Décision

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Abandonato c. Corporation Steckmar

2022 QCCA 1405

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-028465-193

(500-11-051592-166)

 

DATE :

 18 octobre 2022

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

PATRICK HEALY, J.C.A.

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

 

DANIEL ABANDONATO

SYLVIE CHARBONNEAU

9167-6833 QUÉBEC INC.

9191-4549 QUÉBEC INC.

DÉVELOPPEMENTS LIMBAR INC.

GESTION VAL MARTIN LTÉE

VARENNES SUR LE FLEUVE INC.

9145-3456 QUÉBEC INC.

APPELANTS/INTIMÉS INCIDENTS – défendeurs/demandeurs reconventionnels

c.

 

CORPORATION STECKMAR

6931031 CANADA INC.

9068-5983 QUÉBEC INC.

MONTILAUR INC.

110302 CANADA INC.

I.SHAWN STECKLER LTD.

BARRI STECKLER LTD.

ARTHUR STECKLER

INTIMÉS/APPELANTS INDICENTS – demandeurs/défendeurs reconventionnels

 

et

9079-3225 QUÉBEC INC.

9151-8019 QUÉBEC INC.

9148-3511 QUÉBEC INC.

9310-1731 QUÉBEC INC.

9266-7328 QUÉBEC INC.

INTIMÉES INCIDENTES – défenderesses/demanderesse reconventionnelles

 

et

PATRICK GROSJEAN (PSB Boisjoli S.E.N.C.R.L.)

MIS EN CAUSE – mis en cause

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                Les appelants et les appelants incidents se pourvoient contre un jugement rendu le 11 juin 2019 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Chantal Corriveau), lequel rejette les demandes d’enquête des appelants incidents et ordonne la confection d’états financiers vérifiés depuis l’année 2014 pour les sociétés suivantes : 9191-4549 Québec inc., 9167-6833 Québec inc., Développements Limbar inc., Gestion Val Martin ltée, Varennes sur le Fleuve inc. et 9145-3456 Québec inc.[1]

[2]                Pour les motifs du juge Hamilton, auxquels souscrivent les juges Vauclair et Healy, LA COUR : 

[3]                accueille l’appel principal;

[4]                MODIFIE les conclusions du jugement entrepris pour qu’on y lise :

[140] REJETTE les demandes d’enquête des demandeurs en vertu de l’article 421 et 450 de la Loi sur les sociétés par actions telles que formulées ;

[141] AUTORISE et ORDONNE la confection d’états financiers vérifiés pour les sociétés qui suivent, et ce, depuis le début de leurs activités jusqu’à maintenant, aux frais desdites sociétés :

-          Développements Limbar inc.;

-          Gestion Val Martin ltée;

-          Varennes sur le Fleuve inc.;

[…]

[144]     LE TOUT sans frais de justice.

[5]                RETOURNE le dossier en Cour supérieure du Québec afin que cette dernière puisse nommer le vérificateur et baliser son mandat;

[6]                rejette l’appel incident;

[7]                LE TOUT avec les frais de justice de l’appel en faveur des appelants/intimés incidents et les intimées incidentes.

 

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

 

 

 

 

PATRICK HEALY, J.C.A.

 

 

 

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

Me Stéphane G. Hébert

Me Stephan H. Trihey

MILLER THOMSON

Pour Daniel Abandonato, Sylvie Charbonneau, 9167-6833 Québec inc., 9191-4549 Québec inc., Développements Limbar inc., Gestion Val Martin ltée, Varennes sur le fleuve inc., 9145-3456 Québec inc., 9079-3225 Québec inc., 9266-7328 Québec inc., 9151-8019 Québec inc., 9148-3511 Québec inc., 9310-1731 Québec inc.

 

Me Ari Yan Sorek

Me Alexandra Quigley

Me Ana-Maria Nicolau

DENTONS CANADA

Pour Corporation Steckmar, 6931031 Canada inc., 9068-5983 Québec inc., Montilaur inc., 110302 Canada inc., I. Shawn Steckler Ltd., Barri Steckler Ltd., Arthur Steckler

 

Date d’audience :

15 septembre 2021


 

 

 

MOTIFS DU JUGE HAMILTON

 

 

[8]                Le présent dossier porte sur le droit des actionnaires et des propriétaires indivis bénéficiaires de sociétés prête-noms d’obtenir une enquête ou des états financiers vérifiés à l’égard de celles-ci dans le cadre d’une demande d’enquête ou d’une demande en redressement pour abus de pouvoir ou d’iniquité en vertu de la Loi sur les sociétés par actions LSAQ »)[2].

CONTEXTE

[9]                Daniel Abandonato (« Abandonato ») et Arthur Steckler (« Steckler ») sont des partenaires d’affaires depuis une vingtaine d’années dans le cadre de divers projets de développement immobilier. Ils ont conduit leurs affaires principalement via l’utilisation d’ententes de prête-noms et de conventions d’indivision par lesquelles les sociétés prêtenoms sont les propriétaires inscrits des immeubles, alors que les parties détiennent des droits sur les actifs des sociétés prête-noms. Les parties sont aussi les actionnaires desdites sociétés dans deux cas. Dans les autres cas, les intimés ne sont pas actionnaires.

[10]           Les six sociétés appelantes, soit 9167-6833 Québec inc., 9191-4549 Québec inc., 9145-3456 Québec inc., Développements Limbar inc., Gestion Val Martin ltée et Varennes sur le Fleuve inc., servent de prête-noms dans les différents projets de développement immobilier. Les intérêts de Steckler et des membres de sa famille dans ces projets sont détenus par les intimées.

[11]           Les cinq sociétés intimées incidentes, soit 9079-3225 Québec inc., 9151-8019 Québec inc., 9310-1731 Québec inc., 9266-7328 Québec inc. et 91483511 Québec inc., sont des sociétés appartenant à Abandonato ou à sa conjointe Sylvie Charbonneau (« Charbonneau ») et elles détiennent les intérêts d’Abandonato et de Charbonneau dans ces projets. De plus, certaines d’entre elles ont conclu des contrats avec les sociétés prête-noms que les intimés attaquent.

[12]           En 2016, Steckler aurait découvert l’existence de transactions douteuses conclues par Abandonato qui se serait occupé de la gestion des sociétés prête-noms, par lesquelles il aurait détourné des fonds et des lots et se serait accordé des frais de gestion, en violation de son rôle de mandataire et d’agent pour Steckler.

[13]           Ces différentes découvertes ont entraîné l’institution en 2016 du présent recours, de même qu’un autre recours accompagné de saisie avant jugement[3] dont la Cour n’est pas saisie. Dans le présent recours, les intimés ont effectué une demande d’enquête afin de mettre en lumière les agissements d’Abandonato dans les différentes sociétés liées aux évènements. Depuis l’institution des procédures, Abandonato a transmis plusieurs milliers de pages de documents pour répondre à différents engagements.

[14]           La demande d’enquête vise les six sociétés prête-noms de même que les cinq sociétés qui détiennent les intérêts d’Abandonato dans les différents projets.

[15]           Par demande reconventionnelle, les appelants demandent la vérification comptable de Développements Limbar inc., Gestion Val Martin ltée et Varennes sur le Fleuve inc., trois sociétés prête-noms qui, selon Abandonato, sont contrôlées par Steckler.

***

[16]           Il est utile de décrire chacune des 11 sociétés visées par la demande d’enquête. Pour simplifier la lecture du jugement, j’inclus aussi un résumé d’une page en annexe à mes motifs[4].

[17]           9167-6833 Québec inc.  6833 »). Cette société est régie par la LSAQ. Les actionnaires inscrits au REQ sont 91483511 Québec inc. (société d’Abandonato) et Gestion Jacques Cooke inc. et Abandonato et Jacques Cooke (« Cooke ») sont les administrateurs. Cooke est l’ex-mari de la mère d’Abandonato.

[18]           La société est impliquée dans un projet de développement intitulé « Le Terroir ». Elle est partie à une entente[5] avec La Corporation Steckmar (« Steckmar », société de Steckler). L’entente prévoit que Steckmar investit le tiers des montants pour l’achat des lots et le développement du projet, tandis que 6833 investit les deux tiers. 6833 est le propriétaire inscrit des lots et agit à titre de fiduciaire pour la part de Steckmar. Les revenus, les dépenses, les profits et les pertes seront déterminés conformément au pourcentage respectif des parties. Finalement, les parties reconnaissent que l’entente ne constitue pas un partenariat et que tous les contrôles à l’égard de l’entreprise requièrent la signature de chacune des parties.

[19]           9191-4549 Québec inc.  4549 »). Cette société est régie par la LSAQ. Charbonneau est l’actionnaire, l’administratrice et la présidente de la société, alors qu’Abandonato en est le gestionnaire.

[20]           La société agit à titre de prête-nom pour 9068-5983 Québec inc. (société de Sydney Gartner (« Gartner »)), 9148-3511 (société d’Abandonato) et 691031 Canada inc. (société de Steckler), dans un projet de développement dans « Le Terroir » ayant débuté en 2008[6]. Les lots sont au nom de 4549, mais les propriétaires indivis bénéficiaires (beneficial undivided owners) sont Gartner (20 %), Abandonato (40 %) et Steckler (40 %) via leurs sociétés. Les actifs, la responsabilité, les revenus, les dépenses, les profits et les pertes du projet leur appartiennent dans les mêmes proportions. Toute décision qui se rapporte à la propriété ou au projet requiert l’unanimité et les chèques requièrent la signature des trois propriétaires.

[21]           9145-3456 Québec inc.  3456 ») Cette société est régie par la LSAQ. Abandonato est actionnaire, administrateur, président et secrétaire de la société. Elle a été impliquée dans deux projets de développement immobilier, soit à Delson et à SaintJacques-le-Mineur depuis 2010.

[22]           La société était prête-nom pour le projet Faubourg de la Gare à Delson pour Barrie Steckler Ltd. (10 %), I. Shawn Steckler Ltd. (10 %) et une société liée à Abandonato (80 %). Les sociétés Barrie Steckler Ltd. et I. Shawn Steckler Ltd. appartiennent à des fils de Steckler. Le projet de Delson est terminé depuis 2008, et Barrie Steckler Ltd. et I. Shawn Steckler Ltd. ont chacune reçu leur 10 % de profit.

