Décision

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Bois Américana inc. c. Corporation Polystar inc.

2016 QCCS 6255

 

COUR SUPÉRIEURE

(Chambre civile)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-05-017270-021

 

 

DATE :

Le 29 novembre 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

 MANON LAVOIE, j.c.s.

______________________________________________________________________

LES BOIS AMÉRICANA INC.

ET

POUTRES LAMELLÉES LECLERC INC.

ET

JACQUES BÉRUBÉ

          Demandeurs

c.

CORPORATION POLYSTAR INC.

ET

AMISK INC.

ET

PAN-O-LAC LTÉE

ET

FONDACTION (LE FONDS DE DÉVELOPPEMENT DE LA CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX POUR LA COOPÉRATION ET L’EMPLOI)

ET

JACQUES CLÉMENT

ET

YVON MARCIL

ET

ANDRÉ SALESSE

          Défendeurs solidaires

et

INDUSTRIES BODCO INC.

          Mise en cause

 

JUGEMENT

 

            Pour une bonne compréhension, le Tribunal estime approprié d'inclure ici la table des matières :

1.    LES FAITS............................................................................................................................... 3

1.1   Historique corporatif......................................................................................................... 3

1.1.1     Création de Poutres Lamellées Leclerc inc. et Les Bois Américana inc.................... 3

1.1.2     Création de Leclair Américana inc. (1997)................................................................ 3

1.1.3     La création de Planchers Canadiana inc. (1999)....................................................... 4

1.1.4     La création de Corporation Polystar inc. (1999-2000).............................................. 5

1.2   Les levées de fonds.......................................................................................................... 5

1.2.1     Financement de Planchers : juin 2000....................................................................... 5

1.2.2     Financement de Polystar : octobre 2000................................................................... 6

1.2.3     Refinancement de Planchers : janvier 2001............................................................... 8

1.2.4     Refinancement de Polystar et la nouvelle structure corporative : avril 2001........... 8

1.3   Le conflit entre les actionnaires de Polystar................................................................ 13

1.4   Acquisition de J-Star...................................................................................................... 20

1.5   La perception du comité de gestion nommé le 10 janvier 2002............................... 21

1.6   L’intervention de Samson Bélair................................................................................... 23

2.    LES QUESTIONS EN LITIGE............................................................................................. 26

3.    L’ANALYSE ET DÉCISION................................................................................................ 26

3.1   Le droit............................................................................................................................. 26

3.2   Les abus préjudiciables................................................................................................. 27

3.2.1     Le congédiement illégal en décembre 2001.............................................................. 28

3.2.2     La réembauche et le non-respect des conditions résultant de la démission de Jacques Bérubé        33

3.2.3     L’utilisation abusive de la clause 6.1 de la convention d’actionnaire..................... 35

3.3   L’indemnité...................................................................................................................... 38

3.3.1     Pour le congédiement abusif.................................................................................... 38

3.3.2     Demande de redressement additionnel : la valeur des actions................................ 39

3.3.3     La responsabilité des actionnaires et des administrateurs....................................... 44

3.3.4     Solidarité.................................................................................................................. 46

3.3.5     Le calcul des intérêts................................................................................................ 46

3.3.6     Exécution provisoire................................................................................................ 46

 

 

 

 

[1]          

JL4437

 
Les demandeurs réclament des défendeurs un montant de plus de 10 M$ à titre de dommages pour abus de pouvoir. Ils leur reprochent essentiellement d’avoir orchestré un plan occulte visant à les exclure de Corporation Polystar inc.

[2]           Pour leur part, les défendeurs recherchent le rejet de cette requête en soutenant que le congédiement de Jacques Bérubé était nécessaire, car ce dernier a omis de respecter ses obligations fondamentales à leur égard. Ils avancent même que celui-ci aurait démissionné volontairement de son poste lors de l’assemblée du 10 janvier 2002, rendant la réclamation à ce chapitre mal fondée. De toute façon, allèguent-ils, les demandeurs n’ont subi aucun dommage qui puisse leur être attribué, Jacques Bérubé ayant agi de manière illégale au cours de sa gestion.

1.            LES FAITS

1.1         Historique corporatif

1.1.1    Création de Poutres Lamellées Leclerc inc. et Les Bois Américana inc.

[3]           Jacques Bérubé ayant œuvré dans le domaine de la fabrication et de la vente de planchers de bois franc pour différentes sociétés pendant plusieurs années[1], il cofonde en octobre 1996 Poutres Lamellées Leclerc inc.[2] (Poutres) et, le 6 novembre 1997, Les Bois Américana inc.[3] (Bois). Ces deux entreprises sont essentiellement des compagnies de gestion dont il est l’actionnaire majoritaire dès leur fondation[4].

1.1.2    Création de Leclair Américana inc. (1997)

[4]           En août 1997, Jacques Bérubé met sur pied un projet d’entreprise de fabrication de planchers de remorque et de conteneurs. Il cible les marchés nord-américains[5]. Le coût estimé de l’investissement est de 3,4 M$[6].

[5]           Pour ce faire, il obtient du financement notamment du Fonds régional de solidarité FTQ Mauricie-Bois-Francs et André Verrier d’un cabinet de comptables et injecte personnellement 110 000 $[7]. Planchers Leclair (1997) inc. est alors incorporée et amorce ses opérations dès septembre 1997. L’entreprise change ensuite de nom pour devenir Leclair Américana inc. (Leclair)[8]. En janvier 1998, un investissement additionnel est financé par le biais d’emprunts à terme d’environ 1,5 M$, d’une subvention de 350 000 $ et d’une mise de fonds des actionnaires de 1,3 M$[9].

[6]           Jacques Bérubé gère la mise en place de l’usine, la conception, la ligne de production et les équipements. Le marché leur est ouvert grâce à leurs technologies innovatrices[10]. L’entreprise bénéficie également d’un important réseau de distribution couvrant même le territoire américain. Au démarrage, 70 employés sont présents et à l’apogée de la production en 2000, on dénombre 300 employés.

[7]           Les résultats financiers des deux premiers exercices de Leclair sont encourageants. Après deux ans d’opération, l’entreprise atteint 23 M$ de chiffre d’affaires et enregistre des bénéfices nets après impôt de 500 000 $ en 1998 et de 1 700 000 $ en 1999[11]. Les fonds ainsi générés permettent d’acquérir davantage d’équipements et le financement à terme additionnel obtenu sur ceux-ci permet d’appuyer la croissance du fonds de roulement requis afin de soutenir l’augmentation du volume d’affaires[12]. La rapidité de démarrage et de rentabilité de Leclair permet de procéder au rachat des parts externes de la compagnie[13]. Le 30 août 1999, Poutres et Bois détiennent 100 % du capital-actions de Leclair.

[8]           Le secteur du plancher de remorque étant toutefois cyclique[14], les sociétés contrôlées par Jacques Bérubé se lancent dans un nouveau projet d’expansion afin de diversifier leurs revenus.

1.1.3    La création de Planchers Canadiana inc. (1999)

[9]           C’est ainsi qu’en avril 1999, suite à une diminution du chiffre d’affaires de Leclair[15], naît le projet de développer un plancher de remorque plus léger et d’intégrer le marché du plancher résidentiel. Jacques Bérubé incorpore alors Planchers Canadiana inc. (Planchers)[16]. Cette entreprise fabrique une gamme complète de planchers résidentiels dont la distribution est assurée par des réseaux de détaillants spécialisés dans les matériaux de construction et les boutiques de couvre-planchers au Canada et aux États-Unis[17]. La matière première utilisée dans Planchers est de même nature que celle que Leclair emploie et de certains équipements, d’où la possibilité d’une synergie[18].

[10]        On agrandit l’usine. Dans l’une des moitiés, on produit du plancher de remorque et dans l'autre, du plancher résidentiel. Les inventaires de matériaux et les produits finis sont divisés, car le plancher résidentiel exige un matériel plus dispendieux et les clients ne sont pas les mêmes. Le plancher de remorque est vendu principalement aux États-Unis et le plancher résidentiel au Canada. Ils bénéficient de deux importants réseaux de distribution.

1.1.4    La création de Corporation Polystar inc. (1999-2000)

[11]        Le 3 décembre 1999, Jacques Bérubé incorpore Corporation Polystar inc. (Polystar). Il en est le seul actionnaire[19]. Cette société de gestion de portefeuille a pour objectif de détenir des filiales dans deux divisions distinctes, soit agricole et forestière. Elle désire ainsi faire l’acquisition d’entreprises existantes dans le secteur des équipements agricoles pour ferme laitière dans le marché nord-américain[20].

[12]        Pour ce faire, en janvier 2000, Jacques Bérubé prépare un plan d’affaires. Dans ce document apparaissent les projets pour lesquels Polystar recherche du financement[21], soit :

¨      Roulement des actions de Leclair et de ses filiales pour un montant de 26 M$;

¨      Acquisition des actions de Industrie Bodco inc. pour 10 M$;

¨      Acquisition des actions de J. Houle & fils ltée pour 26 M$.

[13]        Un montant additionnel de 1 M$ est également requis afin de renflouer le fonds de roulement de Leclair pour soutenir la consommation des deux lignes de production[22].

[14]        La transaction espérée avec J. Houle & fils ltée ne se réalisera toutefois pas. En mars 2000, Polystar s’entend avec les actionnaires de Bodco inc. sur le contenu d’une offre d’achat pour la totalité des actions que ceux-ci détiennent dans un groupe de sociétés[23] dirigé par René Couture, Alain Ménard et André Tessier (le groupe C.M.T.). La clôture de cette transaction est prévue à l’automne 2000 pour une valeur de 10 M$. Le groupe accepte de vendre Bodco, qui est alors très rentable, dans l’unique but de pouvoir acquérir l’entreprise américaine J-Star Industries inc. (J-Star).

1.2         Les levées de fonds

1.2.1    Financement de Planchers : juin 2000

[15]        Au printemps 2000, Polystar entreprend des démarches auprès de Waskahegen et Fondaction pour la réalisation du projet prévu pour le démarrage de Planchers. Un plan d’affaires est présenté[24]. Le projet proposé est estimé à 5,75 M$[25].

[16]        La société Waskahegen (Waskahegen) est une société en commandite de création d’entreprises dont le siège social est à Dolbeau-Mistassini. Elle a pour mission le développement économique et la création d’entreprises en utilisant du capital de risque pour créer et soutenir des emplois au Québec, notamment envers les autochtones hors réserve[26]. Elle n’est plus en activité depuis décembre 2007[27].

[17]        Quant à Fondaction (CSN) (Fondaction), elle détient également des fonds, dont 60 % doivent être investis en capital de risque, selon les exigences gouvernementales, et le reste dans des fonds plus sûrs. Sa mission, en tant que partenaire de l’économie sociale, est d’investir 60 % de son actif dans des entreprises québécoises afin qu’elles se développent et de préserver et créer des emplois de qualité[28].

[18]        Le 9 juin 2000, Waskahegen émet une offre de financement pour 500 000 $ en capital-actions et un montant équivalent en débenture[29]. Cette offre est acceptée le 16 juin suivant.

[19]        Le 28 juin 2000, Fondaction fait également une offre de financement d’une somme de 1 M$ à Planchers, qui est acceptée le 3 juillet 2000[30]. Toutefois, avant d’investir, Fondaction vérifie le projet dans son ensemble, examine les budgets et effectue une vérification diligente. Puisqu’il s’agit d’une entreprise en démarrage, l'historique du promoteur, Jacques Bérubé, est également évalué par le biais d’un bilan social. Le résultat est positif. Cet investissement initial est affecté au démarrage de l’usine de fabrication de planchers destinés au marché résidentiel.

[20]        Dès octobre 2000, Planchers amorce ses activités de fabrication[31]. À ce sujet, les témoignages de Yoland Dumas, représentant de Fondaction, et de Gilles Bérubé, représentant de Waskahegen, sont éloquents quant au succès de ce démarrage. D’ailleurs, à cette époque, Yoland Dumas informe Jacques Bérubé que si la rentabilité continue, il investira plus. Toutes les deux semaines, des discussions se tiennent entre les actionnaires et ils se parlent régulièrement des résultats financiers. Dès lors, Jacques Bérubé fait part à Yoland Dumas de ses projets pour Leclair et de l’acquisition possible de Bodco. Il est question entre eux de la manière de procéder afin de partager les coûts entre les entreprises. Fondaction est alors actionnaire de Planchers seulement.

1.2.2    Financement de Polystar : octobre 2000

[21]        Jacques Bérubé présente à Amisk inc. (Amisk), qu’il souhaite intéresser au projet, et à Fondaction un autre plan d’affaires en date du 16 juin 2000[32]. Ce document expose essentiellement le projet d’acquisition du capital-actions de Bodco par Polystar. Il y est prévu que les actions de Bodco soient acquises au prix de 10 M$ et que les vendeurs, soit le groupe C.M.T., deviennent actionnaires de Polystar.

[22]        Amisk est une société publique spécialisée dans les investissements en capital de risque. Elle détient des investissements dans des entreprises manufacturières, notamment dans le secteur forestier avec une filiale nommée Planchers Mistral (Groupe Nova)[33]. Elle sera dissoute le 19 décembre 2007.

[23]        L’offre de financement d’Amisk est acceptée le 27 juillet 2000[34]. Ce financement est de l’ordre de 5 M$. Lors de cette transaction, les parties évaluent ensemble la valeur des actifs de Jacques Bérubé qui doivent être transférés dans Polystar, soit[35] :

·                    100 % du capital-actions de Leclair Américana, évalué à 9 M$;

·                   51 % du capital-actions qu’il détient dans Planchers Canadiana, évalué à 1 M$;

·                   100 % de la valeur relative au projet d’acquisition de Bodco, évalué à 1 M$.

[24]       Les contrats de vente du capital-actions détenu par Leclair et Planchers, d’une valeur de 11 M$, indiquent que Bois et Poutres, actionnaires de Leclair, ne reçoivent aucune somme en argent comptant provenant du transfert de ces compagnies à Polystar; la contrepartie est du capital-actions de Polystar pour une valeur de 11 M$. Il est également convenu entre les parties que l’ensemble du patrimoine corporatif de Jacques Bérubé est totalement lié à la performance corporative et au succès de Polystar.

[25]       Pour sa part, Amisk s’engage à injecter 4 M$ en capital-actions et 1 M$ en débentures dans Polystar[36]. Il est aussi convenu d’un commun accord que Jacques Bérubé agira à titre de président-directeur général de Polystar en assurant le développement corporatif ainsi que la gestion des opérations et du fonctionnement des filiales de Polystar. On procède donc au roulement des entreprises dans Polystar et aux injections de capitaux[37].

[26]       Le 2 novembre 2000, Polystar acquiert les actions de Bodco pour une somme de 10 M$[38]. Ce montant doit être payé ainsi [39] :

·                    5 M$, comptant au moment de la transaction, laquelle aura lieu le 1er novembre 2000;

·                    2,5 M$, balance de prix de vente des actionnaires de Bodco, laquelle sera payée comme suit : 500 000 $ par année débutant le 1er novembre 2001, et ainsi de suite jusqu’au 1er novembre 2005 inclusivement;

·                    2,5 M$ de capital-actions classe (AA) de Polystar basé sur une valeur corporative de 20 M$ au 30 octobre 2000 émis à Touche du Bois inc., Gestion A. Ménard inc. et Gestion A. Tessier inc.

[27]      


En novembre 2000 se dessine alors la structure corporative décidée et mise en place par les actionnaires de l’époque, soit :

[28]       Le 6 novembre 2000, Polystar tire sur une première partie de la débenture consentie par Amisk[40]. Le 22 novembre 2000, Waskahegen et Fondaction procèdent au déboursé de la dernière tranche des débentures dans Planchers[41].

[29]       Le 30 novembre 2000, d’après les états financiers internes de Planchers, le fonds de roulement est de moins de 700 000 $ et les frais de démarrage et de marketing dépassent 1 M$[42]. Dès lors, Leclair et Planchers, soit le groupe forestier de Polystar, commencent à souffrir d’un manque de liquidités. Indépendamment de ce fait, le 19 décembre 2000, Jacques Bérubé signe une entente de confidentialité au nom de Bodco pour se porter acquéreur des activités de J-Star[43].

1.2.3    Refinancement de Planchers : janvier 2001

[30]       Le 18 janvier 2001, Fondaction investit une nouvelle somme de 500 000 $ en faveur de Planchers[44]. Cette mise de fonds lui permet de porter sa participation à 28 % dans Planchers.

1.2.4    Refinancement de Polystar et la nouvelle structure corporative : avril 2001

[31]       En mars et avril 2001, Planchers connaît une croissance rapide et ses ventes mensuelles atteignent 1 M$. Elle opère au seuil de rentabilité et dispose d’une gamme de produits très complète[45]. Afin de soutenir sa croissance, financer les démarches visant l’acquisition de J-Star et procéder à une injection dans le fonds de roulement de Planchers, un financement de l’ordre de 5 M$ est nécessaire.

[32]       Fondaction manifeste un intérêt à injecter de nouveaux capitaux afin de soutenir le développement de Polystar. Compte tenu de l’importance de l’investissement, Yoland Dumas visite l’usine à plusieurs occasions et pose des questions aux employés. Ces visites lui permettent de constater l’implication de Jacques Bérubé dans son entreprise. Ce dernier connaît son domaine. Enfin, une vérification diligente est effectuée.

