Décision

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Décision

Kaur c. Ladouceur

2021 QCTAL 25040

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Gatineau

 

No dossier :

581051 22 20210727 G

No demande :

3305248

 

 

Date :

01 octobre 2021

Devant la juge administrative :

Anne A. Laverdure

 

Banwat Amandeep Kaur

 

Singh Gurpreet

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Lynne Ladouceur

 

Maciej Andruczyk

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

CONTEXTE

[1]      Les locateurs demandent la résiliation du bail et l'expulsion des locataires, le recouvrement du loyer ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel ainsi que les frais.

[2]      Précédemment à cette demande, les locateurs avaient introduit une demande devant la Cour supérieure, considérant qu’il s’agissait d’un contrat de bail qui échappait à la juridiction du présent Tribunal.

[3]      L’Honorable Jean Faullem concluait ainsi :

« [43]        Or, ce litige porte sur l’interprétation d’un bail de logement résidentiel pour lequel le Tribunal du logement détient la compétence exclusive, puisque la valeur du loyer réclamé est inférieure à 85 000 $.

[44]        En conséquence, la Cour supérieure n’est pas compétente pour entendre le litige des parties, même si les défendeurs habitent un logement sans l’autorisation des demandeurs et sans avoir payé de loyer pendant plusieurs mois. Le Tribunal administratif du logement pourra, conformément aux pouvoirs que lui accorde la loi, rééquilibrer la situation des parties. »[1]


[4]      À l’origine, les parties concluent un bail pour une période d’un mois, du 3 avril 2020 au 4 mai 2020, par l’intermédiaire d’un gestionnaire qui utilise l’application AirBnb.

[5]      Le loyer est fixé à 1 600 $.

[6]      Les locataires obtiennent la prolongation de leur bail jusqu’au 3 juillet 2020, en payant la somme mensuelle de 1 600 $.

[7]      Le 3 juillet 2020, le gestionnaire veut forcer les locataires à quitter le logement. Les locataires refusent à bon droit de partir puisqu’ils ont droit au maintien dans les lieux selon les règles qui régissent les baux résidentiels.

[8]      Toutefois, les locataires doivent payer leur loyer et si les locateurs refusent de le percevoir, ils peuvent s’adresser au Tribunal pour obtenir l’autorisation de le déposer.

[9]      Les locataires ont choisi de ne pas le payer, en représailles au fait que les locateurs ne leur fournissent pas un bail écrit, conformément à la loi.

QUESTIONS EN LITIGE

[10]   Comment l’absence de bail écrit est-elle sanctionnée par le Code civil du Québec ?

[11]   Les locataires font-ils défaut de payer leur loyer depuis plus de trois semaines ?

ANALYSE ET DÉCISION

[12]   La preuve démontre que les locataires doivent 20 800 $, soit les loyers des mois de juillet à décembre 2020, le mois de janvier 2021 ainsi que les mois d’avril à septembre 2021.

[13]   En effet, une ordonnance de sauvegarde émanant de la Cour supérieure avait forcé les locataires à payer le loyer des mois de février et mars 2021.

[14]   Par imputation de paiement sur les plus anciennes dettes, les mois de septembre 2020 à septembre 2021 ne sont pas payés.

[15]   Le locataire présent à l’audience nie devoir cette somme, mais refuse de fournir la preuve qu’il a payé les loyers réclamés.

[16]   Les locataires estiment qu’ils n’ont pas à payer de loyer parce que les locateurs ne leur ont pas fourni une copie écrite du bail, conformément à l’article 1895 du Code civil du Québec.

[17]   Les locataires peuvent certainement demander une ordonnance pour l’exécution de cette obligation, et, s'ils subissent un préjudice, ils peuvent obtenir des dommages et intérêts en vertu de l’article 1863 du Code civil du Québec. Mais, là s’arrête leur recours.

[18]   En effet, la lecture des articles 1863, 1895, 1907 et 1971 du Code civil du Québec permettent de conclure que jamais le législateur n’a envisagé que la sanction à cette inexécution contractuelle du locateur soit le non-paiement du loyer.

«1863. L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L’inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir. »

« 1895. Le locateur est tenu, dans les 10 jours de la conclusion du bail, de remettre un exemplaire du bail au locataire ou, dans le cas d’un bail verbal, de lui remettre un écrit indiquant le nom et l’adresse du locateur, le nom du locataire, le loyer et l’adresse du logement loué et reproduisant les mentions prescrites par les règlements pris par le gouvernement. Cet écrit fait partie du bail. Le bail ou l’écrit doit être fait sur le formulaire dont l’utilisation est rendue obligatoire par les règlements pris par le gouvernement.

Il est aussi tenu, lorsque le bail est reconduit et que les parties conviennent de le modifier, de remettre au locataire, avant le début de la reconduction, un écrit qui constate les modifications au bail initial.


Le locataire ne peut, toutefois, demander la résiliation du bail si le locateur fait défaut de se conformer à ces prescriptions. »

« 1907. Lorsque le locateur n’exécute pas les obligations auxquelles il est tenu, le locataire peut s’adresser au tribunal afin d’être autorisé à les exécuter. Les parties sont alors soumises aux dispositions des articles 1867 et 1869.

Le locataire peut aussi déposer son loyer au greffe du tribunal, s’il donne au locateur un préavis de 10 jours indiquant le motif du dépôt et si le tribunal, considérant que le motif est sérieux, autorise le dépôt et en fixe le montant et les conditions. »

« 1971.Le locateur peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer ou, encore, s’il en subit un préjudice sérieux, lorsque le locataire en retarde fréquemment le paiement. »

[19]   Ainsi donc, les locataires doivent payer pour l’usage qu’ils ont du logement, même s’ils n’ont pas de bail écrit.

[20]   Étant donné que le locataire présent à l’audience refuse de faire cette preuve lorsqu’il y est invité par le Tribunal, ce dernier doit conclure, avec la preuve entendue, que les locataires sont en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l'application de l'article 1971 du Code civil du Québec.

[21]   La preuve soumise justifie l'exécution provisoire de la décision en raison de l’urgence exceptionnelle de la situation.

[22]   Les frais applicables sont adjugés contre la partie défenderesse selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement[2].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[23]   CONDAMNE les locataires à payer aux locateurs 20 800 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 2 septembre 2020 sur 1 600 $, et sur le solde à compter de l'échéance de chaque loyer, plus les frais de 125 $;

À défaut de paiement du loyer, des intérêts et des frais avant la signature de la décision :

[24]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion des locataires et de tous les occupants du logement;

[25]   ORDONNE l'exécution provisoire, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion à compter du 11e jour de la date de signature de la décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

Anne A. Laverdure

 

Présence(s) :

un des locateurs

Me Anthony Paul Robert, avocat des locateurs

le locataire

Date de l’audience :  

29 septembre 2021

 

 

 


 



[1] Singh c. Ladouceur 2021 QCCS 998.

[2] En vertu de l’article 7 du Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T-15.01, r. 6.

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