9264-9524 Québec inc. c. Scobici |
2015 QCRDL 17372 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Laval |
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No dossier : |
105621 36 20130813 G 36-130605-001 36 20130605 G |
No demande : |
1300550 33320 |
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Date : |
25 mai 2015 |
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Régisseure : |
Marie-Louisa Santirosi, juge administratif |
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9264-9524 Québec Inc. |
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Locateur - Partie demanderesse (105621 36 20130813 G) Partie défenderesse (36-130605-001 36 20130605 G) |
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c. |
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Eufrosina Scobici |
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Locataire - Partie défenderesse (105621 36 20130813 G) Partie demanderesse (36-130605-001 36 20130605 G) |
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et |
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Nelli Snejinscaia Serghei Rijcov |
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Parties intéressées |
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D É C I S I O N
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[1] La locataire demande une diminution de loyer de 250 $ par mois à compter du 1er janvier 2013, des ordonnances pour forcer le locateur à faire des travaux,[1] 1 500 $ en dommages aux motifs que le logement n’est pas dans un bon état d’habitabilité et plus spécifiquement, parce qu’elle a manqué d’eau chaude. Elle prétend qu’il y a des fuites d’air provenant de fenêtres mal isolées, qu’une partie du toit serait tombée sur son balcon, se plaint de l’état des murs de la salle de bain et de harcèlement du locateur.[2] Elle réclame 2 000 $ supplémentaire suite à une agression du locateur et perte de jouissance de la vie.[3]
[2] Le locateur réclame la résiliation du bail, le recouvrement de loyer des mois de juillet 2013 (297 $), août 2013 (453 $) et tout montant qui serait dû au moment de l’audience.[4] Il invoque les retards fréquents de la locataire à acquitter son loyer.
[3] Il s’agit d’un bail initial du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 au loyer mensuel de 440 $. Le bail fut reconduit annuellement par la suite. Présentement, le loyer s’élève à 473 $ par mois.
[4] La locataire, une dame de 73 ans, aux prises avec l’arthrose, vit au dernier étage d’un immeuble de 16 logements.
[5] Le locateur a acheté la propriété en 2011. A l’audience, il déclare avoir vendu l’immeuble le 27 mars 2015.
[6] La conclusion concernant l’émission des ordonnances est en conséquence sans objet.
[7] Le locateur est également conscient qu’il n’a plus l’intérêt légal pour demander la résiliation du bail que ce soit pour retard fréquent ou pour loyer impayé. Sa réclamation concerne uniquement le recouvrement des loyers.
[8] A ce sujet, il réclame pour 2013, la moitié des loyers des mois de juin, août, septembre et octobre et 506 $ pour 2014 qui représente les loyers d’octobre et novembre moins 200 $ pour chacun de ces mois pour un total de 1 497 $.
[9] La locataire confirme devoir les montants mentionnés par le locateur, sauf pour le mois d’octobre 2013 qu’elle croit avoir payé, mais ne peut produire le reçu.
[10] Considérant la preuve, le tribunal considère qu’elle n’a pas payé les montants réclamés.
[11] Son procureur invoque un jugement du 20 mai 2014[5] et chose jugée sur la réclamation.
[12] Dans ce dossier, le locateur demandait la résiliation du bail pour des arrérages de loyer pour février 2014 et mars 2014 de 6 $ pour chacun de ces mois. Son recours fut introduit le 3 mars 2014.
[13] Considérant que la location résidentielle est un contrat à exécution successive;
[14] Considérant que la réclamation du locateur pour le présent dossier date du mois d’août 2013, soit avant le recours du 3 mars 2014 qui fut rejeté;
[15] Considérant que la présente demande du locateur fut réunie avec celle de la locataire le 19 décembre 2013 (voir procès-verbal qui mentionne la réunion des dossiers); le tribunal constate que le jugement du 20 août 2014 n’a pas disposé de la réclamation du locateur pour la période de 2013.
[16] D’autre part, considérant que le locateur réclame également deux mois postérieurs au jugement du 20 mai 2014 (soit octobre et novembre 2014), le tribunal ne peut non plus considérer qu’il y a chose jugée en ce qui concerne ces montants.
[17] Le procureur de la locataire demande au tribunal dans l’éventualité où il retiendrait qu’il existe des loyers impayés, d’opérer compensation avec toute indemnité allouée par le recours de sa cliente.
[18] Ceci étant, il y a lieu d’aborder les reproches de la locataire.
