Lafrance c. R. |
2017 QCCA 1642 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
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(500-01-077232-129) |
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DATE : |
18 octobre 2017 |
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SAÏD LAFRANCE |
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APPELANT - accusé |
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c. |
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SA MAJESTÉ LA REINE |
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INTIMÉE - poursuivante |
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Ordonnance de non-publication (en
vertu de l’article (Il est interdit de publier toute information susceptible de permettre l’identification des plaignantes et de leurs proches)
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[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu oralement le 30 janvier 2015 par la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, district de Montréal (l’honorable Denis Lavergne), qui le déclare coupable d’une série d’infractions commises à l’endroit de deux plaignantes âgées de 17 et 19 ans au moment des faits.
[2] Pour les motifs de la juge Marcotte, auxquels souscrivent les juges Savard et Schrager, LA COUR :
[3] REJETTE l’appel.
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MOTIFS DE LA JUGE MARCOTTE |
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[4] L’appelant se pourvoit contre un jugement qui le déclare coupable d’une série d’infractions commises à l’endroit des plaignantes K.L. et A.S., deux jeunes femmes âgées respectivement de 19 et 17 ans au moment des faits.
[5] À l’égard de K.L., l’appelant a été déclaré coupable d’agression sexuelle, de voies de fait ayant causé des lésions corporelles et de séquestration.
[6] En ce qui concerne A.S., il a été reconnu coupable d’agression sexuelle et de voies de fait simples (infraction moindre et incluse à l’accusation de voies de fait ayant causé des lésions corporelles initialement portée par le ministère public), mais a toutefois été acquitté du chef d’accusation de séquestration.
[7] Je souligne d’entrée de jeu que les plaignantes ne se connaissent pas et qu’elles ne se sont jamais rencontrées. Par ailleurs, seule l’une d’elles, K.L., a témoigné au procès. La seconde, A.S., s’est avérée introuvable en dépit des démarches du ministère public pour la convoquer à l’audience. Son témoignage à l’enquête préliminaire a toutefois été admis en preuve aux termes d’un voir-dire.
[8] L’appelant soutient que le juge aurait commis plusieurs erreurs qui justifieraient d’infirmer le verdict de culpabilité, notamment :
1) en déclarant admissible le témoignage de A.S. à l’enquête préliminaire en lieu et place de son témoignage au procès;
2) en interrompant le témoignage de l’accusé portant sur les détails des relations sexuelles avec A.S. et en lui interdisant de continuer sur ce terrain;
3) en omettant de considérer la défense de croyance sincère mais erronée quant au consentement;
4) en laissant naître une crainte raisonnable de partialité, en se livrant à des raisonnements de propension et en errant dans l’appréciation de la preuve et de la crédibilité des témoins.
LES FAITS
[9] Si les versions des faits proposées par l’accusé et par les deux plaignantes présentent certaines similitudes, elles diffèrent sur la question fondamentale du consentement de ces dernières aux actes sexuels. Dans un long jugement rendu séance tenante, dont la transcription tient sur quelque 96 pages, le juge résume en détail leurs témoignages en signalant leurs points de concordance et de discordance.
La plaignante K.L.
[10] Les versions de l’appelant et K.L. ne coïncident pas relativement à l’amorce de leur « relation » à la fin mai / début juin 2012. Elles sont par ailleurs contradictoires quant aux faits s’étant déroulés le 8 juin 2012, date des infractions.
[11] L’appelant prétend avoir fait la connaissance de K.L. sur un site Internet de rencontre, tandis que celle-ci affirme plutôt l’avoir rencontré au centre-ville de Montréal, devant un bar, alors qu’il se serait présenté à elle sous un faux nom.
[12] Selon le témoignage de l’appelant, ils ont échangé leur numéro de téléphone via le site de rencontre, puis ils ont communiqué par téléphone. Il a revu K.L. le 7 juin, après qu’elle eut accepté de le rencontrer à son domicile, dans le quartier A à Ville A. Ils auraient alors promené les deux chiens de l’appelant en soirée dans un parc situé près de chez lui, avant d’avoir une première relation sexuelle. Arrivés à son appartement, ils auraient eu deux autres relations sexuelles consensuelles, mais marquées par des gestes « un peu rough » de la part de l’appelant (claques au visage et sur les fesses, étranglement, morsures, tirage de cheveux).
[13] Selon la version de K.L., que retient le premier juge, leur premier rendez-vous a plutôt eu lieu le 2 ou le 3 juin, et non le 7, soit quelques jours après leur première rencontre devant le bar. Elle rejoint l’appelant dans un parc près de chez lui pour y promener ses chiens et y demeure en sa compagnie durant 1 h 30, avant de retourner chez elle. Ils conviennent de se revoir chez lui le 7 juin. Durant la soirée du 7 juin et la nuit suivante, ils boivent de la vodka et fument des « joints ». Ils ont deux relations sexuelles consensuelles ponctuées de gestes « dominants » de l’appelant. K.L. affirme que leur première relation aurait été protégée tandis que l’appelant soutient qu’ils n’ont pas utilisé de condom, même s’il s’en était procuré, puisque K.L. ne le souhaitait pas.
[14] L’appelant admet avoir subtilisé le téléphone cellulaire de K.L. durant la nuit du 7 au 8 juin, alors qu’elle dormait, afin de consulter ses messages textes pour vérifier si elle communiquait avec d’autres hommes. Selon sa version des faits, le matin du 8 juin, il demande à K.L. de prendre congé du travail pour passer la journée avec lui. Elle obtempère et ils se recouchent jusqu’à midi. À leur réveil, ils prennent une douche ensemble et K.L. lui fait une fellation. Vers 13 h 30, ils se rendent au parc pour y promener les chiens. À leur retour, ils ont une autre relation sexuelle, moins passionnée que la veille, mais durant laquelle K.L. est « correcte et excitée ». Toujours selon sa version des faits, leurs nombreuses relations sexuelles se terminent par une éjaculation dans la bouche de K.L. En fin d’après-midi, l’appelant se fait livrer un repas du restaurant. K.L. écrit alors à ses parents pour les informer qu’elle ne rentrera pas trop tard. L’appelant lui promet qu’il appellera un taxi pour elle en soirée.
[15] Après le souper, selon la version de l’appelant, le jeu de la séduction se poursuit et ils ont une nouvelle relation sexuelle à laquelle K.L. participe activement en y prenant plaisir. Vers 20 h 30, il appelle un ami, chauffeur de taxi, qui l’avise qu’il ne pourra être là avant 22 h. Il discute ensuite avec K.L. qui lui indique qu’elle n’est pas à la recherche d’une relation sérieuse. Ils ont une autre relation sexuelle au cours de laquelle il tente de la sodomiser. Elle s’y oppose en lui indiquant que cette pratique lui rappelle de mau-vais souvenirs. Il s’abstient d’aller plus loin et, vexé, la questionne sur ses partenaires sexuels passés. Ils poursuivent néanmoins la relation sexuelle par pénétration vaginale.
[16] Selon l’appelant, en soirée, comme le taxi n’arrive pas et qu’il se fait tard, K.L. l’avise qu’elle passera la nuit chez lui. Puis, lorsqu’elle ouvre son téléphone pour en informer ses parents, elle s’aperçoit que ces derniers et plusieurs de ses ami(e)s sont à sa recherche. Tous deux sont pris de panique : K.L., parce qu’elle a menti à ses parents sur ses allées et venues en prétendant qu’elle dormait chez une copine; l’appelant, parce qu’il craint des ennuis avec la police. Il appelle un autre taxi pour reconduire K.L. chez sa mère, à Laval, et lui demande de trouver une façon de cacher les marques apparentes à son cou.
[17] K.L. confirme le déroulement de la journée du 8 juin, tel que décrit par l’appelant sur les aspects suivants :
Ø en matinée, à la demande de l’appelant, elle a pris congé du travail. Mais, selon elle, le ton de l’appelant étant alors ferme et dominant : elle n’a eu d’autre choix que d’acquiescer;
Ø l’appelant a commandé de la nourriture d’un restaurant en après-midi;
Ø l’appelant a appelé un taxi vers 20 h et le chauffeur, un ami, l’a informé qu’il ne pouvait être là avant 22 h;
Ø l’appelant a tenté une pénétration anale et il s’est arrêté lorsqu’elle s’est opposée à cette pratique;
Ø lorsqu’elle a ouvert son téléphone tard en soirée, elle s’est aperçue que ses parents et plusieurs ami(e)s avaient tenté de la joindre et qu’ils étaient à sa recherche. Pris de panique, l’appelant appelle un taxi pour qu’elle puisse retourner chez elle en lui intimant de cacher les marques à son cou.
[18] Le témoignage de K.L. contredit cependant celui de l’appelant sur les éléments importants suivants :
Ø K.L. affirme que l’appelant a commis une première agression sexuelle alors qu’elle était endormie. Le 8 juin au matin, elle se fait réveiller vers 7 heures par l’appelant qui la pénètre. Elle lui manifeste son refus par des gestes et des paroles. Elle s’agite et pleure. L’appelant réagit en lui tenant les mains le long du corps et en lui mettant la main sur la bouche pour l’empêcher de parler avant d’éjaculer dans son dos. Il lui demande ensuite si elle a aimé ça, avant d’ajouter : « c’est comme ça qu’on traite les salopes ».
Ø Il lui explique qu’il s’est enfermé dans la salle de bain pendant 1 h 30 pour fouiller son téléphone cellulaire et qu’il a constaté qu’elle communiquait avec d’autres hommes, ce qui a attisé sa colère et son mépris envers elle, voire du dégoût. Il la traitera par ailleurs de « pute » et de « salope » par la suite. À compter de ce moment, il insiste pour qu’elle reste auprès de lui et lui ordonne d’aviser son employeur qu’elle ne rentrera pas travailler. Une fois l’appel à l’employeur complété, il lui confisque son téléphone dont il retire la pile. Dès lors et jusqu’en fin de soirée, ils ont de nombreux rapports sexuels forcés et non protégés.
Ø K.L. affirme n’être jamais sortie de l’appartement durant la journée du 8 juin pour aller promener les chiens de l’appelant, ce dernier l’ayant empêchée de quitter l’appartement et de communiquer avec quiconque de l’extérieur sans son consentement. Il l’aurait même poussée violemment sur un fauteuil et lui aurait collé la tête contre un mur pour l’empêcher de quitter les lieux.
[19] K.L. affirme n’avoir consenti à aucune de leurs nombreuses relations sexuelles au cours de la journée du 8 juin. Elle soutient, au contraire, avoir manifesté son refus de plusieurs façons, en gesticulant, en tentant de repousser l’appelant, en protestant verbalement ou en pleurant, alors que l’appelant se moquait de sa détresse. Ses protestations étant vaines, elle a fini par abdiquer et se résigner à poser certains gestes (masturbation de part et d’autre et fellations forcées). Elle a subi des attouchements avec la bouche, les mains et les doigts, des pénétrations en diverses positions, telle une esclave sexuelle. L’appelant l’aurait même empêchée de se rhabiller. Elle prétend que l’appelant contrôlait son corps, faisait ce qu’il voulait avec elle et qu’elle était en mode « survie ».
[20] Lorsque K.L. rentre finalement chez sa mère en taxi dans le milieu de la nuit du 8 juin, cette dernière alerte son père qui arrive sur les lieux quelques instants plus tard. Les deux parents qui ont témoigné au procès de l’état mental et physique de leur fille à son retour décrivent son état : selon son père, K.L. est « fermée comme une huître », ne veut pas parler des évènements et porte des marques bleues au cou, comme si quelqu’un avait tenté de l’étrangler; elle affirme avoir été contrainte de rester avec quelqu’un et de n’avoir pu quitter; selon sa mère, K.L. est bouleversée, elle larmoie et refuse de dire ce qui s’est passé, alors que des meurtrissures sont bien visibles et colorées des deux côtés du cou. Elle soutient avoir été incapable de quitter l’endroit où elle se trouvait pour revenir à la maison alors que la personne avec qui elle était l’aurait « marquée » comme sa propriété, expliquant ainsi les marques à son cou.