[23]           Ces profits ont été investis dans un autre projet à Saint-Jacques-le-Mineur, lequel en est toujours à ses débuts. Pour ce deuxième projet, les indivisaires sont Barrie Steckler Ltd. (12,5 %), I. Shawn Steckler Ltd. (12,5 %), une société liée à Abandonato (25 %) et une société liée à Alain Poupart (50 %). Il n’y a pas de convention écrite intervenue pour ce dernier projet, mais les intimés reconnaissent que 3456 fonctionne selon le même modus operandi que les autres sociétés prête-noms, malgré l’absence d’entente écrite.

[24]           Développements Limbar inc. Limbar »). Cette société de portefeuille est régie par la LSAQ. Abandonato et Steckler en sont actionnaires et administrateurs.

[25]           Limbar agit comme prête-nom pour Montilaur (une société de Steckler dans laquelle son épouse Rose Steckler et luimême sont administrateurs) et 90793225 Québec inc. (une société dont Charbonneau est actionnaire) dans un projet de développement à Mercier ayant débuté en 2006[7]. Montilaur et 9079-3225 Québec inc. sont les propriétaires indivis bénéficiaires, à 50 % chacune. Le projet s’est terminé en 2009 et la société n’a plus d’activité depuis. Elle n’est pas dissoute puisqu’elle demeure créancière d’un prêt.

[26]           Gestion Val Martin ltée  Val Martin »). Cette société est régie par la LSAQ. Les actionnaires sont 110302 Canada inc. (société de Rose Steckler), 9079-3225 Québec inc. (une société dont Charbonneau est actionnaire) et une société tierce, 119079 Canada inc. Steckler et Abandonato en sont administrateurs.

[27]           Val Martin a agi comme prête-nom pour ses trois actionnaires dans un projet de développement à Candiac ayant débuté en 2003[8]. Les trois actionnaires sont les propriétaires bénéficiaires indivis, respectivement à 70 %, 20 % et 10 %. Le développement s’est terminé en 2008 et la société n’a plus d’activité depuis.

[28]           Varennes sur le Fleuve inc.  Varennes »). Cette société est régie par la LSAQ. Abandonato en est actionnaire et administrateur.

[29]           Varennes agit comme prête-nom pour Montilaur (une société de Steckler dans laquelle son épouse Rose Steckler et luimême sont administrateurs), 9148-3511 Québec inc. (une société d’Abandonato), I. Shawn Steckler Ltd. et Barrie Steckler Ltd. dans un projet de développement à Varennes, ayant débuté en 2005.[9] Les sociétés sont les propriétaires bénéficiaires indivis de la propriété, dans une proportion de 45 %, 35 %, 10 % et 10 %. Il reste deux lots à vendre pour compléter le développement. Lorsque cela sera fait, la société cessera ses activités.

[30]           9079-3225 Québec inc.  3225 »). Cette société de portefeuille est régie par la LSAQ. Charbonneau est actionnaire et Charbonneau et Abandonato sont administrateurs. Elle est actionnaire de Val Martin et propriétaire bénéficiaire indivis à 20 % dans le projet où Val Martin est prête-nom. Elle est aussi propriétaire bénéficiaire indivis à 50 % dans le projet où Limbar est prête-nom.

[31]           9151-8019 Québec inc.  8019 »). Cette société est régie par la LSAQ. Charbonneau est actionnaire et Abandonato est administrateur.

[32]           9310-1731 Québec inc.  1731 »). La société est régie par la LSAQ. Abandonato est actionnaire et administrateur.

[33]           9266-7328 Québec inc. (faisant affaire sous la raison sociale Les Habitations 450) (« 7328 »).  La société est régie par la LSAQ. Abandonato et Jean-Luc Poudrier sont actionnaires et administrateurs de la société.

[34]           9148-3511 Québec inc.  3511 »). Abandonato est actionnaire et administrateur de cette société de portefeuille régie par la LSAQ. Elle est actionnaire de 6833 et propriétaire indivis bénéficiaire aux deux tiers pour le projet inscrit au nom de 6833, ainsi que propriétaire indivis bénéficiaire à la hauteur de 40 % dans le projet où 4549 est prêtenom et à 35 % dans le projet où Varennes est prête-nom.

JUGEMENT ENTREPRIS ET PROCÉDURES SUBSÉQUENTES

[35]           La juge rejette les demandes d’enquête, mais ordonne la confection d’états financiers vérifiés depuis l’année 2014 pour les sociétés prête-noms 4549, 6833, Limbar, Val Martin, Varennes et 3456[10].

[36]           Elle considère les demandes d’enquête en vertu des articles 421 et 450 LSAQ. Elle note dans un premier temps que seul « [l]e détenteur inscrit ou le bénéficiaire de valeurs mobilières » d’une société peut demander une enquête sur la société en vertu de l’article 421 LSAQ. Elle conclut que les intimés sont actionnaires des sociétés Limbar, Val-Martin, Varennes et 3456, et qu’ils ont donc l’intérêt suffisant pour se prévaloir du pouvoir d’enquête prévu à l’article 421 LSAQ quant à ces sociétés. Quant aux autres sociétés, elle conclut que les intimés ne sont pas actionnaires ni détenteurs d’un droit sur les actions et elle rejette les demandes en vertu de l’article 421 LSAQ[11].

[37]           Par contre, elle considère que les intimés ont des droits sur les biens détenus par 4549 et qu’ils sont propriétaires de biens à être acquis par 6833. Pour cette raison, elle estime que les intimés sont suffisamment « à l’intérieur » de la société – c’est-à-dire que leur degré d’implication dans la société est suffisant – pour leur permettre de bénéficier du recours en redressement suivant les articles 439 et 450 LSAQ[12]. Le recours en redressement inclut la possibilité d’ordonner une enquête ou la confection des états financiers vérifiés.

[38]           Après avoir établi la qualité de demandeurs, la juge procède à la deuxième étape qui consiste à examiner si les demandeurs ont démontré qu’il existe des actes frauduleux donnant ouverture à une demande d’enquête[13]. La juge procède à énumérer les nombreux gestes que les intimés estiment frauduleux : manque d’informations quant à la gestion, détournement de fonds et de lots, frais de gestion non autorisés, prêts non autorisés, confusion d’actifs. La juge estime que les allégations sont suffisamment sérieuses en ce qui concerne 4549 et 6833, mais pas en ce qui concerne les autres sociétés visées.

[39]           Finalement, la juge évalue s’il est opportun d’autoriser une enquête sur les sociétés 4549 et 6833 considérant les coûts-bénéfices recherchés[14]. Elle juge que ce n’est pas le cas. Elle souligne que les intimés ont déjà les outils pour instituer les poursuites qu’ils peuvent juger appropriées.

[40]           La juge choisit plutôt d’ordonner la confection d’états financiers vérifiés à partir de l’année 2014 pour les sociétés 4549, 6833, Limbar, Val Martin, Varennes et 3456[15]. Elle souligne de plus qu’elle donne ainsi suite aux demandes des appelants d’obtenir des états financiers vérifiés des sociétés Limbar, Val Martin et Varennes.

[41]           Depuis le jugement entrepris, les intimés ont institué trois actions dérivées, respectivement pour le compte de 4549, 6833 et 3456. Le juge Collier a accueilli la demande de suspension des appelants[16].

[42]           Le 20 janvier 2020, la Cour a rejeté une requête en rejet d’appel partiel quant au présent dossier. Elle a également rejeté la permission d’appeler des trois jugements rendus en cours d’instance par le juge Collier dans les trois actions dérivées[17].

QUESTIONS EN LITIGE

[43]           Les appelants proposent cinq moyens d’appel :

  1. La juge de première instance a-t-elle erré en décidant que les intimés pouvaient se qualifier à titre de demandeurs?
  2. La juge de première instance a-t-elle erré concernant l’identité des actionnaires de 9145-3456 Québec inc.?
  3. La juge de première instance a-t-elle erré en n’énonçant pas les critères applicables au recours en oppression sous l’article 450 de la Loi sur les sociétés par actions et en ne les appliquant pas?
  4. La juge de première instance a-t-elle erré en limitant la préparation des états financiers à l’année 2014?
  5. La juge de première instance a-t-elle erré en ne prévoyant pas, dans le cadre de son ordonnance de préparation des états financiers au paragraphe 143 du jugement, de mécanisme permettant de passer outre à une objection systématique des intimés sur l’identité du vérificateur-comptable?

[44]           Les intimés, comme appelants incidents, proposent également cinq moyens d’appel :

  1. Did the a quo Judge err in law by omitting to consider the notion of « affiliates » under the Quebec BCA and by ruling that the application for an order directing investigations was unfounded?
  2. Did the a quo Judge err in law by omitting to rule on the Incidental Appellant’s application for reimbursement of professional fees pursuant to subsection 451(14) BCA?
  3. Did the a quo Judge err in law by omitting to rule on the Incidental Appellants’ application to amend their pleading submitted on June 3, 2019 only to indicate that it was denied in the a quo Judgment, without motivating her decision?
  4. Did the a quo Judge err in fact and in law by omitting to consider various criteria when analyzing the appropriateness of the investigation sought and by ruling that an investigation was not appropriate?
  5. Did the a quo Judge err in fact and in law by rendering an inappropriate order in the circumstances?

[45]           Plusieurs moyens d’appel se recoupent et leur ordre d’analyse n’est pas optimal. Je propose donc les questions suivantes :

1)      Est-ce que la juge a erré en refusant  la demande d’amendement? (moyen H)

2)      Est-ce que la juge a erré dans l’exercice de sa discrétion pour ordonner ou non une enquête ou la préparation des états financiers vérifiés en vertu de l’article 421 LSAQ ou l’article 450 LSAQ? (moyens A, B, C, F et I)

3)      Est-ce que la juge a commis des erreurs quant aux modalités de l’ordonnance de préparer des états financiers vérifiés? (moyens D, E et J)

4)      Est-ce que la juge a erré en omettant de trancher la demande de remboursement d’honoraires professionnels? (moyen G)

ANALYSE

Législation pertinente

[46]           Toutes les sociétés visées sont régies par la LSAQ.

