.), 23 Can. Crim. L. Rev. 43, Canadian Criminal Law Review, February, 2018, p. 26.

[30]    R. c. Tran, précité note 21, par. 18-19.

[31]    Id., par. 19.

[32]    https://www.canada.ca/fr/nouvelles/archive/2014/11/proteger-canadiens-contre-pratiques-culturelles-barbares.html

[33]    Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), [2014] 2 R.C.S. 135, 2014 CSC 40, par. 47.

[34]    Débats au sénat, vol. 149, no 95, 2e sess., 41e lég., 18-11-2014, p. 2455.

[35]    Sénat, Comité permanent des droits de la personne, 11-12-14, P. 14 :18.

[36]    Sénat, Comité permanent des droits de la personne, 11-12-14, P. 14 :43.

[37]    Sénat, Comité permanent des droits de la personne, 11-12-14, P. 14 :46.

[38]    Sénat, Comité permanent des droits de la personne, 11-12-14, P. 14 :19.

[39]    Sénat, Comité permanent des droits de la personne, 11-12-14, P. 14 :20.

[40]    Débats de la chambre des communes, vol. 147, no 173, 2e sess., 41e lég., 17 février  2015, p. 11268.

[41]    Débats de la chambre des communes, vol. 147, no 173, 2e sess., 41e lég., 17 février  2015, p. 14 :45.

[42]    Her Majesty the Queen v. Shafia, 2012 ONSC 1538, R. v. Shafia, 2016 ONCA 81, demande d’autorisation d’appel rejetée Hamed Mohammad Shafia c. Sa Majesté la Reine, 2017 CanLII 20378 (CSC).

[43]    Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes, CIMM, no 043, 2e sess., 41e lég., 31-03-2015, p. 3.

[44]    Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes, CIMM, no 043, 2e sess., 41e lég., 31-03-2015, p.5.

[45]    Débats de la chambre des communes, vol. 232, no 173, 2e sess., 41e lég., 16-06-2015,  p. 15122.

[46]    Débats de la chambre des communes, vol. 147, no 173, 2e sess., 41e lég., 17 février  2015, p. 14 :42.

[47]    Grant, Isabel, and Debra Parkes. "Equality and the Defence of Provocation: Irreconcilable Differences." Dalhousie Law Journal, vol. 40, no. 2, Fall 2017, pp. 455-496, HeinOnline.

[48]    Grant, Isabel, and Debra Parkes. "Equality and the Defence of Provocation: Irreconcilable Differences." précité note 47, p. 468.

[49]    Id., p. 479.

[50]    Canada's Provocation Reform and the Need to Revisit Culpability in ‘Loss of Control’ Cases, Christopher Nowlin (MA, LLM, PhD. Instructor at Langara College, Vancouver, BC. Practicing member of the Law Society of BC.), 23 Can. Crim. L. Rev. 43, Canadian Criminal Law Review, February, 2018, p. 25.

[51]    R. c. Simard, 2019 BCSC 531.

[52]    Id., par. 30.

[53]    R. c. Cairney, précité note 26, par. 24 à 28. Voir aussi R. c. Tran, précité note 21, par. 13 et ss.

[54]    R. c. Moriarity, précité note 9, par. 26.

[55]    Notes d’argumentation de la procureure générale du Québec, mise en cause, par. 87.

[56]    Notes d’argumentation de la procureure générale du Québec, mise en cause, par. 31.

[57]    Essentials of criminal law, Criminal law, 7th ed, Kent ROACH (faculty of Law, University of Toronto), p. 447-448.

[58]    R. c. Moriarity, précité note 9, par. 27.

[59]    R. c. Moriarity, précité note 9, par. 35.

[60]    Essentials of criminal law, Criminal law, précité note 56, p. 448.

[61]    R. c. Heywood, [1994] 3 R.C.S. 761, 1994 CanLII 34 (CSC), par. 48-49.

[62]    Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 117.

[63]    Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes, CIMM, no 043, 2e sess., 41 lég., 31-03-215, p. 5.

[64]    R. c. Lavallee, [1990] 1 R.C.S. 852. Voir aussi Grant, Isabel, and Debra Parkes. "Equality and the Defence of Provocation: Irreconcilable Differences." précité note 47, pp. 468-469.

[65]    R. c. Lavallee, précité note 64, 872.

[66]    Canada's Provocation Reform and the Need to Revisit Culpability in ‘Loss of Control’ Cases, précité note 49. Voir les commentaires de l’auteur qui indique: “The fact that an assault qualifies for a provocation under the 2015 reform will not make provocation a more viable partial defence for non-battered or battered women who kill physically abusive men”.