Les évènements postérieurs au 8 juin 2012 impliquant K.L.
[21] L’appelant témoigne avoir continué de communiquer avec K.L par téléphone durant les trois semaines suivantes. Ils auraient continué à flirter et l’appelant aurait demandé à K.L. de consulter un gynécologue, craignant pour sa santé en raison de leurs relations sexuelles non protégées. Devant son refus, il reconnaît avoir menacé K.L. de se rendre à son domicile (chez sa mère) pour y mettre le feu. Cet évènement a donné lieu à une plainte de K.L. et des accusations de harcèlement criminel et de menaces furent portées, auxquelles l’appelant a plaidé coupable.
[22] Pour sa part, K.L. soutient que l’appelant a tenté de la joindre à de nombreuses reprises après le 8 juin et qu’elle a ignoré ses messages textes et ses appels jusqu’à ce qu’il menace de s’en prendre à la maison de sa mère, suscitant chez elle une crainte qu’elle a partagée avec sa mère. En contre-interrogatoire, lorsque confrontée au relevé des appels attribués à l’appelant montrant qu’elle l’avait contacté à plusieurs reprises, elle se dit étonnée et prétend n’en avoir plus souvenir, tout en admettant qu’il est probable qu’elle ait continué à lui parler par crainte de représailles. Elle a finalement porté plainte pour agressions sexuelles à la police le 25 juin 2012, sur les conseils de sa mère.
[23] L’appelant témoigne avoir reçu un appel d’un enquêteur du SPVM le lendemain et, feignant une autre identité, avoir pris le message des policiers qui demandaient à le rencontrer sans en préciser la raison. Il a alors quitté son appartement pour se rendre chez un ami d’où il a tenté de joindre K.L. pour régler la situation. Comme K.L. refusait de lui parler, l’appelant (ou son ami) aurait laissé un message sur la boîte vocale de K.L.
[24] Bien qu’affirmant ignorer les motifs de l’entrevue demandée par les policiers, l’appelant présume que c’est en lien avec les menaces d’incendier la résidence de la mère de K.L. et non en raison d’une plainte d’agression sexuelle. Ayant peur d’être mis en état d’arrestation, il décide de ne pas se livrer à la police et de ne pas retourner à son appartement. À compter du 26 juin, il louera plutôt une chambre au centre-ville, à l’hôtel Le Breton, rue St-Hubert.
[25] C’est à compter de ce moment que surviennent les évènements impliquant la seconde plaignante.
La plaignante A.S.
[26] Comme je l’écrivais plus tôt, A.S. n’a pas témoigné au procès, car elle était introuvable. Après la tenue d’un voir-dire, le juge de première instance a déclaré admissible le témoignage qu’elle avait rendu dans le cadre de l’enquête préliminaire les 30 novembre 2012 et 30 janvier 2013, en lieu et place de son témoignage au procès. J’y reviendrai dans le cadre de l’analyse du premier moyen d’appel.
[27] Les versions de l’appelant et de A.S. au sujet du déroulement de leurs diverses rencontres concordent pour l’essentiel, en ce qu’elles confirment toutes deux que :
Ø L’appelant a fait la connaissance de A.S. par le biais d’un service de messagerie texte (« BlackBerry Messenger »). Durant 6 ou 7 mois, ils ont eu des échanges de messages textes et téléphoniques.
Ø Ils se sont rencontrés en personne pour la première fois au mois de juin 2012, dans le parc près de chez l’appelant (pour y promener ses chiens).
Ø Leur deuxième rendez-vous a eu lieu près du métro Beaudry, durant le Festival de jazz de Montréal. L’appelant avait alors quitté son appartement et logeait à l’hôtel Le Breton, où ils sont retournés en soirée, à la demande de A.S., pour y recharger son téléphone cellulaire. L’appelant lui subtilise alors son appareil pour consulter ses messages textes. Il prétend que c’est pour s’assurer qu’elle n’a pas révélé à d’autres où il séjourne. Il soutient avoir eu une relation sexuelle avec A.S. pendant la soirée. Selon A.S., cette relation sexuelle, par ailleurs consensuelle, aurait eu lieu quelques jours plus tard, au même hôtel.
Ø A.S. revoit l’appelant environ deux semaines plus tard. Celui-ci l’aurait appelée pour qu’elle l’aide à trouver un endroit pour faire garder son chien, puisqu’il s’est fait mettre à la porte de l’hôtel Le Breton en raison de la présence de l’animal. Selon A.S., elle aurait accepté de revoir l’appelant, notamment parce qu’il menaçait de révéler « des conneries » à sa mère.
Ø Ils trouvent ensemble une gardienne de chien dans le quartier Verdun et s’y dirigent en taxi. En route, une chicane éclate. L’appelant reprend à nouveau le téléphone cellulaire de A.S. et jette la carte SIM de l’appareil par la fenêtre. Selon A.S., l’appelant la frappe alors au visage et la mord au bras, ce que nie l’appelant. Une fois sorti du taxi, il ira même jusqu’à jeter le téléphone au sol et le briser. Il promet alors à A.S. de remplacer son téléphone.
Ø Par la suite, comme l’appelant n’a plus d’endroit où dormir, ils louent une chambre dans un hôtel situé près des avenues du Parc et du Mont-Royal. Une fois au lit, A.S. refuse les avances sexuelles de l’appelant. Frustré, ce dernier se couche sur le sol.
[28] C’est par la suite qu’aurait eu lieu la séquestration visée par le cinquième chef de l’acte d’accusation, dont l’appelant a été acquitté. A.S. a témoigné qu’il l’aurait poussée du lit où elle dormait, lui aurait ordonné de se dévêtir pour prendre une douche avec lui. Une fois A.S. rendue dans la salle de bain, l’appelant l’aurait insultée et frappée au ventre devant son refus d’obtempérer, et l’y aurait enfermée durant une quarantaine de minutes, en laissant couler l’eau de la douche.
[29] L’appelant prétend de son côté qu’ils se sont enfermés ensemble dans la salle de bain pour fumer un joint tout en laissant couler une douche chaude (pour faire ce que l’appelant appelle un « hot box ») et qu’il a simplement refusé que A.S. en sorte pour ne pas perdre la fumée (« […] le but du hot box, c’était de garder la boucane »).
[30] Puis, l’appelant et A.S. se dirigent chez un ami de l’appelant qui habite le quartier Parc-Extension. Une fois dans l’appartement, ils ont une relation sexuelle que l’appelant qualifie de « sensuelle ». Il soutient que A.S. était consentante et qu’elle aurait elle-même enlevé son pantalon. A.S. affirme plutôt que l’appelant a manifesté son intention d’avoir une relation sexuelle et que, devant son refus, il l’a frappée dans le ventre, avant de la déshabiller et de la pénétrer en lui mettant la main sur la bouche. Elle soutient avoir verbalisé son désaccord en lui disant « non » plusieurs fois et avoir même pleuré. Après l’agression, l’appelant l’aurait rejointe à vélo alors qu’elle se dirigeait vers une station de métro et lui aurait demandé de taire ce qui s’était produit.
[31] A.S. a porté plainte à la police le jour même, accompagnée de ses parents. L’agente Marie-Josée Reeves de la SPVM qui l’a rencontrée au poste de police a pu constater des ecchymoses au bras et des rougeurs au cou de la jeune femme.
LE JUGEMENT ENTREPRIS
[32] Le jugement rendu séance tenante est long et détaillé.
[33] Le juge s’attarde d’abord sur les faits relatés par les deux plaignantes avant d’aborder l’opportunité d’admettre la preuve de faits similaires que tentait d’introduire le ministère public. Il refuse de considérer cette preuve, en l’absence d’une correspondance étroite entre les deux contextes infractionnels, telle que l’exige la jurisprudence. Par ailleurs, selon lui, la valeur probante de la preuve des faits similaires ne l’emporte pas sur le préjudice que son admissibilité pourrait causer à l’appelant.
[34] Par la suite, le juge suit essentiellement la démarche énoncée dans R. c. W.(D.)[1].
[35] Il rejette d’abord la version des faits proposée par l’appelant, dont le témoignage « se révèle sans crédibilité aucune »[2]. Auparavant, alors qu’il expose les faits saillants de ce témoignage, il note certains éléments qui, selon lui, « assombrissent » sa déclaration d’innocence :
Cependant, des faits indiquent que le défendeur a fait montre de comportements si singuliers avec K.L. et A.S. qu'on a du mal à ne pas y voir une attitude d'oppression, de contrôle et de domination, tout aussi brefs pourront avoir été certains contacts avec les jeunes femmes. L'obsession du défendeur pour le cellulaire des deux (2) jeunes femmes, le harcèlement dont il fait preuve auprès de K.L. après le huit (8) juin, la crainte suscitée par le message des proches de K.L., qui avaient essayé de la rejoindre, entre le sept (7) juin, au soir, jusqu'au huit (8) juin, en soirée, de même que les précautions pour s'assurer qu'on ne voit pas les marques physiques portées par K.L. et A.S. constituent autant d'éléments qui assombrissent la déclaration d'innocence du défendeur.[3]
[36] Il insiste sur les épisodes où l’appelant a pris le contrôle des téléphones cel-lulaires des plaignantes qui témoignent d’une emprise et d’une attitude peu soucieuse du consentement de l’autre aux relations sexuelles dans lesquelles il s’engage.
[37] Le juge insiste également sur le comportement harcelant et menaçant de l’appelant à l’égard de K.L. après le 8 juin qui, sans démontrer à lui seul sa culpabilité, déprécie la probité de son témoignage. Il ajoute que l’appelant perd toute crédibilité lorsqu’il relate les faits postérieurs au 25 juin et explique avoir quitté son appartement à la suite d’un appel des policiers :
Au risque de répéter, le Tribunal ne prête aucune foi à une telle version. Certes, le comportement postérieur à l'infraction ne prouve pas en soi la perpétration de l'infraction, mais il n'en est pas moins une preuve circonstancielle, en l'occurrence révélatrice dans l'évaluation globale de la preuve. En somme, il y a ici une démesure dans ce que la poursuivante a qualifié de cavale du défendeur, une expression appropriée dans les circonstances, si l'on considère que celui-ci jugeait stupide l'incident ayant incité K.L. à le dénoncer à la police. Par ailleurs, il faut aussi garder en vue que le défendeur s'était déjà inquiété, le huit (8) juin, du spectre d'une intervention policière. Lorsque K.L. lui avait dit qu'elle devait donner signe de vie à ses parents, sans quoi ils pourraient recourir à la police, le défendeur a déclaré être pris de panique. Pourquoi être pris de panique s'il n'y a pas anguille sous roche.
Et que dire de cette préoccupation que K.L. s'assure de dissimuler des marques qu'elle porte au cou? […][4]
[Soulignement ajouté]
[38] Il ne s’agit toutefois que d’une partie des motifs qui justifient le rejet du témoignage de l’appelant qui, à son avis, « ne soulève pas, par ailleurs, quelque doute raisonnable eu égard à l’ensemble de la preuve » aux termes de la deuxième étape de W.(D.)[5].
[39] Il s’attarde ensuite à l’appréciation de la preuve du ministère public afin de déterminer si ce dernier s’est déchargé de son fardeau de prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable, conformément à la troisième étape de l’arrêt W.(D.), en passant en revue le témoignage des deux plaignantes.
La plaignante K.L.
[40] Le juge estime que K.L. a livré un témoignage nuancé, même lorsque confrontée à des déclarations antérieures à première vue incompatibles avec sa version au procès, dont la déclaration faite aux policiers en juin 2012, captée sur vidéo, au cours de laquelle elle affirmait avoir trouvé l’appelant gentil et attentionné. Il retient son explication voulant qu’elle ait éprouvé des sentiments contradictoires au moment de porter plainte et n’y voit pas matière à entacher sa crédibilité.