[47]           Les articles 421 et 422 LSAQ prévoient la possibilité pour le tribunal d’ordonner la tenue d’une enquête sur une société :

421. Le détenteur inscrit ou le bénéficiaire de valeurs mobilières d’une société peut demander au tribunal d’ordonner la tenue d’une enquête sur la société et sur toute société du même groupe.

421. A registered holder or beneficiary of a corporation’s securities may apply to the court for an order directing an investigation to be made of the corporation and any of its affiliates.

 

La demande peut être présentée en l’absence de la société et elle est alors entendue à huis clos. Toutefois, le tribunal, s’il estime cette absence injustifiée, peut ordonner que la société soit convoquée au moyen de l’avis qu’il détermine.

 

The application may be presented in the absence of the corporation and, in such a case, is heard in camera. However, if the court considers the absence to be unwarranted, it may order that the corporation be given such notice as the court directs.

 

422. Le tribunal peut ordonner la tenue de l’enquête demandée s’il estime qu’une telle enquête est utile ou opportune pour établir des faits et permettre au demandeur, le cas échéant, de prendre l’un ou l’autre des recours prévus à la section II et s’il lui paraît établi, selon le cas, que:

422. The court may order the investigation applied for to be made if it considers that such an investigation would help or permit facts to be established and allow the applicant, if necessary, to seek a remedy under Division II, and if it appears to the court that

 

  la société ou une personne morale du même groupe exerce ou a exercé ses activités avec une intention de fraude ou qu’une telle société ou personne morale est ou a été constituée ou dissoute dans un but frauduleux ou illégal;

 

(1)  the business of the corporation or any of its affiliates is or has been carried on with intent to defraud any person, or the corporation or any of its affiliates was formed or is to be dissolved for a fraudulent or unlawful purpose;

  des personnes ont commis des actes frauduleux ou malhonnêtes en participant à la constitution de la société ou d’une personne morale du même groupe, ou ont commis de tels actes dans l’exercice de ses activités ou dans la conduite de ses affaires internes;

(2)  persons concerned with the constitution, business or affairs of the corporation or any of its affiliates have acted fraudulently or dishonestly in connection therewith; or

[48]           De plus, la tenue d’une enquête et la préparation d’états financiers vérifiés peuvent être ordonnées dans le cadre d’une demande en redressement suivant les articles 450 et 451 LSAQ :

450. Un demandeur peut s’adresser au tribunal en vue d’obtenir une ordonnance visant à redresser la situation lorsque, de l’avis du tribunal, la société ou une personne morale du même groupe agit abusivement ou s’apprête à agir abusivement à l’égard des détenteurs de valeurs mobilières de la société ou à l’égard de ses administrateurs ou de ses dirigeants, ou qu’elle se montre injuste ou s’apprête à se montrer injuste à leur égard en leur portant préjudice:

 

450. An applicant may obtain an order from the court to rectify a situation if the court is satisfied that

 

  soit en raison de son comportement;

(1)  any act or omission of the corporation or any of its affiliates effects or threatens to effect a result,

 

  soit par la façon dont elle exerce, a exercé ou s’apprête à exercer ses activités ou par la façon dont elle conduit, a conduit ou s’apprête à conduire ses affaires internes;

(2)  the business or affairs of the corporation or any of its affiliates have been, are or are threatened to be conducted in a manner, or

  soit par la façon dont les administrateurs exercent, ont exercé ou s’apprêtent à exercer leurs pouvoirs.

(3)  the powers the board of directors of the corporation or any of its affiliates have been, are or are threatened to be exercised in a manner

 

 

that is or could be oppressive or unfairly prejudicial to any security holder, director or officer of the corporation.

451. Le tribunal peut, à l’occasion d’une demande visée à la présente sous-section, rendre toute ordonnance qu’il estime appropriée. Ainsi il peut, notamment: […]

 

451. In connection with an application under this subdivision, the court may make any order it thinks fit, including […]

  enjoindre à la société de lui fournir, ainsi qu’à tout intéressé, dans le délai qu’il fixe, les états financiers visés aux articles 225 et 226, ou ordonner qu’elle lui en fasse rapport sous la forme qu’il détermine; […]

(9)  an order requiring a corporation, within a time specified by the court, to make available to the court or an interested person the financial statements referred to in sections 225 and 226, or an accounting of them in the form determined by the court; […]

 

13°  ordonner la tenue d’une enquête conformément à la section I;

(13)  an order directing an investigation to be made under Division I; and

 

14°  condamner, non seulement dans un cas d’abus de procédure mais également dans tout autre cas où le tribunal le jugera approprié, toute partie aux procédures à payer, en tout ou en partie, les honoraires et autres frais de toute autre partie. […]

(14)  an order condemning, not only in the case of improper use of procedure but also whenever the court thinks fit, any party to the proceedings to pay, in whole or in part, the professional fees and other costs of any other party. […]

[49]           Enfin, il faut considérer l’article 439 LSAQ, qui définit les personnes qui peuvent intenter une demande en redressement :

439. Les demandes prévues par les sous-sections 2 et 3 peuvent être présentées par l’un ou l’autre des demandeurs suivants:

 

439. Applications under subdivisions 2 and 3 may be made by any of the following:

  le détenteur inscrit ou le bénéficiaire, ancien ou actuel, de valeurs mobilières d’une société ou d’une personne morale du même groupe;

 

(1)  a registered holder or beneficiary, and a former holder or beneficiary, of a security of a corporation or any of its affiliates;

 

  tout administrateur ou dirigeant, ancien ou actuel, d’une société ou d’une personne morale du même groupe;

 

(2)  a director or an officer or a former director or officer of a corporation or any of its affiliates;

 

  toute autre personne qui, d’après le tribunal, a l’intérêt requis pour présenter une demande en vertu de la présente section.

(3)  any other person who, in the discretion of the court, has the interest required to make an application under this division.

Norme d’intervention

[50]           Les demandes d’enquête en vertu des articles 421 et 422 LSAQ ainsi que les demandes en redressement en vertu des articles 450 et 451 LSAQ impliquent plusieurs questions avec des normes d’intervention différentes.

[51]           La juge doit d’abord trancher des questions de fait, pour lesquelles la norme d’intervention est l’erreur manifeste et déterminante. Ensuite, elle doit interpréter la loi, où la norme est la décision correcte. Et finalement, elle doit exercer sa discrétion. La demande pour redressement en cas d’abus de pouvoir ou d’iniquité est un recours d’équité. La juge jouit d’une grande discrétion pour évaluer le comportement reproché et, s’il y a lieu, pour ordonner une mesure de redressement juste et adaptée à la situation des parties. La Cour doit par conséquent faire preuve de retenue et son intervention n’est possible que si la juge commet une erreur manifeste et déterminante, une erreur de principe ou une injustice manifeste dans l’exercice de sa discrétion[18]. Cela s’applique également lorsque la juge refuse d’ordonner une mesure de redressement[19].

1.    La demande d’amendement

[52]           Dans un premier temps, les intimés considèrent que la juge a commis une erreur en refusant d’autoriser la demande d’amendement de leur demande d’enquête présentée lors de la deuxième journée des plaidoiries sans motiver sa décision. Ils font valoir que leur demande d’amendement visait à présenter des conclusions plus ciblées quant à la demande d’enquête à la demande de la juge et que son erreur est déterminante.

[53]           Alors qu’il est vrai que la juge ne tranche pas clairement la demande d’amendement, la juge indique qu’elle « a révisé attentivement les très nombreuses conclusions recherchées »[20] avant de rejeter la demande d’enquête. S’il y a erreur, elle n’est pas déterminante.

2.    La demande d’enquête en vertu de l’article 421 LSAQ et la demande de redressement en vertu de l’article 451 LSAQ

[54]           Pour les fins de cette analyse, il convient de diviser les 11 sociétés visées par les demandes des intimés en trois catégories :

  • Les sociétés prête-noms dont les intimés sont actionnaires (Limbar et Val Martin);
  • Les sociétés prête-noms (4549, 3456 et Varennes) et la société fiduciaire (6833) dont les intimés ne sont pas actionnaires; et
  • Les autres sociétés visées (3225, 8019, 3511, 1731 et 7328).

[55]           La juge utilise des catégories semblables, la seule différence étant qu’elle inclut 3456 et Varennes dans la première catégorie. Il s’agit d’une erreur manifeste. La preuve établit clairement que le seul actionnaire de ces deux sociétés est Abandonato. Les intimés reconnaissent l’erreur quant à 3456. La juge fait la même erreur quant à Varennes, mais comme les appelants sont actionnaires de Varennes et demandaient eux aussi une ordonnance pour préparer des états financiers vérifiés, cette question n’est pas soulevée dans leur appel.

a.     Limbar et Val Morin

         Relations entre les parties

[56]           Le lien entre les intimés et ces deux sociétés est double : (1) les intimés sont actionnaires de Limbar et de Val Martin et (2) Limbar et Val Martin agissent comme prête-noms pour les intimés.

[57]           Comme actionnaires de Limbar et Val Martin, les droits des intimés sont clairs. Ils peuvent (1) obtenir les états financiers vérifiés, (2) demander une enquête sur les sociétés et (3) demander une ordonnance de redressement.

[58]           Mais quels droits leur consacre leur statut de bénéficiaire de ces sociétés prêtenoms? La question est plus délicate.

[59]           Suivant les contrats de prête-nom et d’indivision[21], les intimés sont propriétaires bénéficiaires indivis des terrains pour lesquels Limbar et Val Martin agissent à titre de prête-noms. La juge fait l’analyse du contrat de prête-nom de 4549. Elle note que 4549 est la propriétaire des terrains, mais que les trois sociétés parties au contrat sont « les bénéficiaires des profits provenant de l’exploitation de ces terrains » et que ces sociétés détiennent en vérité le pouvoir décisionnel en ce qu’elles « contrôlent ce que la compagnie 9292-4549 Québec inc. peut ou ne peut pas faire et que Sylvie Charbonneau a ‘les mains liées’ ». Les mêmes constats s’appliquent à Limbar et Val Martin.