[19] Celle-ci indique qu’elle n’a pas bénéficié d’eau chaude pendant huit mois, soit de décembre 2012 à 13 juillet 2013. Sa plainte à la Ville, et à la Régie du bâtiment ainsi que la visite des inspecteurs qui a précédé des avis d’infraction, ont motivé le locateur à changer le réservoir d’eau.
[20] Le témoignage de l’inspecteur en bâtiment ainsi que les rapports et affidavits des inspecteurs de la Ville corroborent que le degré de chaleur de l’eau n’était pas assez élevé et la couleur de l’eau jaunâtre.
[21] Il appert cependant que dès que le locateur a reçu les avis d’infraction, il a immédiatement changé le réservoir défectueux.
[22] Avant l’intervention des inspecteurs, le locateur se serait présenté à deux reprises chez la locataire, tard le soir, pour obtenir qu’elle laisse couler l’eau pendant près d’une heure. Le locateur était selon cette dernière, en état d’ébriété, ou à tout le moins, sentait fortement l’alcool. Il lui aurait mentionné que si elle laissait l’eau couler, l’eau stagnante serait vidée de la tuyauterie permettant à de l’eau claire de circuler.
[23] Le locateur dément s’être présenté chez la locataire, tel que relaté. Il raconte qu’au contraire, il avait de la difficulté à obtenir accès au logement, ce qui explique qu’il n’ait pu exécuter les réparations dont elle se plaint.
[24] La locataire relate qu’un morceau de métal du toit mal capé est tombé sur son balcon au printemps 2013, elle se plaint du bruit causé par le flottement du résidu et ne croit pas que le locateur ait réparé la toiture par la suite.
[25] Le locateur démontre la réfection du toit et du stationnement en septembre 2013. Le rapport de l’inspecteur Charles Dubé confirme la restauration suite à l’avis d’infraction émis par ce dernier. D’ailleurs, le locateur déclare avoir corrigé les irrégularités mentionnées dans les divers avis d’infraction, qui est confirmé dans les déclarations solennelles des inspecteurs.
[26] La locataire mentionne que l’air froid, vent, neige et pluie pénètrent par ses fenêtres. Elle tente d’isoler par du papier ou des serviettes. Elle souligne sa faible capacité financière et les factures élevées d’électricité causées par l’inaction du locateur pour corriger la situation.
[27] Elle reproche l’usure du balcon dont la dalle serait concave. L’eau et la neige s’accumulent et stagnent, ce qui permet aux insectes de proliférer. En outre, son logement est situé au-dessus de l’emplacement des bacs à ordures, ce qui attire les insectes. Comme elle n’a pas de moustiquaires, elle ne peut ouvrir ses fenêtres.
[28] Au mois de mai 2013, elle a fait parvenir une mise en demeure au locateur et pris l’initiative de diminuer le loyer pendant trois mois (juin, juillet, août 2013).
[29] M. Dubé, inspecteur au sein du Service d’urbanisme, qualifie l’usure du scellant des fenêtres comme résultant d’un mauvais usage.
[30] Selon son rapport, l’état du logement serait acceptable (correct). Le coordonnateur- enquêtes salubrité au sein de l’environnement de la Ville n’a constaté aucune trace de moisissure et ne peut conclure à de l’insalubrité confirmant l’état d’habitabilité du logement.
[31] Finalement, la locataire mentionne le comportement agressif et arrogant du locateur qui lors d’une réparation, n’a pas apprécié une remarque de celle-ci et a ordonné à l’ouvrier d’abandonner la réparation du mur entre la salle de bain et la cuisine.
[32] La locataire fut obligée d’engager un tiers pour terminer l’ouvrage au coût de 80 $.
[33] L’agression continue dont elle se plaint concerne les visites tardives en état d’ébriété du locateur déjà mentionnées plus haut ainsi qu’un acte de vandalisme sur sa voiture qui serait survenu le 29 juillet 2013.
[34] Elle déclare avoir vu le locateur tard le soir tentant d’ouvrir sa portière. Elle l’a reconnu et a voulu descendre pour voir ce qu’il manigançait. Sa voiture fut vandalisée. Elle n’a pas appelé la police immédiatement, mais le lendemain. Elle fut indemnisée par son assureur. Les dommages s’élevaient à 2 556,74 $.
[35] Le locateur dément être l’auteur de vandalisme. Il réplique que les problèmes avec la locataire ont débuté lorsqu’elle lui a demandé de signer un document prétendant qu’il avait l’intention d’embaucher son fils. L’attestation était destinée au ministère de l’Immigration. Le locateur a refusé de faire une fausse déclaration.
[36] La locataire n’a pas apprécié son refus et depuis, elle se plaint de la condition du logement.