[41] À son avis, le témoignage de K.L. est sincère et crédible. Il démontre qu’elle n’a pas consenti aux relations sexuelles du 8 juin, qu’elle a exprimé son refus à certains moments par des gestes et des paroles et que l’appelant l’a empêchée de quitter l’appartement.
[42] Le juge discute ensuite des incompatibilités et contradictions soulevées par l’appelant pour miner la crédibilité de K.L. dont l’importance est variable et qui, selon lui, ne parviennent pas à discréditer sa version des faits.
[43] Il note que le témoignage des parents de K.L., à l’égard de son état à son retour dans la nuit du 9 juin, s’harmonise également « avec l’épreuve dont elle vient de sortir quelques heures plus tôt »[6].
[44] Il conclut sur la question des agressions sexuelles que l’appelant « a ignoré sciemment l’absence de consentement de K.L., qu’elle a extériorisé [...] de diverses façons »[7].
[45] Quant au chef de voies de fait causant des lésions corporelles, « [l]es témoignages de K.L. et de sa mère démontrent hors de tout doute raisonnable des sévices corporels infligés par le défendeur et des lésions corporelles, selon la définition qu'en donne l'article 2 du Code criminel »[8].
[46] Relativement au chef de séquestration, le juge retient le témoignage de K.L. selon lequel l’appelant l’a repoussée sur le futon et a appuyé sa tête contre le mur, alors qu’elle tentait de quitter l’appartement, pour qu’elle y reste contre son gré.
La plaignante A.S.
[47] En ce qui concerne le témoignage de A.S., le juge estime que, pris isolément, rien ne laisse « transparaître quoi que ce soit d’insolite, d’exagéré ou de saugrenu qui puisse jeter un doute sérieux sur sa vraisemblance et sa véracité. D’ailleurs, ce témoignage se concilie avec celui du défendeur sur l’essentiel de la trame factuelle »[9].
[48] Il réitère qu’à l’inverse, pour les raisons déjà invoquées lors de son analyse des faits qui concernent la plaignante K.L., le témoignage de l’appelant n’est aucunement crédible et doit être rejeté.
[49] Selon lui, le témoignage de A.S. établit hors de tout doute raisonnable les éléments de l’infraction d’agression sexuelle et de voies de fait simples. Il acquitte néanmoins l’appelant de l’infraction de séquestration puisqu’il juge que la preuve, portant sur l’épisode où il aurait enfermé A.S. dans la salle de bain de la chambre d’hôtel, est équivoque.
ANALYSE DES MOYENS D’APPEL
1) Le premier juge a-t-il erré en droit en déclarant admissible en preuve le témoignage de A.S. rendu à l’enquête préliminaire en lieu et place d’un témoignage au procès?
[50] Au procès, le ministère public a requis que le témoignage rendu par A.S., lors de l’enquête préliminaire des 30 novembre 2012 et 31 janvier 2013, soit déclaré admissible en lieu et place d’un témoignage au procès, au motif qu’elle était introuvable. Ceci, à l’issue d’un voir-dire durant lequel le ministère a fait témoigner Marie-France Beaudry, la sergente-détective du SPVM qui était en contact avec A.S., qui a révélé que :
Ø Mme Beaudry communiquait avec la plaignante A.S. par téléphone, jusqu’à ce que sa famille très contrôlante lui confisque son téléphone cellulaire.
Ø Par la suite, Mme Beaudry lui a transmis des messages par courriel auxquels A.S. répondait en communiquant avec elle par téléphone.
Ø A.S. collaborait avant de disparaître. Elle s’est d’ailleurs présentée volontairement à l’enquête préliminaire.
Ø Dans les mois qui ont suivi l’enquête préliminaire, Mme Beaudry a tenté de joindre A.S. sans succès. Elle a communiqué avec son père qui l’a avisée que sa fille était en fugue et qu’il ignorait où elle se trouvait.
Ø Le 13 juin 2013, Mme Beaudry a envoyé un courriel à A.S. en prévision du procès alors fixé les 17, 21 et 28 juin 2013. Ce procès a cependant été remis à la demande de l’appelant, en raison d’un changement de procureur.
Ø À la suite de ce courriel, A.S. a communiqué avec la sergente-détective Beaudry par téléphone et lui a confirmé qu’elle allait bien, mais qu’elle n’habitait plus chez ses parents et n’avait plus d’adresse. La communication a toutefois été subitement interrompue. Mme Beaudry a tenté de rappeler A.S. en vain, constatant alors que l’appel avait été initié à partir d’une clinique médicale où on disait ne pas connaître A.S. Au procès, l’avocate du ministère public a toutefois précisé au juge qu’elle avait eu un message de A.S. sur sa boîte vocale le 17 juin 2013. Le 28 juin suivant, elle a tenté, sans succès, de joindre A.S. au numéro à partir duquel son appel avait été initié, mais elle n’a pu laisser de message étant donné l’absence de boîte vocale.
Ø À compter du mois de juin 2013, Mme Beaudry n’avait ni adresse ni numéro de téléphone pour joindre A.S.
Ø Ses courriels subséquents relatifs au déroulement du procès sont demeurés sans réponse (le dernier date du 16 janvier 2014 et fait état des dates du procès en lui demandant de la rappeler).
Ø Mme Beaudry a tenté à quelques reprises de joindre le père de A.S. en laissant un message sur son répondeur. Elle a aussi tenté de communiquer avec sa mère sur son téléphone cellulaire. Ni l’un ni l’autre n’a retourné ses appels. Les parents ne collaboraient pas, sinon que pour lui dire qu’ils étaient sans nouvelles de leur fille.
Ø Au mois de juillet 2013, le père de A.S. s’est présenté à un poste de police de Laval, en soutenant être inquiet pour elle et craindre qu’elle soit tombée entre les mains d’un proxénète qu’il a identifié, mais dont le nom s’est avéré inexistant dans les fichiers policiers.
Ø Après la remise d’un subpoena par l’avocate du ministère public, Mme Beaudry a confié à un des agents enquêteurs de son service la tâche de le lui remettre en se rendant à la dernière adresse connue, soit l’adresse de ses parents, où il n’a pas eu de réponse. Ses démarches de signification se sont avérées vaines.
Ø A.S. n’avait rien à son nom qui permette de la retrouver, ni permis de conduire ni dossier criminel. À l’approche du procès, elle a toutefois tenté à nouveau de joindre A.S. au dernier numéro de téléphone cellulaire connu, mais il n’était plus en service.
Ø La sergente-détective Beaudry a admis ne pas avoir recherché de transactions qui auraient pu être faites par carte de crédit, ne s’agissant pas d’une démarche usuelle lorsqu’il est question de retracer un témoin.
Ø Elle a effectué une vérification auprès de la dernière école fréquentée par A.S. à la demande du juge de procès, pendant l’audience. Cette démarche s’est également avérée infructueuse.
[51] Dans le cadre de sa décision sur le voir-dire[10], le juge se réfère à la méthode de « l’exception raisonnée » permettant d’admettre une preuve par ouï-dire lorsque les critères de nécessité et fiabilité sont satisfaits.
[52] Sur la question de la nécessité, il retient que, malgré les démarches raisonnables entreprises par la poursuite pour retrouver A.S., celle-ci demeure introuvable et sa présence au procès pour témoigner s’avère impossible. Son témoignage constitue une preuve essentielle au soutien de l’accusation. Le juge estime donc que le critère de nécessité est satisfait[11].
[53] Il conclut également que la déclaration issue de l’enquête préliminaire comporte le seuil de fiabilité requis, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par l’appelant.
[54] L’appelant soutient toutefois en appel que, dans l’analyse du critère de la nécessité, le premier juge a erré en droit en omettant de considérer la responsabilité qui incombe à la poursuite de s’assurer que ses témoins seront présents au procès ou, à tout le moins, son obligation de déployer des efforts raisonnables à cette fin. Il soumet que c’est la négligence du ministère public qui a entraîné la perte de lien avec A.S., de sorte qu’il ne peut invoquer une « nécessité » qu’il a créée de toutes pièces.
[55] Selon lui, la sergente-détective Beaudry a été indûment passive devant le risque évident de perdre le contact avec A.S. en se contentant d’un lien par courriel, alors qu’il s’agissait d’un témoin-clé. Il lui reproche également de ne pas avoir fait surveiller la résidence de ses parents, après que ceux-ci l’eurent avisée qu’elle était en fugue, d’autant qu’ils refusaient de coopérer avec la police. Il soutient aussi qu’on ne peut exclure qu’ils aient pu cacher leur fille pour l’empêcher de collaborer avec les autorités. Il soulève par ailleurs d’autres moyens qui auraient pu être déployés pour retrouver A.S., dont une recherche par le biais des réseaux sociaux et une vérification auprès des autorités scolaires par le biais du « code permanent » attribué à tous les étudiants du postsecondaire ou des services d’aide financière aux études.
[56] Dans l’arrêt récent R. c. Bradshaw[12], la Cour suprême rappelle les dangers que présente la preuve par ouï-dire, mais également les principes encadrant son admissibilité, lorsque les critères de nécessité et de fiabilité sont satisfaits :
[20] […] Le fait de
permettre au juge des faits de tenir compte du ouï-dire peut donc compromettre
l’équité du procès et le processus de recherche de la vérité. La déclaration
relatée peut être rapportée de manière inexacte, et le juge des faits ne peut
pas facilement mettre à l’épreuve la perception, la mémoire, la relation du
fait ou la sincérité du déclarant (Khelawon, par. 2). Comme le juge Fish
l’a expliqué dans R. c. Baldree,
Premièrement, il se peut que le déclarant ait mal perçu les faits relatés dans sa déclaration; deuxièmement, même s’il a correctement perçu les faits pertinents, il se peut qu’il ne se les remémore pas fidèlement; troisièmement, il est possible qu’en relatant les faits pertinents il induise involontairement en erreur; finalement, il pourrait avoir sciemment fait une fausse déclaration. La possibilité de sonder en profondeur ces éventuelles sources d’erreur ne se présente que si le déclarant comparaît pour être contre-interrogé. [Italiques dans l’original : par. 32.]
[21] Compte tenu des dangers que présente la preuve par ouï-dire, « [o]n craint que la preuve par ouï-dire non vérifiée se voie accorder plus de poids qu’elle n’en mérite » (Khelawon, par. 35). Par conséquent, même si tout élément de preuve pertinent est généralement admissible, la preuve par ouï-dire est présumée inadmissible (Khelawon, par. 2-3).
[22] Toutefois,
certaines preuves par ouï-dire « présente[nt] des dangers minimes et
[leur] exclusion au lieu de [leur] admission gênerait la constatation exacte
des faits » (Khelawon, par. 2 (italiques dans
l’original)). Par conséquent, les tribunaux ont défini au fil du temps des
catégories d’exceptions à la règle d’exclusion du ouï-dire. Ces exceptions
traditionnelles sont fondées sur l’admission de certains types de déclarations
relatées qui étaient considérées nécessaires et fiables, comme les déclarations
de mourants (Khelawon, par. 42; R. c. Youvarajah,
[23] Finalement, une approche plus souple relative au ouï-dire est ressortie de la jurisprudence. Selon l’exception raisonnée, le ouï-dire peut exceptionnellement être admis en preuve lorsque la partie qui le produit démontre que le double critère de la nécessité et du seuil de fiabilité est respecté selon la prépondérance des probabilités (Khelawon, par. 47).
[24] En admettant seulement les preuves par ouï-dire nécessaires et suffisamment fiables, le juge du procès agit à titre de gardien de la preuve. Il protège l’équité du procès et l’intégrité du processus de recherche de la vérité (Youvarajah, par. 23 et 25). Dans les poursuites criminelles, l’appréciation du seuil de fiabilité comporte une dimension constitutionnelle, parce que la difficulté de vérifier la preuve par ouï-dire peut compromettre le droit de l’accusé à un procès équitable (Khelawon, par. 3 et 47). Même lorsque le juge du procès est convaincu que le ouï-dire est nécessaire et suffisamment fiable, il a le pouvoir discrétionnaire de l’exclure si son effet préjudiciable l’emporte sur sa valeur probante (Khelawon, par. 49).[13]
[25] Dans le cas qui nous occupe, la preuve tirée de la reconstitution est nécessaire parce que M. Thielen a refusé de témoigner. Ainsi, son admissibilité repose sur la question de savoir s’il a été satisfait au seuil de fiabilité.
