Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Gagliano (Liberté Appartements) c. Hereish

2023 QCTAL 36467

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No dossier:

708235 31 20230510 F

No demande:

3908663

RN :

 

3923337

 

Date :

23 novembre 2023

Devant le greffier spécial :

Me Gabriel Miron

 

Maria Gagliano (Liberté Appartements)

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Magda Hereish

Locataire - Partie défenderesse

 

DÉCISION

 

 

[1]         La locatrice a produit une demande de fixation du loyer, conformément à l'article 1947 du Code civil du Québec (C.c.Q.).

[2]         La demande a été introduite par la locatrice au Tribunal administratif du logement (TAL) par dépôt en ligne sur le site Internet du TAL prévu à cet effet.

[3]         Dans les jours suivant l’ouverture, un courriel de confirmation d’ouverture du dossier est acheminé à la locatrice. Un formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer (formulaire RN) est ajouté au courriel lors de cet envoi. Des directives sont également jointes.

[4]         À l’audience, la locatrice est présente et fait valoir son point de vue sur le dossier. Elle fait également entendre une gestionnaire à son service qui administre l’immeuble visé par la demande.

[5]         Il est à noter que plusieurs dossiers sont entendus en même temps, comme le permet la Loi, puisque la preuve à administrer est la même dans les dossiers. Une décision est toutefois rendue pour chaque dossier.

[6]         La gestionnaire au service de la locatrice explique les démarches d’ouverture des dossiers qu’elle a entreprises lorsque les locataires visés refusaient les offres d’augmentation déposées.

[7]         À ce sujet, le Tribunal a constaté qu’aucun avis confirmant que les locataires avaient reçu le formulaire RN requis par le dossier n’était présent dans les dossiers entendus.

Absence d’envoi du formulaire requis aux locataires

[8]         Le Tribunal constate donc au dossier du TAL l'absence de preuve de notification de ce formulaire RN, et ce, dans tous les dossiers entendus le jour de l’audience.

[9]         Questionnée sur ce manque, le témoin de la locatrice explique que ce formulaire a bien été rempli, et qu’il devrait avoir été acheminé en main propre aux locataires.


[10]     Les locataires confirment n’avoir jamais reçu le formulaire RN. Ce n’est que le 13 novembre 2023, lors de l’audience, que les locataires prennent connaissance pour la première fois de ce formulaire, lorsque le Tribunal en remet une copie aux parties.

[11]     Le Tribunal a entendu les explications de la locatrice sur cet aspect. Les parties ont été informées que le Tribunal répondrait dans un premier temps à la question touchant l’absence de l’envoi du formulaire RN aux locataires quant à la demande de fixation.

[12]     L'article 56.3 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] (la Loi) énonce :

« 56.3. Lorsque le Tribunal est saisi d'une demande de fixation de loyer, le locateur doit, dans les 90 jours suivant la date de la transmission, par le Tribunal, du formulaire relatif aux renseignements nécessaires à la fixation, déposer au dossier ce formulaire dûment complété.

Il doit également, dans le même délai, notifier une copie de ce formulaire complété au locataire et produire au dossier du Tribunal la preuve de cette notification. Lorsque le demandeur est le locateur et qu'il fait défaut de produire au dossier du Tribunal cette preuve de notification dans le délai requis, la demande est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.

Malgré les articles 56.1 et 56.2, le demandeur n'a pas à notifier les pièces ni une liste des pièces au soutien de sa demande et il n'a pas à déposer une telle liste au dossier du Tribunal.

Le présent article ne s'applique pas à une demande de révision du loyer d'un logement à loyer modique au sens de l'article 1984 du Code civil. »

(Nos soulignements)

[13]     Comme indiqué au début de la décision, la locatrice s’est vu remettre le formulaire RN par courriel lors de l’ouverture des dossiers. Ainsi, elle avait 90 jours à compter de cette date pour dûment le compléter, l’acheminer aux locataires et le déposer au TAL comme la Loi le prévoit.

[14]     La locatrice a bel et bien rempli le formulaire, l’a déposé au dossier du TAL, mais est incapable de s’expliquer comment les locataires ne semblent pas l’avoir en main.