[33]       Parallèlement, Yoland Dumas a l’idée d’intégrer les filiales entre elles, ce qui permet de simplifier les affaires. Il sait également que le marché du plancher de remorque est cyclique et voit donc l’opportunité d’investir dans le domaine agricole, plus stable. Par conséquent, il propose un chapeau pour les trois entreprises, soit la société de portefeuille Polystar, puisque celle-ci poursuit des objectifs de développement en voulant se démarquer par la gamme de ses produits innovateurs et son réseau de distribution. Les actionnaires sont tous d’accord, car cette structure corporative simplifie la gestion des entreprises. De plus, lors des creux financiers occasionnés par la baisse des cycles, chacune des entreprises apportera l’aide financière nécessaire à la survie des autres. Ainsi, cette structure est sélectionnée pour 3 raisons : apporter des bénéfices générés par la synergie déployée entre ses filiales, une équité entre les filiales et un renforcement de la diversification.

[34]       Le 24 avril 2001, Fondaction émet une lettre d’offre d’investissement à Polystar de 5 M$[46]. Cette proposition est destinée à l’augmentation du fonds de roulement des filiales Leclair et Planchers et à la réalisation de l’acquisition des activités de J-Star.

[35]       En effet, contemporainement, le 14 février 2001, le dossier de crédit de Leclair et de Planchers est confié au département des comptes spéciaux de la BMO[47]. À ce moment, une marge de crédit est autorisée à concurrence de 3,5 M$ pour Leclair et de 1 M$ pour Planchers. Leclair est alors endettée envers la BMO d’approximativement 4 346 725 $, indiquant une détérioration de la situation. De plus, Leclair prévoit une réduction substantielle de son chiffre d’affaires pour le prochain exercice financier. Il y a également des défauts de se conformer aux obligations de divulgation d’information financière.

[36]       Le 6 avril 2001, bien que la BMO soit informée que le comité exécutif de Fondaction est favorable au projet d’investissement, elle demeure inquiète puisque l’investissement éventuel est incertain et les opérations de Leclair et Planchers ne sont pas sécurisées[48]. À ce sujet, la BMO, qui connaît dorénavant la mise de fonds de l’ordre de 5 M$ à être versée dans Polystar, demande d’identifier la personne morale et la nature de la transaction d’investissement[49]. S’ensuit une série de correspondances où la BMO réitère ses demandes quant aux investissements effectués et demeure insatisfaite des informations reçues[50].

[37]       La BMO, inquiète de la situation financière de Leclair et Planchers, demandera officiellement d’être remplacée le 24 octobre 2001. Elle exigera alors le remboursement formel et advenant le défaut d’obtempérer, elle exercera ses recours en vertu des sûretés dont elle bénéficie[51].

Nouvelle structure corporative

[38]       Le 7 mai 2001, Bodco dépose l’offre d’achat visant l’acquisition de certains actifs de J-Star, qui est acceptée le 15 mai 2001[52].

[39]      


Le 30 mai 2001, Polystar procède à une réorganisation corporative et à la clôture d’une nouvelle ronde de financement[53]. Intervient alors la convention entre actionnaires permettant l’intégration du groupe à Polystar[54]. La nouvelle structure corporative s’établit alors comme suit :

[40]       Le nouveau groupe d’actionnaires détermine la valeur des actions de Polystar et tous conviennent d’une valeur de 4 M$ pour Leclair, de 6 M$ pour Planchers et de 10 M$ pour Bodco. Une clause est également prévue à la convention entre actionnaires concernant la problématique avec la BMO et les problèmes de ratio pour éviter que cela ne soit soulevé à titre de défaut[55]. Cette transaction permet également à Fondaction de participer au projet d’acquisition de J-Star.

[41]       À la suite de la signature de cette convention, des rencontres et discussions ont lieu entre Yoland Dumas, de Fondaction, et André Salesse, arrivé depuis peu au conseil d’administration de Polystar en tant que représentant d’Amisk. André Salesse lui fait part de son insatisfaction à l’égard du pourcentage de capital-actions obtenu par Amisk dans la transaction du 30 mai 2001 et tente de le convaincre de diminuer ses parts dans Polystar. Monsieur Dumas lui explique alors que la convention est signée et refuse de céder. Il décrit monsieur Salesse comme entêté et insistant et affirme que les relations entre eux sont difficiles, ce dernier jouant continuellement avec les chiffres et le pourcentage des parts[56]. Sur ce, André Salesse rétorque qu’il n’a jamais demandé de changer la convention du 31 mai 2001. Il a toujours fait la promotion de cette réorganisation qu'il considère comme équitable.

[42]       Le 22 juin 2001, lors de la réunion pour présenter l'ensemble du programme de développement pour la nouvelle année, Jacques Bérubé obtient l'autorisation des actionnaires de faire les démarches nécessaires pour acquérir J-Star[57]. Pour le secteur forestier, il est également question de l’intégration d'une ligne de vernissage CEFTLA et de continuer à investir pour offrir des gammes compétitives sur le marché du bois de plancher. La réponse des actionnaires est unanime, ils sont tous en accord avec ce plan. Ils discutent ouvertement d’un investissement de 3 M$ et de l’importance de repayer la BMO. Pour la première fois, Jacques Bérubé obtient l’autorisation d’utiliser l'argent de Polystar[58].

[43]       À la suite de cette réunion, les rencontres se poursuivent pour trouver du financement[59]. Le projet totalise 16 M$, incluant la construction d’une nouvelle usine au Québec. L’objectif d’une telle acquisition est d’intégrer simultanément deux marchés complémentaires, la production de J-Star se concentrant sur le début de la ligne de production agricole (équipement pour la nourriture) et celle de Bodco sur la fin de la ligne (équipement pour le fumier). Cela permet donc d’offrir une ligne complète d’équipements reliés au soin des bovins.

[44]       Le 30 juillet 2001, André Salesse est nommé officiellement à titre de remplaçant d’Yvon Lévesque chez Amisk au sein du conseil d’administration de Polystar[60]. Ce dernier est suspicieux. Les états financiers de Leclair en janvier et février 2001 l’ébranlent puisqu’ils s’écartent des prévisions financières, provoquant des problèmes de margination et de respect des ratios. Selon lui, la structure de Polystar est défaillante car trop endettée. Les filiales sont aussi trop endettées. André Salesse invite Jacques Bérubé à s'inquiéter des échéances des dividendes et des intérêts. Il lui suggère d’ailleurs d'appeler la banque HSBC.

[45]       À ce moment, Jacques Bérubé mandate Jean Lascelle, consultant en financement, pour rechercher des investisseurs en vue de l’acquisition de J-Star[61]. Ses honoraires sont défrayés par Polystar, comme autorisé lors de la réunion du 22 juin 2001[62]. Ce dernier le met en contact avec Sylvain Bouchard, représentant de la Société générale de financement (SGF), qui se montre intéressé par le projet.

[46]       Celui-ci rencontre les dirigeants de Bodco, visite les usines et vérifie les livres comptables; les systèmes d’inventaires sont analysés. Par la suite, il se déplace chez J-Star avec une analyste financière, un spécialiste en marketing et Jacques Bérubé afin de visiter les installations, évaluer la valeur du réseau et rencontrer la direction en place. Il s’agit de deux bonnes entreprises avec des réseaux existants.

[47]       La SGF est intéressée par l’acquisition de J-Star afin de se diversifier dans le secteur agricole, mais ne souhaite pas investir dans le secteur forestier. Ainsi, en août 2001, une offre est formulée à J-Star, laquelle est acceptée[63].

[48]       Le 24 septembre 2001, une lettre d’intention est également transmise à Jean Lascelle pour signifier l’intérêt de la SGF à participer au projet J-Star[64]. Il est alors question d’un investissement en équité de 5 M$ dans la société Bodco pour une participation de 30 % dans le capital-actions. Cette offre comprend l’acquisition de J-Star, le rapatriement au Québec de l’équipement, la création de nouveaux emplois, l’augmentation du rendement et les distributions croisées des produits, J-Star et Bodco étant complémentaires et pouvant profiter du réseau de distribution de l'une et de l'autre. La SGF souhaite acquérir J-Star, mais ne pas être redevable à Polystar et ses filiales. Une vérification diligente est alors effectuée.

[49]       Toutes les étapes d'approbation étant passées, des projections financières consolidées sont réalisées et remises à tous les membres du conseil d’administration de Polystar[65]. À ce moment, Bodco enregistre 1 M$ de bénéfice net par année avec des ventes de 12 M$. La rentabilité est qualifiée d’excellente et l’entreprise est solide financièrement. Les cinq dernières années ont été rentables[66]. La marge de crédit est avancée par la CIBC et le financement accepté le 27 septembre 2001 : tout est alors en place pour l’acquisition de J-Star.

[50]       Toutefois, vers le 21 octobre 2001, Yoland Dumas est remplacé par Jacques Clément à titre de représentant de Fondaction auprès du conseil d’administration de Polystar. Ce changement amène une divergence d’opinions entre les actionnaires ou administrateurs.

1.3         Le conflit entre les actionnaires de Polystar

[51]       Le 25 octobre 2001, lors d’une rencontre au siège social de Polystar, Amisk et Fondaction indiquent formellement ne plus être intéressées par le secteur forestier. Ces dernières veulent dorénavant investir uniquement dans le secteur agricole et maximiser l'acquisition de J-Star. Il est alors question d’octroyer un mandat à Jacques Bérubé afin qu’il trouve du financement pour soutenir dorénavant le secteur forestier.

[52]       Le 7 novembre 2001, Jacques Bérubé se rend aux États-Unis avec Jean Bigaouette, qu’il a mandaté pour trouver des mises de fonds, afin de rencontrer les représentants de Capital Corp.[67]. Les frais d’ouverture de dossier auprès de cette entreprise sont de 75 000 $. Une somme de 50 000 $ provenant des caisses de Polystar est alors versée par Jacques Bérubé.

[53]       Le 9 novembre 2001, Jacques Bérubé reçoit de Capital Corp. une offre de rachat de 12 M$ de la division forestière de Polystar[68]. À son retour au pays, vers le 11 novembre, il fait parvenir cette offre à ses coactionnaires.

[54]       Le matin du 28 novembre 2001, Jacques Clément, André Salesse et Martin Rosenthal, un spécialiste en redressement d’entreprise de Samson Bélair Deloitte & Touche (Samson Bélair), rencontrent la BMO.

[55]       Le même jour, soit le 28 novembre 2001, lors d’une assemblée spéciale des administrateurs de Polystar, Jacques Clément et André Salesse font part à l’assemblée de cette rencontre entre eux et la BMO, et présentent Martin Rosenthal à leurs coactionnaires. Le mandat de ce dernier est alors officialisé. Lors de cette rencontre, Jacques Bérubé concède également le remboursement de 50 000 $ engagé par lui pour payer Capital Corp., et ce, malgré le mandat octroyé par le conseil d’administration à cet égard le 25 octobre 2001. Suite à cette rencontre, il est à noter que la BMO écrit directement à André Salesse sans qu’aucune copie ne soit transmise à Jacques Bérubé, pourtant actionnaire à plus de 43 % des actions de Polystar.

[56]       Le 4 décembre 2001, Samson Bélair publie son rapport[69].

[57]       Toujours le 4 décembre 2001, la BMO signifie un avis d’intention de mettre à exécution des garanties selon le paragraphe 244(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[70]. Parallèlement, le même jour, la banque HSBC fait parvenir une lettre d’offre à Leclair afin de remplacer la BMO[71].

[58]       Le 5 décembre, vers 15 h, à l’usine, Yves Fortin, président de Planchers Mistral, filiale d’Amisk et compétiteur direct de Leclair et Planchers, entre dans l'entreprise pour prendre connaissance des chiffres. Il parle avec les employés, comme s'il est au courant que quelque chose se prépare. Jacques Bérubé lui demande de quitter les lieux promptement.

[59]      


Le 6 décembre, lors d’une réunion du conseil d’administration de Polystar[72], il est question d’une offre d’Amisk et Fondaction pour racheter 75 % des actions de Bodco pour une somme de 7,5 M$. Cette offre est refusée. De leur côté, le groupe C.M.T. est prêt à offrir 5,6 M$ pour le rachat du même 75 % des actions restantes de Bodco, ce qui règle les dettes. Cette proposition est également refusée. Finalement, a lieu un transfert de 25 % des actions que Polystar détient dans Bodco en faveur du groupe C.M.T. Cette transaction transforme la structure corporative comme suit :

 

[60]       Toutefois, à partir de cette réunion, deux groupes se forment au sein du conseil d’administration de Polystar : Amisk, Fondaction et Waskahegen d’un côté, et le reste des actionnaires de l’autre.

[61]       Le 7 décembre, au lendemain de cette réunion, Jacques Clément expédie une lettre à la BMO afin de les aviser d’une résolution des conseils d’administration de chacune des entreprises retirant l’autorisation à Jacques Bérubé de signer ou d’approuver des chèques, paiements ou autres transferts de fonds ou transactions bancaires pour chacun des comptes bancaires et nommant André Salesse et lui-même à titre de signataires pour lesdits comptes[73]. Jacques Bérubé n’est pas avisé de cette décision.

[62]       Le même jour, Jacques Bérubé retourne aux États-Unis rencontrer les dirigeants de J-Star, suite à la lettre du 26 novembre 2001 de la SGF exigeant qu’un représentant fiable les rencontre afin de protéger la transaction[74]. Ces derniers lui allouent quatre mois pour régler le conflit entre actionnaires.

[63]       Toujours le 7 décembre 2001, Amisk envoie à Polystar un avis de défaut[75].

[64]       Le 10 décembre 2001, une réunion du conseil d’administration de Polystar a lieu et une résolution est alors adoptée afin de congédier Jacques Bérubé. Ce dernier n’a pas été convoqué à la réunion[76]. Le motif invoqué au soutien de ce congédiement est alors justifié par une tentative de paiement de 12 000 $ américains à Capital Corp., sans l’aval préalable du conseil d’administration de Polystar. Le paiement de cette somme avait toutefois été arrêté avant son versement par le syndic.

[65]       Le 12 décembre 2001, Gilles Hérard, représentant de Capital Corp., préside une présentation afin de réitérer son offre de novembre et de répondre aux questions. Préalablement à cette rencontre, une vérification diligente entre le 20 novembre et le 12 décembre avait eu lieu pour répondre aux exigences de Capital Corp.[77]. Jacques Bérubé, qui est présent, ignore alors qu’il est congédié.

[66]       Le 13 décembre 2001, Jacques Bérubé reçoit une lettre de Me Serge Lebel, procureur d'Amisk, l’avisant qu’il n’a plus le droit de se présenter dans l’usine[78]. Il apprend alors qu’il est destitué de ses fonctions comme dirigeant et administrateur des filiales de Polystar.

[67]       Le 14 décembre, dans l'après-midi, des cadres de l’usine appellent Jacques Bérubé et lui disent que le syndic est dans l’usine et se comporte comme le maître d'œuvre. Il rencontre alors Martin Rosenthal et lui demande de quitter les lieux, ce à quoi le syndic rétorque d’appeler un avocat. Il convoque alors une réunion d’urgence du conseil d’administration de Polystar afin d’être éclairé sur la situation.

[68]       Ce même jour, lors d’une assemblée spéciale du conseil d’administration de Polystar, à laquelle Jacques Clément participe, sans qu’il n’y ait quorum, il est décidé de déposer un avis d'intention pour Leclair, tel que conseillé par Samson Bélair[79], ayant pour objectif de se protéger contre la banque et de continuer les opérations. C’est Jacques Clément qui signe chez le syndic pour Leclair[80].

[69]       Le 15 décembre 2001, Jean Lascelle avertit tous les prêteurs et investisseurs de stopper le projet J-Star, car il n'y a pas de consensus entre les actionnaires de Polystar. Il appelle ainsi Sylvain Bouchard, lui demandant de fermer son dossier jusqu'à nouvel ordre, et réitère cette démarche auprès de Financement agricole Canada et de la Banque CIBC.

[70]       Le 17 décembre 2001, Jacques Bérubé met en demeure Jacques Clément, Yvon Marcil et Fondaction de cesser de représenter Leclair et Planchers. Plus spécifiquement, il les informe que la réunion tenue le 14 décembre est illégale puisqu’il n’y avait pas quorum en raison de l’absence de représentant de Bois et Poutres, tel que prévu à la convention d’actionnaires du 30 mai 2001. Pour cette raison, toutes les décisions et résolutions prises sont nulles et illégales, les tenant également responsables personnellement ainsi que Fondaction du dépôt de l’avis d’intention dans Leclair sans mandat en bonne et due forme de l’assemblée des administrateurs et actionnaires de Polystar[81].

[71]       Le 18 décembre, une rencontre du conseil d’administration de Polystar a lieu. Sont présents Jacques Bérubé, Yvon Marcil, Jacques Clément et André Salesse[82]. On mandate alors Gilbert Landry pour transcrire les procès-verbaux des réunions[83].

[72]       Le 20 décembre 2001, un avis de défaut est transmis à Polystar par Fondaction[84], soit deux semaines après l’envoi du premier avis d’Amisk, transmis le 7 décembre[85]. Il s’agit essentiellement du même libellé.

[73]       Vers le 20 décembre 2001, Jacques Bérubé téléphone au groupe C.M.T. pour leur demander de l'aide. Jean Lascelle est alors mandaté pour rencontrer Yvon Marcil et Jacques Clément à Montréal. Ces derniers lui disent que Jacques Bérubé est out, sans plus d’explication. Lascelle annonce donc cette nouvelle au groupe C.M.T. et informe également Jacques Bérubé.

[74]       Le 21 décembre 2001, le procureur de la BMO transmet une mise en demeure[86]. Cette mise en demeure fait référence à des transferts d’inventaire de Leclair à Planchers. La BMO ignore la nature de la transaction, mais il y a une perte d’actif en ce qui la concerne, ce qui lui cause un lourd préjudice.