[Soulignement ajouté]
[57] Auparavant, dans R. c. Baldree[14], la Cour suprême signalait par ailleurs que les critères de nécessité et de fiabilité vont de pair et que, si la preuve est suffisamment fiable, l’exigence de nécessité peut être assouplie. Cela dit, elle soulignait, dans ce cas précis, l’absence d’effort déployé par la police, alors qu’aucune tentative n’avait été faite pour obtenir le témoignage du déclarant, l’interroger ou le trouver, même s’il avait indiqué son adresse[15].
[58] La Cour suprême confirmait ainsi le principe que plaide l’appelant voulant qu’une partie ne puisse invoquer une nécessité qu’elle a créée de toutes pièces par son inaction et qu’elle ne puisse se prévaloir de l’exception raisonnée en matière de ouï-dire que si elle a déployé des efforts raisonnables pour retrouver le témoin dont la déposition en cour s’avère non disponible.
[59] Notre Cour s’est d’ailleurs exprimée dans le même sens dans l’arrêt Lezama c. R.[16], en insistant sur l’importance d’examiner la source de la nécessité, tout en reconnaissant que l’exigence de ce critère doit demeurer souple. Le juge Vauclair écrivait :
[46] […] Depuis l'arrêt Hawkins, un témoignage complet rendu sous serment à une enquête préliminaire satisfait, en principe, le seuil de fiabilité pour son admissibilité, étant entendu que l'évaluation de la fiabilité finale revient au juge des faits. C'est plutôt le critère de nécessité qui présentait, ici, le véritable défi pour le ministère public.
[47] Il est bien entendu qu'une partie, en l'occurrence le ministère public, ne peut créer de toutes pièces la nécessité. La jurisprudence requiert en effet des efforts pour amener la meilleure preuve devant le tribunal. À titre d'exemples, la nécessité peut ne pas être reconnue si la partie qui veut se prévaloir de l'exception raisonnée a omis d'assigner un témoin, de déployer des efforts pour le retrouver ou encore pour préserver la preuve. On sait également que le simple inconfort, la crainte ou le manque d'enthousiasme à témoigner, sans plus, ne suffisent pas à satisfaire le critère de nécessité.
[48] Même s'il est vrai que les critères de nécessité et de fiabilité sont évalués ensemble et que face à une preuve suffisamment fiable, l'exigence de nécessité peut être plus souple, la règle n'épargne pas l'examen de la source de la nécessité. En l'espèce, il est douteux que les efforts déployés pour retrouver le témoin aient été à la hauteur. Selon la preuve, il s'agit d'un jeune homme qui a toujours affirmé qu'il témoignerait, qui habite avec sa mère, qui est manifestement en contact avec elle, et par conséquent, le coefficient de difficulté pour retrouver le témoin et l'amener à la Cour ne semble pas très élevé. En l'espèce, les "vérifications" effectuées par les policiers ne sont que des visites à domicile. La preuve ne permet pas de comprendre pourquoi les policiers n'avaient aucune piste pour retrouver le témoin malgré la coopération évidente de la mère.
[49] Je ne crois pas que le juge était en présence d'une preuve démontrant "l'inexistence de toute possibilité raisonnable que [le témoin] soit disponible pour témoigner à l'intérieur d'un délai acceptable". […][17]
[Italiques et caractères gras dans l’original] [Références omises]
[60] Cela dit, le critère de la nécessité en demeure un de « raisonnabilité », comme l’a souligné avec raison la Cour du Québec dans R. c. Quevillon[18] :
[39] La poursuite a un fardeau de démontrer que les efforts raisonnables furent déployés pour trouver le témoin afin d'assurer sa présence à la cour. Par efforts raisonnables, on ne doit pas s'attendre à ce que la poursuite mobilise toutes les ressources policières nécessaires pour localiser le témoin. On ne peut pas exiger une vérification constante.
[61] Cette approche s’inscrit d’ailleurs dans le sens des enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Khelawon[19], où la juge Charron indiquait :
[104] […] dans une instance appropriée, il se peut bien que, pour trancher la question de la nécessité, le tribunal se demande si la partie qui veut présenter la preuve a déployé tous les efforts raisonnables pour préserver la preuve du déclarant de manière à préserver également les droits de l’autre partie. […][20]
[62] Il importe toutefois de signaler que, tant dans Bradshaw que dans Khelawon, il ne s’agissait pas d’une déposition tenue dans le cadre d’une enquête préliminaire où l’accusé avait eu le bénéfice de contre-interroger le témoin, comme en l’espèce. Il était plutôt question d’une déclaration faite aux policiers par un homme âgé de 80 ans et frêle, alors qu’aucune démarche n’avait été faite par la poursuite pour préserver la preuve et les droits de l’accusé en établissant une prise de déposition par un commissaire en présence de l’accusé ou de son avocat, ce qui donnait à conclure à l’absence de toute démarche raisonnable.
[63] En outre, la décision du juge du procès de conclure à l’existence de la nécessité et d’admettre une déclaration sur le fondement de l’exception raisonnée au ouï-dire demeure discrétionnaire et tributaire de son appréciation de la preuve qui lui est présentée à l’égard des efforts déployés par la poursuite[21].
[64] L’appelant soutient que les efforts déployés par la sergente-détective Beaudry sont nécessairement insuffisants, puisqu’ils ont été moindres que ceux déployés par les policiers dans l’affaire Lezama[22], jugés eux-mêmes insuffisants par cette Cour. Il ajoute qu’il est possible que A.S. n’ait jamais quitté le domicile familial ou qu’elle ait été en contact avec ses parents. Il propose des moyens additionnels qui auraient selon lui dû être utilisés par la police pour retracer ce témoin crucial.
[65] Or, il est d’abord utile de rappeler que, dans Lezama, le juge Vauclair a conclu que la preuve ne permettait pas de comprendre pourquoi les policiers n’avaient aucune piste pour retrouver le témoin absent, qui habitait chez sa mère et avait des contacts avec elle, alors que cette dernière coopérait avec les policiers. Ainsi, c’est en raison du faible coefficient de difficulté pour retrouver le témoin et l’amener à la Cour que la démarche des policiers a été jugée insuffisante.
[66] En l’espèce, les écueils pour retrouver A.S. étaient nombreux : la police n’avait pas de coordonnées utiles la concernant, outre l’adresse de ses parents qui ignoraient où elle se trouvait, la déclaraient en fugue et sous l’emprise probable d’un proxénète qui n’était pas valablement identifié ou identifiable. De plus, contrairement à la mère du témoin dans Lezama, les parents de A.S. n’offraient pas de collaboration à la police et ne retournaient pas ses appels. La sergente-détective a bien tenté de demeurer en lien avec la jeune femme par courriel, avec un certain succès au début, faisant en sorte qu’elle se présente à l’enquête préliminaire. Toutefois, aucun indice ne laissait alors entrevoir sa disparition. Les recherches subséquentes se sont avérées infructueuses du fait que A.S. n’avait ni permis de conduire ni dossier criminel alors qu’il s’agit d’outils habituellement utiles pour retracer une personne disparue.
[67] L’appelant soutient que la surveillance physique du domicile des parents de A.S. et la recherche de transactions bancaires auraient dû figurer parmi les démarches de la poursuite pour retrouver le témoin. Il faut toutefois rappeler que la sergente-détective a affirmé au procès que ces techniques allaient au-delà des efforts habituellement déployés pour retracer un témoin et qu’elles n’étaient utilisées que lorsqu’il s’agissait de retrouver un suspect dans le cadre d’une enquête criminelle. Quant aux autres démarches suggérées par l’appelant dans son mémoire, en faisant appel aux réseaux sociaux ou par des recherches additionnelles auprès des établissements scolaires, elles n’offraient aucune certitude de retrouver A.S. Finalement, la proposition voulant que A.S. n’ait jamais quitté le domicile familial et que ses parents aient été en contact avec elle ne trouve aucun appui dans la preuve.
[68] Le juge a conclu de la preuve qui lui était présentée que la police avait fait les efforts raisonnables pour trouver A.S., après avoir exigé des vérifications additionnelles qui se sont avérées infructueuses. Il a estimé que la poursuite avait démontré des efforts raisonnables qui permettaient de satisfaire le critère de nécessité et justifiaient d’admettre en preuve le témoignage de A.S. rendu à l’enquête préliminaire dont la fiabilité n’était pas remise en question.
[69] Il n’appartient pas à cette Cour de substituer son appréciation de la preuve à celle du premier juge qui, agissant dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, a jugé que le critère de nécessité était satisfait. De toute manière, même en admettant, comme le plaide l’appelant, qu’il puisse s’agir d’une erreur de droit plutôt que d’une question mixte de fait et de droit, tel que je l’envisage, l’appelant ne me convainc pas que le juge a commis ici quelque erreur révisable en l’espèce.
[70] Dans les circonstances, l’intervention de la Cour que propose l’appelant, à l’égard de la décision du juge d’admettre en preuve le témoignage de la plaignante A.S., ne me paraît pas justifiée.
2) Le premier juge a-t-il erré en droit en interrompant le témoignage de l’accusé sur les détails des gestes sexuels avec A.S. et en lui interdisant de continuer sur ce terrain?
[71] L’appelant soutient que le premier juge a erré en lui reprochant le langage cru qu’il a utilisé pour décrire ses gestes sexuels. Il prétend avoir été empêché de narrer des détails importants permettant de démontrer sa croyance au consentement des plaignantes, ce qui aurait eu pour effet d’inhiber sa défense. Il plaide également que son langage aurait eu un impact défavorable sur l’appréciation de sa crédibilité par le juge.
[72] Revoyons les interventions du juge à cet égard. La première, lorsqu’il demande à l’appelant d’utiliser un terme autre que « fourrer » pour décrire sa relation sexuelle avec K.L.[23]. Or, à ce moment, l’appelant a déjà témoigné de manière détaillée et explicite sur les différentes relations sexuelles avec K.L. et les positions adoptées[24], les pratiques consenties (claques au visage et sur les fesses, gestes de strangulation, fellation, éjaculations faciales[25]), de même que sur les paroles lubriques échangées durant les ébats[26].
[73] La deuxième intervention survient pendant que l’appelant témoigne sur la relation sexuelle avec A.S. dans l’appartement de son ami. Après avoir expliqué qu’il s’agissait d’une relation consentante plus sensuelle qu’avec K.L., qui n’impliquait aucun geste brutal ni position inusitée, son avocate lui a demandé : « [E]ssayez d’y aller vraiment en détail [...]. On veut tous les détails de la relation »[27]. Le juge s’est alors interrogé sur la nécessité d’aller dans de tels détails[28], dans la mesure où l’appelant affirmait avoir eu une relation consentante dans un climat de séduction, tandis que A.S. avait relaté une agression sexuelle pure et simple. Voici ce que dit le juge :
PAR LA COUR :
[…] est-ce que j'ai besoin d'avoir des détails de ça, là? Écoutez, monsieur est assez explicite, là. Pour lui, là, c'est ... l'atmosphère, c'en est une qui confine à la séduction. Les gens sont ... elle est consentante, puis, bon, le portrait est [assez] clair, là. Mais c'est parce que je ...
