M.D. c. Procureur général du Québec |
2021 QCCA 598 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
200-09-010100-193 |
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(200-17-028817-187) |
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DATE : |
16 avril 2021 |
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M... D... |
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APPELANTE - demanderesse |
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c. |
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC |
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et |
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COMMISSION DES NORMES, DE L’ÉQUITÉ, DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL |
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INTIMÉS - mis en cause |
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et |
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TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU QUÉBEC |
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MIS EN CAUSE - défendeur |
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[1] L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 26 août 2019 par l’honorable Nathalie Pelletier de la Cour supérieure, district de Québec[1].
[2] Ce jugement rejette le pourvoi en contrôle judiciaire de l’appelante à l’encontre d’une décision du Tribunal administratif du Québec (« TAQ ») rendu le 28 novembre 2018, laquelle confirme, entre autres, une décision rendue le 2 décembre 2015 par le Bureau de la révision administrative IVAC/CIVISME refusant la demande de prestations de l’appelante au motif qu’elle n’a pas été personnellement victime ni témoin direct d’un acte criminel[2].
[3] L’appelante est la mère de J... D..., une jeune femme assassinée de manière brutale en bordure d’une piste cyclable le 21 octobre 2014. L’auteur de ce crime n’a jamais été identifié.
[4] L’appelante apprend le tragique événement le lendemain matin lorsque les policiers viennent la rencontrer et lui demandent d’identifier sa fille sur une photo sur laquelle apparaît son visage tuméfié. De retour à son domicile, l’appelante visionne, à de nombreuses reprises, un extrait d’un reportage qu’un ami lui a fait suivre. Elle voit sa fille recevoir des soins d’urgence. Elle reconnaît son visage et ses vêtements.
[5] À la suite des événements, l’appelante développe des symptômes de trouble de stress aigu qui évoluent vers un stress post-traumatique accompagné d’un trouble dépressif majeur.
[6] C’est dans ce contexte qu’elle réclame auprès de l’IVAC une prestation pour « aide psychothérapeutique aux proches et victime à part entière ».
[7] L’IVAC accepte sa demande à titre de « proche » visée à l’article 5.1 de la Loi[3] et lui accorde un maximum de 30 traitements psychothérapeutiques[4], sans possibilité de prolongation. Elle refuse de compenser les frais de transport pour se rendre à ces rencontres. Au terme du processus administratif, l’appelante conteste ces décisions, qui sont néanmoins confirmées par le TAQ.
[8] L’IVAC refuse sa demande de prestation en qualité de victime d’un acte criminel puisqu’elle n’a pas, personnellement, été victime ou témoin direct du meurtre de sa fille. Aux termes du processus de révision, l’appelante conteste également cette décision devant le TAQ.
[9] Au début de l’audience, le TAQ ordonne l’exclusion des témoins, y compris la psychologue traitante de l’appelante. Il maintient également certaines objections à son témoignage d’opinion puisqu’il considère qu’en raison du lien thérapeutique l’unissant à l’appelante, la psychologue n’a pas l’impartialité ni l’indépendance voulues pour être reconnue comme témoin expert. Il émet aussi des réserves sur la pertinence du témoignage dans la mesure où le rapport médical produit, qui confirme le diagnostic, n’est pas contredit.
[10] Après avoir décliné compétence relativement aux décisions rendues concernant les prestations accordées à titre de proche d’une victime, le TAQ note que le véritable enjeu porte sur la reconnaissance du statut de victime à l’appelante.
[11] Le TAQ, dans une décision de 183 paragraphes, s’enlise dans une longue analyse afin de déterminer qu’il existe quatre situations où une personne peut être considérée comme victime au sens de l’article 3 LIVAC[5], et deux situations donnant ouverture à une indemnité comme proche d’une victime en vertu de l’article 5.1 de la même Loi.
[12]
La victime « directe » est celle dont le préjudice
« résulte directement » de l’acte criminel au sens de
l’article
[13] Le TAQ établit ensuite une distinction entre la victime « non directe », indemnisable, et la « victime indirecte », assimilée à une victime par ricochet qui ne peut être compensée en vertu de la Loi.
[14] Pour qu’une personne soit reconnue comme victime « non directe », un acte criminel doit avoir été commis à l’encontre d’une victime « directe », et la preuve doit démontrer que le contrevenant « ne se souciait pas d’engendrer une crainte potentielle et prévisible à l’égard de l’intégrité physique d’autrui ».