[60]           En droit québécois, il est bien établi que le contrat de prête-nom est un contrat de mandat. La Cour suprême, sous la plume du juge Pigeon, en fait l’analyse suivante[22] :

En droit québécois, comme en droit français, le contrat de prête-nom est une forme licite du contrat du mandat. Dans le Code civil du Québec, cela ressort de l’art. 1716 qui dispose:

Art. 1716. Le mandataire qui agit en son propre nom est responsable envers les tiers avec qui il contracte, sans préjudice aux droits de ces derniers contre le mandant.

Au sujet de cet article, on lit au vol. 13 du Traité de droit civil du Québec, (à la p. 70) :

Quant au prête-nom, ce contrat est une forme de mandat parfaitement reconnu dans notre droit (Canuel c. Belzile, (1922), 33 B.R. 355). Le prête-nom n’est au fond qu’un mandataire,…

[…]

En vertu des principes généraux du mandat il est clair que l’obligation d’un mandataire envers son mandant n’est pas une dette. Celui qui a acheté un immeuble pour le compte d’un tiers qui veut rester inconnu, n’est pas plus débiteur du prix payé qu’il n’est propriétaire de l’immeuble. Le vrai propriétaire c’est le mandant et l’obligation du mandataire prête-nom c’est de rendre compte au mandant et de lui remettre ce qu’il perçoit pour lui (C.c., art. 1713). Ce qu’il reçoit, même si c’est de l’argent, ne lui appartient pas, il est obligé de le tenir à part de ses biens. C’est un crime pour lui que de s’en emparer de façon à se constituer débiteur au lieu de mandataire: R. c. Légaré. Dans notre arrêt récent Canadian Pioneer Management Ltd. c. Conseil des relations du travail de la Saskatchewan le juge Beetz a fait ressortir l’importance de cette distinction en citant notamment l’arrêt du Conseil privé sur les dépôts non réclamés: Attorney General for Canada v. Attorney General for the Province of Quebec.

[Notes omises]

[61]           Les intimés ont donc tous les droits contractuels prévus dans les contrats de prêtenom et d’indivision, ainsi que les recours du mandant, dont notamment l’action en reddition de comptes[23].

[62]           Ces principes étant exposés, examinons en rafale les demandes dont était saisie la juge de première instance pour ces sociétés.

  • États financiers vérifiés

[63]           D’abord, comme actionnaires de Limbar et Val Martin, les intimés ont le droit d’obtenir des états financiers vérifiés[24]. De plus, les appelants allèguent que Steckler contrôle la comptabilité de ces deux sociétés (ainsi que Varennes dont je traite dans la prochaine section) et demandent eux aussi la confection d’états financiers vérifiés.

[64]           La juge avait donc raison d’accueillir ces demandes.

  • Demande d’enquête en vertu de l’article 421 LSAQ

[65]           Comme actionnaires de Limbar et Val Martin, les intimés ont le statut requis pour demander une enquête en vertu de l’article 421 LSAQ sur ces sociétés. Il faut donc se demander si la juge de première instance avait raison de refuser cette demande.

[66]           Les principes applicables à une demande d’enquête se résument comme suit : L’ordonnance d’enquête est un remède drastique et exceptionnel. Une enquête peut se révéler coûteuse si elle n’est pas circonscrite de façon appropriée dès le départ. De même, une enquête ne doit pas constituer une autorisation à effectuer une expédition de pêche. Une enquête cherche à établir des faits, et non à déterminer les droits des parties. De surcroît, une enquête ne doit pas être ordonnée afin d’assister les parties dans la préparation d’un litige. Dans les faits, une fois le rapport de l’enquêteur déposé, son contenu peut être contredit et les faits qui fondent son rapport doivent néanmoins être prouvés si un litige se développe par la suite[25].

[67]           La juge applique le test de l’arrêt Trackcom[26]. Il est à noter que cette décision a été rendue sous le couvert de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[27] LCSA ») dans le cadre d’un recours en oppression au stade intérimaire, mais les principes qui y sont dégagés ont depuis été examinés dans le contexte d’une demande d’enquête sous la LSAQ[28].

[68]           Dans Trackcom, le juge Gascon, rédigeant les motifs de la Cour, a établi l’analyse en trois étapes à effectuer lors d’une demande pour la tenue d’une enquête[29].

[69]           Premièrement, la demande d’enquête doit être faite par le demandeur approprié. Les intimés se qualifient en ce qui concerne Limbar et Val Martin.

[70]           Deuxièmement, le juge doit conclure que l’une des situations prévues pour une demande d’enquête a été établie prima facie[30]. Pour une demande d’enquête sous la LSAQ, l’article 422 prévoit les situations suivantes :

  la société ou une personne morale du même groupe exerce ou a exercé ses activités avec une intention de fraude ou qu’une telle société ou personne morale est ou a été constituée ou dissoute dans un but frauduleux ou illégal;

  des personnes ont commis des actes frauduleux ou malhonnêtes en participant à la constitution de la société ou d’une personne morale du même groupe, ou ont commis de tels actes dans l’exercice de ses activités ou dans la conduite de ses affaires internes;

  la société ou une personne morale du même groupe, soit par la façon dont elle exerce ou a exercé ses activités ou qu’elle conduit ou a conduit ses affaires internes, soit par la façon dont ses administrateurs exercent ou ont exercé leurs pouvoirs, agit abusivement ou se montre injuste à l’égard des détenteurs inscrits ou des bénéficiaires de valeurs mobilières de la société en leur portant préjudice.

[71]           En l’espèce, la juge analyse les reproches faits à l’égard des sociétés visées par les demandes d’enquête. Quant à Limbar, elle conclut :

[102] Les demandeurs déplorent le manque d’information et de transparence de la part de M. Abandonato même si ce sont les employés de M. Steckler qui exercent la gestion quotidienne de cette entreprise. Ils déplorent l’absence de certains relevés bancaires et le fait que M. Abandonato ait refusé de signer les états financiers. Aucun geste particulier ici ne mérite une enquête sous l’égide des articles 421 ou 450 LSA.

[72]           Elle estime que les mêmes reproches sont formulés quant à Val Martin et que sa conclusion est la même. Elle indique que le fait que des malversations ont été découvertes quant aux sociétés 4549 et 6833 n’était pas suffisant pour justifier des demandes d’enquête sur toutes les autres sociétés liées de près ou de loin[31].

[73]           Les intimés ne démontrent aucune erreur dans cette analyse. Ceci suffit pour rejeter la demande d’enquête en vertu de l’article 421 LSAQ sur Limbar et Val Martin. J’étudierai tout de même la troisième étape du test de l’arrêt Trackcom pour compléter l’analyse.

[74]           Troisièmement, le juge doit considérer si l’enquête est utile ou opportune compte tenu des circonstances, en considérant les coûts et les bénéfices attendus[32]. Le juge dispose lors de ce contrôle d’opportunité d’une discrétion qu’il doit exercer judiciairement, la loi précisant que le juge « peut » ordonner la tenue d’une enquête[33].

[75]           Notamment, « plus la demande d’enquête sera imprécise et ambiguë, moins son utilité sera apparente. De même, plus les faits qui la sous-tendent seront connus et bien cernés, moins l’utilité de l’enquête sera encore une fois justifiée »[34]. Le contrôle d’opportunité doit aussi considérer les frais qui devront être encourus vis-à-vis des bénéfices qui pourraient en être tirés[35]. Le juge doit également considérer s’il existe d’autres réparations tout autant efficaces, voire plus efficaces, et moins coûteuses qui permettraient d’atteindre les mêmes objectifs[36].

[76]           La juge estime la demande d’enquête sur 4549 et 6833 injustifiée. Plusieurs éléments expliquent sa décision.

[77]           D’abord, les intimés veulent obtenir davantage d’information et exigent davantage de transparence, mais ils ont déjà obtenu plus de 5 000 pages de documents dans les différents interrogatoires qui ont eu lieu dans les dossiers.

[78]           De plus, ils ont refusé l’offre des appelants de confectionner des états financiers vérifiés, qui est une façon beaucoup moins dispendieuse d’obtenir les informations qui les intéressent[37]. Les états financiers vérifiés seront fournis à la suite du présent jugement.

[79]           De surcroît, les intimés disposent de tous les recours du mandant, dont notamment l’action en reddition de comptes[38], laquelle est nettement moins dispendieuse et permet tout autant d’acquérir l’information recherchée[39].

[80]           Finalement, les intimés comparent la nomination d’un enquêteur à celui d’un expert commun et suggèrent que l’établissement de faits par ce dernier pourrait inciter les parties à régler hors cour. Or, le parallèle n’est pas tout à fait approprié. Bien que le rapport de l’enquêteur serve à établir des faits, il peut être contesté en cour par les parties[40]. De même, l’enquête ne sert pas à assister les parties dans la préparation de leur litige[41].

[81]           Somme toute, la juge a fait une appréciation pondérée de l’ensemble de la situation. Elle s’est dite non convaincue qu’une demande d’enquête était justifiée à ce stade. Cela ne veut pas dire qu’en aucun cas une enquête pourrait être justifiée dans ce type de dossiers, mais plutôt qu’en l’espèce, elle ne l’était pas.

[82]           Comme expliqué précédemment, son raisonnement doit être appliqué à Limbar et Val Martin.

[83]           Je ne vois aucun motif qui justifierait notre intervention.

  • Demande de redressement

[84]           Les intimés demandent alternativement une enquête comme mesure de redressement en vertu de l’article 451 LSAQ. Comme actionnaires de Limbar et de Val Martin, ils ont le statut pour faire une telle demande.

[85]           Dans l’arrêt BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976 (BCE), la Cour suprême du Canada établit un examen à deux volets pour le traitement des demandes d’oppression en vertu de la LCSA[42]. Notre Cour a confirmé que les principes établis dans cet arrêt étaient transposables aux demandes de redressement prévues dans la LSAQ[43].

[86]           Conformément à cette analyse, le demandeur doit d’abord (1) établir une « attente raisonnable », puis (2) que cette « attente raisonnable » a été frustrée en raison d’un comportement répréhensible[44].