[…]
PAR LA COUR :
Écoutez, je vous avoue, là, que … Si vous poursuivez légalement un but, je suis prêt à vous entendre. Mais si c’est juste pour faire du voyeurisme, là …[29]
[…]
PAR LA COUR :
Si madame avait décrit un rapport sexuel avec certains détails à partir duquel elle dit qu'elle n'est pas consentante, peut-être que là, j'aurais une autre oreille. Mais ce n'est pas ça qu'elle dit. Elle, elle a dit: « J'ai été carrément agressée sexuellement. » Alors, on en est sur le consentement. Monsieur décrit ... Il décrit l'ambiance, il décrit ça. Alors, écoutez, je ne veux pas perdre plus de temps qu'il faut, là, mais le détail, là, puis savoir qu'est-ce qu'il a fait avec ses mains puis avec sa bouche puis tout ça, là, franchement, là, j'en ai assez.[30]
[74] Dans un tel contexte, l’intervention du juge se justifie puisque l’ajout de détails sexuels explicites n’est pas utile à la défense de consentement soulevée par l’appelant. Le juge l’a bien compris. L’avocate de l’appelant aussi lorsqu’elle indique :
PAR LA DÉFENSE :
Bien, en fait, Monsieur le Juge, je ne veux pas nécessairement les détails à la seconde, mais c'était plus pour savoir c'était quoi, l'ambiance, à ce moment-là. Qu'est-ce qu'elles ont pensé, les parties, à ce moment-là, c'était quoi les intentions de chacune ... [31]
[75] L’appelant n’a pas été empêché de livrer sa version des faits à l’égard de l’ambiance qui régnait, de ses intentions ni de celles qu’il prêtait à A.S. Son moyen d’appel est mal fondé et doit, à mon avis, être rejeté.
[76] En ce qui concerne l’argument relatif à l’erreur du juge qui aurait considéré son langage cru dans l’appréciation de sa crédibilité, il sera abordé dans le cadre de l’analyse du quatrième moyen d’appel portant sur la crainte de partialité.
3) Le premier juge a-t-il erré en droit en omettant de considérer la défense de croyance sincère mais erronée quant au consentement?
[77] L’appelant soumet que le premier juge a erré en droit en omettant de considérer la défense de croyance sincère mais erronée quant au consentement, car elle n’avait pas été nommée explicitement, de même qu’en réduisant sa défense à la simple allégation que les plaignantes avaient menti. Il lui reproche d’avoir uniquement considéré les éléments de l’actus reus de l’infraction, en escamotant la mens rea alors que la défense de croyance sincère est implicite et doit être examinée chaque fois que le consentement est en cause. Il ajoute que la défense de croyance erronée avait un air de vraisemblance, particulièrement en ce qui concerne A.S.
[78] Les éléments essentiels de l’infraction d’agression sexuelle sont connus. Dans l’arrêt R. c. Ewanchuk, le juge Major les décrit ainsi :
[23] Pour qu'un accusé soit déclaré coupable d'agression sexuelle, deux éléments fondamentaux doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable: qu'il a commis l'actus reus et qu'il avait la mens rea requise. L'actus reus de l'agression consiste en des attouchements sexuels non souhaités. La mens rea est l'intention de se livrer à des attouchements sur une personne, tout en sachant que celle-ci n'y consent pas, en raison de ses paroles ou de ses actes, ou encore en faisant montre d'insouciance ou d'aveuglement volontaire à l'égard de cette absence de consentement.[32]
[79] De fait, l’actus reus est établi par la preuve des trois éléments suivants : (i) les attouchements, (ii) la nature sexuelle des contacts et, (iii) l’absence de consentement. Les attouchements et la nature sexuelle des contacts sont des éléments objectifs, alors que l’absence de consentement « est subjective et déterminée par rapport à l’état d’esprit subjectif dans lequel se trouvait en son for intérieur la plaignante à l’égard des attouchements, lorsqu’ils ont eu lieu »[33].
[80] La mens rea comporte pour sa part deux éléments : (i) l’intention de se livrer à des attouchements sur une personne et, (ii) la connaissance de son absence de consentement ou l’insouciance ou l’aveuglement volontaire à cet égard[34]. La défense d’erreur sur le consentement ne vise que la dénégation de la mens rea sur le second élément. Elle peut découler de la preuve principale du poursuivant, du témoignage de la plaignante, ou de celui de l’accusé, le cas échéant[35]. Cette preuve doit démontrer que l’accusé croyait sincèrement que la plaignante avait communiqué son consentement à l’activité sexuelle, que ce soit par ses paroles ou son comportement[36]. C’est ce que précise le juge Major, dans l’arrêt Ewanchuk :
[46] Pour que les actes de l’accusé soient empreints d’innocence morale, la preuve doit démontrer que ce dernier croyait que la plaignante avait communiqué son consentement à l’activité sexuelle en question. Le fait que l’accusé ait cru dans son esprit que le plaignant souhaitait qu’il la touche, sans toutefois avoir manifesté ce désir, ne constitue pas une défense. Les suppositions de l’accusé relativement à ce qui se passait dans l’esprit de la plaignante ne constituent pas un moyen de défense.[37]
[Soulignement dans l’original]
[81] Il est vrai que la défense d’erreur n’a pas à être alléguée spécifiquement par l’accusé et que le fait, pour un accusé, de soulever la question du consentement équivaut à plaider une croyance sincère au consentement[38]. L’accusé a droit à ce que la Cour examine tous les moyens de défense auxquels les faits donnent ouverture.
[82] Cela dit, la défense ne sera considérée que si elle possède un air de vraisemblance[39]. Dans l’arrêt R. c. Davis, le juge en chef Lamer écrivait à ce sujet :
[81] Avant que la
défense puisse être examinée, il faut qu'il y ait suffisamment d'éléments de
preuve pour pouvoir convaincre un juge des faits raisonnable (1) que le
plaignant n'a pas consenti aux attouchements sexuels, et (2) que l'accusé a
néanmoins cru sincèrement, mais erronément qu'il était consentant: voir R.
c. Osolin,
[Soulignement dans l’original]
[83] Dans cette même affaire, la Cour suprême a pris le soin de préciser qu’il ne suffit pas pour l’accusé d’alléguer l’erreur pour conférer à la défense un air de vraisemblance[41]. Dans Ewanchuk, le juge Major notait aussi que « les affaires qui soulèvent un véritable malentendu entre les parties à une rencontre sexuelle ne sont pas fréquentes »[42]. Dans Davis, le juge Lamer était d’ailleurs du même avis et il précisait en outre que « l’agression sexuelle n’est pas un crime qui survient généralement par accident ». Il écrivait :
[84] […] Dans la plupart des cas, la question qui se posera sera celle du «consentement ou de l'absence de consentement», et il n'y aura qu'une alternative. Soit le plaignant a consenti, auquel cas il n'y a pas d'actus reus. Soit le plaignant n'a pas consenti et l'accusé avait une connaissance subjective de ce fait. Dans ce cas, l'actus reus est établi et la mens rea s'ensuit simplement.
[85] Par exemple, supposons que le plaignant et l'accusé relatent des faits diamétralement opposés. Le plaignant allègue avoir été victime d'une agression sexuelle brutale et y avoir résisté vigoureusement tandis que l'accusé affirme qu'il s'agissait de rapports sexuels consensuels. Supposons en outre qu'il est impossible de combiner les éléments de preuve pour créer une troisième version des faits suivant laquelle l'accusé a cru sincèrement mais erronément que le plaignant avait donné son consentement. Dans de telles circonstances, il s'agit essentiellement au procès d'une simple question de crédibilité. Si on croit le plaignant, l'actus reus est établi et la mens rea s'ensuit simplement. Si on croit l'accusé, ou s'il y a un doute raisonnable quant à la version des faits du plaignant, il n'y a pas d'actus reus. Il n'y a pas de troisième possibilité, savoir une croyance sincère mais erronée au consentement, même si l'accusé affirme que le plaignant a consenti: Park, précité aux par. 25 et 26.[43]
[Soulignement ajouté]
[84] En fait, la défense de la croyance sincère mais erronée ne peut être soulevée que s’il existe une certaine ambiguïté dans le rapport entre l’accusé et la plaignante, comme le soulignait la juge McLachlin dans l’arrêt R. c. Esau :
[63] […] Non seulement il doit y avoir une preuve d'absence de consentement et de croyance au consentement, mais il doit aussi y avoir une preuve susceptible d'expliquer comment l'accusé a pu se méprendre sur l'absence de consentement du plaignant et croire sincèrement qu'il consentait. Autrement, ce moyen de défense ne peut pas être valablement soulevé. Bref, il doit y avoir une preuve d'une situation d'ambiguïté dans laquelle l'accusé aurait sincèrement pu comprendre à tort que le plaignant consentait à l'activité sexuelle en question.[44]
[85] Bien que dissidente dans cette affaire, le principe qu’elle évoquait était cité avec approbation par la Cour suprême dans Davis[45], un arrêt unanime rendu la même année. Ce principe est également repris par l’auteure Julie Desrosiers dans son ouvrage L’Agression sexuelle en droit canadien[46].
[86] Ainsi, le simple fait pour l’accusé de croire que le silence, la passivité ou le comportement ambigu de la plaignante valent consentement de sa part ne constitue pas un moyen de défense[47].
[87] En l’espèce, le passage suivant du jugement de première instance, qui s’exprime sur le fait que l’appelant n’a pas soulevé de défense de la croyance sincère mais erronée du consentement, s’il peut, à première vue, sembler problématique, ne l’est pas en définitive lorsqu’on examine la preuve que le juge avait devant lui. Voici ce qu’il affirme :
Faut-il le rappeler, le défendeur nie avoir commis quelque agression sexuelle que ce soit. Il plaide qu'il y avait consentement tant chez K.L. que chez A.S. Par ailleurs, il ne soulève nullement la croyance sincère mais erronée au consentement. Pour être plus lapidaire, il soutient au bout du compte que K.L. et A.S. n'ont pas, à toutes fins utiles, dit la vérité sur cette question. Conséquemment, la question du consentement, du moins en ce qui a trait à l'infraction d'agression sexuelle, s'avère la question cruciale à trancher. [48]
[Soulignement ajouté]
[88] En effet, la preuve, incluant le témoignage de l’appelant lui-même, ne donne pas ouverture à la défense qu’il soulève en appel. Il ne peut prétendre qu’il a mal interprété le comportement et les intentions de K.L., alors qu’il témoigne d’une participation active aux ébats sexuels de sa part. Le juge le souligne d’ailleurs :
« Le défendeur prétend, en effet, tout le contraire. Le consentement n'aura jamais été une question en cause. Tant K.L. que A.S. se sont montrées désireuses d'avoir des relations sexuelles avec lui. Et pour l'une, K.L., elle s'est révélée, selon lui, très active, même friande d'ébats empreints de lubricité. […] »[49]
[…]
[…] De retour du parc, autre relation sexuelle brutale, mais moins déchaînée que la précédente, à laquelle K.L. participe, selon le défendeur, activement. […] »[50]
[89] Il rejette le témoignage de l’appelant à ce sujet et retient plutôt celui de K.L. voulant qu’elle ait exprimé son absence de consentement de plusieurs façons :
[…] Le témoignage de K.L. établit hors de tout doute raisonnable tous les éléments constitutifs de l'infraction criminelle. D'accepter de passer la soirée du sept (7) juin chez le défendeur dans les circonstances décrites laisse croire qu'elle consentait à des rapports sexuels, ce qu'elle a d'ailleurs confirmé. Il ne s'ensuit pas qu'elle ait effectivement consenti à tous les rapports sexuels et, à cet égard, le Tribunal est convaincu que le défendeur a ignoré sciemment l'absence de consentement de K.L., qu'elle a extériorisé, suivant son témoignage, de diverses façons.[51]
[Soulignement ajouté]
[90] Il est vrai que les motifs du juge à l’égard de la relation impliquant A.S. s’avèrent moins précis. On en comprend néanmoins qu’il retient également de son témoignage qu’elle a, par ses paroles et par son comportement, exprimé à l’appelant qu’elle ne consentait pas aux actes sexuels auxquels il s’est livré dans l’appartement d’un ami. Il indique : « […] le témoignage de A.S. tel qu'il apparaît à la transcription établit les éléments de l'infraction d'agression sexuelle […] »[52]. Il retient donc sa version des faits, qu’il a précédemment résumés ainsi :
[...] Ils quittent l'hôtel et marchent jusqu'à un parc. Le défendeur y rencontre un ami, au domicile duquel ils se rendent, le trio y regarde un film, l'ami quitte les lieux, le défendeur la caresse partout. Comme elle ne répond pas à ses avances, il la frappe dans le ventre. Frustré qu'elle se refuse à lui, il la prend et la dépose sur le lit, la dévêt, lui tire les cheveux et a une relation sexuelle complète en lui mettant la main sur la bouche. Il lui tient les mains, elle pleure et lui dit non plus d'une fois.[53]
[Soulignements ajoutés]
[91] Bref, tant en ce qui concerne K.L. que A.S., il ne s’agit pas d’un cas qui soulève « un véritable malentendu entre les parties à une rencontre sexuelle »[54]. La situation est plutôt celle précédemment décrite dans le passage des motifs du juge Lamer dans l’arrêt Davis, où l’accusé et le plaignant relatent des faits opposés et où il est « impossible de combiner les éléments de preuve pour créer une troisième version des faits suivant laquelle l’accusé a cru sincèrement mais erronément que le plaignant avait donné son consentement »[55]. De telles circonstances soulèvent une simple question de crédibilité, de sorte que « si on croit le plaignant, l’actus reus est établi et la mens rea s’ensuit simplement »[56].
