Décision

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Fortier c. Légaré

2024 QCTAL 37191

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Rouyn-Noranda

 

No dossier :

701393 12 20230427 G

No demande :

3880271

 

 

Date :

21 novembre 2024

Devant la juge administrative :

Annie Hallée

 

Ghislain Fortier

 

Isabelle Gagnon

 

Kathleen Rocheleau

 

Martin Corriveau

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Élise Légaré

 

Locataire - Partie défenderesse

et

Ghislain Rheault

 

Caution

 

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le Tribunal est saisi d’une demande des locateurs, déposée le 27 avril 2023, en résiliation de bail et pour les frais.

[2]         Le 30 janvier 2024 et le 8 juillet 2024, les locateurs ont déposé un amendement afin de réclamer des dommages-intérêts matériels d'une somme de 566,71 $, des frais de signification de 368,83 $ ainsi que l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel.

[3]         Les parties sont liées par un bail reconduit du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025, au loyer mensuel de 1 400 $.


PRÉTENTIONS DES PARTIES

Témoignage de Marie-Christine Proulx

[4]         Marie-Christine Proulx occupe le logement avec ses trois (3) enfants depuis le 18 août 2023.

[5]         Elle mentionne qu’il y a beaucoup de bruit qui provient du logement de la locataire durant la nuit, de nombreuses allées et venues et des chicanes ainsi que la présence quotidienne d’une odeur de cannabis.

[6]         Cette situation l’incommode et diminue grandement sa jouissance paisible des lieux et celle de ses enfants. En effet, ce bruit les empêche de dormir et les enfants ne se sentent pas en sécurité.

[7]         Elle ajoute que la locataire a déjà lancé des objets sur le terrain de l’immeuble.

Témoignage du locateur Ghislain Fortier

[8]         Le locateur, Ghislain Fortier, confirme que les locateurs ont acquis l’immeuble en août 2022.

[9]         Il déclare que la locataire ne respecte pas les obligations découlant du bail en ce qu’elle nuit à la jouissance paisible des autres locataires de l’immeuble et affecte la sécurité des lieux. Les locateurs lui ont donc fait parvenir plusieurs messages textes et mises en demeure en 2022 et 2023 à cet effet.

[10]     En effet, la locataire a fait à quelques reprises des feux dans un foyer installé sur la galerie et versé la cendre sur le terrain, ce qui augmente le risque d’incendie.

[11]     Cette dernière laisse également souvent la porte du garage ouverte sans supervision et déplace les bacs de poubelles de façon qu’ils ne soient pas ramassés par la municipalité lors de la collecte des ordures. La locataire a même peint dans le logement sans leur consentement.

[12]     Il allègue que la locataire n’a pas transféré à son nom le compte de la taxe d’eau lorsqu’elle a emménagé dans le logement. Il réclame donc la somme totale de 566,71 $.

[13]     Il invoque également que la locataire a payé son loyer en retard à 9 reprises au cours des 12 derniers mois.

[14]     Il invoque que les retards de la locataire imposent aux locateurs des frais supplémentaires, car les paiements hypothécaires, l’impôt foncier et les assurances doivent être payés.

QUESTIONS EN LITIGE

[15]     Le comportement de la locataire est-il suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail ?

[16]     Les retards fréquents de la locataire à payer son loyer causent-ils un préjudice sérieux aux locateurs ?

ANALYSE ET DROIT APPLICABLE

[17]     Le Tribunal rappelle qu'il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du Tribunal[1].

[18]     Ainsi, il doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable. Par ailleurs, la preuve offerte ne doit pas nécessairement conduire à une certitude absolue. Il suffit que le fait litigieux soit, par la preuve, probable.[2]

[19]     Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal, il verra sa demande rejetée.

[20]     Les règles régissant le bon voisinage sont pertinentes à la présente affaire puisque le droit à la jouissance paisible d’un locataire est toujours subordonné à celui des autres voisins.

[21]     À cet égard, l'article 976 du Code civil du Québec (C.c.Q.) précise ce qui suit :

976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux.


