Décision

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Décision

Mohammadimajd c. Duguay

2021 QCTAL 712

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Sherbrooke

 

No dossier :

526148 26 20200622 G

No demande :

3008375

 

 

Date :

12 janvier 2021

Devant le juge administratif :

Marc Landry

 

Maysam Mohammadimajd

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Owen Duguay

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le 22 juin 2020, le locataire demande une diminution globale de loyer de 735 $ (100 %) pour le mois de juillet 2019 et des dommages-intérêts matériels et moraux de 2 300 $. Il allègue que le logement n’est pas délivré en bon état de réparation de toute espèce et en bon état de propreté à la date prévue. La demande est notifiée par courrier recommandé le 30 juin 2020.

[2]      Il s’agit d’un bail du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 735 $ pour un logement de 4 ½ pièces.

[3]      Les faits sont simples.

[4]      Le logement est laissé en mauvais état par les locataires précédents à leur départ, le 30 juin 2019.

[5]      Le 1er juillet 2019, le logement est délivré sale et dégradé au locataire. Celui-ci refuse de prendre possession des lieux. Des réparations, du nettoyage et de la peinture doivent être faits.

[6]      Le locateur fait les travaux requis avec diligence et le logement redevient en bon état de réparation, de propreté et prêt à être habité le 10 juillet 2020.

[7]      Le locataire habite chez une amie pendant les trois premières semaines de juillet 2020. Il lui verse la somme de 300 $ pour le gîte et le couvert durant cette période. Le 21 juillet 2019, il emménage finalement au logement et y reçoit les meubles et appareils électroménagers commandés qui devaient initialement être livrés autour du 1er juillet 2019.

[8]      Le locateur plaide qu’il n’est pas responsable de cette situation causée par les locataires précédents, qu’il n’a commis aucune faute, qu’il a fait preuve d’une grande diligence dans les travaux correctifs (un miracle, dit-il) et que la demande du locataire devrait donc être rejetée.


[9]      Le locateur a l’obligation de délivrer le logement en bon état de réparation de toute espèce et en bon état de propreté (articles 1854 et 1911 du Code civil du Québec).

[10]   Il est reconnu en jurisprudence et par la doctrine que ces obligations du locateur sont des obligations de résultat, de sorte que les moyens de défense sont limités.

[11]   Relativement aux obligations de résultat, les auteurs Baudouin et Jobin écrivent :

« Au contraire, dans le cas d'une obligation de résultat, la simple constatation de l'absence du résultat ou du préjudice subi suffit à faire présumer la responsabilité du débiteur, une fois le fait même de l'inexécution ou la survenance du dommage démontré par le créancier. Dès lors, le débiteur, pour dégager sa responsabilité, doit aller au-delà d'une preuve de simple absence de faute. Sur le plan de la preuve, l'absence de résultat fait donc présumer la responsabilité du débiteur et place sur ses épaules le fardeau de démontrer que l'inexécution provient d'une cause qui ne lui est pas imputable. Le débiteur n'a pas la possibilité de tenter de prouver l'absence de faute de sa part; il doit identifier, par prépondérance de la preuve, une force majeure ou encore le fait de la victime, qui a empêché l'exécution de l'obligation. À défaut de décharger ce fardeau, le débiteur est tenu responsable de l'inexécution. »[1]

« (...) le débiteur d'une obligation de résultat doit aller plus loin. Il ne peut se contenter de rapporter la preuve d'un comportement de personne prudente et diligente; il doit expliquer pourquoi il a été dans l'impossibilité de fournir le résultat promis et donc établir que l'inexécution de l'obligation est due à une force majeure, à l'acte d'un tiers équivalant à force majeure, ou au créancier lui-même. Enfin, s'il s'agit d'une obligation de garantie, le débiteur doit prouver que l'inexécution a été provoquée par le créancier et il ne peut pas invoquer la force majeure. »[2]

[12]   Le fait du locataire et la force majeure peuvent permettre au locateur d’échapper à sa responsabilité.

[13]   Se pose la double question : le problème de délivrance du logement est-il le fait du locataire ou s’agit-il d’un cas de force majeure ?

[14]   Il relève de l’évidence que le locataire n’y est pour rien dans la délivrance du logement en mauvais état. Le locataire n’est pas la cause du problème de délivrance.

[15]   L'article 1470 du Code civil du Québec prévoit que toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d'une force majeure, à moins qu'elle ne se soit engagée à le réparer, la force majeure étant définie comme un événement imprévisible et irrésistible ou une cause étrangère qui présente les mêmes caractéristiques.

[16]   La situation vécue par le locateur le 1er juillet 2019, à savoir l’état détérioré du logement au moment de la délivrance nécessitant réparations, ne constitue pas un cas fortuit ou une force majeure, à savoir un événement que l’on peut qualifier comme étant imprévisible et irrésistible.

[17]   La diligence du locateur dans les travaux correctifs ne constitue pas un moyen de défense qui peut faire échec à sa responsabilité puisqu’il a des obligations de résultat.

[18]   Le locateur est donc responsable de l’inexécution de ses obligations.

[19]   Une diminution de loyer de 237,10 $ est accordée au locataire pour la période où le logement n’est pas délivré en bon état de réparation de toute espèce et en bon état de propreté, soit pour les dix premiers jours du mois de juillet 2020. La diminution de loyer n’a plus sa raison d’être après cette date.

[20]   Le locateur ne peut être tenu responsable des difficultés du vendeur des biens meubles du locataire ou du manque de souplesse de ce dernier à ajuster la date de livraison de biens achetés. Les articles 1607 et 1613 du Code civil du Québec prévoient que les dommages-intérêts accordés ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution des obligations reprochées.

[21]   Le locataire a droit au remboursement de la somme de 300 $ déboursée en loyer pour l’autre logement qu’il a habité à cause du défaut de délivrance.


[22]   Quant aux dommages moraux pour les troubles et inconvénients subis, le Tribunal accorde une somme de 300 $, à l’aune de la preuve entendue. La preuve du locataire est nettement insuffisante pour accorder plus, soit le montant réclamé de 2 000 $.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[23]   DIMINUE le loyer d’une somme globale de 237,10 $ et CONDAMNE le locateur à payer au locataire cette somme;

[24]   CONDAMNE le locateur à payer au locataire la somme de 600 $ pour les préjudices subis, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 30 juin 2020;

[25]   REJETTE la demande quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marc Landry

 

Présence(s) :

le locataire

le locateur

Date de l’audience :  

22 décembre 2020

 

 

 


 



[2]    Baudouin J.-L. et P.-G. Jobin, Motifs d'exonération dans les obligations, 6e édition, 2005, EYB2005OBL32.

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