[92] Partant, l’affirmation du juge voulant que l’appelant n’ait pas invoqué la croyance sincère mais erronée au consentement est sans conséquence puisque, suivant le témoignage de l’appelant et sa propre théorie de cause, une telle défense n’avait aucun air de vraisemblance. De toute manière, à supposer même que le critère de l’air de vraisemblance ait été satisfait, le juge l’a visiblement écarté, puisqu’il n’a pas cru l’appelant dont il a rejeté le témoignage.
[93] Au surplus, l’appelant se bute à un obstacle incontournable en ce qui concerne l’agression sexuelle perpétrée durant le sommeil de K.L. Dans la mesure où le juge rejette la version de l’appelant et retient celle de K.L., il ne pouvait que conclure que l’appelant a commis une première agression le 8 juin au matin, en pénétrant K.L. pendant qu’elle dormait.
[94]
De fait, le consentement d’une plaignante à un acte sexuel ne peut
exister lorsqu’elle est inconsciente, qu’elle dort ou se trouve dans un état de
demi-sommeil[57].
L’accusé pourra alors difficilement avoir cru à l’existence d’un consentement[58],
d’autant que l’article
273.2 Ne constitue pas un moyen de défense contre une accusation fondée sur les articles 271, 272 ou 273 le fait que l’accusé croyait que le plaignant avait consenti à l’activité à l’origine de l’accusation lorsque, selon le cas : [...] b) il n’a pas pris les mesures raisonnables, dans les circonstances dont il avait alors connaissance, pour s’assurer du consentement. [...]
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273.2 It is not a defence to a charge under section 271, 272 or 273 that the accused believed that the complainant consented to the activity that forms the subject-matter of the charge, where [...] (b) the accused did not take reasonable steps, in the circumstances known to the accused at the time, to ascertain that the complainant was consenting. [...]
|
[95] Dans l’arrêt R. c. J.A.[59], la Cour suprême écrivait ce qui suit au sujet de cet article et de la conception que fait le législateur du consentement :
[42] L’article 273.2 permet de mieux comprendre comment le législateur conçoit le consentement. L’alinéa 273.2b) dispose que, pour invoquer le moyen de défense servant à réfuter la mens rea, l’accusé doit avoir non seulement cru que le plaignant avait consenti, mais aussi pris les mesures raisonnables « pour s’assurer du consentement » (ou en anglais, « that the complainant was consenting ») à l’activité sexuelle au moment de celle-ci. Comment peut-on prendre les mesures raisonnables pour s’assurer du consentement d’une personne à une activité sexuelle au moment de celle-ci, si cette personne est alors inconsciente? Je le répète, cette disposition repose sur la prémisse que la plaignante doit consentir consciemment à chacun des actes sexuels. Qui plus est, le choix du temps de verbe dans la version anglaise du Code criminel (« was consenting ») montre que le consentement dont l’accusé doit s’assurer est un état d’esprit de tous les instants.
[…]
[48] La jurisprudence portant sur la défense de
croyance sincère mais erronée au consentement, qui sert à réfuter la mens
rea, va dans le même sens. En common law, il s’agissait d’une défense
courante d’erreur de fait : l’accusé n’était pas coupable s’il croyait
honnêtement en un état de fait qui, s’il avait existé, aurait rendu sa conduite
licite : Pappajohn c. La Reine,
[Italiques dans l’original] [Soulignements ajoutés]
[96] Pour toutes ces raisons, je propose de rejeter ce moyen d’appel.
4) Le premier juge a-t-il laissé naître une crainte raisonnable de partialité en se livrant à des raisonnements de propension et en commettant plusieurs erreurs dans l’appréciation de la preuve et de la crédibilité des témoins?
[97] Dans son mémoire, l’appelant regroupe ses derniers moyens d’appel en un seul, en précisant que la crainte raisonnable de partialité constitue le « fil conducteur » qui explique les autres erreurs qui, prises isolément, suffisent chacune à justifier la Cour d’infirmer le verdict de culpabilité
[98] Sur la crainte de partialité, l’appelant relève certains incidents qui laissent craindre qu’il a été jugé pour ce qu’il est en tant qu’individu, plutôt qu’en fonction de ce qu’il a fait. Il réfère :
Ø à l’agacement du juge lorsqu’il a narré les détails des relations sexuelles et aux reproches qu’il lui a adressés à ce sujet, inhibant ainsi sa défense et indiquant une perte de sérénité du tribunal;
Ø au fait que le juge invoque le langage vulgaire et le manque de sophistication de l’appelant dont il tient compte dans l’appréciation de sa crédibilité;
Ø au fait que le juge a déclaré de manière spéculative que la narration détaillée des relations sexuelles (notamment son témoignage selon lequel il a éjaculé dans la bouche de K.L. après chaque relation) servait uniquement à donner une image dégradante de K.L. et à suggérer qu’elle avait consenti aux actes sexuels.
[99] De plus, l’appelant reproche au juge d’avoir versé dans la propension, notam-ment en inférant des épisodes impliquant les téléphones cellulaires des plaignantes, que le comportement contrôlant de l’appelant était compatible avec le fait de ne pas s’assurer de leur consentement aux actes sexuels, de même qu’en précisant que la version de l’appelant « détonerait dans un forum promouvant l’égalité des sexes »[61].
[100] Il plaide que le commentaire du juge au sujet de son récit trop précis, qui tient de la leçon apprise, est carrément illégal aux termes des enseignements de la Cour suprême dans R. c. C.L.Y.[62].
[101] Il reproche au juge d’avoir insisté sur son comportement postdélictuel et d’avoir conclu de manière injustifiée que sa « cavale » révélait une conscience coupable en lien avec les agressions sexuelles, alors qu’il prétendait ne pas savoir pourquoi la police cherchait à lui parler au moment de fuir.
[102] En ce qui concerne les demandes adressées aux plaignantes de cacher leurs ecchymoses, il soutient qu’elles ne démontrent aucune conscience coupable, dans la mesure où ces blessures peuvent résulter d’actes sexuels brutaux, mais néanmoins consensuels.
[103] Par ailleurs, bien que le juge ait refusé la preuve de faits similaires, il aurait été indûment influencé par l’analyse de sa crédibilité concernant les chefs impliquant K.L. au moment d’évaluer sa crédibilité à l’égard des chefs d’accusation concernant A.S., notamment en ce qui concerne sa « cavale » au moment de rencontrer A.S., les fouilles des téléphones cellulaires des plaignantes (qui auraient été motivées par des raisons différentes) et le fait qu’il n’a pas commis de harcèlement postdélictuel à l’endroit de A.S.
[104] Selon l’appelant, sa crédibilité devait être évaluée séparément pour chacune des plaignantes, puisqu’il pouvait mentir à l’égard de l’une, mais dire la vérité à l’égard de l’autre.
[105] Finalement, l’appelant relève une série d’erreurs que le premier juge aurait commises dans l’appréciation de la preuve, notamment :
Ø en ne passant pas en revue toutes les contradictions relevées dans le témoignage des plaignantes;
Ø en accordant peu ou pas d’importance au registre des appels[63] qui démontre que, contrairement à son témoignage en chef, K.L. avait initié de nombreux contacts avec l’appelant après le 8 juin;
Ø en omettant de considérer que, dans sa déclaration aux policiers, K.L. a affirmé ne pas s’être défendue ou débattue ou avoir verbalisé le désir que l’appelant arrête la relation sexuelle;
Ø en occultant des passages du témoignage de K.L. qui démontrent, selon sa propre version, qu’elle était dans une position de contrôle ou encore que l’appelant pouvait croire qu’elle consentait aux actes sexuels.
[106] En outre, il reproche au juge d’avoir été indulgent envers K.L., alors qu’il a été très dur avec lui et qu’il a accordé une importance démesurée à certaines faiblesses de son témoignage.
[107] Selon lui, le juge aurait également donné trop d’importance aux témoignages des parents de K.L. sur son état dans la nuit du 9 juin, qui pouvait très bien s’expliquer par son malaise de leur avoir causé une vive inquiétude et par leur insistance à obtenir des explications sur l’origine de ses ecchymoses au cou.
[108] En somme, le premier juge aurait commis un cumul d’erreurs qui laissent naître une crainte raisonnable de partialité, chacune étant suffisante à écarter le verdict.
La crainte raisonnable de partialité : les principes applicables
[109] L’impartialité se définit comme « l’état d’esprit de l’arbitre désintéressé eu égard au résultat et susceptible d’être persuadé par la preuve et les arguments soumis »[64]. Le devoir d’impartialité est intimement lié au droit de tout accusé à un procès juste et équitable[65]. Les allégations de partialité ne sont pas prises à la légère par les tribunaux d’appel et le fardeau de démonstration est exigeant, voire périlleux[66]. La Cour suprême le rappelait dans l’arrêt Tremblay c. R.[67] :
[129] La norme en matière de partialité est exigeante car elle questionne un aspect de l’intégrité judiciaire :
De fait, l’allégation de crainte raisonnable de partialité met en cause non seulement l’intégrité personnelle du juge, mais celle de l’administration de la justice tout entière.
[130] Il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité, réelle ou apparente. Faire la démonstration qu'un tribunal est partial est donc une entreprise périlleuse qui doit être faite avec beaucoup de sérieux, la norme étant rigoureuse. En conséquence de cela, il existe une forte présomption d'impartialité et de neutralité des juges. Il va de soi que le fardeau de prouver la partialité repose sur celui qui l'invoque. Une preuve convaincante doit être présentée pour que les tribunaux d'appel interviennent :
Comme l’a rappelé la Cour dans l’arrêt S. (R.D.), l’équité et l’impartialité doivent être à la fois subjectivement présentes et objectivement démontrées dans l’esprit de l’observateur renseigné et raisonnable. La présomption que les juges s’acquitteront des obligations qu’ils se sont engagés sous la foi du serment à remplir peut néanmoins être réfutée. Il incombe donc à l’appelant de présenter une preuve convaincante, démontrant qu’eu égard aux circonstances de l’espèce une personne raisonnable craindrait que les motifs constituent une justification a posteriori du verdict plutôt que l’exposé du raisonnement ayant conduit à celui-ci.
[131] Ajoutons que :
[…] La véritable impartialité n’exige pas que le juge n’ait ni sympathie ni opinion. Elle exige que le juge soit libre d’accueillir et d’utiliser différents points de vue en gardant un esprit ouvert.