[87]           Dans un arrêt récent de la Cour, le juge Mainville rappelle que la notion d’« attentes raisonnables » des parties constitue la pierre angulaire de ce type de demande[45]. Cette analyse va donc au-delà de la légalité et s’intéresse plutôt à ce qui est équitable compte tenu des circonstances[46].

[88]           Ensuite, le demandeur doit établir que son « attente raisonnable » a été frustrée par une conduite abusive de la société ou par une conduite injuste qui lui a porté préjudice[47].

[89]           Le juge Morissette explique qu’« il est généralement admis que la conduite abusive renvoie à une faute grave, à un écart marqué par rapport aux normes de traitement équitable »[48].

[90]           Quant au préjudice injuste, il « renvoie à une conduite moins grave, comme l’éviction d’un actionnaire ou la nondivulgation d’une transaction avec un parent, qui contrevient à une attente que pouvait raisonnablement avoir le plaignant »[49]. Le juge Mainville précise que cette conduite « ne requiert pas nécessairement une preuve de mauvaise foi ou une faute au sens du droit civil ni de l’intention de nuire ou de porter atteinte à l’attente raisonnable »[50]. Soulignons toutefois que les motifs de redressement prévus dans la LSAQ sont plus limités que ceux prévus dans la LCSA, en ce qu’ils ne reprennent pas celui de l’« omission injuste de tenir compte »[51]. Le ministre des Finances de l’époque explique qu’il s’agit d’un choix fait « dans un objectif de respect des principes civilistes à l'effet qu'une intervention du tribunal doit être basée sur les notions de faute et de préjudice »[52].

[91]           Une fois la situation d’oppression établie, les vastes pouvoirs conférés au tribunal par l’article 451 LSAQ permettent à celui-ci de façonner « des solutions logiques et équitables afin de pallier » à celle-ci[53].

[92]           Ces notions étant maintenant établies, qu’en est-il en l’espèce?

[93]           Essentiellement, les appelants reprochent à la juge de ne pas avoir procédé à l’analyse des différentes étapes énoncées dans l’arrêt BCE.

[94]           Ils ont raison. La juge n’examine ni les attentes raisonnables des intimés ni si elles ont été frustrées. De plus, la juge omet d’évaluer si les comportements des appelants constituent des gestes abusifs ou injustes vis-à-vis de ces attentes raisonnables. Elle semble plutôt appliquer le test du juge Gascon dans Trackcom, qui ne fait aucune analyse des attentes raisonnables ou de l’abus. Toutefois, dans l’arrêt Trackcom, l’ordonnance se déroulait dans un contexte intérimaire où le juge de première instance avait déjà conclu à l’existence prima facie de gestes oppressifs[54].

[95]           Cette erreur de la juge n’est pas déterminante puisqu’il n’y a pas lieu de conclure à la frustration d’attentes raisonnables ni à des gestes abusifs ou injustes qui peuvent justifier une enquête.

[96]           D’abord, il est aisé de conclure que les intimés s’attendaient raisonnablement à ce que Limbar et Val Martin exercent leurs obligations comme prête-noms, conformément aux ententes les liant. Par contre, cette attente raisonnable n’a rien à voir avec les attentes des intimés comme actionnaires de Limbar et de Val Martin, mais est plutôt reliée à leur statut de mandants et de propriétaires des immeubles. D’ailleurs, le fait que les intimés sont actionnaires de Limbar et Val Martin et non des quatre autres sociétés prêtenoms illustre le peu d’importance que les intimés rattachaient aux actions des sociétés prête-noms.

[97]           De plus, même si les attentes raisonnables des intimés avaient été bafouées, les intimés disposent d’autres recours, notamment la confection d’états financiers vérifiés et la reddition de comptes. Bref, ils n’ont pas démontré en quoi leur situation justifie de leur accorder le recours extraordinaire au droit commun que constitue la demande de redressement.

[98]           J’en conclus que la juge avait raison de refuser d’ordonner une enquête comme mesure de redressement.

  1. Les autres sociétés prête-noms (4549, 3456 et Varennes) et le fiduciaire (6833)

        Relations entre les parties

[99]           Le prochain groupe de sociétés visées inclut les trois sociétés prête-noms dont les intimés ne sont pas actionnaires (4549, 3456 et Varennes[55]) ainsi que 6833, qui détient une part de ses terrains en fiducie pour les intimés.

[100]      4549 et Varennes sont régies par des contrats de prête-nom sensiblement identiques aux contrats de prête-nom de Limbar et Val Martin. 3456 n’a pas de contrat écrit, mais les intimés reconnaissent que cette société fonctionne selon le même modus operandi que les autres sociétés prête-noms.

[101]      En ce qui a trait à 6833, le mécanisme est un peu différent[56]. Le titre de propriété appartient à 6833, mais Steckmar a investi le tiers des sommes requises et 6833 agit comme fiduciaire de Steckmar pour le tiers du projet. Steckmar a droit au tiers des profits (et des pertes) de la société. L’entente précise que tous les contrôles à l’égard de l’entreprise, au niveau de la banque, requièrent la signature de Steckmar et 6833.

        Demande d’enquête en vertu de l’article 421 LSAQ

[102]      L’article 421 LSAQ prévoit que seuls les « détenteur[s] inscrit ou le[s] bénéficiaire[s] de valeurs mobilières » de la société peuvent demander une enquête sur celle-ci « ou sur toute société du même groupe ».

[103]      Les intimés ne sont pas actionnaires des quatre sociétés dans cette deuxième catégorie.

[104]      Dans leur appel incident, les intimés invoquent le paragraphe 421(1) LSAQ qui permet à l’actionnaire d’une société de demander une enquête sur la société ou « sur toute société du même groupe ». Or, cette notion ne trouve pas application ici. Les intimés sont actionnaires des sociétés Limbar et Val Martin et ils peuvent donc demander une enquête sur toute société du même groupe que Limbar et Val Martin. Des sociétés sont du même groupe si elles sont contrôlées par la même personne[57]. Cette notion de contrôle exige la détention d’actions donnant le droit d’élire la majorité des administrateurs[58]. En conséquence, Limbar et Val Martin ne sont pas contrôlées par Abandonato ou Charbonneau, alors que toutes les autres sociétés visées le sont. Les autres sociétés visées ne sont donc pas du même groupe que Limbar et Val Martin. Les intimés ne peuvent donc pas invoquer la notion du « même groupe » pour demander une enquête en vertu de l’article 421 LSAQ sur ces autres sociétés.

[105]      J’en conclus que les intimés ne peuvent demander une enquête en vertu de l’article 421 LSAQ sur 4549, 3456, Varennes et 6833.

        Demande de redressement en vertu de l’article 451 LSAQ

[106]      Les intimés fondent leur demande d’enquête et leur demande subsidiaire pour des états financiers vérifiés aussi sur l’article 451 LSAQ. En effet, le tribunal peut ordonner une enquête comme mesure de redressement en vertu de l’alinéa 13 de l’article 451 LSAQ, ou la préparation d’états financiers vérifiés à la demande d’un actionnaire ou comme mesure de redressement en vertu de l’alinéa 9.

[107]      L’article 439 LSAQ prévoit quelles sont les personnes qui peuvent faire une demande en vertu de la sous-section 2 (l’action dérivée) et la sous-section 3 (la demande de redressement). 

[108]      L’article 439 est plus large que l’article 421 :

  • Le paragraphe 1 vise le détenteur inscrit ou le bénéficiaire de valeurs mobilières d’une société ou d’une personne morale du même groupe, ainsi que l’ancien détenteur inscrit ou bénéficiaire;
  • Le paragraphe 2 vise les administrateurs ou dirigeants, anciens et actuels;
  • Le paragraphe 3 donne au tribunal le pouvoir discrétionnaire de permettre la présentation d’un recours en redressement par « toute autre personne qui, d’après le tribunal, à l’intérêt requis pour présenter une demande en vertu de la présente section ».

[109]      En ce qui trait à 4549 et 6833, la juge conclut que les paragraphes 1 et 2 de l’article 439 LSAQ ne s’appliquent pas et elle examine l’opportunité d’exercer sa discrétion en vertu du paragraphe 3. Elle décide d’exercer sa discrétion et reconnaît aux intimés le statut de demandeurs. Elle ne traite pas de 3456 ou de Varennes, ayant erronément conclu que les intimés en étaient actionnaires, mais la réponse devrait être la même.

[110]      Les appelants soutiennent que la juge a mal interprété le paragraphe 3 de l’article 439 LSAQ et qu’elle n’avait pas la discrétion d’accorder le statut de demandeurs aux intimés quant à 4549 et 6833 ou n’aurait pas dû l’exercer. Les intimés, pour leur part, soutiennent que la juge aurait dû exercer sa discrétion en ce qui concerne l’ensemble des sociétés visées.

[111]      Le débat porte donc principalement sur la portée du paragraphe 439(3) LSAQ.

[112]      Le paragraphe 439(3) LSAQ est rédigé de façon très large : « Les demandes prévues par les sous-sections 2 et 3 peuvent être présentées par l’un ou l’autre des demandeurs suivants: …3° toute autre personne qui, d’après le tribunal, à l’intérêt requis pour présenter une demande en vertu de la présente section. » Selon les intimés, ce paragraphe accorde une vaste discrétion au juge de première instance.

[113]      Les appelants soutiennent que la discrétion prévue au paragraphe 439(3) LSAQ est limitée par l’article 450 LSAQ. L’article 450 LSAQ prévoit la possibilité pour un « demandeur » d’exercer le recours en redressement, mais seulement lorsque « la société ou une personne morale du même groupe agit abusivement ou s’apprête à agir abusivement à l’égard des détenteurs de valeurs mobilières de la société ou à l’égard de ses administrateurs ou de ses dirigeants, ou qu’elle se montre injuste ou s’apprête à se montrer injuste à leur égard en leur portant préjudice […] ». Les appelants plaident que la juge ne pouvait accorder le statut de demandeur en vertu du paragraphe 439(3) à une personne qui ne peut être victime d’abus en vertu de l'article 450. Selon eux, les intimés n’ont aucun droit au recours en redressement puisqu’ils ne sont ni détenteurs de valeurs mobilières, ni administrateurs, ni dirigeants. Ils soutiennent que les intimés ne seraient que des créanciers vis-à-vis ces sociétés et auraient été exclus par le législateur québécois de la possibilité de recourir à la demande de redressement prévue dans la LSAQ. Les intimés répliquent que cette interprétation enlève tout sens au paragraphe 439(3) en ce qui concerne le recours en redressement.