[15] L’analyse doit tenir compte de divers éléments, dont notamment : la présence au lieu du crime, le degré de sa participation active, le lien avec la victime directe et la crainte potentielle et prévisible quant à son intégrité physique. Cet exercice permettra au tribunal de déterminer s’il y a relation causale entre le préjudice psychologique et le crime, à savoir si ce préjudice s’est produit « à l’occasion d’un acte criminel ».
[16] Si la personne ne se qualifie pas comme « victime » sous l’article 3 de la Loi, elle peut encore avoir droit à une indemnité en vertu de l’article 5 en tant que « proche » de la victime. Sinon, elle ne sera pas indemnisée en vertu de la Loi.
[17] En appliquant ces principes au dossier de l’appelante, le TAQ rejette son recours. Il convient de reproduire ses motifs essentiels au long :
[167] Considérant que le crime considéré est le meurtre de la fille de la requérante par un agresseur inconnu, la principale victime est donc la fille qui est morte suite aux coups (« actus reus » fait matériel) alors qu’il avait l’intention de la tuer ou en ne se souciant pas que les lésions corporelles causent la mort (« mens rea » intention criminelle).
[168] Puisque l’agresseur est inconnu, le Tribunal ne peut déduire qu’au moment où il commettait ce meurtre, il avait également l’intention de blesser directement et personnellement la requérante, comme dans les cas de drame familial.
[169] Considérant que la situation factuelle ne permet pas au Tribunal d’accorder le statut de victime directe à la requérante, elle doit donc se qualifier en fonction que la blessure subie par la requérante s’est produite à l’occasion du meurtre commis sur sa fille.
[170] Considérant que la preuve soumise n’établit d’aucune façon la présence réelle de la requérante sur les lieux au moment de la perpétration du crime.
[171] Considérant que la preuve soumise ne permet pas d’étudier la situation de la requérante sous l’angle des paragraphes b) et c) de l’article 3 de la Loi.
[172] Considérant que pour se qualifier en tant que victime au sens de la Loi, la requérante doit démontrer de façon prépondérante, que la blessure qu’elle a subie, s’est produite à l’occasion du meurtre de sa fille par l’acte de l’agresseur inconnu.
[173] Considérant que la requérante n’était pas présente sur les lieux au moment et sur les lieux où l’acte criminel s’est produit, le Tribunal ne peut pas la considérer comme un témoin direct de l’événement.
[174] Considérant que les policiers ont rencontré la requérante afin de l’informer du décès de sa fille suite à l’agression et de lui demander de l’identifier sur photo.
[175] Considérant que, par cette information transmise par les policiers, la requérante apprend la mort violente de sa fille ce qui engendre la blessure.
[176] Considérant que le visionnement de la vidéo est postérieur à la connaissance de la mort brutale de sa fille et n’ajoute rien en rapport avec l’acte criminel.
[177] Considérant que le visionnement des images diffusées sur les ondes ne change pas le moment où s’est produit le préjudice psychologique.
[178] Considérant qu’au moment où la requérante visionne la séquence vidéo où l’on voit les ambulanciers tentés vainement de réanimer sa fille, elle avait déjà été informée par les policiers du meurtre sordide de sa fille. Conséquemment, de l’avis du Tribunal, la preuve ne permet pas de conclure que la requérante était dans une situation susceptible de lui faire craindre potentiellement et prévisiblement pour sa propre intégrité physique.
[179] Vu que la séquence vidéo démontre uniquement les conséquences de l’acte criminel et qu’elle ne s’inscrit pas dans l’intention et la perpétration de l’infraction par l’agresseur, le Tribunal ne peut conclure que la blessure psychologique de la requérante est survenue « à l’occasion de » la commission de l’acte criminel.
[180] Considérant, que, pris dans son ensemble, le contexte soumis en preuve ne permet pas de démontrer de façon claire et convaincante la présence d’une crainte potentielle et prévisible quant à l’intégrité physique de la requérante.
[181] De ce qui précède, en considérant l’ensemble des éléments factuels en preuve et en l’absence particulièrement d’une crainte potentielle et prévisible quant à l’intégrité physique de la requérante, le Tribunal doit conclure que le préjudice psychologique subit par la requérante ne s’est pas produit à l’occasion du meurtre de la fille de la requérante et ne remplit pas les critères pour être reconnu à titre de victime au sens de l’article 3 de la Loi IVAC.
[182] Considérant ce meurtre, le préjudice psychologique reconnu et admis qu’elle a subi et les dispositions spécifiques de l’article 5.1 de la Loi, le Tribunal considère qu’il était bien fondé en faits et en droit d’établir que la requérante avait droit à des mesures de réadaptation psychothérapeutique.