[75]       Le 28 décembre 2001, le procureur de la BMO transmet une lettre à Planchers indiquant qu’elle a procédé à l’enregistrement d’un avis de conservation d’hypothèque, suite à des transferts intervenus entre Leclair et Planchers effectués par le syndic. Elle n’a jamais reçu d’information écrite de quelques transferts, ni consenti par écrit aux transferts visés. Elle réfère également à un avis de conservation d’hypothèque publié le 26 mars 2001. Copie de cette lettre est transmise à André Salesse d’Amisk[87].

[76]       Des lettres sont alors échangées, réitérant l’absence de quorum en vertu des dispositions de la convention du 31 mai et des règlements des compagnies, rendant le mandat qui leur a été confié ainsi que les décisions subséquentes en découlant nulles et invalides et indiquant également que le dépôt de l’avis d’intention pour Leclair occasionne des dommages puisque celle-ci effectue des opérations à travers l’Amérique du Nord et une telle annonce affecte de façon irréparable sa notoriété et ses relations avec sa clientèle. Plusieurs correspondances interviennent réitérant la perte de contrôle des opérations de Leclair et Planchers et demandant que cessent formellement les actes de sabotage[88].

[77]       Plus spécifiquement, le 7 janvier 2002, Jacques Bérubé écrit à Martin Rosenthal afin de soulever le conflit d’intérêts de ce dernier entre son mandat de représenter les intérêts de certains actionnaires au détriment d’un autre groupe d’actionnaires, ce qui cause des préjudices graves aux entreprises et lui demande alors de cesser son mandat[89].

[78]       Le 7 janvier 2002, Waskahegen envoie également un avis de défaut[90].

[79]       Le 9 janvier 2002, Martin Rosenthal écrit une lettre à tous les actionnaires exposant un déficit de 4 M$[91].

[80]       Le 10 janvier 2002, une assemblée spéciale des actionnaires de Polystar et ses filiales a lieu. Mario Poulin et Jacques Cloutier sont élus administrateurs de Polystar et Martin Rosenthal expose la situation financière de Leclair et Planchers. Quelques offres d’achat sont également déposées[92].

[81]       Le même jour, soit le 10 janvier, vers 19 h 30, une réunion du conseil d’administration de Polystar a lieu[93]. Jacques Bérubé est présent, mais il est indiqué au procès-verbal que cela est sous réserve, car il a été destitué le 10 décembre 2001. Il est alors question de la création d’un comité de gestion et d’une démission officielle de la part de Jacques Bérubé. Il prend un moment de réflexion hors de la salle avec Jacques Cloutier; la réunion est alors suspendue. Jacques Cloutier revient, et expose les conditions requises pour l’obtention de la démission de Jacques Bérubé :

«      1.   Jacques Bérubé remet, en date de ce jour, sa démission à titre de président-directeur général de Corporation Polystar inc. et ses filiales;

        2.   Le conseil d’administration forme un comité de gestion composé de trois personnes. Il s’agit d’un comité temporaire qui devra se réunir une fois par semaine et produire un rapport écrit au conseil d’administration à la même fréquence;

        3.   Jacques Bérubé demeure consultant sous l’autorité du comité de gestion;

        4.   Des mises de fonds seront requises dans Planchers Canadiana inc. à court terme;

        5.   Samson Bélair Deloitte & Touche cessera son mandat chez Planchers Canadiana inc.

        6.   Les demandes financières seront adressées au conseil d’administration par le comité de gestion. »

[82]       Suite à l’acceptation de ces conditions par les actionnaires, Jacques Bérubé démissionne en tant que président-directeur général de Polystar et ses filiales. Un comité de gestion est alors formé.

[83]       Le 17 janvier 2002, Jacques Bérubé tente d’accéder pour la première fois à l’usine. Les serrures ont été changées et il reçoit une mise en demeure par huissier lui interdisant de pénétrer dans les lieux. On peut également y lire que Fondaction a été informée que depuis le 10 janvier 2002, il tente d’intervenir dans la gestion et les décisions opérationnelles des entreprises, et ce, contrairement à ses engagements[94].

[84]       Le 25 janvier 2002, lors d’une assemblée spéciale des actionnaires de Polystar, il est convenu d’injecter 100 000 $ par semaine jusqu'au 28 février 2002 afin d’assurer la survie des entreprises jusqu’à leur rachat[95]. Avant d'investir à nouveau, les investisseurs demandent des garanties et les seules garanties que Polystar détient sont les actions de Bodco. Une date butoir est également fixée au 28 février 2002 pour la réception d’offres d’achat de la division forestière.

[85]       Le 30 janvier 2002, Martin Rosenthal écrit à la BMO[96], confirmant l’investissement de 500 000 $. Les compagnies ont besoin de cet argent. Dans la même veine, le 31 janvier 2002, Fondaction écrit une lettre indiquant son intention de soutenir la division forestière[97].

[86]       Le 1er février 2002, Martin Rosenthal écrit à la BMO afin de l’informer d’une mise de fonds de 200 000 $[98]. La banque est toujours prête à travailler avec le syndic. Toutefois, le plan initial exige une mise de fonds de 500 000 $ afin de permettre aux deux entreprises de reprendre leurs opérations. Sans cette mise de fonds supplémentaire, il est impossible de continuer.

[87]       Le 13 février 2002, une convention de prêt est alors signée en lien avec les discussions survenues le 25 janvier 2002[99]. Il est convenu de réinvestir 160 000 $ dans la division forestière de Polystar.

[88]       Le 26 février 2002, Fondaction présente une offre d’investissement, dont le prêt serait garanti à même le produit de la vente des actions de Bodco, assorti d’une condition d'investissement de Fondaction dans Polystar pour 300 000 $[100].

[89]       Le 28 février 2002, la compagnie Améri-Star présente une offre au conseil d’administration de Polystar pour le rachat de la division forestière, représentée par Gabriel Savard. L'offre totalise 500 000 $, plus le paiement des sommes dues à la BMO, soit 1 850 000 $, et à CIT New Corp., soit 750 000 $, et un investissement de 1 M$ de fonds de roulement[101]. L’offre est prise en considération, mais aucune décision n’est prise.

[90]       Le 4 mars 2002, une conférence téléphonique est organisée[102]. Les offres d’achat sont soumises au conseil d’administration. Des tractations sont alors entamées et le conseil décide de donner du temps supplémentaire aux offrants pour bonifier ou préciser leurs offres.

[91]       Le 7 mars 2002, la compagnie 9113-4643 Québec inc., entreprise créée et dirigée par des cadres en poste de Planchers et/ou Leclair (MM. Mario Poulin, Marc Legros, Christian Thivierge et d’autres) présente une offre au montant de 1 336 000 $ pour l’ensemble des actifs de Planchers, soit les inventaires, les comptes à recevoir, les équipements de production, incluant une partie des équipements de Leclair[103].

[92]       Le 8 mars 2002, Samson Bélair écrit au notaire, Me Garant[104]. Ils transmettent alors des tableaux concernant la valeur approximative de Planchers selon 3 scénarios. Sa valeur est alors augmentée comparativement à celle de décembre 2001, alors qu’elle n’est plus en activité. La valeur comptable, soit le coût original de l'inventaire, est de 1,9 M$. Il n’y a pas de désuétude des inventaires. Le syndic confirme également que l’offre provenant d’Améri-Star est plus avantageuse qu’une liquidation.

[93]       Le 13 mars 2002, l’offre d’Améri-Star est acceptée[105]. Le 2 avril 2002, lors d’une assemblée des actionnaires de Polystar, Gabriel Savard se retire de l’offre qu’il a présentée[106]. Fondaction impose alors son droit de veto afin d’empêcher la vente[107]. La transaction échoue.

[94]       Le 4 avril 2002, il y a dépôt d’un avis d'intention pour Planchers[108]. C’est Mario Poulin, contrôleur des filiales, qui le signe.

[95]       Le 5 avril 2002, Améri-Star présente une nouvelle offre à Polystar, cette fois-ci dirigée par Gustave Brunet, propriétaire d’usines de sciage[109]. Le prix offert est alors de 300 000 $, plus le paiement des dettes.

[96]       Le 16 avril 2002, une nouvelle offre est présentée par Améri-Star et Gustave Brunet, cette fois pour un montant de 250 000 $. La santé financière des deux entreprises se détériore de façon accélérée. Me Christine Vachon intervient et précise que la clause 6.1 de la convention s’applique à la présente impasse, soit une option de sortie qui ne devrait être valide que dans 5 ans. Jacques Clément propose de passer au vote sur l’application de la clause 6.1. Jacques Bérubé manifeste alors son désaccord, suivi d’un SILENCE des autres administrateurs. Suivant ce silence, Jacques Clément déclare que la proposition sur l’application de la clause 6.1 est adoptée[110].

[97]       Le 25 avril 2002, Jacques Bérubé propose au conseil d’administration de payer la banque avec l’aide d’Alpha et de Gustave Brunet pour tenter de sauver ce qui reste. Il dit avoir rencontré Delano Girard et son avocat au préalable, et la BMO est d'accord, mais au point de vue juridique, puisqu’il n’est plus dirigeant, il lui faut l’accord du conseil d’administration de Polystar. Ce dernier lui répond alors que les compagnies vont être mises en faillite[111].

[98]       Le 13 mai 2002, Planchers et Leclair sont mises en faillite[112]. Entre mai et juin 2002, la ligne de vernissage et le dépôt fait pour l’obtention de celle-ci se sont retrouvés chez Mistral (Groupe Nova) à Jonquière[113]. Toutefois, Jacques Bérubé est poursuivi personnellement par CIT New Corp. pour le dépôt d’argent manquant de 150 000 $. Il va également aider CIT New Corp. à récupérer certains équipements pour éponger leur dette.

[99]       Le 2 juin 2002, après la faillite, André Verrier, Gustave Brunet et Jacques Bérubé vont payer la BMO pour un montant de 1 850 000 M$. Gustave Brunet va racheter du syndic des équipements. Ainsi, BMO n’a rien perdu lors de la faillite de Planchers et Leclerc. Jacques Bérubé et son groupe ont remboursé la totalité des dettes et le 25 juillet 2002, les deux entreprises redémarrent leurs opérations grâce au groupe Améri-Star.

1.4         Acquisition de J-Star

[100]    Ce n’est qu’au printemps 2002 que Sylvain Bouchard reçoit un autre appel de Jean Lascelle l’informant que l'actionnariat de Polystar a changé et que ce dernier est prêt à réactiver le dossier J-Star.

[101]    Le 15 mai 2002, une offre formelle est faite aux dirigeants de Bodco par Machinerie DEV, filiale de la SGF[114]. Il s’agit essentiellement des mêmes conditions que l’entente intervenue préalablement avec Jacques Bérubé. Cet investissement est toujours évalué à 16 M$. L’offre exclut Polystar et Jacques Bérubé, mais pour la SGF, c’est la présence du groupe C.M.T. dans la transaction qui importe.

[102]    Le 16 mai 2002 intervient la convention de rachat des actions de Bodco[115]. Les débentures et intérêts totalisent 2 676 000 $ de dettes et intérêts[116]. Les investisseurs ont le droit en cas de défaut d'être remboursés à la hauteur de leur mise de fonds et de tous les titres convertibles. Ainsi, après la signature de la convention du 16 mai 2002, il y a redistribution des actions.

[103]    Le 17 juillet 2002, une convention de souscription visant l’acquisition du capital-actions de Bodco par la SGF intervient[117], ainsi qu’une convention d’actionnaires le lendemain[118]. Dans cette convention, la SGF exige, après s’être entretenue avec ses conseillers juridiques, l’ajout de la clause 19 intitulée « Litige Bérubé » afin de se prémunir de toute poursuite suite aux évènements de décembre 2001 et janvier 2002[119]. C’est ainsi que la transaction J-Star aura finalement lieu le 17 juillet 2002.

[104]    Enfin, en 2003, lorsque Sylvain Bouchard quitte la SGF, la nouvelle usine est construite, l’équipement est rapatrié et la superficie de l’usine a doublé.

1.5         La perception du comité de gestion nommé le 10 janvier 2002

[105]    Le 10 janvier 2002, au cours d’une réunion du conseil d’administration de Polystar, ses administrateurs procèdent à la création d’un comité de gestion. Les membres désignés sont Mario Poulin, Jacques Cloutier et Gilles Bérubé, assistés de Jacques Bérubé. Dès lors, ils deviennent les interlocuteurs de la BMO pour trouver des solutions afin de maintenir les entreprises en activité et d’obtenir le retrait des lettres de défauts des 7 et 20 décembre 2001 et du 7 janvier 2002 transmises respectivement par Amisk, Fondaction et Waskahegen[120].

[106]    Il est important de présenter les membres de ce comité compte tenu du rôle qu’on leur a fait jouer et du peu d’importance qui leur fut accordée, notamment en ce qui a trait au suivi de leurs demandes de la part du gestionnaire intérimaire, Jacques Clément.

[107]    Jacques Cloutier est un homme d’affaire et détenteur d’un MBA en finance. Il a fait carrière pendant 40 ans dans le financement d'entreprise. Il a été directeur général de la Ville de Sainte-Foy pendant 10 ans et consultant privé en finance pendant 22 ans.

[108]    Mario Poulin est en administration de formation. Il a travaillé pour la firme de comptables agréés Mallette, puis comme contrôleur chez Bois Jacques Boyer, pour ensuite démarrer une entreprise à son compte. Par la suite, il a bâti en 1997 l’entreprise Leclair avec Jacques Bérubé, qu’il a connu chez Mallette.

[109]    Gilles Bérubé est également un homme d'affaires et président-directeur général de Corporation Waskahegen, qui travaille pour l’intérêt des autochtones hors réserve au Québec. Il a ainsi démarré la Société en commandite Waskahegen, puis le Fonds Waskahegen.

[110]    Ces derniers indiquent tous avoir été utilisés et manipulés dans ce processus. Même s’ils possèdent des intérêts financiers dans les entreprises à titre d’actionnaires, leur intégrité ne saurait être mise en doute. D’ailleurs, même dans le cadre des contre-interrogatoires, jamais leur crédibilité ne fut minée.

[111]    En janvier 2002, leurs intentions sont claires : ils désirent sauver les entreprises afin que ces dernières demeurent opérantes. À titre d’exemple, dès le lendemain de la formation du comité, soit le 11 janvier 2002, ils se rendent à l’usine afin de rassurer les employés alors que l’usine n’est plus en exploitation depuis le 15 décembre 2001. Ils se réunissent régulièrement en janvier et février 2002 et font rapport à Jacques Clément de leurs rencontres afin d’obtenir des réponses. Ils rencontrent même la BMO afin que cette dernière les appuie dans leurs démarches de soutenir les deux entreprises. Enfin, ils tenteront à tour de rôle d’acquérir les entreprises en multipliant les offres d’achat qui seront toutes refusées, sans raison apparente.

[112]    Plus spécifiquement, Gilles Bérubé confirme que le comité de gestion n’a rencontré Jacques Bérubé qu’une fois avant qu’on lui interdise l’entrée dans l’usine. Quant au comité, il a assisté à trois ou quatre réunions, cependant, selon lui, le mal est déjà fait. Il conclut quant au rôle du comité que c’est Fondaction et Amisk qui décident et eux n’ont qu’à suivre.

[113]    Jacques Cloutier confirme également qu’une semaine après la formation du comité, Jacques Bérubé est exclu de l'usine et qu'il ne peut plus rencontrer de gens. D’ailleurs, Jacques Clément ou le syndic demande au comité de ne plus traiter avec lui[121]. Ce dernier ne doit plus intervenir dans les opérations de la compagnie. Le comité de gestion n'a pas beaucoup de marge de manœuvre. Il n’a aucun pouvoir. D’ailleurs, il n’avait pas l'expertise pour gérer les entreprises sans Jacques Bérubé. De plus, le représentant du syndic, Enzo Gabrielli, assiste aux réunions du comité. Enfin, le syndic continue son mandat contrairement aux conditions exprimées pour l’obtention de la démission de Jacques Bérubé. Il ajoute qu’« ils sont là pour liquider l'entreprise, pas la sauver ».

[114]    Il confirme également que le comité a eu des conversations avec la BMO vers la mi-février 2002. Le comité a appris vers le 13 février 2002 que Fondaction a déboursé un montant de 200 000 $, et la banque se l'est approprié pour renflouer la marge de crédit. C’est ainsi que lui et Jacques Bérubé rencontrent la BMO le 19 février. Ils sont mécontents. Monsieur Girard leur dit alors qu'il attend un plan de redressement pour le secteur forestier. Il veut collaborer, mais il doit avoir des discussions sur la position des actionnaires. La BMO est même prête à relancer l'entreprise, mais il doit parler avec quelqu'un en charge. Il est également question d'un manque de suivi du syndic. Certains actionnaires sont offusqués. C’est ainsi qu’il parle au téléphone avec Jacques Clément à ce moment et ce dernier lui dit « Non, on arrête ça là, on ne va pas plus loin ». Le comité de gestion a arrêté de siéger à partir de ce moment. Il avoue qu’il ne comprenait pas ce qui se passait à l’époque. Aujourd’hui, il confirme avoir été utilisé comme une marionnette. Pourtant, il s’est embarqué dans le comité de gestion pour sauver l'entreprise, pour trouver une solution.

[115]    Quant aux offres, ces dernières sont refusées par objection systématique. Mario Poulin corrobore que le comité de gestion n'avait aucun pouvoir. Selon lui, le syndic travaille avec Jacques Clément, qui est son patron. En ce qui a trait aux offres, tout ce que Jacques Bérubé propose est refusé[122]. Il termine en disant « Il voulait sauver la compagnie de Planchers. Personne ne l'a eue. Une partie des actifs a été vendue à Mistral ».