[114]      La juge résout l’apparence de contradiction entre les articles 439 et 450 LSAQ en faveur de l’article 439 :

[67] Les personnes protégées par l’article 450 LSA sont décrites de manière limitative (détenteurs de valeurs mobilières, administrateurs, dirigeant, actionnaires) alors que l’article 439 LSA permet au tribunal d’autoriser « toute personne qui a l’intérêt requis pour présenter une demande en vertu de la présente section ».

[68]        En appliquant la méthode d’interprétation systématique et logique, plus précisément le principe général de la cohérence de la loi, il faudrait interpréter l’article 450 LSA avec les autres dispositions de la section II et éviter de priver d’effet l’article 439 LSA ou de le rendre inutile. Comme le prévoit l’article 41.1 de la Loi d’interprétation du Québec : « les dispositions d’une loi s’interprètent les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui découle de l’ensemble et qui lui donne effet ».

[69]        Ainsi, il faut garder en tête que l’adoption de la section II de la LSA avait pour objectif d’étendre l’accès aux actions en justice en cas de conduite abusive ou injuste d’une société. De plus, rappelons que l’article 439 LSA a pour objet la détermination des demandeurs qui peuvent se prévaloir des recours de la soussection II (action oblique) et de la sous-section III (recours en cas d’abus). Il serait illogique de limiter le recours de la sous-section III aux détenteurs de valeurs mobilières, administrateurs, dirigeant ou actionnaires alors que le paragraphe 3 de l’article 439 LSA l’étend à toute personne ayant l’intérêt requis, selon le Tribunal.

[Renvoi omis]

[115]      Essentiellement, elle élargit la portée de l’article 450 LSAQ au-delà des personnes énumérées (détenteurs de valeurs mobilières, administrateurs, dirigeants) pour inclure tous les acteurs « à l’intérieur » de la société, tandis que les acteurs se situant à l’extérieur de la société, tels les créanciers, bénéficient plutôt de recours civils avec lesquels il n’est pas utile ou pertinent d’interférer[59]. Examinant les contrats de prête-nom et d’indivision, la juge conclut que les intimés sont suffisamment « à l’intérieur » de 4549 et 6833 pour bénéficier du recours en redressement[60].

[116]      Dans un article paru récemment, Me Paul Martel critique le jugement entrepris. Selon lui, le paragraphe 439(3) LSAQ permet d’accorder le statut de demandeur pour un recours en redressement à une personne qui n’est pas actionnaire, bénéficiaire d’actions, administrateur ou dirigeant seulement si cette personne « veut faire valoir ses droits à ou dans des actions, ou des coûts[61] équivalents à ceux d’un actionnaire, d’un administrateur ou d’un dirigeant » :

L’article 439 n’est pas « privé d’effet » ou « rendu inutile » par l’article 450. Ses deux premiers paragraphes permettent d’étendre la portée des mots « détenteur de valeurs mobilières, administrateurs et dirigeants ». Son troisième paragraphe est balisé par l’article 450, en ce qu’il empêche quelqu’un qui n’entre pas dans les trois catégories des personnes qu’il protège, un employé ou un créancier de la société par exemple, de prendre le recours qu’il crée. Le paragraphe 3 demeure tout à fait utile pour les fins de l’action dérivée de l’article 445, et de même, il l’est pour celles de l’article 450, pour accorder, par exemple, le statut de demandeur à quelqu’un qui n’est pas inscrit comme actionnaire et qui ne se qualifie pas comme « bénéficiaire » d’actions en vertu du paragraphe 439(1) ou comme « administrateur » ou « dirigeant » en vertu du paragraphe 439(2), mais qui veut faire valoir ses droits à ou dans des actions, ou des coûts équivalents à ceux d’un actionnaire, d’un administrateur ou d’un dirigeant. La technique légistique permet, au lieu de fixer quels sont les demandeurs possibles pour les articles 445 et 450 dans deux articles distincts, de jumeler ceux-ci dans une disposition commune servant à compléter chacun de ces deux articles d’une façon adaptée à chacun d’eux.[62]

[117]      Il considère les intimés comme des créanciers des sociétés visées et il conclut que la juge a erré en leur reconnaissant le statut de demandeur sous le paragraphe 439(3) LSAQ.

[118]      Sur la question du critère applicable, je préfère l’approche plus nuancée de la juge[63].

[119]      Il faut interpréter le paragraphe 439(3) LSAQ de façon à lui donner un sens. Il faut donc reconnaître qu’en principe, le tribunal peut autoriser une personne à présenter un recours en redressement, même si elle n’est pas mentionnée aux paragraphes 439(1) (« détenteur inscrit ou le bénéficiaire, ancien ou actuel, de valeurs mobilières ») ou au paragraphe 439(2) (« tout administrateur ou dirigeant, ancien ou actuel »), pourvu que cette personne ait « l’intérêt requis pour présenter une demande ».

[120]      Par contre, le paragraphe 439(3) LSAQ ne doit pas être interprété de façon à dénaturer la notion de ce qu’est un abus visé par l’article 450 LSAQ. La personne qui veut intenter un recours en redressement doit donc démontrer que « la société ou une personne morale du même groupe agit abusivement ou s’apprête à agir abusivement à l’égard des détenteurs de valeurs mobilières de la société ou à l’égard de ses administrateurs ou de ses dirigeants, ou qu’elle se montre injuste ou s’apprête à se montrer injuste à leur égard en leur portant préjudice […] ».

[121]      Me Martel suggère une interprétation du paragraphe 439(3) LSAQ qui en limite la portée aux personnes qui se rapprochent de près du statut d’actionnaires, de bénéficiaires d’actions, d’administrateurs ou de dirigeants : une personne qui n’est pas actionnaire, bénéficiaire d’actions, administrateur ou dirigeant, « mais qui veut faire valoir ses droits à ou dans des actions, ou des coûts équivalents à ceux d’un actionnaire, d’un administrateur ou d’un dirigeant ». Je suis d’accord que ces personnes peuvent être reconnues comme demanderesses en vertu du paragraphe 439(3).

[122]      Mais Me Martel exclut les créanciers et les employés. De plus, il conclut que les intimés sont des créanciers face aux neuf sociétés et que la juge ne pouvait les reconnaître comme demandeurs.

[123]      À mon avis, il va trop loin.

[124]      Dans un premier temps, je ne crois pas qu’il soit utile de tenter de définir avec précision les catégories de personnes qui peuvent se faire accorder le statut de demandeur en vertu du paragraphe 439(3) LSAQ, ou les catégories qui ne peuvent pas se faire accorder ce statut. Le législateur a voulu laisser une discrétion au juge et il est approprié de la lui laisser.

[125]      De plus, il ne me semble pas approprié d’exclure tous les créanciers. La juge indique que la doctrine et le législateur québécois n’ont pas voulu ouvrir le recours en redressement sous la LSAQ aux créanciers[64]. On dit que les créanciers devraient plutôt se tourner vers les clauses contractuelles qu’ils ont eux-mêmes négociées et les recours civils qui leur sont ouverts, même si leur recours peut être intimement lié à la conduite des affaires ou à la performance financière de la société[65]. Même sous la LCSA, alors que le recours en oppression est explicitement ouvert aux créanciers, on reconnaît que le principal recours du créancier en est un d’indemnisation[66], quoique la Cour ait indiqué que le créancier peut se qualifier comme plaignant, notamment lorsque « les administrateurs ont utilisé la société pour commettre une fraude à l'endroit du créancier [ou lorsque] la conduite de la société ou de ses administrateurs constitue une violation des attentes sous-jacentes du créancier lors de la naissance de sa relation avec la société »[67].

[126]      Par contre, certains semblent adopter une approche plus large et libérale à cet égard[68]. Cette approche me semble appropriée. On ne peut traiter tous les créanciers de la même façon. Certains créanciers sont plus à l’intérieur de la société que d’autres. Par exemple, l’actionnaire qui ne reçoit pas son dividende, ou celui dont les actions sont rachetées mais qui n’en reçoit pas le prix, sont des créanciers de la société, mais pas au même titre que la personne qui lui prête de l’argent ou qui lui vend des marchandises. De plus, la personne qui prête de l’argent à la société peut négocier des droits comme l’option d’acquérir des actions, une participation dans les profits ou un droit de regard sur certaines décisions de la société.

[127]      À mon avis, il faut analyser la relation entre les intimés et chacune des sociétés visées et la nature du recours intenté. Le critère retenu par la juge, de « suffisamment ‘à l’intérieur’ de la société », me semble approprié : il donne un sens au paragraphe 439(3) tout en respectant la nature du recours en redressement.

[128]      Le critère employé par la juge étant maintenant confirmé, il convient d’évaluer la façon dont la juge l’a appliqué en l’espèce.

[129]      Elle conclut que les intimés sont « suffisamment à l’intérieur » de 4549 pour pouvoir prendre le recours en redressement. La même conclusion devrait s’appliquer à 3456 et Varennes, dont la juge ne traite pas parce qu’elle conclut erronément que les intimés en sont actionnaires[69]. En ce qui a trait à 6833, la juge ne le dit pas expressément, mais elle doit conclure que les intimés sont « suffisamment à l’intérieur » de 6833.

[130]      Avec égards, je suis d’avis que la juge se trompe lorsqu’elle conclut que les intimés sont « suffisamment à l’intérieur » de 4549 (et par extension 3456 et Varennes) et 6833.

[131]      Les parties ont choisi consciemment de détenir les projets par le biais d’un prêtenom plutôt que de les détenir directement ou dans une société dont ils étaient actionnaires. Il semble s’agir d’un choix conscient, pour des motifs qui leur sont propres. Ce n’est pas un choix qui leur était imposé. Steckler confirme en contre-interrogatoire avoir rédigé les ententes[70]. Ils ont de plus choisi, pour les sociétés appartenant à la deuxième catégorie, d’utiliser comme prête-noms des sociétés dont ils n’étaient pas actionnaires. D’ailleurs, le fait que les intimés sont actionnaires de Limbar et Val Martin et non des sociétés de la deuxième catégorie illustre le peu d’importance que les intimés rattachaient aux actions de ces sociétés.