[183] Bien que sensible à la situation dramatique et à l’intensité des préjudices psychologiques subis par la requérante, eu égard aux dispositions applicables et ne pouvant agir en équité, le Tribunal n’a d’autres choix que de rejeter le présent recours.
[Références omises; soulignements ajoutés]
[18] Le 13 décembre 2018, l’appelante dépose une demande de pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du TAQ[6].
[19] Elle allègue que la décision est abusive, déraisonnable, illégale et ultra vires des pouvoirs du TAQ, notamment (1) parce que le TAQ a violé son droit d’être entendue en ne reconnaissant pas à la psychologue Fafard le statut de témoin expert et les privilèges qui y sont rattachés, et (2) parce que l’appelante a clairement démontré qu’elle est victime d’un stress post-traumatique « à l’occasion » du meurtre de sa fille au sens de l’article 3(a) de la LIVAC[7].
[20] La juge, après avoir conclu que la question soumise relève de l’expertise du TAQ, section des affaires sociales, qu’il s’agit d’une question qui touche aux faits, et que l’exercice par le TAQ de sa compétence est protégée par une clause privative complète, retient que l’analyse doit se faire en fonction de la norme de la décision raisonnable.
[21] La juge estime qu’il ne lui revient pas de se saisir de la question en litige et de statuer à la place du TAQ, car ce dernier doit bénéficier d’un haut degré de déférence. Elle doit s’abstenir d’intervenir si elle constate que le TAQ a agi dans les limites de sa compétence et que sa décision est raisonnable compte tenu de la preuve qui lui a été présentée.
[22] Forte de ces principes, elle conclut que la décision du TAQ de refuser le statut de victime à l’appelante appartient aux issues possibles acceptables en regard des faits et du droit.
[23] La décision du TAQ de refuser de reconnaître la psychologue comme témoin expert et de lui permettre d’assister au témoignage de l’appelante est également raisonnable.
[24] L’appelante identifie le moyen d’appel suivant[8] :
L’appelante est-elle
une « victime » au sens de l’article
[25] Toutefois, comme le souligne à juste titre l’intimée, l’argumentaire laisse plutôt transparaître deux moyens d’appel :
1 Le TAQ a-t-il rendu une décision raisonnable en concluant que l’appelante n’est pas une victime au sens de la LIVAC?
2- Le TAQ a-t-il violé le droit d’être entendu de l’appelante en refusant de permettre à la psychologue Fafard de bénéficier des privilèges du témoin expert?
[26] Il s’agit d’un appel d’un jugement statuant sur un pourvoi en contrôle judiciaire. Le rôle de la Cour consiste donc à vérifier si la bonne norme de contrôle a été employée par le juge siégeant en révision, puis à s’assurer qu’il l’a appliquée correctement[9]. Cet exercice exige de se concentrer sur la décision administrative[10].
[27]
La définition du terme « victime » soulève une question de fait
et de droit qui se trouve au cœur du mandat exclusif confié par le législateur
au TAQ en vertu de l’article 65 de la Loi sur les accidents du travail[11] et des articles
[28] Dans Vavilov, la Cour suprême enseigne que l’examen d’une décision administrative sur le fond a comme point de départ la « présomption selon laquelle le législateur a voulu que la norme de contrôle applicable soit celle de la décision raisonnable. »[13]. Cette présomption peut être réfutée si le législateur prescrit expressément une norme de contrôle différente ou s’il prévoit un mécanisme d’appel à l’encontre de la décision administrative devant une cour de justice[14]. Ce n’est pas le cas en l’espèce. La primauté du droit n’exige pas non plus l’application de la norme de la décision correcte puisque le pourvoi ne soulève pas une question constitutionnelle, une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble ou une question liée aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs[15].
[29] Somme toute, bien qu’elle ne bénéficiât pas des enseignements de l’arrêt Vavilov, la juge de première instance a conclu, à bon droit, que la norme applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable.
[30] La juge a cependant erré dans son application de la norme. En effet, la décision du TAQ se fonde sur un raisonnement erroné, inintelligible et incohérent.