[116]    De l’avis du Tribunal, l’intégrité de ces trois personnes ne saurait être remise en doute. Leurs témoignages étaient francs, directs et empreints de modération malgré leur totale incompréhension face à l’attitude des représentants de Fondaction et d’Amisk. Les documents contemporains des évènements confirment leurs témoignages qui, de part et d’autre, ne sont pas contredits. Tous confirment que la véritable intention de Fondaction et d’Amisk est de procéder à la fermeture des deux entreprises opérant dans le secteur forestier.

1.6         L’intervention de Samson Bélair

[117]    Le 28 novembre 2001, Martin Rosenthal reçoit un appel de Jacques Clément, un ancien de chez Samson Bélair, lui demandant une intervention immédiate. Le jour même, il rencontre la BMO pour la convaincre de reporter l’échéancier et ajoute que Delano Girard est son interlocuteur. Ce dernier lui confirme que pour reporter la date, on doit lui soumettre un plan viable démontrant qu’il est dans l’intérêt de la banque d’être patiente.

[118]    Le même jour, Fondaction et Amisk, à l’initiative de Jacques Clément et André Salesse, confient un mandat à Martin Rosenthal qui est par la suite confirmé lors d’une assemblée spéciale le 28 novembre 2001[123]. Son mandat consiste à analyser la situation financière des entreprises Leclair et Planchers, vérifier les états financiers, faire des projections et intervenir auprès de la BMO. Il doit ainsi donner des conseils aux actionnaires pour protéger leur investissement, faire une analyse des gestes possibles ou solutions envisageables pour essayer de régler la situation et surtout de garder les entreprises en activité.

[119]    En ce qui le concerne, il n’est allé à l'usine qu’une seule fois dans les premiers jours du mandat. La direction a arrêté les opérations. Cette affirmation est inexacte, car la preuve établit clairement que les opérations pour les deux entreprises arrêtent le 15 décembre 2001, et ce, à la demande de Fondaction et Amisk[124]. Contre-interrogé sur ce point, Martin Rosenthal ne se souvient pas de la date exacte de fermeture de l'usine. Il confirme toutefois une discussion avec ses mandants sur le timing de la fermeture afin de réduire les coûts opérationnels.

[120]    Au début du mois de décembre 2001, Martin Rosenthal informe la BMO d’un problème dans les inventaires suite au rapport du 4 décembre[125]. Contre-interrogé sur l’explication donnée par Jacques Bérubé indiquant qu’il s’agit d’un faux problème, il ne se souvient pas de la production de plancher à faible coût de marque Royal Distinction, à partir de la matière première de Leclair.

[121]    Par la suite, Enzo Gabrielli retourne à l'usine dans la semaine suivante et rédige un second rapport aux actionnaires de l'entreprise[126]. Ce rapport en date du 4 décembre 2001 indique une valeur des stocks de 3 M$ et de 2 M$ de comptes à recevoir[127]. Aucune dévaluation des marchandises n’a été effectuée. Toutefois, les équipements ne sont pas calculés dans le 3 M$. Il y a effectivement 10 M$ d'actifs aux livres, ce qui ne représente pas nécessairement la valeur exacte.

[122]    Il est à noter qu’à partir de décembre 2001, Martin Rosenthal écrit seulement à Jacques Clément, André Salesse et Delano Girard, sans aucune copie à Jacques Bérubé. Même le rapport n'a pas été envoyé à ce dernier. Il ne se rappelle pas avoir reçu des instructions précises à cet effet. Il envoie toutefois les papiers seulement à ses interlocuteurs, Jacques Clément et André Salesse[128].

[123]    Le 14 décembre 2001, il écrit à André Salesse et Jacques Clément[129]. Il a reçu une lettre pour l’informer que la réunion du 10 décembre n'avait pas le quorum. Il est alors préoccupé par les résolutions pour modifier les signataires des comptes bancaires et pour destituer Jacques Bérubé de ses titres. À la suite de la lettre du 27 décembre 2001 soulevant l’absence de quorum, il ajoute qu’il ne regarde pas le livre des minutes ni les règlements. Les syndics ne regardent pas les règles[130].

[124]    Interrogé par le Tribunal sur la réunion du conseil d’administration du 10 janvier 2002 à laquelle il assiste, indiquant qu’il est convenu de mettre fin à leur mandat, Martin Rosenthal répond que ce n’est pas sa compréhension de la résolution. Pourtant, plusieurs témoins confirment qu’ils ont tous voté en faveur du retrait de ce mandat. Même Jacques Bérubé en fait une condition sine qua non à sa démission.

[125]    Contre-interrogé également sur son propre compte-rendu lors de la réunion du 10 janvier, confirmant alors que la BMO est prête à attendre, il indique que le contenu du procès verbal est exact[131]. Pourtant, en décembre 2001, c’est suite à cette justification d’état urgence avec la BMO qu’un avis est envoyé afin d’éviter que la banque ne saisisse les entreprises[132]. Il ajoute alors qu’il s’agit de la décision du conseil d’administration de Polystar, car ce sont eux qui décident.

[126]    Quant à leur rôle au comité de gestion, il indique que Samson Bélair veut échanger de l'information avec le comité et ils discutent avec eux, mais ils ne sont pas membres. Ils assistent aux réunions du comité, à titre d'invités, afin de leur faire part de leurs constatations et analyses.

[127]    Interrogé par le Tribunal sur la possibilité d’un conflit d’éthique, Martin Rosenthal considère qu'il n'y avait pas un conflit. Il a toutefois constaté la discorde entre les actionnaires. En ce qui le concerne, quand ils sont nommés comme consultants et deviennent syndics/séquestres/contrôleurs, ils sont soumis à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, leur rôle est alors statutaire envers les créanciers. Le client est à ce moment le Tribunal et le bureau du surintendant des faillites.

[128]    Enfin, il savait que Polystar était la compagnie mère. Toutefois, le mandat n’est pas de vérifier la situation de Polystar ni de Bodco. Il n’a pas été impliqué dans la gestion du holding et la possibilité de monter des dividendes de Bodco vers Polystar, pour ensuite les distribuer aux filiales en difficulté.

[129]    En terminant, il confirme l’évolution du mandat de Samson Bélair à travers le temps. En novembre 2001, ils sont consultants pour Leclair et Planchers. À la mi-décembre 2001, ils agissent comme syndic à l'avis d'intention de Leclair, en avril 2002, ils sont alors syndics à l'avis d'intention de Planchers. Enfin, en avril et mai 2002, ils sont syndics à la faillite des deux entreprises. Lors de la faillite, Martin Rosenthal cède le dossier à un associé de Québec, qui a pris en charge le dossier.

[130]    De l'avis du tribunal, il est permis de douter du rôle réellement joué par Samson Bélair et de la possibilité de jouer plusieurs rôles en vertu de leur code de déontologie[133]. D’ailleurs, le 10 janvier 2002, lors de la rencontre des actionnaires, il est question que leur mandat cesse. De plus, le témoignage fragilisé d’Enzo Gabrielli ne permet pas d’être rassuré sur leur véritable rôle. Il ne se souvient pas de toute vraisemblance de plusieurs éléments importants. Enfin, il est évident qu’ils ont tenu Jacques Bérubé dans l’ignorance. Toutefois, ils ont tenu informés leurs partenaires, Amisk et Fondaction. Par conséquent, face à ce qu’il appelle de la discorde, ils ont choisi leur clan, ce qui confirme d’ailleurs les propos rapportés par les membres du comité de gestion.

2.            LES QUESTIONS EN LITIGE

[131]    Les faits étant établis, les questions en litige sont les suivantes :

A.     Les demandeurs ont-ils été l’objet d’abus de droit?

B.     Si oui, peuvent-ils obtenir une indemnité dont le montant équivaut à la valeur de leurs actions de l’époque, soit approximativement 10 M$, en plus de dommages pour le congédiement de Jacques Bérubé?

C.     Dans ce cadre, peut-on retenir la responsabilité des actionnaires et des administrateurs?

D.     S’agit-il d’une responsabilité solidaire?

E.     Quelle est la date de début de computation des intérêts et de l’indemnité additionnelle?

F.     Enfin, y a-t-il lieu d’ordonner l’exécution provisoire nonobstant appel?

3.            L’ANALYSE ET DÉCISION

3.1         Le droit

[132]     Le recours des demandeurs repose essentiellement sur le fait qu’un plan ou une stratégie occulte a été mis en place par les défendeurs, Fondaction, Amisk et leurs commettants, Jacques Clément et André Salesse, pour s’accaparer les actifs de Polystar au détriment des demandeurs.

[133]     À cet effet, la jurisprudence antérieure visant la bonne foi et l’obligation pour une partie d’exercer ses droits de façon à ne pas nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable allant à l’encontre des exigences de la bonne foi[134] est dorénavant codifiée[135].

[134]     Depuis l’entrée en vigueur de ces articles, plusieurs auteurs ont écrit sur le sujet. En outre d’imposer la bonne foi dans les relations entre les parties, ces derniers considèrent que ces articles commandent également une obligation de collaboration impliquant un comportement positif, en ces termes :

« 329. De même, l’obligation de collaboration implique un comportement positif de sorte que chaque partie doit prendre l’initiative, au lieu de s’abstenir, et faire tout ce qui est nécessaire pour favoriser une exécution ou extinction du contrat dans l’intérêt des deux parties. Il est légitime qu’un créancier se comporte de manière à s’assurer la réalisation de ses objectifs personnels, mais toute démarche entamée par lui devient illégitime s’il ne tient pas compte de l’intérêt de son cocontractant et de ses objectifs aussi légitimes tels que conçus lors de la conclusion du contrat. »[136]

[135]    La Cour d’appel confirme également que ce concept d’obligation de collaboration s’applique dans les relations contractuelles[137].

[136]    C’est ainsi que les demandeurs invoquent être victimes d’abus de droit de la part des défendeurs au sens des articles 6, 7, 317 et 1375 du Code civil du Québec.

[137]    En ce qui a trait à leur recours en oppression et indemnisation, les demandeurs invoquent le pouvoir général de surveillance et de réforme de la Cour supérieure en vertu des articles 34 et 49 du Code de procédure civile.

[138]    Avant l’entrée en vigueur en 2011 de la Loi sur les sociétés par actions du Québec, la Cour supérieure, en vertu de son pouvoir général, avait la capacité d’accorder des dommages, comme le permet présentement l’article 451(10) de cette Loi. Elle dispose ainsi de pouvoirs inhérents semblables aux articles 241 et 243 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, maintenant conférés par les articles 451 et suivants de la Loi sur les sociétés par actions du Québec, incluant le droit de condamner à payer des dommages en cas d’abus[138].

[139]    Ainsi, si les actes commis avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sont abusifs dans le sens de la jurisprudence en vertu de l’article 33 du Code de procédure civile et dans le sens de l’article 317 du Code civil du Québec, il n’y a aucune différence quant au résultat si l’on applique l’ancienne ou la nouvelle loi[139]. Cette position a d’ailleurs été confirmée par la Cour d’appel[140].

3.2         Les abus préjudiciables

[140]    Dans leurs procédures, les défendeurs ne soulèvent que des comportements adoptés avant ou après les évènements afin d’étayer leur position, alors que les demandeurs, à la suite de l’audition de plus de treize témoins, ont établi les constats et les inférences de fait permettant de constituer la preuve d’importants abus.

[141]    Les abus commis par les défendeurs se réalisent en trois temps.

[142]    Dans un premier temps, en novembre 2001, les défendeurs font obstacle aux demandeurs en retirant sans motif valable leur appui financier au secteur forestier alors que Polystar est sur le point d’acquérir un important joueur, adoptant alors une vision complètement différente de celle des anciens dirigeants, en plus de destituer illégalement Jacques Bérubé, l’âme dirigeante de l’entreprise.

[143]    Puis, en janvier 2002, lorsque les demandeurs tentent de relancer les entreprises forestières, les défendeurs manœuvrent afin d’en retarder la reprise et, de ce fait, entrainent les entreprises vers la faillite, commettant un second abus de droit évident.

[144]    Enfin, en tant que troisième abus de droit, les défendeurs se sont approprié les actions des demandeurs sans leur verser de contrepartie.

[145]    Pourtant, Polystar comptait sur les défendeurs pour réaliser un projet prometteur déjà en bonne voie de réalisation, soit l’acquisition de J-Star. La première manœuvre repousse le projet en congédiant Jacques Bérubé. La seconde manœuvre permet d’écarter définitivement Jacques Bérubé et ses filiales de ce plan et la troisième de s’approprier, sans contrepartie, les actions de ces derniers.

[146]    Le Tribunal est d’avis que les abus préjudiciables invoqués par les demandeurs sont fondés. Par contre, il y a lieu de reprendre le récit des évènements sur chacun d’eux, aux fins du calcul de l’indemnité à être adjugée.

3.2.1    Le congédiement illégal en décembre 2001

[147]    Les défendeurs soutiennent que le congédiement de Jacques Bérubé, survenu le 10 décembre 2001, a été fait de façon légale.

[148]    Pourtant, l’article 123.79 de la Loi sur les compagnies du Québec qui s’applique à l’époque indique qu’un dirigeant qui fait l’objet d’une destitution doit être informé de la date, de l'heure et du lieu afin de pouvoir prendre la parole, en ces termes :

« 123.79. L’administrateur qui fait l’objet de la destitution doit être informé du lieu, de la date et de l’heure de l’assemblée dans le même délai que celui prévu pour la convocation de l’assemblée.

Il peut y assister et y prendre la parole ou, dans une déclaration écrite et lue par le président de l’assemblée, exposer les motifs de son opposition à la résolution proposant sa destitution. »

[149]    Or, Jacques Bérubé n’a pas été convoqué préalablement à la réunion du conseil d’administration de Polystar du 10 décembre 2001 et n’y a pas assisté. Il est purement et simplement congédié et destitué de ses fonctions de président et de son poste d’administrateur de Polystar et ses filiales sans être entendu, avoir donné des explications ou pu exprimer son opposition à cette décision.

[150]    De plus, cette réunion du conseil d’administration de Polystar est convoquée illégalement et sans respecter les règlements de la société, en particulier l’article 26 prévoyant la présence d’un représentant de Poutres et de Bois afin d’établir le quorum[141].

[151]    Par conséquent, cette destitution est faite en toute mauvaise foi et sans droit. Les assemblées du 10 janvier 2002 en sont la preuve flagrante[142]. En effet, il est alors convenu que ces décisions soient annulées. Aux dires d’André Salesse, représentant d’Amisk, « on n’a alors qu’à recommencer ».

[152]    Plus grave encore, les motifs de ce congédiement, soit les mauvaises relations avec la BMO et le transfert de la somme de 75 000 $ afin de payer les frais de Capital Corp., sont des prétextes.

[153]    De l’avis du Tribunal, le conflit débute par le changement des différents dirigeants des institutions prêteuses, en octobre 2001. En effet, les représentants d’Amisk et de Fondaction sont remplacés respectivement par André Salesse et Jacques Clément. Ces changements amènent une détérioration évidente des relations entre les actionnaires de Polystar. Tous sont unanimes pour dire que la situation se détériore à partir de ce moment et la confrontation s’installe. Les nouveaux dirigeants n’ont pas la même vision que leurs prédécesseurs. Pour eux, il n’est nullement question que le secteur agricole vienne en aide au secteur forestier. Ils doutent même de l’honnêteté de Jacques Bérubé. Deux visions d’affaires parallèles s’affrontent, d’un côté les institutionnels et de l’autre, les promoteurs. Pourtant, à peine quatre mois avant, lors de la signature de la convention du 30 mai 2001, tous sont derrière Jacques Bérubé afin que ce dernier mène à terme l’important projet d’acquisition de J-Star.

[154]    Que s’est-il passé en quatre mois, si ce n’est le changement de direction de deux importants investisseurs?

[155]    Dès le 15 octobre 2001 apparaît entre les parties un différend concernant la façon d’envisager le futur ainsi qu’une contestation quant à la répartition effectuée du capital-actions lors de la convention du 30 mai 2001.

[156]    À la même époque, la SGF transmet une lettre le 26 septembre 2001 dans laquelle elle déclare être intéressée par le projet J-Star en investissant directement dans Bodco, mais n’a toutefois aucun intérêt pour Polystar et exige alors la clarification de l’actionnariat. Pour les nouveaux dirigeants, il s’agit d’une impasse. Ces derniers interprètent cette lettre comme un motif leur permettant de mettre fin à la structure corporative mise en place par leurs prédécesseurs. Pourtant, le témoignage de Sylvain Bouchard établit clairement que les exigences de la SGF ont toujours été les mêmes et n'ont jamais exigé l’exclusion de Jacques Bérubé et ses filiales[143]. Pour la SGF, Polystar ne doit pas apparaître dans l'actionnariat pour éviter que l’investissement passe par une société de portefeuille, évitant ainsi les intermédiaires et clarifiant l’actionnariat[144].

[157]    S’ensuit alors une série de mauvaises décisions.

[158]    Amisk et Fondaction changent de façon impulsive et dommageable l’idéologie de la structure corporative de Polystar en refusant que les filiales se viennent en aide mutuellement, alors que le secteur forestier est dans le bas de son cycle. Plus spécifiquement, Leclair subit à ce moment les contrecoups des évènements du 11 septembre 2001. C’est pourquoi André Salesse, aidé par Jacques Clément, veut se débarrasser de ce secteur.

[159]    Intervient une série d’offres qui sont refusées par les différents actionnaires. Plus spécifiquement, Jacques Bérubé refuse de se départir de ses actions dans Bodco, préférant préserver la structure corporative actuelle, initialement mise en place par Fondaction et maintenir la répartition de la détention des participations au capital-actions établie lors des transactions du 30 mai 2001.