[22]     Les articles 1854, 1855 et 1860 C.c.Q sont pertinents et édictent ce qui suit :

1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.

Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.

1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence.

1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail.

[23]     Un locateur peut, au cas de violation des obligations du locataire, demander au Tribunal l’exécution en nature de ses obligations, comme prévu à l'article 1863 C.c.Q. qui se lit comme suit :

« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

[…]. »

[24]     Le Tribunal fait siens les propos de la juge Francine Jodoin, dans la décision Gelly c. Doucet[3] :

« Il ressort de ces principes que pour donner ouverture à la résiliation du bail, la preuve doit révéler une série de faits établissant des inconvénients anormaux ou excessifs qui présentent un caractère de persistance ou de répétition; les locataires auteur du trouble doivent avoir agi de façon illégitime ou fautive; il faut aussi prouver la dénonciation du trouble au locataire et sa persistance par la suite.

En cette matière, le tribunal ne peut fonder son appréciation sur des considérations subjectives et doit chercher à déterminer si les locataires plaignants vivent une situation qui par sa répétition, insistance et ampleur constitue une atteinte grave, excessive ou déraisonnable justifiant la résiliation du bail. Cette analyse doit se fonder sur des critères objectifs et probants. Ce qui est incommodant pour certains peut ne pas l'être pour d'autres et ainsi, le tribunal est appelé à se prononcer uniquement sur une situation extraordinaire et inhabituelle.

En outre, on ne peut, dans un immeuble à logements multiples, bénéficier de la même quiétude que dans un immeuble où il n'y a aucun autre occupant. »

[25]     Tout d’abord, le Tribunal est d’avis que la locataire n’use pas de son logement avec prudence et diligence et perturbe la jouissance paisible des autres locataires de l’immeuble en faisant du bruit excessif durant la nuit de façon répétée et en adoptant un comportant dérangeant et même dangereux.

[26]     En effet, la preuve prépondérante démontre que le préjudice subi va au-delà des simples inconvénients et que le comportement reproché à la locataire comporte un élément dérangeant, anormal et excessif en plus d'être fréquent, répété et continu.

[27]     Ainsi, ces agissements de la locataire causent aux locateurs un préjudice sérieux qui sont en droit d’obtenir la résiliation du bail en vertu de l’article 1863 C.c.Q.

[28]     Concernant les retards fréquents de la locataire à payer son loyer, la preuve prépondérante ayant démontré que les défauts de la locataire sont réguliers et continuels, la fréquence de ces retards rencontre les critères de l’article 1971 du Code civil du Québec.

[29]     De plus, le locateur présent lors de l’audience a fait la preuve du préjudice sérieux occasionné par les fréquents retards de la locataire à payer son loyer. Les locateurs sont donc en droit d’obtenir la résiliation du bail pour ce motif.


[30]     Concernant la réclamation de dommages-intérêts de 566,71 $, le Tribunal est satisfait de la preuve produite par les locateurs et leur accorde la somme demandée.

[31]     L’exécution provisoire de la présente décision est justifiée aux termes de l’article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

[32]     Les frais applicables sont adjugés contre la partie défenderesse selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, soit les frais d’ouverture de dossier de 84 $ et de signification de la demande de 23 $.

[33]     Par conséquent, le Tribunal rejette la demande des locateurs concernant les autres frais de signification réclamés.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[34]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;

[35]     ORDONNE l’exécution provisoire, malgré l’appel, de l’ordonnance d’expulsion à compter de 11e jour de sa date;

[36]     CONDAMNE la locataire à payer aux locateurs la somme de 566,71 $, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 27 avril 2023, plus les frais judiciaires de 107 $;

[37]     REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Annie Hallée

 

Présence(s) :

le locateur Gyslain Fortier

Date de l’audience : 

12 septembre 2024

 

 

 


 


[1] Articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec, CCQ-1991.

[2] Les jardins du roi société en commandite c. Jean-François Plante, RDL, 419462 18 20180921, No demande : 2590921, 4 février 2019.

[3] Gelly c. Doucet, R.D.L., 2009-10-02, SOQUIJ AZ-50677853.

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