(Conseil canadien de
la magistrature,
[132] Ainsi, la crainte raisonnable de partialité sera fonction des faits de l’espèce. Comme l'exposait la Cour suprême dans l'arrêt Miglin :
[…] Une allégation ne suffit pas pour conclure à une partialité réelle ou perçue. La personne qui allègue la partialité doit en établir l’existence (S. (R.D.), par. 114). Comme le souligne la juge Abella, la question est difficile à évaluer et nécessite un examen méticuleux et complet de l’instance. Il faut considérer l’ensemble du dossier afin de déterminer l’effet cumulatif des transgressions ou irrégularités. […][68]
[Soulignement dans l’original] [Références omises]
[110] Les propos du juge, qui dénotent l’impatience, ne suffisent pas généralement à écarter la forte présomption d’impartialité des tribunaux[69], du moment que « l’impression générale qui se dégage […] de la lecture des notes sténographiques est que le premier juge n’a jamais cessé d’être l’arbitre impartial des parties »[70]. En l’espèce, le jugement reflète une analyse objective et impartiale de la preuve et des moyens de défense.
Les commentaires du juge sur le langage vulgaire et le comportement de l’appelant
[111] À mon avis, les interventions du juge n’ont pas servi à inhiber la défense de l’appelant ou à le brimer dans son droit de livrer sa version des faits.
[112] Son commentaire voulant que l’appelant ait témoigné « sans émotion apparente, crûment et dénué de pudeur, particulièrement sur le plan du langage utilisé et sur la description des ébats sexuels auxquels il se livre, surtout avec K.L., paraissant particulièrement à l'égard de celle-ci, soucieux de détails »[71], demeure une simple observation sur la manière de témoigner de l’appelant. Le juge précise d’ailleurs qu’il ne peut en tirer de conclusion déterminante[72].
[113] En ce qui concerne ses commentaires sur le propos de l’appelant qui prétend avoir éjaculé dans la bouche de K.L. après chaque relation, que le juge a qualifié de tactique visant à dépeindre un portrait dégradant de la plaignante, ils ne sont pas de nature spéculative et se justifient dans le cadre de l’analyse de l’ensemble du témoi-gnage de l’appelant qui comporte des propos dénigrants à l’endroit de la plaignante.
[114] Le juge a flairé cette stratégie :
Le Tribunal considère farfelu cette séquence où le défendeur demande à K.L. de consulter son gynécologue. En outre, de suggérer que K.L. soit une femme aux moeurs légères puisqu'il sent le besoin de vérifier s'il n'a pas été contaminé. Cette préoccupation survient près de trois (3) semaines plus tard. À l'analyse, on peut se demander pourquoi il a accepté d'avoir des relations sexuelles avec une partenaire dont il critiquait déjà la moralité après avoir vu la liste de ses contacts de son cellulaire et pourquoi il n'a pas insisté pour utiliser un condom, car, faut-il le rappeler, selon lui, c'est K.L. qui insistait pour ne pas qu'il utilise un condom.[73]
[115] Il n’a pas non plus retenu la version de l’appelant selon laquelle il avait rencontré K.L. sur un site Internet de rencontre.
[116] Le commentaire du juge au sujet des éjaculations s’explique également par le fait que le témoignage de l’appelant contredit dans une certaine mesure celui de K.L., qu’il n’a d’ailleurs pas confrontée en contre-interrogatoire sur la question. Une telle approche, contraire à la pratique retenue dans l’arrêt Browne c. Dunn[74], était d’ailleurs susceptible d’affecter défavorablement la version de l’appelant sur cette question :
[…] Incidemment, d'une part, le témoignage de K.L. laisse croire à beaucoup moins d'épisodes d'éjaculation que ne le prétend le défendeur d'ailleurs. Selon K.L., le défendeur, plus souvent qu'autrement, se retenait d'éjaculer. D'autre part, on n'a pas confronté K.L. à cette allégation selon laquelle elle avait accepté que le défendeur éjacule dans sa bouche. La véracité de ses propos à cet égard s'avère douteuse.[75]
[117] En ce qui concerne les commentaires du juge voulant que l’appelant se soit érigé « en préfet des bonnes mœurs »[76] et que certains aspects de son témoignage ne s’inscrivent pas « dans un forum promouvant l’égalité des sexes »[77], ils ne suffisent pas à remettre en question son impartialité même s’ils ne sont pas utiles.
[118] Il n’est pas rare que les tribunaux s’expriment sur de telles questions[78]. Il ne faut donc pas s’étonner ici de voir le juge prendre acte des nombreux propos et gestes dénigrants commis par l’appelant à l’égard de la plaignante, surtout dans la mesure où ils ont été relatés par celui-ci dans le cadre de son propre interrogatoire.
[119] Le ministère public signale avec raison la prudence qui guide le juge dans le cadre de l’évaluation de la moralité douteuse de l’appelant en reprenant certains extraits du jugement à même son mémoire :
71. Il n’en demeure pas moins que le premier juge se montre prudent face à l’évidence de moralité douteuse de l’appelant. Notamment dans le cadre de discussions entourant les plaidoiries et avant d’être replongé dans les témoignages, il indique « à part d’une attitude qui a été décrite, à, un peu rude et crue, qui a pu me déplaire un moment donné, mais ça, on ne le condamnera pas pour ça, là ». Lors de l’analyse de l’admissibilité des faits similaires, il indique que « Le défendeur n’est pas accusé d’être violent à l’égard des femmes en général et en particulier à l’égard de K.L. et d’A.S., ni de se conduire d’une manière que réprouve la représentation qu’on peut avoir de la moralité en pareilles circonstances. ». Puis, dans son analyse de la crédibilité, il mentionne « Quoi qu’il en soit, le rapport discutable du défendeur avec K.L. et A.S. ne saurait en soi démontrer à lui seul sa culpabilité. »
72. Ces maintes mises en garde expresses du juge démontrent assurément qu’il gardait l’esprit ouvert.
[Soulignements dans l’original] [Références omises]
[120] En l’espèce, j’estime que les commentaires du juge sur le témoignage de l’appelant ne permettent pas d’ébranler son impartialité ni de conclure à une quelconque violation du droit de l’appelant à une défense pleine et entière.
L’obsession de l’appelant pour les téléphones cellulaires des plaignantes
[121] Lorsque le juge commente l’obsession de l’appelant pour les téléphones cellulaires des plaignantes[79], qu’il a subtilisés, conservés et fouillés malgré leurs protestations, il ne s’exprime pas sur un trait de personnalité ou une prédisposition quelconque de l’appelant à commettre des agressions sexuelles. Il tire plutôt d’un fait avéré par l’appelant lui-même une inférence pertinente dans le cadre d’infractions qui impliquent le contrôle physique d’autrui et le non-respect de sa volonté.
La facture détaillée du témoignage de l’appelant
[122] Le juge commente à deux reprises la facture détaillée du témoignage de l’appelant :
Mais voyons de plus près. À l'instar de tout procès en semblable matière, les témoins sont appelés à fournir, plus ou moins heureusement, une foule de détails qui sollicitent la mémoire sur des faits survenus, ici, quelque dix-huit (18) mois plus tôt. D'une part, on ne saurait se faire trop critique de l'imprécision. D'autre part, il est rare que les témoins tiennent sur des faits des versions linéaires et uniformes. Mais en l'instance, on pourrait presque ériger la version du défendeur en exception. Sa déposition se révèle pratiquement une dissection chronologique de ses allées et venues, appuyées de l'heure, bien qu'approximative, et de la durée de l'action décrite, sans compter la description des ébats sexuels, dont il a déjà été question auparavant.[80]
[…]
Mais au premier chef, qu'en est-il du témoignage du défendeur? Le Tribunal ne le croit nullement. Son témoignage se révèle sans crédibilité aucune. Le Tribunal estime que le défendeur n'a tout simplement pas dit la vérité. Sa version, qui fourmille de détails inutiles, relève de la leçon apprise, récitée comme un agenda, où il suffirait de pointer une heure de la journée pour connaître ce qu'il y a fait.[81]
[123] L’appelant plaide que ce reproche serait illégal et contraire aux principes de l’arrêt de la Cour suprême dans R. c. C.L.Y.[82].
[124] Or, ce que la Cour suprême énonce dans cette affaire est que si la mémoire du détail affecte la crédibilité d’un témoignage, ce reproche doit être étayé dans la preuve, ce qui n’était pas le cas dans cet arrêt particulier :
Juge Abella (pour la majorité) :
[17] Quant à la conclusion de la juge du procès voulant que C.L.Y. ait pu décrire les événements « de façon étonnamment détaillée », il ressort du dossier que l’accusé avait en fait souvent oublié de nombreux détails. À au moins 20 occasions, dans son témoignage, C.L.Y. s’est dit incertain ou a tout simplement déclaré ne pas se rappeler certains détails concernant les événements en cause. Encore une fois, la transcription révèle que les détails dont il se souvenait bel et bien étaient anodins et s’expliquaient; ils n’avaient rien d’« étonnant ».
[18] Soit dit en tout respect, lorsque le juge du procès attribue à tort à un témoin une mémoire du détail dont, en fait, il n’a pas fait preuve, il y a matière à s’interroger sérieusement sur la validité de sa conclusion concernant la crédibilité.
[…]
[21] Je tire cette
conclusion en sachant très bien que le juge de première instance occupe une
position privilégiée pour ce qui est d’évaluer la crédibilité (R. c. W. (R.),
Juge Fish (pour la minorité) :
[23] J’accueillerais le pourvoi pour deux motifs. D’abord, parce que la juge de première instance a écarté la preuve de l’appelant pour des motifs qui ne sont pas étayés par le dossier. Sur ce point, je souscris à l’opinion de la juge Abella et je n’ai rien à ajouter. […][83]
[Soulignements ajoutés]
[125] En l’espèce, contrairement à la situation qui prévalait dans l’arrêt R. c. C.L.Y., il ne s’agit que d’un motif parmi d’autres dans l’appréciation de son témoignage et le juge indique, au surplus, qu’il n’en tire pas de conclusion déterminante :
[…] Précédemment, le Tribunal a effleuré la facture du témoignage du défendeur, dont on ne peut certes pas tirer une conclusion déterminante. Néanmoins, il n’est pas possible d’occulter certains aspects insolites d’un témoignage qui détonerait dans un forum promouvant l’égalité des sexes. Ainsi, le contrôle qu’exerce le défendeur sur les téléphones cellulaires de K.L. et de A.S. ressort à l’obsession. Il dénote une volonté d’imposer, une emprise troublante, qui brime d’autant la liberté des jeunes femmes. Cette mainmise s’aggrave de la fouille du menu des téléphones cellulaires pour y vérifier les textes ou la liste des contacts pour vérifier qui ces jeunes femmes-là appellent ou avec qui elles sont en communication. Le défendeur fait bon marché des protestations de K.L. et de A.S., qui ne le préoccupent pas. Une telle attitude qui fait fi de l’autre s’harmonise avec la proposition que le défendeur ne se soit pas beaucoup embarrassé de s’assurer que K.L. et A.S. aient consenti à toutes les relations sexuelles dont il a été question jusqu’à maintenant.
L’impertinence du défendeur s’accroît d’un cran lorsque, s’érigeant en préfet des bonnes mœurs, il vilipende les relations passées de K.L., non sans par ailleurs l’insulter vertement. Une telle démonstration avilissante à l’endroit de K.L. se révèle, de surcroît, saisissante quand on songe que le défendeur lui-même ne s’encombre pas de scrupules en ayant des aventures avec d’autres partenaires que la conjointe qui partage sa vie depuis quelques années. Le défendeur s’est évertué à décrire les ébats sexuels, notamment avec K.L., jusqu’à préciser à plusieurs reprises qu’il éjaculait dans sa bouche. Le Tribunal ne croit pas qu’il s’agisse d’un souci du détail, mais plutôt une tentative de montrer une image se voulant dégradante, comme si celle qui accepte de prendre dans bouche et à plusieurs reprises le sperme d’un homme n’est pas du genre à ne pas consentir à des rapports sexuels. […][84]
[126] Ainsi, d’autres éléments, selon lui, affaiblissent la crédibilité de l’appelant et la validité de sa conclusion à cet égard n’est pas tributaire des commentaires du juge sur le niveau de détails de son témoignage.