[67]    R. c. Lavallee, précité note 64, 880-881.

[68]    R. c. Lavallee, précité note 64; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697, 1990 CanLII 24 (CSC).

[69]    Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 105.

[70]    R. c. Heywood, précité note 61, par. 48.

[71]    Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 111.

[72]    Carter c. Canada (Procureur général), précité note 8, par. 83.

[73]    R. c. Simard, précité note 51, par. 54.

[74]    Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 123.

[75]    R. c. Oakes, 1986 CanLII 46 (CSC), [1986] 1 R.C.S. 103, par. 63 à 71.

[76]    R. c. Ruzic, [2001] 1 R.C.S. 687, 2001 CSC 24, par. 92 citant Nouveau-Brunswick (Ministre de la Santé et des Services communautaires) c. G. (J.), 1999 CanLII 653 (CSC), [1999] 3 R.C.S. 46, par. 99 ; R. c. Heywood, précité note 61, p. 802; Renvoi sur la Motor Vehicle Act (C.-B.), [1985] 2 R.C.S. 486, 1985 CanLII 81 (CSC).

[77]    Carter c. Canada (Procureur général), précité note 8, par. 95. Voir aussi Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 129.

[78]    Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 113.

[79]    R. c. Simard, précité note 51, par. 64.

[80]    Voir à ce sujet les propos du professeur Roach : Essentials of criminal law, Criminal law, précité note 56, p. 492.

[81]    R. c. Tran, précité note 21, par. 22.

[82]    Essentials of criminal law, Criminal law, précité note 56, p. 492.

[83]    Grant, Isabel, and Debra Parkes. "Equality and the Defence of Provocation: Irreconcilable Differences." précité note 47, p. 25.

[84]    Cette abolition a été déclarée inconstitutionnelle dans R. v. Dell, 2018 ONCA 674.

[85]    Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples, LC 2011, c 5 (entrée en vigueur le 2 décembre 2011), art. 5.

[86]    R. v. Simmonds, 2018 BCCA 205, par. 16.

[87]    Loi protégeant les Canadiens en mettant fin aux peines à rabais en cas de meurtres multiples, précité note 85, art. 5.

[88]    R. c. Stone, [1999] 2 R.C.S. 290. Voir aussi R. c. Quévillon, REJB 1999-11010, [1999] J.Q. nº 573 (C.A.).

[89]    Stuart c. R., 2007 QCCA 924, par. 32.

[90]    R. c. Tran, précité note 21, par. 34. Voir aussi R. v. Humaid, [2006] O.J. No. 1507, 208 C.C.C. (3d) 43, par. 85 et 93, demande d’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada rejetée. Cette défense n’est cependant pas totalement exclue et a été permise dans R. v. Khairi, 2015 ONCA 279, où le geste provocateur était constitué de paroles et R. v. Angelis, 2013 ONCA 70 où il s’agissait d’une attaque physique.

[91]    R. c. Tran, précité note 21, par. 34.

[92]    Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 103.

[93]    Id., par. 125.

[94]    R. c. Ruzic, précité note 76, par. 92.

[95]    R. c. Simard, précité note 51, par. 66.

[96]    Schachter c. Canada, [1992] 2 R.C.S. 679, 699.

[97]    Id., 696.

[98]    Id., 699.

[99]    Id., 725.

[100]   Id., 710.

[101]   R. c. Ruzic, précité note 76.

[102]   R. c. Simard, précité note 51, par. 75.

[103]   Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 103,105; R. c. Nur, précité note 5, par. 107.

[104]   R. c. Ruzic, précité note 76, par. 23-24 citant R. c. Finta, 1994 CanLII 129 (CSC), [1994] 1 R.C.S. 701 et R. c. Penno, 1990 CanLII 88 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 865 lesquels réfèrent à l’incompatibilité avec l’infraction reprochée.

[105]   R. c. Ruzic, précité note 76, par. 20 à 22, 25-26.

[106]   R. c. Moriarity, précité note 9, par. 27.

[107]   Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 98 et 111.

[108]   R. c. Heywood, précité note 61, par. 51-52.

[109]   Carter c. Canada (Procureur général), précité note 8, par. 85.

[110]   R Canada (Procureur général) c. Bedford, précité note 8, par. 122.

[111]   Id., par. 117.

[112]   Loi sur la tolérance zéro face aux pratiques culturelles barbares, précité note 1.

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