[160]    Arrive ensuite la lettre du 26 novembre 2001 de la SGF décrétant un ultimatum afin de finaliser la scission du groupe Polystar et la réorganisation de l’actionnariat[145]. Il est à noter que ces lettres ainsi que le témoignage de Sylvain Bouchard de la SGF attestent simplement de la nécessité de refaire l'actionnariat pour rendre le groupe C.M.T. décisionnel, ce à quoi Jacques Bérubé est d’accord. Il n’est jamais question d’exclure ce dernier de l’actionnariat.

[161]    Face à ce qu’ils appellent une impasse, Jacques Clément et André Salesse se présentent à la BMO le 28 novembre 2001 avec un redresseur d’entreprises à l’insu de Jacques Bérubé, alors président de Polystar. Pourquoi tenir cette rencontre hâtive alors qu’ils connaissent déjà les problèmes de liquidité avec la BMO? Pourquoi avoir invité un syndic? Il est d’ailleurs utopique de croire que cette rencontre ait été préparée le matin même. Derrière cette rencontre se cache la motivation de régler ladite impasse.

[162]    D’ailleurs, le 28 novembre 2001, lors de l’assemblée des actionnaires, on les informe officiellement de la rencontre avec la BMO, sans obtenir préalablement la version de Jacques Bérubé. Ces derniers acceptent que le syndic ait accès à tous les livres, écritures de régularisation et inventaires afin de les rassurer[146]. Il est bien établi que les vérificateurs sont présents uniquement pour vérifier les livres.

[163]    Dès le 3 décembre 2001, leur discours se clarifie. André Salesse, soutenu par Jacques Clément, met sur papier un plan occulte visant à exclure carrément Jacques Bérubé et ses filiales de Bodco en vue de l’acquisition de J-Star[147]. La ligne est alors franchie.

[164]    Le 6 décembre 2001, lors d’une assemblée, André Salesse offre que Fondaction et Amisk s’approprient les actions de Bodco, ce qui est refusé par le vote majoritaire des actionnaires[148]. S’enchaine ensuite une série de gestes illégaux visant à se débarrasser définitivement de Jacques Bérubé et du secteur forestier, et ce, indépendamment de ce vote.

[165]    Le 7 décembre 2001, faisant suite à la réunion, le défendeur, Jacques Clément, informe la BMO d’un changement de signatures et qu’André Salesse et lui deviennent désormais les seuls signataires des chèques et responsables des opérations bancaires[149].

[166]    Le 10 décembre 2001, lors d’une assemblée spéciale des actionnaires, sans que Jacques Bérubé soit convoqué ni présent, l’on procède à sa destitution comme dirigeant de Polystar et des autres sociétés du groupe[150]. Le motif au soutien de ce congédiement est le versement de la somme de 75 000 $ à Capital Corp. pour ses frais d’honoraires. Bien que tous les actionnaires soient au courant des négociations avec Capital Corp., Jacques Clément et André Salesse invoquent la tentative non autorisée de paiement de ces frais déboursés par Polystar pour exiger la destitution de Jacques Bérubé[151]. En ce qui a trait à ce paiement, Gilles Bérubé et René Couture n’ont jamais voté pour que Jacques Bérubé rembourse cette somme. Ils considèrent d’ailleurs anormal que lorsque ce dernier se rend aux États-Unis pour trouver du financement, qu’il ait à en assumer les frais. Jean Bigaouette et Jean Lascelle abondent dans le même sens. De surcroit, le 25 octobre 2001, Jacques Bérubé est mandaté par le conseil d’administration de Polystar afin de trouver du financement pour régler les problèmes du secteur forestier. Ce motif de remboursement de frais ne peut être retenu pour justifier son congédiement.

[167]    Les défendeurs invoquent également les mauvaises relations avec la BMO pour justifier le congédiement de Jacques Bérubé. Ils déposent une série de lettres dénonçant ces problèmes.

[168]    L’important, et c’est un point crucial, est que le non-respect des ratios est sans pertinence, car, en tout temps, tous les actionnaires sont au courant de cette problématique. En effet, bien avant la signature de la convention du 30 mai 2001, tous les actionnaires sont informés de la situation avec la BMO[152]. Jacques Bérubé a toujours tenu informés ses partenaires de l’époque, Amisk, représentée par Yvon Lévesque, et Fondaction, représentée par Yoland Dumas. La preuve documentaire en fait d’ailleurs état dans le closing du 31 mai 2001, une clause de décharge sur ses relations avec la BMO ayant été incluse dans cette convention. Cette preuve « ultime » est alors l’annexe comprise au soutien de cette convention empêchant les actionnaires de soulever ce motif comme défaut[153]. Le 28 mai 2001, il y a de plus une lettre transmise à Me Christine Vachon sur ce fait[154].

[169]    D’ailleurs, dès l’automne 2001, Jacques Bérubé a entrepris des démarches afin de remplacer la BMO et négocie avec la HSBC à cette fin, selon les recommandations d’André Salesse. De plus, Mario Poulin témoigne sur les démarches pour remplacer la BMO par une autre banque. Cette dernière donne d’ailleurs suite aux démarches[155].

[170]    En résumé, les mauvaises relations avec la BMO sont connues dès mai 2001. De l'avis du tribunal, il est permis de douter d’un retrait précipité de la BMO. En effet, malgré la correspondance, ce n’est que le 4 décembre 2001, à la suite du transfert, qu’elle mandate son procureur d’expédier un avis de conservation. Ni avant, ni même après, il n’y a de procédure judiciaire d’entreprise. D’ailleurs, le 10 janvier 2002, lors de la rencontre des actionnaires, il est également question que la BMO attende[156]. De plus outre les menaces de la BMO, cette dernière continue de faire affaire avec Planchers et Leclair jusqu’en mai 2002. Enfin, la BMO n’a rien perdu lors de la faillite de Planchers et Leclair.

[171]    Ce n’est pas la crainte d’une perte éventuelle qui motive le congédiement de Jacques Bérubé, car dès le 28 novembre, la BMO accepte de continuer à patienter afin de trouver une solution, mais plutôt la poursuite de la stratégie occulte d’André Salesse et de Jacques Clément en vue d’exclure les demandeurs. De fait, ce n’est que le 28 décembre que la BMO avise formellement Polystar de son intention d’exercer ses garanties conformément à l’article 244(1) de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité[157], ajoutant qu’elle retire son support financier. Toutefois, en réalité, elle continue même après cette date d’honorer les chèques émis par les entreprises forestières, y compris les paies des employés. De surcroit, cette lettre est transmise en réaction au transfert inapproprié fait des inventaires de Leclair à ceux de Planchers par le syndic[158]. Ce transfert n'aurait jamais dû être fait.

[172]    Enfin, les défendeurs soulèvent que le lien de confiance avec Jacques Bérubé est rompu dès le 28 novembre. Pourtant, ils continuent de le mandater afin qu’il les représente comme porte-parole crédible pour rencontrer à nouveau les dirigeants de J-Star en décembre, suite à l’exigence de la SGF[159].

[173]    Il est évident que l’on joue dans le dos de Jacques Bérubé afin de le sortir du groupe pour s’approprier ses actions dans Bodco avant la transaction J-Star. Le plan préparé par André Salesse du 3 décembre 2001 est éloquent sur leurs véritables intentions[160].

[174]    S’ensuit, le 14 décembre 2001, lors d’une assemblée des administrateurs de Polystar, la nomination d’André Salesse et Jacques Clément comme gestionnaires intérimaires et signataires des chèques[161], puis l’arrêt des opérations manufacturières des filiales Planchers et de Leclerc, malgré des commandes de plus de 1 M$. Les défendeurs omettent même de désigner un responsable des opérations afin d’assurer la reprise des opérations alors que ces derniers n’opèrent pas. Ils confirment d’ailleurs leur mission, qui est d’investir et de créer des emplois, mais pas d’intervenir dans les opérations[162]. Aucun élément au dossier n’indique que les défendeurs étaient dans l’impossibilité d’accorder un délai raisonnable avant de prendre de telles décisions.

[175]    À la même date, le 14 décembre 2001, sans qu’il y ait quorum[163], les défendeurs votent pour le dépôt d’un avis d’intention de Leclair[164]. Le syndic les met en garde quant au dépôt d’un tel avis pour Planchers en raison de la mauvaise publicité, de la réaction des clients et fournisseurs ainsi que des répercussions négatives sur les employés que cette décision susciterait. Il est évident que Planchers ne peut résister au dépôt d’un avis d'intention à cause de sa relation étroite avec ses clients[165]. Il en va également de même pour Leclair, car ce genre d’avis entache la réputation des entreprises.

[176]    Toujours en décembre, les défendeurs refusent de donner suite à l’offre de la compagnie Capital Corp. qui accepte d’appuyer Jacques Bérubé dans ses démarches, ce qui lui aurait permis de refinancer le secteur forestier. Ce refus n’est pas validement motivé.

[177]    Toutes ces décisions ont eu pour conséquence d’entrainer des pertes importantes aux deux entreprises œuvrant dans le secteur forestier. En outre, le congédiement illégal de Jacques Bérubé, l’âme dirigeante de ces sociétés, est certes la décision la plus préjudiciable.

[178]    De l’avis du Tribunal, il ne s’agit pas d’une coïncidence si tout se produit à la même période. Il y a un lien entre le plan occulte des défendeurs, le congédiement de Jacques Bérubé, l’avis d’intention déposé pour Leclair et la transmission des avis de défaut.

[179]    Par conséquent, le Tribunal retient que le principal motif, sinon le seul vrai motif pour le congédiement sournois et intempestif de Jacques Bérubé est de permettre l’oppression de ses droits à titre d’actionnaire minoritaire et de l’écarter du projet J-Star et incidemment du partage des profits. Il s’agit alors d’un congédiement illégal accompagné de gestes hautement préjudiciables qui ont nui considérablement aux deux entreprises œuvrant dans le domaine forestier.

3.2.2    La réembauche et le non-respect des conditions résultant de la démission de Jacques Bérubé

[180]    Les défendeurs soutiennent que la démission de Jacques Bérubé en date du 10 janvier 2002 est obtenue légalement et que les conditions exigées dans le cadre de celle-ci ont été respectées.

[181]    La validité d’une démission est sujette à celle du consentement de l’employé qui la présente[166]. Ce comportement ne doit pas être vicié par l’erreur ou la crainte. Une démission obtenue par subterfuge, menace ou contrainte n’en est pas une légalement obtenue.

[182]    Dans la présente affaire, il est criant que la démission de Jacques Bérubé comporte des vices de consentement. Le simple déroulement des évènements suffit à l’établir.

[183]    Le 10 janvier 2002, dès le début de cette assemblée, les défendeurs réembauchent Jacques Bérubé à son poste de président de Polystar afin qu’il y ait un vote sur son congédiement, ce qui s’apparente à une forme de congédiement déguisé. Jacques Bérubé sait alors que la situation financière des entreprises s’aggrave de jour en jour. Les opérations sont arrêtées depuis le 14 décembre et n’ont pas repris. Il doit trouver une solution afin de les sauver. Il s’agit de sa dernière chance. Suite à un temps de réflexion, il donne sa démission sous pression.

[184]    Est-ce une démission obtenue librement?

[185]    De l’avis du Tribunal, le témoignage de Jacques Bérubé a établi que sa démission n’est pas libre et volontaire.

[186]    Subsidiairement, il est vrai que le 10 janvier 2002, lors de l’assemblée du conseil d’administration, Jacques Bérubé demande un temps de réflexion et offre par la suite, par l'entremise de Jacques Cloutier, sous la pression du conseil d’administration et de la situation catastrophique, de démissionner selon des paramètres précis. Il s’agit de conditions sine qua non qui se résument ainsi :

¨         La formation d’un comité de gestion temporaire. Ce comité est constitué, mais ses membres n’ont aucun pouvoir. La situation est difficile et il n’y a aucune intervention de la part du conseil d’administration pour les aider dans leurs fonctions ni de suivi de leurs demandes et de leurs rapports. Les membres du comité se sentent comme des pantins.

¨         Jacques Bérubé doit demeurer à titre de consultant sous l'autorité de ce comité de gestion. Lors de sa première apparition en date du 17 janvier 2002 à l’usine, on lui signifie une mise en demeure de cesser ses agissements. Certains membres du comité confirment d’ailleurs qu’ils ne peuvent pas le consulter librement. Jacques Cloutier parle même d’une interdiction de contact.

¨         Des mises de fonds à court terme doivent être investies. Dans les faits, un montant de 500 000 $ est approuvé par Fondaction, Waskahegen et Amisk afin d’assurer la survie des entreprises[167]. Une convention de prêt intervient[168]. Toutefois, un montant de seulement 200 000 $ est déposé, ce qui est insuffisant. La BMO le saisit également pour renflouer sa marge. Elle est toutefois prête à prendre un arrangement si on lui fournit un plan d’action, qui ne lui sera jamais produit.

¨         Samson Bélair doit cesser son mandat. Dans les faits, elle poursuit son mandat, et ce, bien au-delà de ce qui lui était nécessaire à titre de syndic dans Leclair. Les représentants du syndic assistent aux réunions du comité de gestion et prennent des décisions concernant Planchers. Plusieurs disent même que ce sont eux qui dirigent en réalité.

¨         L’engagement d’accepter l’offre la plus intéressante au plus tard le 28 février. Pourtant, il y a un refus systématique des offres déposées, à l’exception de celle de Gabriel Savard. De plus, la date limite du 28 février n’est pas respectée.

[187]    Aucune des conditions n’est respectée au soutien de cette démission, elle n’est alors pas valide.

[188]    Enfin, pour la même période, soit entre le 10 janvier 2002 et le 4 mars 2002, le refus systématique des offres par les défendeurs alourdi leur responsabilité alors que Jacques Bérubé a démontré sa capacité à trouver de l’argent dans le délai alloué du 28 février 2002. Il n’y avait d’ailleurs aucun risque pour les défendeurs de perdre leur argent. Même la banque patiente, c'est la preuve que les entreprises peuvent survivre. Le montant des dettes justifiait l’acceptation des offres[169]. C’est d’ailleurs la conclusion du syndic privilégiant leur acceptation[170]. Même le 4 mars 2002, Gabriel Savard ne comprend pas pourquoi il était impossible de sauver ces deux entreprises. En effet, rien ne justifie de refuser de vendre les deux entreprises forestières à leur fondateur, Jacques Bérubé.

[189]    De surcroit, tous les témoignages concordent à savoir que les défendeurs n’ont jamais réellement voulu rouvrir l'usine. Gilles Bérubé, représentant de Waskahegen, ajoute quant au rappel des débentures que le montant dû à Waskahegen à ce moment n’est que de 8 000 $[171]. Il est évident que ce que l’on vise est l'application de la clause 6.1 de la convention de mai 2001.

3.2.3    L’utilisation abusive de la clause 6.1 de la convention d’actionnaire.

[190]    Le 30 mai 2001, une convention entre actionnaires intervient[172]. Tel qu’il appert de cette convention reliée à la réorganisation, les demandeurs autorisent le transfert des actions qu’ils détiennent de la division forestière en échange de 43,15 % du capital-actions de Polystar, le tout évalué à l’époque à environ 11 M$.

[191]    Le 16 mai 2002, tel qu’il appert de la convention de rachat, c’est sur la foi de la clause 6.1. de la convention du 30 mai 2001 que les défendeurs se transfèrent les actions de Bodco détenues par Polystar, soit 75 % des actions de Bodco[173]. Dans ce document, il est admis que les actions de Bodco que détient Polystar ont une valeur d’au moins 7,5 M$.

[192]    La clause en litige à laquelle les défendeurs réfèrent pour faire valoir le droit de propriété des actions de Bodco ne peut être assimilée à une dation en paiement. Il s’agit plutôt d’une clause qui équivaut, somme toute, à compenser en cas de défaut, ce que l’on appelle usuellement une clause de retrait. La simple lecture de la clause 6.1 de cette convention permet de conclure que celle-ci ne permet nullement ce transfert d’actions aux défendeurs. Cette clause se lit comme suit :

« 6.1         À compter du cinquième (5ième) anniversaire de la souscription et du Prêt, le cas échéant, effectués par FONDACTION et WASKAHEGEN ou advenant que la Compagnie soit en défaut de respecter une obligation aux termes de la convention de souscription intervenue ce jour entre FONDACTION, WASKAHEGEN et la Compagnie ou la convention de souscription intervenue le 2 octobre 2000 entre la Compagnie et AMISK et qu’il n’ait pas été remédié à pareil défaut dans les trente (30) jours de sa notification par écrit, chacun de FONDACTION, WASKAHEGEN et AMISK (ci-après les « Investisseurs ») aura l’option, à son gré, (l’« Option de vente ») d’exiger le remboursement intégral de son prêt et de ses Titres convertibles et de vendre, à la Compagnie, la totalité de ses Actions qu’elle détient ; et la Compagnie s’engage et s’oblige à rembourser son prêt et tous ses Titres convertibles, le cas échéant, et à acheter ses Actions participantes à un prix par action égal au plus élevé de :

6.1.1        la Juste valeur marchande;

6.1.2        un montant équivalent à un multiple de cinq (5) fois le bénéfice net moyen après impôt, par action, établi selon les états financiers annuels vérifiés des deux (2) derniers exercices financiers précédant la levée de l’option de chacun des Investisseurs, majoré des actifs excédentaires s’il y a, déduction faite des charges propres à chacun des Investisseurs - jetons de présence, déplacements, REER-FONDACTION, honoraires de suivi etc… - des éléments de nature extraordinaire ainsi que des primes d’assurance sur la vie des Actionnaires. Le calcul de la valeur se fera sans égard à un escompte pour participation minoritaire;

6.1.3        pour chaque action, le capital versé majoré d’un rendement annuel composé de vingt pour cent (20 %), tout dividende versé par la Compagnie étant déduit au rendement exigé;

6.1.4        le prix par action le plus élevé payé au cours des deux (2) derniers exercices financiers précédant la levée de l’Option de vente aux termes d’une Offre de bonne foi visant l’acquisition d’Actions représentant au moins quinze pour cent (15 %) des Actions participantes en circulation. »

[193]    En aucun cas l’article 6.1 de la convention ne permet un transfert des actions que Polystar détient dans Bodco en paiement de sommes dues ou d’actions détenues par Fondaction, Waskahegen et Amisk. L’utilisation de cette clause pour justifier la convention de rachat d’actions constitue ni plus ni moins une appropriation illégale des actions que Polystar détient dans Bodco.