[132]      Ils doivent assumer les conséquences de leur choix. Ils ne peuvent prétendre être suffisamment à l'intérieur des sociétés alors qu’ils ont adopté une structure qui les garde à l’extérieur.

[133]      De toute façon, même si on leur accordait le statut de demandeurs, le recours en redressement échouerait pour les mêmes raisons que le recours en redressement de Limbar et de Val Martin échoue : la conduite dont ils se plaignent est liée à leur qualité de mandant ou de bénéficiaire et ils ont la possibilité de se prévaloir de l’action en reddition de comptes sous le régime de droit commun. Les intimés n’ont pas démontré en quoi leur situation justifie de leur accorder le recours extraordinaire au droit commun que constitue la demande de redressement.

[134]      Les demandes des intimés pour des enquêtes sur 4549, 3456, Varennes et 6833 en vertu de l’article 451 LSAQ doivent donc être rejetées.

  • États financiers vérifiés

[135]      Enfin, il reste à statuer sur la demande d’états financiers vérifiés.

[136]      Les intimés, n’étant pas actionnaires ni demandeurs au sens de l’article 451 LSAQ, ne peuvent demander des états financiers vérifiés. De plus, n’ayant aucun droit contractuel à des états financiers vérifiés en vertu des contrats de prête-nom rédigés par Steckler, il serait difficile de prétendre qu’ils ont une attente raisonnable à cet effet. Par contre, les appelants, en tant qu’actionnaires de Varennes, demandent la confection d’états financiers vérifiés pour cette société. Ils y ont droit.

  1. Autres sociétés visées (3225, 8019, 3511, 1731 et 7328)

[137]      Enfin, il reste quatre sociétés de gestion (3225, 8019, 3511 et 1731) contrôlées et administrées uniquement pour le bénéfice soit d’Abandonato ou de Charbonneau, ainsi que 7328, une compagnie de construction dont les actionnaires sont Abandonato et JeanLuc Poudrier. La juge rejette toutes les demandes quant à ces sociétés.

[138]      Je suis d’avis que cette conclusion est bien fondée.

[139]      D’abord, les intimés ne sont pas actionnaires et n’ont aucun droit à une enquête en vertu de l’article 421 LSAQ ni à des états financiers vérifiés.

[140]      Quant au recours en redressement, les intimés n’ont aucun intérêt direct ou indirect dans ces sociétés et ne sont pas « suffisamment ‘à l’intérieur’ » de ces sociétés.

  1. Est-ce que la juge a commis des erreurs quant aux modalités de l’ordonnance de préparer des états financiers vérifiés?
  1. Période à couvrir

[141]      Les parties sont toutes d’avis que la juge a erré quant à la période pour laquelle des états financiers vérifiés doivent être ordonnés. Quant à Limbar, Val Martin et Varennes, les appelants demandent que les états financiers vérifiés soient préparés depuis le début des activités des sociétés. Je suis d’avis qu’ils y ont droit à titre d’actionnaires.

141.1.2.   Nomination du vérificateur-comptable, balises de vérification des coûts, détermination du taux horaire, délai pour accomplir la mission, responsable d’acquitter les frais

[142]      Le jugement prévoit qu’à moins d’entente entre les parties pour désigner un vérificateur-comptable, M. Gros Jean sera désigné. Elle ne justifie pas pourquoi elle désigne M. Gros Jean à défaut d’entente entre les parties. M. Gros Jean est le vérificateur-comptable que les intimés ont suggéré. Je suis d’accord avec les appelants que les intimés n’ont donc aucun incitatif à s’entendre avec les appelants et que cela revient essentiellement à nommer le vérificateur-comptable privilégié par les intimés.

[143]      De plus, la juge a omis de prescrire des balises de vérification des coûts ainsi que de préciser le taux horaire, le délai pour accomplir le mandat et laquelle des parties sera responsable d’acquitter les honoraires. Dans l’arrêt Trackcom, le juge Gascon indique qu’un mécanisme de contrôle des coûts doit être prévu dans toute ordonnance d’une telle nature[71].

[144]      Quant à la responsabilité d’acquitter les coûts de la confection des états financiers vérifiés, il me semble approprié que ceux-ci soient à la charge des sociétés[72] ou, dans la mesure où une société ne dispose plus d’aucuns fonds, que les coûts soient répartis selon le pourcentage prévu dans les différentes conventions.

[145]      Pour les autres questions, soit la nomination d’un vérificateur-comptable, l’établissement des délais et le mécanisme de contrôle des coûts, je propose de renvoyer le dossier à la Cour supérieure, comme le proposent les intimés[73].

4. Est-ce que la juge a erré en omettant de trancher la demande de remboursement d’honoraires professionnels?

[146]      Enfin, les intimés soutiennent que la juge n’a pas tranché leur demande de remboursement d’honoraires professionnels.

[147]      Les intimés n’ont pas fait de demande formelle à cet effet, mais ils ont soulevé la question lors de leur plaidoirie. On peut comprendre que la juge ne se soit pas sentie saisie de la demande.

[148]      Les intimés avancent que la juge avait le pouvoir d’ordonner le remboursement d’honoraires professionnels en vertu du paragraphe 451(14º) LSAQ, qui confère au tribunal une large discrétion quant au paiement d’honoraires extrajudiciaires dans le cadre d’une demande fondée sur l’article 450 LSAQ[74].

[149]      Les intimés estiment qu’ils ont droit au remboursement d’honoraires professionnels puisqu’ils ont dû entreprendre des procédures afin d’obtenir de l’information notamment financière sur les sociétés qu’ils possèdent et sur leur gestion, et ce, en raison du refus d’Abandonato et de Charbonneau de coopérer avec eux et de la multiplication de leurs tactiques d’obstruction. Au contraire, la juge souligne que les demandeurs ont refusé une offre d’états financiers vérifiés par le passé[75].

[150]      Bref, considérant les circonstances en l’espèce et qu’il s’agit de surcroît d’un pouvoir discrétionnaire dont dispose la juge de première instance, je suggère de ne pas intervenir.

CONCLUSION

[151]      Somme toute, je suis d’avis que la juge n’aurait pas dû ordonner la confection d’états financiers vérifiés quant aux sociétés 4549, 6833 et 3456. Toutefois, elle pouvait ordonner la confection d’états financiers vérifiés pour les sociétés Varennes, Val Martin et Limbar.

[152]      Je propose de retourner le dossier en Cour supérieure afin que cette dernière puisse nommer le vérificateur-comptable et encadrer son mandat;

 

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 


Annexe 1

 

Nom de la société

Actionnariat

Administrateurs

Bénéficiaires

Société servant de prête-noms aux intimés

 

 

 

 

9191-4549 Québec inc.

 

- Charbonneau

 

- Charbonneau

-  Gartner (20%)

-  9148-3511 Québec inc. (40%)

  (société d'Abandonato)

-  693101 Canada inc.  (40%)

 (société de Steckler)

 

9145-3456 Québec inc.

 

- Abandonato

 

- Abandonato

-  Barrie Steckler Ltd. (10%)

-  I. Shawn Steckler Ltd. (10%)

-  Société liée à Abandonato (80%)

Développements Limbar inc.

-  Abandonato

-  Steckler

-  Steckler

-  Abandonato

-  Montilaur (société de Steckler) (50%)

-  9079-3225 Québec inc. (société dont Charbonneau est actionnaire) (50%)

 

Gestion Val Martin Ltée.

-  110302 Canada inc.

- 9079-3225 Québec inc.

-  119079 Canada inc.

-  Steckler

-  Abandonato

- 113002 Canada inc. (70%)

- 9079-3225 Québec inc. (20%) (société dont Charbonneau est actionnaire)

- 119079 Canada inc. (10%)

 

Varennes sur le Fleuve inc.

 

- Abandonato

 

- Abandonato

-  Montilaur (société de Steckler) (45%)

-  9148-3511 (société d'Abandonato) (35%)

-  I. Shawn Steckler Ltd. (10%)

-  Barrie Steckler (10%)

 

Société appartenant à

Abandonato/Charbonneau

 

 

 

9079-3225 Québec inc.

- Charbonneau

-  Abandonato

-  Charbonneau

 

9151-8019 Québec inc.

- Charbonneau

- Abandonato

 

9310-1731 Québec inc.

- Abandonato

- Abandonato

 

9266-7328 Québec inc.

-  Abandonato

-  Jean-Luc Poudrier

-  Abandonato

-  Jean-Luc Poudrier

 

9148-3511 Québec inc.

- Abandonato

- Abandonato

 

 

Société fiduciaire

 

 

 

9167-6833 Québec inc.

-  9148-3511 Québec inc. (société d'Abandonato)

-  Gestion Jacques Cooke inc.

-  Abandonato

-  Jacques Cooke

6833 investit avec Steckmar (société de Steckler) dans un projet intitulé

"Le Terroir"

 


[1]  Corporation Steckmar c. Abandonato, 2019 QCCS 2356.

[2]  RLRQ, c. S-31.1.

[3]  Dossier de la Cour supérieure portant le numéro 500-17-096202-166.

[4]   À moins d’indications contraires, toutes ces informations sont admises et se retrouvent dans l’Entente conjointe sur les faits.

[5]  Entente – Achat de terrains de la Ville de Longueuil, Québec, datée le 2 juin 2014.

[6]  Agreement of Mandate and Prête-nom - 68 lots to be purchased from the City of Longueuil - Arrondissement St-Hubert du 2 juillet 2008; Agreement of Indivision - 68 lots purchase du 2 juillet 2008.

[7]  Agreement of Mandate and Prête-nom - Mercier, Québec du 24 mars 2006; Agreement of Indivision - Mercier, Québec, du 24 mars 2006.

[8]  Agreement of Mandate and Prête-nom - Hameau des Pins Project - Candiac, Québec, du 1er août 2003; Agreement of Indivision - Hameau des Pins Project - Candiac, Québec, du 1er août 2003.

[9]  Agreement of Mandate and Prête-nom - Varennes sur le Fleuve inc. du 17 février 2005; Agreement of Indivision - Varennes sur le Fleuve inc. du 17 février 2005.