[31]
Le TAQ s’appuie sur un fondement erroné découlant d’une mauvaise lecture
de l’article
La lecture erronée de
l’article
[32]
L’article
3. La victime d’un crime, aux fins de la présente loi, est une personne qui, au Québec, est tuée ou blessée: a) en raison d’un acte ou d’une omission d’une autre personne et se produisant à l’occasion ou résultant directement de la perpétration d’une infraction dont la description correspond aux actes criminels énoncés à l’annexe de la présente loi; [Soulignements ajoutés] |
3. A crime victim, for the purposes of this Act, is any person killed or injured in Québec: (a) by reason of the act or omission of any other person occurring in or resulting directly from the commission of an offence the description of which corresponds to the criminal offences mentioned in the schedule to this Act; (Emphasis added) |
[33] Le TAQ décortique les différents éléments constitutifs du statut de « victime » au sens de cet article et identifie, comme troisième élément essentiel pour bénéficier de ce statut, que « la mort ou la blessure résulte directement ou se produit à l’occasion de la commission de l’acte criminel »[17].
[34]
Or, une lecture attentive de l’article
[35] Cette interprétation correspond d’ailleurs à la version anglaise du texte : “A crime victim […] is any person killed or injured in Québec : (a) by reason of the act or omission of any other person occurring in or resulting directly from the commission of an offence”.
[36] Puisque l’acte ou l’omission doit se produire « à l’occasion » ou résulter directement de l’acte criminel, il s’ensuit que la blessure ou la mort, elle, doit être survenue « en raison de » l’acte ou de l’omission en question.
[37] La lecture erronée de l’article 3 a) par le TAQ teinte l’ensemble de sa décision et l’amène à conclure qu’il doit exister un lien étroit entre la blessure et la commission de l’acte criminel, alors que ce n’est pas ce que l’article prévoit[18] .
[38] Cette interprétation amène ainsi le TAQ à établir diverses catégories de victimes :
[74] En regard de l’’article 3 de la Loi, on distingue quatre possibilités d’être reconnues victimes, soient : la victime directe (« résulte directement »), victime non directe (celle dont la blessure « se produit à l’occasion »), la victime blessée alors qu’elle tente d’arrêter ou arrête le contrevenant (art. 3 paragraphe b) de la Loi) et la victime blessée alors qu’elle tente de prévenir ou prévient la perpétration de l’infraction (art.3 paragraphe c) de la Loi)[19].
[Références omises; soulignements ajoutés]
[39] Le TAQ tente d’élaborer une définition de ce qu’il faut entendre par une victime « non directe ». L’explication est longue, tarabiscotée et incompréhensible. Le TAQ consacre davantage d’effort à énoncer ce que la victime « non directe » n’est pas, plutôt que de définir le concept. Il met en garde le lecteur sur le danger de confondre la victime « non directe » et la victime « indirecte » qui, elle, ne serait pas indemnisable[20]. Il n’explique cependant pas ce qu’inclut le concept de victime « indirecte ».
[40] Selon ce qu’il est possible de déduire des motifs, la victime « non directe » (i) n’est pas une victime « directe »[21]; (ii) n’est pas une victime visée aux paragraphes b) et c) de l’article 3 de la LIVAC[22]; (iii) n’est pas nécessairement une personne présente lors de la commission de l’acte criminel[23]; (iv) n’est pas nécessairement une personne qui a une participation active lors de la perpétration de l’acte criminel[24]; (v) n’est pas toute personne qui subit des effets psychologiques à la suite d’un acte criminel[25].
[41] Le critère déterminant pour trancher si une personne se qualifie à titre de victime « non directe » semble être celui de la « crainte potentielle et prévisible quant à son intégrité physique »[26]. Ce critère ne se retrouve toutefois pas dans la jurisprudence citée par le TAQ, ni dans les articles de la Loi.
[42] Un réclamant serait incapable, à partir de cette analyse, de connaître son statut. Le caractère inintelligible de la décision suffit à conclure qu’elle n’est pas raisonnable.
Les contradictions majeures qui affectent la logique du raisonnement
[43] Par ailleurs, le TAQ réfère à la jurisprudence[27], qui dans le contexte de drames familiaux, assimile le parent dont les enfants sont assassinés par l’autre parent à une victime directe, car il était visé personnellement et directement par l’autre conjoint[28]. Dans de tels cas, la présence sur les lieux du parent au moment du crime et sa participation active ne sont pas essentielles[29].
[44] Le TAQ s’appuie sur ces décisions pour conclure que l’appelante n’est pas une victime au motif : 1) que l’agresseur de sa fille est inconnu, donc qu’on ne peut déduire qu’il avait l’intention de blesser directement et personnellement l’appelante[30], (2) que l’appelante n’était pas sur les lieux au moment du crime[31] et (3) qu’elle n’a pas joué de rôle actif au moment du drame, ayant visionné la vidéo postérieurement au décès de sa fille[32].