[194]    D’ailleurs, l’interprétation de la clause par les défendeurs est de nature d’une dation en paiement[174]. Ce genre de clause est prohibé par le législateur[175]. Elle est réputée non écrite. Seule une hypothèque peut constituer une garantie valide permettant un tel transfert d’actions[176]. Ainsi, pour obtenir les actions de Bodco détenues par Polystar en paiement de ses dettes, encore faut-il que les défendeurs Fondaction et Amisk détiennent une telle hypothèque, ce qui n’est pas le cas. La convention du 30 mai 2001 ne comporte pas de tels droits.

[195]    Il est pertinent de rappeler que peu de temps avant la transaction du 16 mai 2002, les défendeurs tentent de mettre en place un tel stratagème hypothécaire en créant un prêt au montant de 500 000 $ et en s’octroyant, sans aucune résolution pour ce faire, une hypothèque sur les actions de Bodco détenues par Polystar[177].

[196]    Vu l’ampleur du stratagème, il semble que les défendeurs aient plutôt choisi de soulever la clause 6.1 de la convention du 31 mai 2001 entre actionnaires. Ainsi, les défendeurs réussissent la scission de Polystar qui normalement nécessite l’accord des autres actionnaires par le biais de cette interprétation erronée.

[197]    Cela étant dit, il demeure que les droits conférés aux défendeurs par la clause 6.1 de la convention ne constituent pas une hypothèque sur les actions de Bodco détenues par Polystar. D’ailleurs, selon l’article 1801 du Code civil du Québec, est réputée non écrite toute clause selon laquelle le créancier se garde le droit de devenir propriétaire irrévocable d’un bien pour garantir l’exécution d’une obligation[178]. Seule une hypothèque permet une telle garantie, soit le droit d’obtenir un bien en paiement d’une obligation.

[198]    De plus, même si le Tribunal concluait à une sorte de garantie hypothécaire en faveur des défendeurs, une telle garantie doit être publiée au Registre des droits personnels et réels mobiliers, ce qui n’est pas le cas. Enfin, ce recours doit également être précédé d’un préavis d’exercice requis par la Loi, ce qui n’a également pas été fait[179].

[199]    Subsidiairement, afin de contrer ces arguments, les défendeurs arguent qu’une résolution est intervenue le 16 avril 2002 entre les actionnaires permettant que cette transaction intervienne. Il s'agit selon eux d'une transaction pour le paiement d'une créance exigible[180]. À cet égard, il faut se rappeler les propos tenus lors de cette assemblée de Polystar, par l’avocate de Fondaction, Me Christine Vachon, argumentant aux administrateurs que cet article permet une telle interprétation fautive.

[200]    En ce qui a trait à la résolution même, aucun vote n’a été tenu. En effet, Jacques Clément propose de passer au vote et il y a un SILENCE, personne ne parle. Ce dernier déclare alors que la proposition est adoptée alors qu’aucun administrateur ne s’est manifesté et que Jacques Bérubé dénonce l’illégalité et la fourberie de ce geste[181]. Le notaire Jean-Charles Garant, qui est alors secrétaire d'assemblée, après avoir soulevé ses doutes sur cette façon de procéder, soit de se payer comme une reprise en paiement à même un capital qui appartenait à la compagnie Polystar, confirme qu’aucun vote n’est intervenu. Le procès-verbal de cette assemblée le reflète également[182]. Ce dernier ajoute que même durant cette période, on essaie de trouver des solutions pour relancer les compagnies du domaine forestier. Il y a cependant des objections systématiques de la part d’André Salesse, qui invoque alors que la compagnie est en défaut de rembourser une débenture. À ce sujet, jamais Jacques Clément ni André Salesse n’ont répondu préalablement à sa lettre visant à connaître la nature des défauts ainsi invoqués[183].

[201]    Par conséquent, la prépondérance de la preuve démontre qu’aucun vote n’a été fait, d’où l’absence d’une résolution permettant un tel argument. Les défendeurs ont ainsi procédé à la prise de contrôle de l’entreprise par le biais d’une fausse résolution en s’appropriant illégalement les actions de Bodco. Ils ont une fois de plus abusé de leurs droits en soulevant erronément cette clause afin de permettre le rachat des actions. Le Tribunal conclut que ce rachat « clandestin » d’actions pour prendre le contrôle de Bodco est un acte abusif et oppressif envers les demandeurs visant à les exclure. Les défendeurs ont pris le contrôle de cette entreprise en acquérant, illégalement et à l’insu des demandeurs, les actions de Bodco. Ces derniers demandent donc une indemnité équivalente à la valeur des actions au moment du congédiement de Jacques Bérubé le 10 décembre 2001, le versement d’un préavis de fin d’emploi et une compensation en dommages à la suite du congédiement illégal et abusif dont Jacques Bérubé a été victime.

3.3         L’indemnité

3.3.1    Pour le congédiement abusif

[202]    En ce qui a trait à son congédiement illégal, Jacques Bérubé réclame une somme de 450 000 $, soit 250 000 $ pour perte salariale ainsi que 200 000 $ en dommages.

[203]    Afin de mettre en œuvre le plan élaboré par les défendeurs, il faut nécessairement que Jacques Bérubé ne soit plus à l’emploi de Polystar et idéalement n’opère plus de contrôle pour leur permettre de décréter définitivement la scission des deux secteurs d’activités. Son congédiement ne constitue pas un geste isolé d’oppression à son endroit. Les défendeurs veulent clairement se débarrasser de Jacques Bérubé et ses filiales, tant à titre d’actionnaire que d’employé, et surtout de mettre en place leur stratagème en vertu duquel les demandeurs se voient dépossédés de leurs actions dans Bodco. Le congédiement est une composante essentielle et manifestement inévitable de la stratégie adoptée par les défendeurs pour brimer les droits des demandeurs et de leur permettre de s’approprier les actions de Bodco, tout en s’enrichissant à leurs dépens.

[204]    Compte tenu des circonstances entourant son congédiement et la durée de son travail dans les sociétés forestières, la somme de 160 000 $ est octroyée à Jacques Bérubé, représentant un préavis de deux ans en considérant son salaire annuel de 75 000 $ au moment de son congédiement, auquel s’ajoutent des dépenses d’automobile de 5 000 $, pour un total de 80 000 $. En ce qui a trait à un bonus de 4 % pour l'ensemble des cadres supérieurs, ce bonus ne s'est jamais matérialisé. Cette période de 24 mois est à la limite supérieure[184]. Toutefois, les circonstances de ce congédiement abusif l’autorisent.

[205]    De plus, puisque le congédiement de Jacques Bérubé est une composante essentielle de la stratégie obscure adoptée par les défendeurs pour brimer les demandeurs de leurs droits, une somme de 200 000 $ est également allouée à titre de dommages.

3.3.2    Demande de redressement additionnel : la valeur des actions

[206]    Dans le contexte actuel et plus particulièrement en raison des manœuvres d’oppression orchestrées par les défendeurs, les demandeurs demandent également d’ordonner aux défendeurs de leur rembourser, à titre de redressement, un montant de 10 M$ représentant la part qui devait leur être versée relativement à la valeur de leurs actions, somme que les défendeurs se sont, à toutes fins, appropriée sans droit au détriment des demandeurs.

[207]    Pour ce faire, les parties ont convenu qu’aux fins d’évaluation de la valeur des actions, la date du 10 décembre 2001 doit être retenue. Cette date marque le congédiement de Jacques Bérubé. Il s’agit alors d’un moment précis afin d’établir la juste valeur marchande des actions détenues par ce dernier.

[208]    Il est également admis qu’à cette date, les demandeurs détiennent au total 43,15 % des actions de Polystar.

[209]    Cependant, la position des parties est fondée sur des prémisses contradictoires. Les demandeurs tiennent pour acquis que leurs actions représentant 43,15 % des actions de Polystar valent 10 M$ en date du 10 décembre 2001. D’autre part, l’expert des défendeurs est d’avis que les actions détenues par les demandeurs à la même date n’ont pratiquement aucune valeur dans le contexte.

[210]    Dans un premier temps, Jacques Bérubé mandate Yves Côté, expert-comptable, en 2008 afin de produire une opinion sur le modèle d’affaires qu’il a développé avec Bois et Poutres dans le cas de Polystar et ses filiales[185]. Cette expertise n’est pas utile aux fins d’évaluation des actions.

[211]    Ceci dit, le Tribunal donc est confronté à deux évaluations : l’une émanant de l’expert retenu par les demandeurs, soit Daniel Boudreau, et l’autre de l’expert retenu par les défendeurs, Denys Goulet. L’écart entre les deux évaluations est impressionnant. Initialement, plus de 9 M$ les séparent. À cet effet, le Tribunal retient les propos de monsieur Goulet selon lesquels une évaluation n’est pas une science, mais bien l’art de convaincre.

[212]    Dans le rapport provenant de l’expert Boudreau, le Tribunal voit plusieurs anomalies. À la base, l’approche choisie par ce dernier pour évaluer les entreprises n’est pas reconnue. En effet, la valeur économique ajustée (V.E.A.) correspond plutôt à une manière de mesurer la performance des entreprises. Cette valeur n’est pas une approche utilisée en matière d’évaluation d’entreprise. De plus, son opinion est basée sur des projections trop optimistes. Ainsi, l’évaluation faite de plus de 26 M$ en incluant la perspective de J-Star de l’expert Boudreau ne peut être retenue[186].

[213]    Actuellement, il existe trois approches reconnues permettant d’évaluer une entreprise soit l’approche du marché, celle du rendement et l’autre de l’actif[187]. À ce sujet, l’expert Goulet explique que la seule approche possible dans le présent contexte et compte tenu des informations financières disponibles est celle basée sur l’actif. En effet, les entreprises ne sont pas cotées en bourse et il n’y a pas nécessairement de sociétés comparables sur le marché privé (marché). D’autre part, certaines des entreprises ne sont pas rentables. L’actif vaut ce qu’il peut rapporter et s’il ne rapporte pas, il n’y a pas de rendement (rendement).

[214]    Cette approche d’évaluation basée sur l’actif s’effectue selon deux méthodes, soit la liquidation ou celle de l’actif net ajusté. Celle préconisée est l’actif net ajusté. Le Tribunal retient alors cette méthode, et ce, pour chacune des entreprises.

3.3.2.1    La filiale Leclair

[215]    L’application de la méthode de l’actif quant à la filiale Leclair est essentiellement celle retenue dans le rapport écrit de l’expert Goulet[188]. Cette entreprise n’est pas viable financièrement. Elle n’a pas de rendement. De plus, ses actifs ne sont pas suffisants pour répondre à ses obligations financières.

[216]    Plus spécifiquement, en ce qui a trait à sa viabilité :

¨      Elle enregistre une perte de 3 M$ au cours des derniers mois;

¨      Les ventes sont en constante diminution de trimestre en trimestre[189];

¨      Il y a peu d’activités de production[190] et aucune main-d’œuvre n’est payée par Planchers[191];

¨      Il y a un déficit récurant;

¨      L’espoir de la reprise du marché des planchers de remorque est presque inexistant pour au moins les deux prochaines années[192].

[217]    Par conséquent, comme l’expert, le Tribunal n’attribue aucune valeur aux actions de cette entreprise.

3.3.2.2    La filiale Planchers

[218]    L’application de la méthode de l’actif quant à la filiale Planchers est différente que celle retenue dans le rapport écrit[193]. En effet, après une audition de quatre semaines, les conclusions de l’expert Goulet sont différentes de celles indiquées dans son rapport.

[219]    Essentiellement, la situation financière de Planchers n’est pas désastreuse. Plus spécifiquement, en ce qui a trait à sa viabilité :

¨      C’est une entreprise en démarrage, étant en activité depuis seulement un an;

¨      Elle est actuellement déficitaire;

¨      Elle n’a cependant pas beaucoup de dettes;

¨      Elle est fortement capitalisée, soit 7 M$ en capital-actions;

¨      En août 2000, il y a un transfert d’équipement de Leclair;

¨      En mai 2001, elle a fait l’objet d’une vérification diligente;

¨      Sa situation nécessite toutefois un nouveau banquier et une marge de crédit plus importante.

[220]    Incidemment, l’expert Goulet, tout comme l’expert Boudreau, évalue dorénavant la valeur de cette entreprise à 6,4 M$ en capitaux propres. Toutefois, selon Goulet, de ce chiffre, il faut soustraire certaines déductions applicables :

¨      1,1 M$ au niveau des inventaires et des comptes recevables;

¨      1,5 M$ en injection de capitaux pour remettre Planchers à flots; et

¨      2,7 M$ en frais reportés pour le réseau de distribution. À ce sujet, l’expert Goulet martèle que lorsque l’entreprise n’est pas rentable, le réseau de distribution ne vaut rien.

[221]    Ceci laisse un montant de 1,1 M$ pour la valeur des actions dans Planchers, sans tenir compte des relations problématiques avec la BMO, des transferts intercompagnies[194] et du rappel de la marge de crédit. Eu égard à ces éléments, l’expert Goulet maintient que la valeur de Planchers est de zéro.

[222]    Le Tribunal retient que malgré la structure corporative de Polystar, il n’est pas possible de conclure que les actionnaires vont indéfiniment investir dans le fonds de roulement de Planchers. Il est alors nécessaire que cette entreprise cherche du financement ailleurs. Toutefois, de l’avis du Tribunal, elle a une capacité d’emprunt ou du moins bénéficie de temps afin de financer ses opérations.

[223]    De plus, le Tribunal retient également que l’état d’insolvabilité de Leclair n’entraine pas nécessairement la responsabilité de Planchers. Il n’y a pas de responsabilité croisée entre les deux sociétés. Aucun document ne permet d’établir cette responsabilité si ce n’est une lettre en date du 28 décembre 2001 procédant à l’enregistrement d’un avis de conservation d’hypothèque suite à des transferts intervenus. Il ne s’agit alors que de prétentions. De plus, en ce qui a trait aux problèmes soulevés quant aux transferts d’inventaire, bien que les états financiers de Leclair permettent d’identifier une soustraction de ses ventes[195] qui sont comptabilisées dans Planchers[196], ce qui a pour effet d’augmenter les ventes de Planchers pour le mois d’octobre, le Tribunal retient l’explication donnée par Jacques Bérubé. Il s’agit de la vente de plancher résidentiel d’une catégorie inférieure de marque Royal Distinction, fabriqué à partir des inventaires de Leclair. Jamais le syndic n’aurait dû procéder à un tel transfert. D’ailleurs, les demandeurs admettent que ce montant doit être soustrait dans Planchers.

[224]    Quant aux frais de démarrage et de développement, le Tribunal retient que Planchers est en démarrage. Elle a investi plus de 2,7 M$ pour son seul réseau de distribution. Jacques Bérubé, avec son expérience et son ambition, désirait s’accaparer ce marché. Ce dernier a ainsi envoyé des échantillons partout, d’où les factures élevées de Purolator pour bâtir ce réseau. D’ailleurs, tous les témoignages entendus valorisent l’importance d’un réseau de distribution dans ce domaine, ce qui fait la force de Jacques Bérubé et du démarrage de ses entreprises. Un réseau de distribution s’apparente à de l’achalandage.

[225]    Enfin, comme il s’agit d’un art, l’expert Goulet ne convainc pas le Tribunal qu’un an plus tard, ce réseau ne vaut plus rien. De plus, à la même époque, il y a une offre de 12 M$ pour l’acquisition du secteur forestier pour le réseau de distribution s’étalant jusqu’aux États-Unis, offre que Fondaction et Amisk refusent, Amisk en demandant même une bonification. Le Tribunal ne retranche aucun montant en frais reportés pour le réseau de distribution.

[226]    Selon l’évaluation de l’expert Boudreau[197], que le Tribunal retient sur ce point, le réseau de distribution avait à tout le moins une valeur d’environ 1,4 M$ au 2 novembre 2001. Pour le reste, les agissements fautifs et abusifs des défendeurs ont empêché Jacques Bérubé et les compagnies visées de rentabiliser le montant de 2,7 M$ pour améliorer et développer le réseau de distribution déjà en place. Compte tenu notamment de la réputation de Jacques Bérubé et de ses réalisations, cette perte de chance est réelle et sérieuse et justifie une indemnisation à la hauteur de l’investissement[198].

[227]    Par conséquent, le Tribunal accorde 3,8 M$ de valeur totale pour Planchers.

3.3.2.3    La filiale Bodco

[228]    Les conclusions de l’expert Goulet quant à l’application de la méthode de l’actif à la filiale Bodco sont également différentes de celles retenues dans son rapport écrit[199].

[229]    L’expert Goulet, contrairement à l’expert Boudreau, évalue la valeur des actions de cette entreprise à 7,5 M$ en capitaux propres[200].