[15]     Le Tribunal constate que la demande de fixation du loyer est périmée, puisque la partie locataire n’a pas reçu le formulaire RN dans le délai requis, et le texte strict du deuxième paragraphe de l'article 56.3 LTAL ne laisse place à aucune discrétion de la part du Tribunal[2].

Motifs pour être relevée du défaut

[16]     Le Tribunal a également entendu la locatrice sur les motifs expliquant le manquement, afin de valider si ceux-ci pouvaient être jugés raisonnables pour la relever du défaut d’avoir produit dans le délai ces documents, et ainsi prolonger le délai du dépôt, tel que le permet l’article 59 LTAL :

« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l’autre partie n’en subit aucun préjudice grave. »

[17]     Au soutien de ces explications, le témoin de la locatrice explique qu’elle a bien complété le formulaire RN, et qu’elle l’aurait notifié en main propre à la partie locataire, en même temps que la notification de la demande initiale, ainsi qu’avec l’outil de calcul qui permet d’estimer la valeur des augmentations demandées.

[18]     Or le Tribunal, après avoir permis à la locatrice et son témoin de faire des vérifications, conclut qu’il n’y a aucune preuve convaincante de déposée pour confirmer que les locataires ont bel et bien été notifiés de ce formulaire que la Loi oblige à fournir avant l’audience. Lors de son témoignage, l’employée de la locatrice confirme que selon elle, le formulaire a été remis en main propre avec les autres documents, mais ne peut démontrer d’élément matériel (formulaire, signature, etc.) pour confirmer sa position.

[19]     Les locataires entendus le jour de l’audience sont tous formels, ils n’ont pas reçu de formulaire RN de la part de la locatrice comme le prévoit la Loi. 

[20]     Les motifs invoqués ne peuvent permettre de justifier le manquement à notifier le formulaire aux locataires dans le délai. Ces motifs s’apparentent à un manque de diligence de la Loi par la locatrice. L’ignorance de la Loi n’est pas un élément du présent dossier, puisqu’à l’audience la locatrice confirme qu’elle connaissait les exigences de la Loi au sujet de ce formulaire et son envoi.

[21]     La jurisprudence du TAL a statué à maintes reprises que l’ignorance de la loi, la négligence ou le manque de diligence des parties ne sont pas des motifs raisonnables[3] permettant d’excuser un tel retard à remplir une obligation imposée par la Loi.

[22]     Le Tribunal conclut que les motifs invoqués dans le présent dossier ne sont pas raisonnables et ne rencontrent pas le premier critère de l’article 59 de la Loi. Puisque les deux critères de cet article sont cumulatifs, il n’y a pas lieu d’analyser la présence d’un préjudice grave à l’autre partie.

[23]     En conséquence, le défaut de notification du formulaire aux locataires dans le délai de 90 jours entraîne la péremption de la demande de fixation du loyer.

[24]     Le rejet de la demande de prolongation de délai emporte le rejet de la demande de fixation du loyer.

[25]     CONSIDÉRANT l’ensemble de la preuve faite à l’audience;

[26]     CONSIDÉRANT les articles 56.3 et 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, quant à la fixation du loyer;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[27]     CONSTATE la péremption de la demande de fixation du loyer;

[28]     REJETTE la demande de prolongation de délai;

[29]     REJETTE la demande de la locatrice sur la fixation du loyer;

[30]     CONFIRME que le loyer de la partie locataire demeure à un loyer mensuel de 1 100,00 $ du 1er septembre 2023 au 31 août 2024.

[31]     La locatrice assume les frais de la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Gabriel Miron, greffier spécial

 

Présence(s) :

la locatrice

Date de l’audience :

13 novembre 2023

 

 

 


 


[1] RLRQ, c. T-15.01.

[2] Marcoux c. Medina-Corona, 2021 QCTAL 1608.

[3] Manouchehr Memari c. Ryshpan, 2011 CanLII 127659 (QC RDL); Thevenot c. Turcotte, 2006, 31060228241G, r. L. Boucher; Succession de Boucher c.Crevier, 2020 QCRDL 10538 (CanLII), 2020 QCTAL 10538; Tamburro c. D'Errico, 2019 QCRDL 41218.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.