[45] Le critère qui rend l’indemnisation tributaire de l’intention de l’agresseur ne découle aucunement de la Loi et a pour effet d’en restreindre la portée de façon importante. Il est souvent difficile, parfois même impossible, pour la victime de connaître l’intention de l’agresseur, surtout lorsque, comme dans le cas présent, son identité est inconnue. Ce raisonnement ne cadre pas avec le caractère social de la Loi.
[46] Le TAQ n’explique pas davantage en quoi l’appelante ne se qualifie pas comme « victime » sous l’article 3 de la Loi.
[47] Bref, pour l’ensemble de ces raisons, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris, d’annuler la décision du TAQ et de lui retourner le dossier afin qu’il décide de la réclamation de l’appelante en fonction des faits du dossier et du droit applicable.
[48] L’appelante estime que le TAQ a violé son droit fondamental d’être entendue et de faire valoir ses moyens en l’empêchant de questionner sa psychologue sur l’impact des images vidéos visionnées sur sa condition psychique.
[49] Ce moyen d’appel doit être rejeté.
[50] La question de la qualification d’un expert est une question qui participe de l’évaluation de la preuve et elle ne soulève aucun enjeu de justice naturelle[33]. Ainsi, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable[34].
[51] Dans White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., la Cour suprême explique que celui qui veut présenter un témoignage d’expert doit démontrer qu’il satisfait aux critères d’admissibilité, lesquels sont : la pertinence, la nécessité, l’absence de toute règle d’exclusion et la qualification suffisante de l’expert[35].
[52] Or, le TAQ était justifié de conclure que le témoignage de la psychologue n’était pas nécessaire dans la mesure où le diagnostic de l’appelante n’est pas contesté. Un rapport d’expert rédigé par un psychiatre établit le lien entre l’événement du 21 octobre 2014 et le trouble de stress post-traumatique dont souffre l’appelante. Dans ce contexte, la question soumise au TAQ était essentiellement de nature juridique puisqu’il s’agissait de définir la notion de « victime » au sens de la Loi.
POUR CES MOTIFS LA COUR :
[53] ACCUEILLE l’appel;
[54] INFIRME le jugement entrepris;
[55] ANNULE la décision rendue par le TAQ le 28 novembre 2018;
[149] RETOURNE le dossier au TAQ afin qu’il se prononce à nouveau sur le recours de l’appelante.
[1]
M.D. c. Tribunal administratif du Québec,
[2]
M.D. c. Québec (Procureur général),
[3] Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, RLRQ, c. I-6 (la « Loi » ou « LIVAC »).
[4] Décision du TAQ, paragr. 3.
[5] Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, RLRQ, c. I-6.
[6] Plumitif, no 200-17-028817-187, entrée 1; Pourvoi en contrôle judiciaire, 13 décembre 2018, E.A., vol. 1, p. 104-118.
[7] Pourvoi en contrôle judiciaire, 13 décembre 2018, E.A., vol. 1, p. 111-114.
[8] A.A., p. 6, paragr. 23.
[9]
Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile),
[10] Agraira
c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), supra, note 9, paragr.
46, citant : Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé),
[11] RLRQ, c. A-3, art. 65. La Loi sur les accidents du travail a été remplacée par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001, mais elle demeure en vigueur aux fins, entre autres, de l’application de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, RLRQ, c. I-6.
[12] Loi sur la justice administrative, RLRQ, c. J-3, art. 15, 18 et 28, et annexe 1, art. 6.
[13]
Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov,
[14] Id., paragr. 33.
[15] Id., paragr. 53.
[16] Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels, RLRQ, c. I-6, art. 3a).
[17] Décision du TAQ, paragr. 52.
[18] Id., paragr. 97 et 113-114.
[19] Id., paragr. 74.
[20] Id., note de bas de page 22.
[21] Décision du TAQ, paragr. 76.
[22] Id., paragr. 104.
[23] Id., paragr. 81-83 et 121.
[24] Id., paragr. 143-145.
[25] Id., paragr. 129.
[26] Id., paragr. 142-146.
[27]
C.P. c. Québec (Procureur général), 2015 QCTAQ 051035; P.D.
c. Québec (Procureur général),
[28] Décision du TAQ, paragr. 73 et 132.
[29] Décision du TAQ, paragr. 81-83, 87, 131 et 143.
[30] Décision du TAQ, paragr. 168.
[31] Id., paragr. 170 et 173.
[32] Id., paragr. 176-179.
[33]
Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville),
[34]
Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville),
[35]
White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton
Co.,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.