La conduite postérieure à l’infraction de l’appelant
[127] Les auteurs Béliveau et Vauclair écrivent ce qui suit au sujet de la preuve de comportement postdélictuel[85] :
[…] la preuve de conduite postérieure à l’infraction est simplement une preuve de nature circonstancielle qui doit être évaluée dans l’ensemble de la preuve. Dans la plupart des cas, cette preuve est probante et parfaitement acceptable. En principe, il appartient au jury de déterminer si les faits et gestes en question sont reliés à la perpétration du crime ou à autre chose.
[128] Cet énoncé reprend essentiellement les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. White [de 1998], où le juge Major écrivait :
21. La preuve relative au comportement postérieur à l’infraction ne diffère pas fondamentalement des autres types de preuve circonstancielle. Dans certains cas, elle peut être très incriminante, et dans d’autres, elle peut ne jouer qu’un rôle secondaire de corroboration. Comme tout élément de preuve circonstancielle, la fuite ou la dissimulation peut se prêter à des interprétations divergentes et doit être appréciée par le jury à la lumière de l’ensemble de la preuve pour déterminer si elle est compatible avec la culpabilité de l’accusé et incompatible avec toute autre conclusion rationnelle.
[…]
27. En règle générale, il appartient au jury de déterminer, eu égard à l’ensemble de la preuve, si le comportement de l’accusé après l’infraction est lié au crime qui lui est reproché, plutôt qu’à un autre acte coupable. Il est également du ressort du jury de déterminer le poids qu’il convient d’accorder à cette preuve aux fins de rendre ultimement un verdict de culpabilité ou de non-culpabilité. […][86]
[129] Dans R. c. White [de 2011], le juge Binnie, bien que dissident aux termes de son analyse, énonçait le principe suivant également partagé par la majorité à l’égard de la preuve du comportement postérieur à l’infraction :
[140] La preuve du comportement postérieur à l'infraction, dans son ensemble, se retrouvera simplement au dossier comme une partie banale de l'exposé des faits. Lorsqu'elle est invoquée à l'appui de la thèse de la poursuite, elle sera évidemment pertinente et admissible si, selon la logique, le bon sens et l'expérience humaine (comme le veut l'expression), elle aide à trancher une question en litige.[87]
[130] En l’espèce, j’estime, comme le propose le ministère public, que le juge n’a pas commis d’erreur dans l’appréciation de la preuve de la conduite postérieure à l’infraction de l’appelant. Il a rejeté son témoignage selon lequel sa « cavale » était liée à une potentielle accusation de menaces proférées à l’endroit de K.L. et de sa mère, qu’il a qualifié de « cousu de fil blanc »[88]. Aussi, sa conclusion à l’égard de la réaction démesurée de l’appelant est pertinente à l’évaluation globale de la preuve de la commission des agressions sexuelles et à l’appréciation de sa crédibilité en particulier. Ceci, d’autant que cette conduite aide à trancher la question en litige « selon la logique, le bon sens et l’expérience humaine », dans le plein respect de l’approche suggérée par le juge Binnie, dans l’arrêt R. c. White précité. C’est aussi le cas des interrogations, par ailleurs légitimes, du juge à l’égard de l’insistance de l’appelant pour que les plaignantes cachent à leurs parents les blessures qu’il prétend pourtant leur avoir infligées avec leur consentement.
La pollinisation de l’évaluation de la crédibilité
[131] En rejetant la preuve de faits similaires, le juge était conscient qu’il devait considérer la preuve propre à chaque plaignante.
[132] La preuve des infractions commises à l’endroit de K.L. était plus forte et plus percutante que celle relative aux incidents impliquant A.S. Ceci l’a vraisemblablement mené à s’attarder davantage aux faits qui concernent la première plaignante que ceux impliquant la seconde.
[133] Il pouvait le faire, de même que considérer que la crédibilité générale de l’appelant, de par sa manière de témoigner, n’était pas meilleure en ce qui concerne les évènements impliquant A.S., après avoir eu l’occasion de l’observer à travers l’en-semble de son témoignage et d’évaluer l’étendue de sa franchise et de sa sincérité[89].
[134] Ceci, d’autant que le juge a tenu compte de certains éléments propres à la relation entre l’appelant et A.S., dont l’obsession pour son téléphone cellulaire, qu’il attribue à une certaine forme d’oppression, de possessivité ou de contrôle à son endroit, de même que son insistance pour qu’elle cache ses blessures au cou.
[135] La conclusion de culpabilité que tire le juge à l’égard des infractions qui impliquent A.S. découle du témoignage de cette dernière, qu’il s’est attardé à détailler au début de son jugement et qu’il a choisi de retenir. Son évaluation ou ses perceptions à l’égard de ce témoignage, sauf erreur manifeste et dominante, doivent faire l’objet de déférence en appel[90]. Ici, l’appelant n’indique pas en quoi le juge aurait commis une erreur manifeste et déterminante à ce sujet et fait plutôt valoir qu’il aurait mal évalué la crédibilité de l’appelant, ce qui est sans conséquence sérieuse sur son verdict.
Les autres erreurs dans l’appréciation de la preuve
[136] L’appelant demande essentiellement à la Cour de disséquer le jugement de première instance et de substituer son appréciation du témoignage de K.L. à celle du premier juge, en raison des contradictions qu’il soulève. Or, ce n’est pas le rôle d’une cour d’appel.
[137] Le juge explique longuement pourquoi il ne juge pas déterminantes les différentes contradictions relevées par l’appelant[91]. Il précise pourquoi il écarte la version de l’appelant, qu’il juge non crédible. Son obligation de motiver sa décision ne lui imposait pas d'analyser chaque argument ou problème allégué[92], ou encore de répondre en détail et à la perfection à chacun des arguments qui lui étaient présentés[93], d’autant que le jugement a été rendu séance tenante.
[138] Dans ce contexte, le juge s’est bien acquitté de sa tâche d’expliquer pourquoi la preuve l’avait convaincu hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l’appelant. Il n’appartient pas à la Cour de revoir chacun des éléments qu’il a considérés pour leur accorder un poids différent dans l’analyse de l’ensemble de la preuve, tel que le soulignait la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Gagnon :
[19] Notre Cour a sans cesse exhorté les juges de première instance à expliquer leurs conclusions sur la crédibilité et le doute raisonnable de manière à permettre un examen convenable par un tribunal d’appel. Après avoir encouragé la rédaction de motifs détaillés, il serait contraire au but recherché de scruter ceux-ci à la loupe en sapant le rôle du juge du procès dans l’appréciation de l’ensemble de la preuve. […][94]
[139] En définitive, l’appelant n’a pas réussi à démontrer que, par ses interventions et commentaires, le juge a fait preuve de partialité, a versé dans la propension ou a commis quelque erreur dans l’appréciation de la preuve et de la crédibilité des témoins.
[140] Pour tous ces motifs, je propose de rejeter le pourvoi.
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GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A. |
[1]
R. c. W.(D.),
[2] Jugement entrepris, M.A., vol. 1, p. 98.
[3] Id., p. 76-77.
[4] Id., p. 105-106.
[5] Id., p. 107.
[6] Id., p. 116.
[7] Id., p. 117.
[8] Ibid.
[9] Id., p. 120.
[10] M.A., vol. 3, p. 791 et s.
[11] Id., p. 796-797.
[12] R. c. Bradshaw,
[13] Id., paragr. 20 à 24.
[14]
R. c. Baldree,
[15] Id., paragr. 68.
[16]
Lezama c. R.,
[17] Id., paragr. 46 à 49.
[18]
R. c. Quevillon,
[19]
R. c. Khelawon,
[20] Ces principes sont repris dans R. c. Baldree, supra, note 14, paragr. 68.
[21]
R. c. R.R.,
[22] Lezama c. R., supra, note 16.
[23] M.A., vol. 4, témoignage de l’appelant, p. 889-890.
[24] Id., p. 873.
[25] Id., p. 838-840, 850-852, 871-873, 882-883.
[26] Id., p. 851.
[27] Id., p. 991-992.
[28] Id., p. 992 et s.
[29] Id., p. 994.
[30] Id., p. 995.
[31] Id., p. 993.
[32] R. c. Ewanchuk,
[33] Id., paragr. 25 et 26.
[34] Id., paragr. 42.
[35]
Id., paragr. 44. Voir aussi R. c. Davis,
[36] R. c. Ewanchuk, supra, note 32, paragr. 46 à 49.
[37] Id., paragr. 46.
[38] Id., paragr. 63 : « […] Cette prétention a pour effet à la fois de contester les affirmations de la plaignante selon lesquelles, dans son esprit, elle n’a pas consenti, et d’avancer que, même si l’accusé a fait erreur dans son appréciation des désirs de la plaignante, il a néanmoins agi dans un état d’esprit moralement innocent. […] »; R. c. Davis, supra, note 35, paragr. 83.
[39]
R. c. Esau,
[40] R. c. Davis, supra, note 35, paragr. 81.
[41] Id., paragr. 83.
[42] R. c. Ewanchuk, supra, note 32, paragr. 66.
[43] R. c. Davis, supra, note 35, paragr. 84 et 85. Voir à ce sujet : H. Parent, supra, note 39, p. 502 à 504.
[44] R. c. Esau, supra, note 39, paragr. 63.
[45] R. c. Davis, supra, note 35, paragr. 86.
[46]
Julie Desrosiers,
[47] R. c. Ewanchuk, supra, note 32, paragr. 51.
[48] Jugement entrepris, supra, note 2, p. 60-61.
[49] Id., p. 73.
[50] Id., p. 83.
[51] Id., p. 116-117.
[52] Id., p. 122.
[53] Id., p. 54-55.
[54] R. c. Ewanchuk, supra, note 32, paragr. 66.
[55] R. c. Davis, supra, note 35, paragr. 85.
[56] Ibid.
[57]
J. Desrosiers, supra, note 46, p. 143; R. v. Crespo,
[58] J. Desrosiers, supra, note 46, p. 143-44.
[59]
R. c. J.A.,
[60] Id., paragr. 42 et 48. Voir aussi H. Parent, supra, note 39, p. 540-541, paragr. 574.
[61] Jugement entrepris, supra, note 2, p. 99.
[62]
R. c. C.L.Y.,
[63] Pièce D-1.
[64]
R. c. S. (R.D.),
[65] Hamroun c. R.,
[66]
Association générale des étudiants de la Faculté des lettres et sciences
humaines de l'Université de Sherbrooke c. Roy Grenier,
[67]
Tremblay c. R.,
[68] Id., paragr. 129 à 132.
[69]
A.N. c. R.,
[70] R. c. Staudinger, supra, note 69, paragr. 44.
[71] Jugement entrepris, supra, note 2, p. 75.
[72] Id., p. 99.
[73] Id., p. 106-107.
[74] Browne c. Dunn, (1893) 6 R. 67 (H.L.).
[75] Jugement entrepris, supra, note 2, p. 100-101.
[76] Id., p. 100.
[77] Id., p. 99.
[78]
Par exemple, dans R. c. Ewanchuk, supra, note 32, au paragr.
69 où la juge L’Heureux-Dubé écrivait que « [l]a violence à l’égard des femmes
est autant une question d’égalité qu’une violation de la dignité humaine et des
droits de la personne »; dans R. c. Osolin,
[79] Jugement entrepris, supra, note 2, vol. 1, p. 99.
[80] Id., p. 77.
[81] Id., p. 98-99.
[82] R. c. C.L.Y., supra, note 62.
[83] Ibid., paragr. 17, 18, 21 et 23.
[84] Jugement entrepris, supra, note 2, p. 99-100.
[85] Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénale, 24e éd., Montréal, Yvon Blais, 2017, p. 300, paragr. 658.
[86] R. c. White,
[87]
R. c. White,
[88] Jugement entrepris, supra, note 2, p. 104.
[89]
R. c. Gagnon,
[90] Jugement entrepris, supra, note 2, p. 122.
[91] Id., p. 110 et s.
[92] Cojocaru c. British Columbia Women's Hospital and Health
Centre,
[93]
Rainville c. Nappert,
[94] R. c. Gagnon, supra, note 89, paragr. 19.
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