[230]    En effet, du prix de vente de 10 M$ au 30 mai 2001, il déduit 2,5 M$ de dettes internes (débentures). Il n’y a aucun intérêt dû au 10 décembre 2001. Ce montant comprend également la perspective d’acquisition de J-Star. Enfin, il considère la situation financière de Bodco jusqu’au 10 décembre 2001, soit depuis 6 mois, qui démontre une certaine détérioration. Le Tribunal est d’accord avec cette approche d’évaluation.

[231]    Il est vrai que cette évaluation est faite a posteriori et de ce fait, en décembre 2001, il est difficile de connaître l’avenir. Au même titre, en évaluation, il faut également avoir un scepticisme critique quant aux projections financières et nécessairement analyser les projections financières en regardant le passé. La valorisation d’une entreprise comprend également les expectatives à l’origine, soit au moment de l’investissement et les nouvelles perspectives, d’où le scepticisme critique[201].

[232]    Bien qu’une preuve additionnelle ait été déposée quant à la rentabilité de J-Star[202], le Tribunal ne peut s’écarter des valeurs octroyées par les parties lors de leurs négociations. À cet effet, la convention de rachat du 16 mai 2002 dans laquelle les défendeurs admettent que la valeur des actions de Bodco détenues par Polystar a une valeur d’au moins 7,5 M$, pour 75 % des actions de Bodco, corrobore cette évaluation.

3.3.2.4    Quantum - conclusions

[233]    Le Tribunal reprend donc l’annexe (14 A) de l’expert Goulet établissant la valeur des actions de Jacques Bérubé en ajoutant la valeur octroyée au réseau de distribution de Planchers, s’établissant comme suit :

 

 

 

Corporation Polystar inc.

Valeur

(date d’évaluation)

ACTIF

 

Encaisse

20 000 $

3 Filiales + (2,7 M$ réseau de distribution Planchers)

11 300 000 $

Avances à des filiales

Non significative

Frais de financement reportés

Nulle

TOTAL :

11 320 000 $

PASSIF

 

Passif à court terme

 

Créditeurs

(17 500 $)

Dette à LT échéant au cours du prochain exercice

(613 127 $)

Dette à long terme

(1 386 373 $)

TOTAL :

(2 017 500 $)

Valeur de Corporation Polystar au 10 décembre 2001

9 302 500 $

Juste valeur marchande (en bloc) arrondie à

9 300 000 $

[234]    Par conséquent, au final, le Tribunal ajoute les 2,7 M$ reliés du réseau de distribution dans la valeur des actions de Planchers au calcul retenu de l’expert Goulet de Polystar et ses filiales[203], ce qui totalise la somme arrondie de 9,3 M$. De ce montant, il faut déterminer la valeur uniquement du pourcentage des actions détenues par les demandeurs, soit 43,15 %, ce qui totalise la somme de 4 012 950 $.

3.3.2.5    Les escomptes

[235]    Le Tribunal conclut que les défendeurs se sont conduits de manière oppressive. Il était possible de sauver les deux entreprises œuvrant dans le secteur forestier par la vente à Capital Corp. ou à Améri-Star, ce qui a été refusé[204]. Cela aurait permis de mitiger les dommages faits aux demandeurs. C’est d’ailleurs ce qui explique que chacun des cocontractants se protège par le biais d’une clause, le groupe C.M.T. par la lettre du 29 mai 2002[205], la SGF par la convention entre les actionnaires de Bodco du 18 juillet 2002[206], ainsi que Waskahegen. Cette oppression a continué tout au long des présentes procédures. D’ailleurs, ce n’est que le matin même de ce procès que les défendeurs ont finalement abandonné leur action de 4 M$ à l’encontre de Jacques Bérubé.

[236]    À cet égard, dans le contexte où la survie des entreprises nécessite une mise de fonds importante, mais que les demandeurs ont prouvé qu’ils étaient en mesure de procurer des fonds, il est évident que les défendeurs ont agi de manière abusive[207]. Il est alors permis d’indemniser les demandeurs des dommages découlant de ces actes abusifs. En effet, les défendeurs ont procédé à la prise de contrôle par le biais de fausses résolutions, ils se sont ensuite opposés systématiquement aux démarches entreprises par les demandeurs afin de vendre les deux compagnies et juste avant, devant son insistance, ils ont congédié Jacques Bérubé sommairement et sans justification.

[237]    Par conséquent, compte tenu du nombre important d’années au cours desquelles les demandeurs ont été sujets à l’oppression, il serait injuste et inéquitable de les pénaliser en déduisant de la valeur de leurs actions l’escompte habituellement applicable à des blocs d’actions n’offrant aucun contrôle sur l’entreprise. Il en est de même de l’escompte de 15 % pour la diversification des portefeuilles. Cette diversification dans la présente affaire est amplement recherchée. Il n’y a pas lieu de la déduire également.

3.3.3    La responsabilité des actionnaires et des administrateurs

[238]    Bien que les paramètres qui guident les administrateurs et dirigeants d’une société spécialisée dans l’octroi de financement à risque ne suivent pas les règles habituelles qui encadrent les entreprises de financement dans le cours normal des affaires, n’ayant pas à assumer des obligations à long terme envers la débitrice, ils sont toutefois tenus d’assurer le succès de l’entreprise[208]. De surcroit, ils sont également tenus de respecter la loi et éviter de nuire à autrui.

[239]    Fondaction et Amisk ont commis des fautes qui engagent leur responsabilité pour les préjudices directs et immédiats ainsi causés aux demandeurs. Ces sociétés, comme toute personne, ont le devoir d’agir de façon prudente et diligente pour éviter de causer préjudice aux autres actionnaires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[240]    En plus, et indépendamment de tout préjudice qu’a pu subir la société Polystar, les demandeurs ont un intérêt financier direct et personnel en jeu. C’est à la valeur potentielle de leurs actions à la revente qu’on a porté atteinte, valeur dont les demandeurs étaient en droit personnellement d’obtenir. Ce sont les actions précipitées des défendeurs qui ont directement causé la perte subie par les demandeurs. Un délai plus raisonnable aurait permis aux demandeurs d’acheter leurs actions à leur juste valeur marchande de leur part dans le secteur forestier avant qu’elles ne soient dévaluées par l’arrêt des opérations, la prise de possession des actifs des compagnies et leur liquidation.

[241]    En conséquence, Fondaction et Amisk ont manqué à leur obligation envers les demandeurs et elles doivent être tenues responsables du préjudice causé aux demandeurs. Il y a un manque de transparence, vu le conflit ouvert au sein du conseil d’administration de l’entreprise, une organisation déficiente des mesures palliatives des filiales et un manque d’équité par un congédiement déguisé.

[242]    Quant à la responsabilité des administrateurs, André Salesse, Jacques Clément, et Yvon Marcil, leur responsabilité est également engagée, étant en présence d’une faute extracontractuelle consistant en un congédiement illégal, un refus systématique de permettre le rachat des entreprises et la violation de leur devoir général de bonne foi[209]. En effet, ces derniers n’ont pas agi au mieux des intérêts de ces deux sociétés, ce qui, dans l’ensemble des circonstances, comporte les intérêts non seulement des actionnaires, mais des employés, des fournisseurs, des créanciers et des consommateurs[210]. À ce sujet, la jurisprudence élargit les devoirs des administrateurs de sociétés par actions par une interprétation plus large du concept de l’intérêt de la société qui va au-delà des simples intérêts des actionnaires[211]. En conséquence, les actes abusifs et oppressifs sont pratiqués par ces administrateurs.

[243]    En terminant, les décisions commerciales prises par ces trois administrateurs ne s’inscrivent pas dans un éventail de solutions raisonnables possibles[212]. Ils ont agi de mauvaise foi et à l’encontre des intérêts de la société afin de servir plutôt les intérêts des actionnaires qui les ont nommés au conseil d’administration[213]. Leur responsabilité est entière. Par conséquent, il s’ensuit que les demandeurs, actionnaires, peuvent invoquer la responsabilité personnelle de ces administrateurs pour les poursuivre directement sans qu’il ne soit nécessaire d’exercer un recours oblique au nom de la société, Polystar, puisqu’un préjudice leur a été causé directement, qui a affecté la valeur de leurs actions[214]. Dans ce contexte, il est alors possible de poursuivre directement les trois administrateurs fautifs, André Salesse, Jacques Clément et Yvon Marcil.

3.3.4    Solidarité

[244]    Le présent recours vise à faire condamner solidairement les défendeurs. Les demandeurs ont réussi à faire la preuve des fautes extracontractuelles qu’ils allèguent. Ainsi, le Tribunal conclut à une responsabilité solidaire entre les défendeurs. Ces derniers ont commis des fautes distinctes sans qu’il soit toutefois possible de déterminer lequel des défendeurs les a causées précisément, et elles ont toutes participé au même préjudice. Ils sont alors tenus solidairement à la réparation du préjudice[215].

[245]    Enfin, il n’y a pas lieu, comme le prétendent les défendeurs, de retrancher de cette réclamation la part due par Waskahegen, Antonio Dallaire, et Gilles Bérubé, puisque leur responsabilité n’est pas retenue dans la présente affaire.

[246]    Par conséquent, les défendeurs sont reconnus solidairement responsables.

3.3.5    Le calcul des intérêts

[247]    Le départ des intérêts est en principe au jour de la mise en demeure, mais le Tribunal peut reporter à plus tard le point de départ du calcul pour tenir compte des circonstances, notamment de la situation des demandeurs qui retardent indument le déroulement du procès[216]. C’est en fait ce que demandent les défendeurs en déposant le plumitif.

[248]    Toutefois, ces derniers oublient de considérer que le déroulement de ce procès a été retardé en grande partie par les difficultés rencontrées par Jacques Bérubé afin de constituer son dossier. En effet, ce dernier a dû se livrer à d’importantes fouilles afin d’obtenir les pièces lui permettant de présenter son dossier. Même aujourd’hui, les livres de minutes des filiales sont demeurés introuvables.

[249]    Pour ces motifs, le Tribunal est d’avis que la date de départ du calcul des intérêts et de l’indemnité additionnelle est le 17 décembre 2001, soit lors de la transmission de la première mise en demeure[217].

3.3.6    Exécution provisoire

[250]    L’article 661 du Code de procédure civile permet, lorsque le fait de porter une affaire en appel risque de causer un préjudice sérieux ou irréparable à une partie, d’ordonner l’exécution provisoire.

[251]    Il est évident que Jacques Bérubé n’a pas les moyens financiers lui permettant de se défendre adéquatement advenant un appel. Il a d’ailleurs fait la démonstration de ce fait[218]. Les brefs de saisie des compagnies le corroborent[219].

[252]    Bien que les besoins financiers d’une partie ne constituent pas un motif suffisant pour justifier l’exécution provisoire[220], les comportements dilatoires des défendeurs et les circonstances exceptionnelles de la présente affaire militent dans ce sens[221].

[253]    La preuve révèle que les défendeurs ont abusé de leurs droits. Les menaces invoquées par Jacques Bérubé de la part des défendeurs qu’il lui serait impossible de se rendre à la fin de ce litige ajoutent aux circonstances. Gilles Bérubé confirme d’ailleurs ces dires.

[254]    L’obstruction systématique des défendeurs a eu pour effet de prolonger indument les délais dans ce litige. Le présent jugement a pour principal objectif de redresser les nombreuses injustices vécues et les préjudices subis par les demandeurs, qui se sont vus exclus d’une opportunité d’affaires.

[255]    Tout délai additionnel subi par les demandeurs leur cause un préjudice réel. Ils financent eux-mêmes les présentes procédures depuis plus de 15 années alors qu’ils disposent de droits clairs et incontestables à titre d’actionnaires minoritaires. De plus, ils n’ont reçu jusqu’à ce jour aucune indemnité.

[256]    Dans les circonstances actuelles, il est non seulement juste et raisonnable, mais également nécessaire d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel. Le Tribunal est d’avis qu’il est en présence de raisons jugées suffisantes.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[257]    CONDAMNE solidairement les défendeurs à payer aux demandeurs la somme de 4 372 950 $ avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce, depuis le 17 décembre 2001, le tout à être ventilé comme suit :

              i.        360 000 $ en faveur du demandeur Jacques Bérubé;

            ii.        1 701 900 $ (18,30 % de Polystar) en faveur de Les Bois Américana inc.;

           iii.        2 311 050 $ (24,85 % de Polystar) en faveur de Poutres Lamellées Leclerc inc.

[258]    ORDONNE l’exécution provisoire nonobstant appel du présent jugement.

[259]    LE TOUT avec frais de justice.

 

 

_________________________________

MANON LAVOIE, j.c.s.

Me Jean-Paul Boily (casier 17)
Jean-Paul Boily Avocat
Procureur de la demanderesse Les Bois Américana inc.

Me Pierre Samson (casier 21)
Pierre Samson Avocat
Procureur de la demanderesse Poutres Lamellées Leclerc inc.

Me Reynald Auger (casier 115)
Langlois Avocats
Procureur du demandeur Jacques Bérubé

Me Hugues La Rue (casier 49)
Me Frédéric Maltais
Morency Avocats
Procureurs des défendeurs Fondaction, Jacques Clément et Yvon Marcil

Monsieur André Salesse
as@andresalesse.ca

Date d’audience :

6 septembre au 30 septembre et 4 octobre 2016

 



[1]     Pièces D-3 (Relevé informatisé du REQ - Les Bois Leclerc inc. et Groupe Leclerc inc.) et
D-4 (Relevé informatisé du REQ - Nilus Leclerc inc.).

[2]     Pièce P-2 (Registre CIDREQ concernant Poutres Lamellées Leclerc inc.).

[3]     Pièce P-1 (Registre CIDREQ concernant Les Bois Américana inc.).

[4]     Id.

[5]     Pièce P-48 (Rapport d’expertise d’Yves Côté, février 2008), p. 12.

[6]     Id., p. 14.

[7]     Id., pages 14 et 15.

[8]     Pièce P-89 (Plan d’affaires de Leclair Américana inc., octobre 1999), p. 3.

[9]     Pièce P-48, p. 15.

[10]    Pièce P-48, pages 22-23.

[11]    Id., p. 19.

[12]    Pièce D-32 (Rapport d’expertise de Denys Goulet, juillet 2009), p. 8.

[13]    Témoignages de Jacques Cloutier du 12 septembre 2016 et de Mario Poulin des 8 et 9 septembre 2016, Gingras c. Poutres Lamellées Leclerc inc., AZ-50312824 (C.S.) et pièce P-48, p. 24.

[14]    Pièce P-48, pages 19 et 20 et pièce P-12 (États financiers de Leclair Américana inc. au 31 octobre 1999).

[15]    Pièce P-12 et pièce P-13 (États financiers de Leclair Américana inc. au 27 octobre 2000).

[16]    Pièce P-48, p. 26.

[17]    Id., pages 27 et 28.

[18]    Id., page 28.

[19]    Id., p. 31.

[20]    Id., p. 32.

[21]    Pièces D-31 (Plan d’affaires de Corporation Polystar inc. de janvier 2000) et D-32, p. 8.

[22]    Pièce D-32, p. 9.

[23]    Pièce P-19 (Proposition d’acquisition de Bodco inc.).

[24]    Pièce D-29 (Plan d’affaires intitulé « Canadiana Hardwood Floring Inc. - projet d’investissement mai 2000 »).

[25]    Pièce D-32, p. 10.

[26]    Pièce P-48, p. 39.

[27]    Pièce P-6 (Registre CIDREQ Waskahegen).

[28]    Pièce P-48, p. 38.

[29]    Pièce D-97 (Offre d’investissement de Waskahegen adressée à Planchers en date du 9 juin 2000).

[30]    Pièce D-108 (En liasse, les conventions de prêt intervenues en date du 21 juillet 2000 entre Planchers, Fondaction et Waskahegen).

[31]    Pièce P-48, p. 29.

[32]    Pièce D-30 (Plan d'affaires de Corporation Polystar inc. daté du 16 juin 2000).

[33]    Pièce P-48, p. 39.

[34]    Pièce P-22 (Lettre du 21 juillet 2000 d’Amisk, confirmant l’investissement de 5 M$ dans Polystar).

[35]    Pièce P-48, p. 33.

[36]    Id., p. 34.

[37]    Pièces P-19 (Proposition d’acquisition de Bodco inc.), P-20 (Livre des minutes de Polystar inc.), P-21 (Investissement par Amisk inc. dans Polystar inc. au 2 octobre 2000), P-22, P-23 (Contrats de vente du capital-actions de Placements Bodco inc. et al.) et P-48, p. 34.

[38]    Pièce P-23.

[39]    Id.

[40]    Pièce P-20, p. 244.

[41]    Pièce D-68 (En liasse, les états financiers annuels vérifiés de Planchers au 31 octobre 1999 et au 27 octobre 2000 (version « projet » et « vérifié »).

[42]    Pièces D-30 et D-68.

[43]    Pièce P-103 (Résultats financiers de J. Star inc. par Mike Phelps), pages 18-21.

[44]    Pièce D-32, pièce PwC-53.

[45]    Pièce YC-205 (Plans d’affaires de Leclair Américana inc. et Planchers Canadiana inc. en date du 22 janvier 2001 et 22 février 2001).

[46]    Pièce P-25 (Transaction du 30 mai 2001).

[47]    Pièce D-131 (Lettre du 14 février 2001 de M. Delano Girard de la Banque de Montréal à M. Jacques Bérubé de Leclair Americana inc.).

[48]    Pièce D-137 (Lettre du 6 avril 2001 de M. Delano Girard de la Banque de Montréal à M. Jacques Bérubé de Leclair Américana inc. et de Planchers Canadiana inc.).

[49]    Pièce D-139 (Lettre du 6 juin 2001 de M. Delano Girard de la Banque de Montréal à M. Jacques Bérubé de Leclair Américana inc.).