[37] Il convient qu’elle lui avait demandé des améliorations locatives lorsqu’il est devenu propriétaire. Il l’a informée que toutes rénovations risquaient de hausser le loyer et offert de calculer l’augmentation. Celle-ci a refusé que son loyer soit augmenté.
[38] Il ajoute que son concierge a tenté à deux reprises en juin 2013 de visiter le logement pour vérifier les réparations à faire. La locataire lui aurait fermé la porte au nez ajoutant « qu’elle ne connaissait rien de lui ».
[39] Il s’agit de l’essentiel de la preuve.
[40] En vertu du Code
civil, le locateur doit délivrer le bien loué en bon état de réparation de
toute espèce (1854 al.
[41] Il est aussi tenu de garantir que le logement peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. (1854 al.2 C.c.Q.)
[42] Le locataire de son côté, doit informer le locateur dès qu'il constate une anomalie afin de donner l'opportunité au locateur de remplir ses obligations (1866 du Code civil du Québec).
[43] À défaut, le locataire peut demander un ajustement de loyer proportionnel à la perte, autrement dit, une réduction de loyer (1863 du Code civil du Québec).
[44] La perte doit être assez significative pour affecter la valeur locative du logement.
[45] Le but de la réduction est de rétablir l'équilibre contractuel des parties. En effet, le loyer est habituellement déterminé en fonction de la valeur locative du bien concerné. Si l'une des contreparties est réduite, l'autre doit l'être irrémédiablement.
[46] La notion de faute n'intervient pas dans l'évaluation de la réduction de loyer. Il s'agit d'évaluer la perte de la valeur locative, de manière objective, selon la réduction de l'utilité du bien loué.
[47] À partir de ces dispositions de la loi et de la preuve, le tribunal considère que la locataire a subi une perte de jouissance par le défaut du locateur de prendre au sérieux son problème d’eau chaude.
[48] Il s’agit d’un problème majeur, sinon une nécessité pour jouir pleinement d’un logement. La couleur de l’eau affectait aussi sa qualité, mais rien ne permet de conclure qu’elle n’était pas potable.
[49] La locataire fut privée d’eau chaude pendant huit mois.
[50] Il fut également démontré que le locateur a démontré une certaine arrogance et laissé la locataire sans finaliser la réparation du mur entre la salle de bains et la cuisine.
[51] Le tribunal ne retient pas l’explication du locateur sur l’absence de collaboration de la locataire. Le concierge n’était pas présent pour témoigner, mais les reçus de paiement de loyer de la locataire démontrent qu’elle a interagi avec le concierge.
[52] L’état des fenêtres n’est cependant pas probant quant à son usure selon le rapport de l’inspecteur de la Ville. Quant à l’incident survenu avec le rebord de métal, et l’état du balcon, la soussignée retient la version de la locataire.
[53] Les autres reproches ne sont pas assez significatifs pour allouer une réduction de loyer.
[54] Pour ces raisons, le tribunal accorde la réduction de loyer de 250 $ par mois débutant au 1er janvier 2013 jusqu’à fin juillet 2013, pour un total de 1 750 $.
[55] En ce qui concerne la réclamation en dommages, la locataire devait prouver la faute contractuelle, le préjudice qu'elle en subit et établir le lien entre la faute et les dommages réclamés.
[56] L’acte de vandalisme sur sa voiture qu’elle impute au locateur n’est appuyé d’aucun élément de corroboration et considérant le sérieux de l’accusation, elle ne sera pas retenue. En terme plus simple, la locataire n’a pas convaincu la soussignée de manière probante que le locateur est l’auteur des dommages à sa voiture ni qu’il l’a harcelée.
[57] Elle a cependant démontré une négligence volontaire du locateur à rétablir l’eau chaude.
[58] Le tribunal alloue à la locataire un dédommagement supplémentaire de 500 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[59] ACCUEILLE la réclamation du locateur;
[60] CONSTATE que la locataire est redevable de 1 497 $ en loyer impayé;
[61] ACCUEILLE le recours de la locataire;
[62] DÉCLARE le locateur redevable à la locataire de la somme de 2 250 $;
[63] OPÈRE compensation avec les créances;
[64]
CONDAMNE le locateur à verser à la locataire la somme de 753 $
avec intérêts et indemnité additionnelle prévue à l'article
[65] Chaque partie payant ses frais.
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Marie-Louisa Santirosi |
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Présence(s) : |
le mandataire du locateur la locataire Me Florent Philibert, avocat de la locataire |
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Date de l’audience : |
27 avril 2015 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.