[10]  Corporation Steckmar c. Abandonato, 2019 QCCS 2356 [jugement entrepris].

[11]  Jugement entrepris, paragr. 34-52.

[12]  Id., paragr. 53-71.

[13]  Id., paragr. 72-117.

[14]  Id., paragr. 118-124.

[15]  Jugement entrepris, paragr. 130-131.

[16]  9068-5983 Québec inc. c. Abandonato, 2019 QCCS 4633; I. Shawn Steckler ltée c. Abandonato, 2019 QCCS 4634; Corporation Steckmar inc. c. Abandonato, 2019 QCCS 4635.

[17]  Abandonato c. Corporation Steckmar, 2020 QCCA 113.

[18]  Beauchemin c. Wart, 2020 QCCA 945, paragr. 58; Spitzer c. Magny, 2017 QCCA 1943, paragr. 22; Guillemette c. Bourassa, 2016 QCCA 1019, paragr.  6. Voir aussi Dion c. Dion, 2021 QCCA 114, paragr. 16 (plus précisément sur la discrétion dans le choix du remède). Voir aussi Wilson c. Alharayeri, 2017 CSC 39, paragr. 59 (sur la norme d’intervention quant à l’article 241 LCSA).

[19]  Sabourin c. Kaycan ltée, 2016 QCCA 21, paragr. 43.

[20]  Jugement entrepris, paragr. 119.

[21]  Pour Limbar, Agreement of Mandate and Prête-nom - Mercier, Québec du 24 mars 2006, Entente conjointe sur les faits, paragr. 56. Pour Val Martin, Agreement of Mandate and Prête-nom - Hameau des Pins Project - Candiac, Québec, Entente conjointe sur les faits, paragr. 63.

[22]  Victuni c. Ministre du Revenu du Québec, [1980] 1 RCS 580, p. 584-585.

[23]  Voir articles 1351-1352, 1363-1364, 2139, 2184 C.c.Q.; 675-678 C.p.c.

[24]  LSAQ, art. 225 et s.

[25]  Trackcom Systems International Inc. c. Trackcom Systems Inc., 2014 QCCA 1136 [Trackcom], paragr. 51. Voir aussi Raymonde Crête et Stéphane Rousseau, Droit des sociétés par actions, 4e éd., Montréal, Thémis, 2018, p. 753-756, paragr. 1706-1711.

[26]  Trackcom, supra, note 25.

[27]  LRC (1985), ch. C-44.

[28]  Labranche c. Binet, 2015 QCCS 1244, paragr. 68; Binette c. Club naturiste Les loisirs Air-Soleil inc., 2015 QCCS 1974, paragr. 34-35, 68; Sabbah c. Obadia Amar, 2015 QCCS 307, paragr. 167.

[29]  Trackcom, supra, note 25, paragr. 52-56.

[30]  Trackcom, supra, note 25, paragr. 54.

[31]  Jugement entrepris, paragr. 127.

[32]  Trackcom, supra, note 25, paragr. 55-57.

[33]  Id., paragr. 57-58, citant Godon c. Cie de taxi Laurentides inc., 2006 QCCS 5133, paragr. 70 (j. Clément Gascon alors qu’il était à la Cour supérieure).

[34]  Godon c. Cie de taxi Laurentides inc., supra, note 33, paragr. 72, cité dans Trackcom, supra, note 25, paragr. 57.

[35]  Trackcom, supra, note 25, paragr. 57, citant Godon c. Cie de taxi Laurentides, supra, note 33, paragr. 73.

[36]  Id., paragr. 58.

[37]  Jugement entrepris, paragr. 123.

[38]  Voir articles 1351-1352, 1363-1364, 2139, 2184 C.c.Q.; 675-678 C.p.c.

[39]  Il n’est pas tout à fait clair dans quelle mesure les intimés ont exercé ce recours et ont obtenu des redditions de comptes. Une ordonnance rendue dans le dossier prévoit des redditions de comptes mensuelles depuis mai 2017, de même qu’une reddition de comptes pour la période allant du 2 novembre 2016 au 30 avril 2017; voir Jugement de la Cour supérieure sur une demande en modification des Défendeurs pour modifier les ordonnances de sauvegarde (Castonguay, J.C.S.), 24 mai 2017.

[40]  Trackcom, supra, note 25, paragr. 51.

[41]  Ibid.

[42]  BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, 2008 CSC 69, paragr. 56, 67-68. Voir aussi Wilson c. Alharayeri, supra, note 18, paragr. 24; Gestion Simon-Pierre Péladeau inc. c. Placements Péladeau inc. [Péladeau], 2021 QCCA 956, paragr. 39; Softmedical inc. c. Daabous [Softmedical], 2017 QCCA 1270, paragr. 80.

[43]  Péladeau, supra, note 42, paragr. 39. Voir aussi Softmedical, supra, note 42, paragr. 79-82.

[44]  BCE, supra, note 42, paragr. 68; Péladeau, supra, note 42, paragr. 39.

[45]  Péladeau, supra, note 42, paragr. 40-41. Voir aussi Softmedical, supra, note 42, paragr. 81.

[46]  Softmedical, supra, note 42, paragr. 81.

[47]  Péladeau, supra, note 42, paragr. 43; Softmedical, supra, note 42, paragr. 82.

[48]  Softmedical, supra, note 42, paragr. 82.

[49]  Ibid.

[50]  Péladeau, supra, note 42, paragr. 43.

[51]  Voir Charles Chevrette et Wayne D. Gray, Loi sur les sociétés par actions du Québec : Analyse et commentaires, feuilles mobiles, Yvon Blais, à jour en date du 13 juillet 2021, p. 1-6, paragr. 21, p. 2-1224.

[52]  Raymond Bachand (ministre des Finances), Document de référence : explications et commentaires aux parlementaires sur le projet de loi sur les sociétés par actions, vol. 2, Québec, Finances Québec, 2009, art. 450, p. 365. Voir aussi Paul Martel, La société par actions au Québec : les aspects juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur, Martel ltée, 2021, paragr. 31-511, 31-511.1 [P. Martel, La société par actions].

[53]  Péladeau, supra, note 42, paragr. 76.

[54]  Trackcom, supra, note 25, paragr. 27, 39, 40.

[55]  La juge traite de Varennes et 3456 dans la première catégorie.

[56]  Entente – Achat de terrains de la Ville de Longueuil, Québec, datée le 2 juin 2014.

[57]  LSAQ, art.2, définition de « groupe ».

[58]  LSAQ, art.2, définition de « contrôle ».

[59]  Jugement entrepris, paragr. 64-66.

[60]  Id., paragr. 65-66.

[61]  Ce mot semble mal choisi. Peut-être que l’auteur voulait dire les droits ou les attributs.

[62]  Paul Martel, « Mes principales joies et frustrations par rapport aux dix premières années de la Loi sur les sociétés par actions » dans Stéphane Rousseau, dir., 10e anniversaire de la Loi sur les sociétés par actions du Québec : rétrospective, perspective et prospective, Montréal, Wilson & Lafleur, Martel ltée, 2021, p. 206 et s. [P. Martel, « Mes principales joies et frustrations »], p. 215-216.

[63]  Cette approche a depuis été reprise : Fortier c. Douceurs de l’Érable Brien inc., 2020 QCCS 2121, paragr. 31; Trudeau c. Laboratoire Du-Var inc., 2020 QCCS 2600, paragr. 7.

[64]  Jugement entrepris, paragr. 20, 60. Voir en ce sens P. Martel, « Mes principales joies et frustrations », supra, note 62,  p. 213-219; P. Martel, La société par actions, supra, note 52, paragr. 31-508.1, 31-510; Chevrette et Gray, supra, note 51, p. 1-11, paragr. 45; Caroline Dion et Marc-André Landry, « La protection des actionnaires minoritaires au Québec : où en sommes-nous quatre ans après l’entrée en vigueur de la Loi sur les sociétés par actions? » dans Développements récents en droit des affaires (2014), Service de la formation continue du Barreau du Québec, 2014, p. 78. Voir aussi Bachand supra, note 52, art. 450, p. 365.

[65]  P. Martel, « Mes principales joies et frustrations », supra, note 62, p. 218-219. Voir aussi Kevin T. McGuiness, Canadian Business Corporation Law, 2e éd., Markham, Lexis Nexis, 2007, paragr. 13.77, cité dans Likhatchev c. Karnasfrooshan, 2019 QCCS 1386, paragr. 36 (j. Pinsonnault) qui écrit au sujet de la LCSA, notamment: « Where a simple breach of contract, or comparable legal wrong, has occurred, it is not appropriate for the court to invoke the oppression provisions of the Act merely because the party in breach is a corporation »; Chevrette et Gray, supra, note 51, p. 1-11, paragr. 45.

[66]  C3F Consultants inc. c. Nokia Siemens Networks Canada Inc./Nokia Siemens Réseaux Canada inc., 2012 QCCA 978, paragr. 21.

[67]  Id., paragr. 27.

[68]  Voir Fortier c. Douceurs de l’Érable Brien inc., supra, note 63, paragr. 31; Crête et Rousseau, supra, note 25, p. 657, paragr. 1483.

[69]  Limbar et Val Martin agissent aussi comme prête-noms, mais il n’est pas nécessaire d’en traiter ici, vu que les intimés en sont actionnaires.

[70]  Contre-interrogatoire d’Arthur Steckler, 10 janvier 2019.

[71]  Trackcom, supra, note 25, paragr. 68, 70.

[72]  Sabourin c. Kaycan ltée, supra, note 19, paragr. 9; Groupe Soucy inc. c. Services ménager Soucy inc., 2016 QCCS 1460, paragr. 21, permission d’appeler rejetée, 2016 QCCA 985; Sawyer c. S. Teller Ltd., 2012 QCCS 5416, paragr. 231.

[73]  Voir Sabourin c. Kaycan ltée, supra, note 19, paragr. 10.

[74]  Péladeau, supra, note 42, paragr. 94; Turcotte c. Turcotte, 2021 QCCA 567, paragr. 75, 77.

[75]  Jugement entrepris, paragr. 123.

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