[50]    Pièces D-132 (Lettre du 20 février 2001 de M. Delano Girard de la Banque de Montréal à M. Jacques Bérubé de Leclair Américana inc.), D-133 (Lettre du 23 février 2001 de M. Delano Girard de la Banque de Montréal à M. Jacques Bérubé de Leclair Américana inc.), D-134 (Lettre du 5 mars 2001 de M. Delano Girard de la Banque de Montréal à M. Jacques Bérubé de Leclair Américana inc.), D-135 (Lettre de M. Jacques Bérubé à M. Delano Girard de la Banque de Montréal), D-136 (Lettre du 22 mars 2001 de M. Delano Girard de la Banque de Montréal à M. Jacques Bérubé de Leclair Américana inc.) et D-138 (Lettre du 2 mai 2001 de M. Delano Girard de la Banque de Montréal à M. Jacques Bérubé de Leclair Américana inc.).

[51]    Pièce D-143 (Lettre du 24 octobre 2001 de M. Delano Girard de la Banque de Montréal à M. Jacques Bérubé de Leclair Américana inc.).

[52]    Pièce P-24 (Entente concernant l’acquisition de l’entreprise J-Star inc.).

[53]    Pièces D-22 (Convention de prêt du 30 mai 2001), D-23 (Convention de vente d’actions et quittance datées du 30 mai 2001) et D-24 (Contrat de vente d’actions du 30 mai 2001 entre Bois et Amisk).

[54]    Pièce D-25 (Convention entre actionnaires du 30 mai 2001).

[55]    Id. et pièce P-385 (Agenda de clôture de la transaction du 30 mai 2001).

[56]    Témoignage de Yoland Dumas du 9 septembre 2016.

[57]    Pièce P-48, onglet 14 et pièce P-110 (Procès-verbal de réunions des administrateurs de Corporation Polystar Inc. tenues les 1er novembre 2001, 25 novembre 2001, 15 décembre 2001 et 18 décembre 2001).

[58]    Pièce P-20, p. 332.

[59]    Pièce P-366 (Offre de financement par CIBC le 16 août 2001 à Industrie Bodco, soit une marge de crédit de 5 000 000 $, adressée à Jean Lascelle).

[60]    Pièce P-233 (Extrait d’une résolution du Conseil d’administration de la société Amisk Inc. du 30 juillet 2001).

[61]    Témoignage de Jean Lascelle du 7 septembre 2016.

[62]    Pièce P-20, p. 332.

[63]    Pièce P-97. (Correspondances relatives au financement de l’acquisition de J-Star inc., en liasse).

[64]    Id.

[65]    Pièce P-28 (Étude de marché concernant l’acquisition de J-Star inc.), p. 15.

[66]    Pièce P-136 (États financiers audités d’Industrie Bodco inc. pour l’exercice financier terminé le 2 novembre 2001 et préparé par les vérificateurs comptables Verrier, Paquin & Hébert, C.A.).

[67]    Pièce P-332 (Confirmation du mandat à Jean Bigaouette le 29 octobre 2001, et honoraires de Jean Bigaouette (14 000 $, 28 janvier 2002) transmis à tous les actionnaires).

[68]    Pièce D-101 (Des extraits d’un document (incomplets) intitulé « Turn sheet » adressé à Marc Giroux en date du 4 octobre 2001 par Capital-Corp. et visant notamment l’acquisition des actions de Leclair par Canadian Classic Hardwood inc.) et P-31 (Offre de Capital Corp datée du 9 novembre 2000).

[69]    Pièce D-46 (Rapport de Samson Bélair du 4 décembre 2001).

[70]    Pièce D-40 (Lettre de la BMO du 6 décembre 2001).

[71]    Pièce P-220 (Lettre d’offre de financement bancaire de la Banque HSBC en date du 4 décembre 2001, adressée à Leclair Americana Inc., à l’attention de Jacques Bérubé).

[72]    Pièce D-47 (Procès-verbal de l’assemblée des actionnaires du 6 décembre 2001).

[73]    P-319 (Lettre du 7 décembre 2001 de Fondaction à Banque de Montréal retirant à Jacques Bérubé les pouvoirs d'opérer les comptes bancaires).

[74]    Pièce DF2-4 (Lettre de la SGF à André Salesse du 26 novembre 2001).

[75]    Pièce D-57 (Lettre d’avis de défaut transmise par Amisk le 7 décembre 2001).

[76]    Pièce D-53 (Procès-verbal de l’assemblée spéciale des actionnaires de Polystar et ses filiales du 10 décembre 2001).

[77]    Pièce P-105 (Mémo de Capital Corp. en date du 14 novembre 2001 et en référence aux procédures de « due diligence »).

[78]    Pièce P-116 (Lettre de Me Serge Lebel à Jacques Bérubé, 13 décembre 2001).

[79]    Pièce D-48 (Procès-verbal de l’assemblée des administrateurs de Polystar et ses filiales du 14 décembre 2001).

[80]    Pièce P-198 (Document adressé à Denis Gilbert, séquestre officiel, le 14 décembre 2001 et signé par Jacques Clément).

[81]    Pièces P-37 (Lettre du 17 décembre 2001 adressée à Jacques Clément) et P-38 (Lettre du 17 décembre 2001 adressée à Antonio Dallaire et André Salesse, représentants d’Amisk inc.).

[82]    Pièce P-110, p. 39.

[83]    Pièce D-25, clause 19.

[84]    Pièce D-58 (Lettre d’avis de défaut transmise par Fondaction le 20 décembre 2001).

[85]    Pièce D-57.

[86]    Pièce D-42 (Mise en demeure du 21 décembre 2001).

[87]    Pièce D-43 (Lettre du 28 décembre 2001).

[88]    Pièces P-38 à P-43.

[89]    Pièce P-42 (Mise en demeure du 21 décembre 2001).

[90]    Pièce D-111 (Avis de défaut transmis à Polystar par Waskahegen en date du 7 janvier 2002).

[91]    Pièce D-113 (Rapport préparé par SBDT en date du 9 janvier 2002 et transmis en préparation de la rencontre des actionnaires tenue le 10 janvier 2002).

[92]    Pièce D-54 (Procès-verbal de l’assemblée spéciale des actionnaires de Polystar du 10 janvier 2002).

[93]    Pièce D-55 (Procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de Polystar du 10 janvier 2002).

[94]    Pièce P-44 (Mise en demeure de Pothier Delisle à Jacques Bérubé le 17 janvier 2002).

[95]    Pièce D-44 (Procès-verbal de l’assemblée des actionnaires de Polystar du 25 janvier 2002 et procès-verbal de l’assemblée des administrateurs de Polystar du 20 février 2002).

[96]    Pièce P-330 (Lettre de Martin Rosenthal à Delano Girard de la Banque de Montréal du 30 janvier 2002 : plan de vendre Canadiana et injection de fonds).

[97]    Pièce P-112 G (Procès-verbal d’une assemblée des administrateurs de Corporation Polystar inc. Tenue par voie de conférence téléphonique le 2 avril 2002 à 19h).

[98]    Pièce D-114 (Une lettre adressée à la BMO en date du 1er février 2002 confirmant une mise de fonds de 200 000,00 $ devant être effectuée dans Planchers).

[99]    Pièce D-26 (Convention de prêt du 13 février 2002).

[100]   Pièce P-112 J (Lettre du 31 janvier 2002 adressée à Mario Poulin de Réjean Watier et Jacques Clément de Fondaction).

[101]   Pièce D-56 (Offre d’achat d’Améri-Star).

[102]    Pièce D-2 (Procès-verbal du 4 mars 2002).

[103]   Pièce P-65 (Offre d’acquisition d’actifs entre Planchers Canadiana Inc. et 9113-4643 Québec inc. en date du 7 mars 2002).

[104]   Pièce P-200 (Copie d’un rapport produit par Samson Bélair Deloitte et Touche en date du 11 mars 2002).

[105]   Pièce P-236 (Relevé des services bancaires de la Banque de Montréal pour Planchers Canadiana Inc. du 16 novembre 2001 au 28 mars 2002).

[106]   Pièce D-50 (Procès-verbal de l’assemblée des administrateurs de Polystar et ses filiales du 2 avril 2002).

[107]   Pièce P-47 i) (Lettre de Jacques Clément en date du 2 avril 2002 à Jean-Charles Garant, notaire).

[108]   Pièce D-117 (En liasse, divers documents relatifs à l’avis d’intention de faire une proposition et à la faillite de Planchers).

[109]   Pièce P-46 (Offre d’Améri-Star inc. en date du 5 avril 2002).

[110]   Id., p. 6.

[111]   Pièce P-112 I (Compte-rendu d’une réunion informelle des administrateurs de Corporation Polystar inc. tenue par voie de conférence téléphonique, le 25 avril 2002 à 14 h 30).

[112]   Pièces D-116 (En liasse, divers documents relatifs à l’avis d’intention de faire une proposition et à la faillite de Leclair) et D-117.

[113]   Pièce P-172 (Rapport annuel d’Amisk, faits saillants 2005 et perspectives 2006).

[114]   Pièce P-134 (Lettre du 15 mai 2002 de M. Sylvain Bouchard, V.P. de SGF).

[115]   Pièce D-60 (Convention de rachat du 16 mai 2002).

[116]   Pièce D-25, page 214.

[117]   Pièce P-133 (Convention de souscription visant des actions du capital-actions d'Industrie Bodco inc. et signée le 17 juillet 2002).

[118]   Pièce P-142 (Convention unanime entre les actionnaires d'Industrie Bodco inc. le 18 juillet 2002).

[119]   Id.

[120]   Pièces D-57, D-58 et D-111.

[121]   Pièce P-44.

[122]   Pièce D-59 (Procès-verbal de la réunion du conseil d’administration de Polystar du 16 avril 2002).

[123]   D-39 (Procès-verbal de l’assemblée spéciale des administrateurs de Polystar et ses filiales du 28 novembre 2001).

[124]   Pièce P-321 (Procès-verbal de la réunion du 14 décembre 2001 de Polystar Inc.).

[125]   Pièce D-46.

[126]   Id., p. 1104.

[127]   Pièce D-44, pages 1133 et 1134).

[128]   Pièces P-330, P-336 (Lettre de Martin Rosenthal à Jacques Clément et André Salesse datée du 16 janvier 2002 (Jacques Bérubé intervient trop dans les entreprises) et D-114.

[129]   Pièce P-324 (Lettre de Martin Rosenthal, C.A., C.I.R.P., du 14 décembre 2001, adressée à Jacques Clément de Fondaction et André Salesse d’Amisk Inc.).

[130]   Pièce P-325 (Lettre du 27 décembre 2001, adressée à Martin P. Rosenthal, de Samson Bélair Deloitte & Touche, par Me Gilbert G. Landry, avec copie conforme à André Salesse, Jacques Clément, Yvon Marcil, Gilles Bérubé, René couture, Alain Ménard, André Tessier).

[131]   Pièces D-54 et D-55.

[132]   Pièce D-48.

[133]   Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité, C.R.C., ch. 368, art. 39 à 40 et Winalta Inc. (Re), 2011 ABQB 399.

[134]   Houle c. Banque Nationale du Canada, [1990] 3 R.C.S. 122.

[135]   Articles 6, 7, 317 et 1375 du Code civil du Québec.

[136]   Jean-Louis BEAUDOIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les Obligations, 7e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 270, paragr. 162.

[137]   Dawcolectric inc. c. Hydro-Québec, 2014 QCCA 948.

[138]   Équipements Ovila Poulin c. Carrier, 2002 CanLII 23863 (QCCS).

[139]   St-Laurent c. Lobato, 2012 QCCS 1848.

[140]   9022-8818 Québec inc. (Magil Construction inc.) (Syndic de), 2005 QCCA 275.

[141]   Pièce P-20 A (Règlements de Corporation Polystar inc.).

[142]   Pièces D-54 et D-55.

[143]   Pièce D-47.

[144]   Pièce P-97.

[145]   Pièce DF2-4.

[146]   Pièce P-184 (Lettre-mandat du 30 novembre 2001 adressée à Martin Rosenthal de Samson Bélair, par Jacques Clément).

[147]   Pièce P-108 (Projet de réorganisation corporative de Polystar Inc. et ses filiales soumis par Amisk Inc. et Fondaction le 3 décembre 2001).

[148]   Pièce D-47.

[149]   Pièce P-319.

[150]   Pièce D-53.

[151]   Id. et pièce P-110.

[152]   Pièce P-82 (Une entente de principe en date du 26 septembre 2001 entre les demandeurs et les ex-actionnaires d’Industrie Bodco inc. concernant une rétrocession d’actions d’Industrie Bodco Inc. détenues en garantie de leur solde de prix de vente et plan d’action du 14 septembre 2001 des coactionnaires de Polystar) et pièce P-269 (Lettre de Me Gilbert G. Landry à Me Christine Vachon en date du 28 mai 2001).

[153]   Pièce P-385.

[154]   Pièce P-269.

[155]   Pièce P-220.

[156]   Pièces D-54 et D-55.

[157]   Pièce D-43.

[158]   Pièces D-43, D-45 (Rapport de Samson Bélair du 30 novembre 2001), D-46, D-63 (En liasse, les états financiers internes mensuels de Leclair pour l’exercice terminé le 27 octobre 2000), D-64 (En liasse, divers états financiers internes mensuels de Leclair pour l’exercice terminé le 2 novembre 2001), D-109 (Des relevés (déclarations) de garantie transmis à la BMO par Leclair et Planchers à BMO pour le mois d’octobre 2001 (2 novembre 2001)) et P-321.

[159]   Pièce DF2-4.

[160]   Pièce P-108.

[161]   Pièce P-321.

[162]   Id.

[163]   Pièce P-20A, clause 28.

[164]   Pièce P-321.

[165]   Id.

[166]   Articles 1398 à 1408 du Code civil du Québec.

[167]   Pièce D-44.

[168]   Pièce D-26.

[169]   Houle c. Banque Nationale du Canada, précitée, note 139.

[170]   Pièce P-200.

[171]   Pièce D-25.

[172]   Id.

[173]   Pièce D-60.

[174]   Article 1799 du Code civil du Québec.

[175]   Article 1801 du Code civil du Québec.

[176]   Amyot c. Banque Nationale du Canada, 2004 CanLII 21480 (QCCA).

[177]   Pièce D-26.

[178]   Article 1801 du Code civil du Québec.

[179]   Amyot c. Banque Nationale du Canada, précitée, note 181.

[180]   Articles 1799 à 1801 du Code civil du Québec et 2631 du Code civil du Québec.

[181]   Pièce D-59.

[182]   Id.

[183]   Pièce P-47 C (Lettre de Gilbert G. Landry en date du 5 février 2002 à Me Serge Lebel de Gauthier Bédard).

[184]   Aksich c. Canadian Pacific Railway, 2006 QCCA 931.

[185]   Pièce P-48, p. 2.

[186]   Pièce P-35 (Rapport d’évaluation préparé par le comptable agréé Daniel Boudreau concernant la valeur des actions ordinaires de Polystar Inc.).

[187]   Pièce P-32.

[188]   Id., annexe 13.

[189]   Id., annexe 3.

[190]   Pièce D-64, et pièce D-35 (Bilan du 30 novembre 2001 - Leclair).

[191]   Id. et pièce D-35.

[192]   Id., annexe 4 et le tableau 8.

[193]   Id., annexe 13.

[194]   Pièce P-21 (Investissement par Amisk inc. dans Polystar inc. au 2 octobre 2000).

[195]   Pièce D-83 (En liasse, extrait des registres comptables de Leclair au 2 novembre 2001).

[196]   Pièce D-84 (En liasse, extrait des registres comptables de Plancher au 2 novembre 2001).

[197]   Pièce P-35.

[198]   Article 1611 C.c.Q.; Jean-Louis BEAUDOUIN et Patrice DESLAURIERS, La responsabilité civile, vol. 1, 8e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2014, pp. 399-400; Dawcolectric inc. c. Hydro Québec, précitée, note 141.

[199]   Pièce D-32, annexe 13.

[200]   Id., nouvelle annexe 14.

[201]   Id., annexe 7.

[202]   Pièce P-103.

[203]   Pièce D-32, annexe 14 A.

[204]   Pièce P-47 i).

[205]   Pièce P-380 (Lettre de Amisk et René Couture du 29 mai 2002).

[206]   Pièce P-142.

[207]   Backman c. Canadian Imperial Bank of Commerce, REJB 2004-69789, et 9144-5593 Québec inc. c. Kia Canada inc., 2010 QCCS 557.

[208]   Garage Technology Ventures Canada, s.e.c. c. Léger, 2012 QCCA 1901.

[209]   Paul MARTEL, La Société par actions au Québec, vol.1, Les Aspects juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur Martel ltée, 2014, paragraphes 24-231.

[210]   Magasin à rayons Peoples inc. (syndic de) c. Wise, 2004 CSC 68, p. 28.

[211]   BCE inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, [2008] 3 R.C.S. 560, paragr. 40.

[212]   Id.

[213]   Lemieux c. CDP Capital - Technologies gestion inc., 2011 QCCS 3900, paragr. 127 et 128.

[214]   Papirakis c. Boivin, 2011 QCCS 5118, paragr. 32 à 34.

[215]   Articles 1480, 1519 et 1525 du Code civil du Québec.

[216]   Gingras c. Pharand, 2009 QCCA 291.

[217]   Pièces P-37 et P-38.

[218]   Banque Nationale du Canada c. Turcotte, 2006 QCCS 3072.

[219]   Pièce D-147, en liasse.

[220]   Denis FERLAND et Benoît ÉMERY, Précis de procédure civile du Québec, 5e éd., vol. 2, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2016, p. 788.

[221]   Provigo Distribution inc. c. Supermarché ARG inc., [1995] RDJ 472 (C.A.).

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