Office municipal d'habitation de Montréal c. Cantin | 2023 QCTAL 25613 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 705226 31 20230426 G | No demande : | 3895598 | |||
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Date : | 29 août 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Camille Champeval | |||||
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Office municipal d'habitation de Montréal |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Brigitte Cantin |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice requiert la résiliation du bail, l’éviction de la locataire et de tous les occupants du logement, l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et le paiement des frais judiciaires.
[2] Bien que dûment notifiée de la demande, la locataire est absente à l’audience.
La preuve
[3] Il s'agit d'un bail de logement à loyer modique au sens de l'article
[4] Les parties sont liées par un bail reconduit, du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.
[5] Le loyer actuel a été déterminé par défaut à 461 $ par mois, la locataire n’ayant pas fourni les documents requis pour permettre à la locatrice d’en établir le montant.
[6] Nathalie Joyal est agente de location à l’emploi de la locatrice.
[7] Elle énonce que la locataire ne collabore pas dans le processus de reconduction du bail. Elle n’a pas fourni les documents requis à la détermination du loyer pour le terme 2020-2021 et 2021-2022.
[8] Ce n’est pourtant pas faute de lui avoir transmis des avis détaillés, poursuit-elle, documents à l’appui. Des missives lui ont été expédiées les 18 juin 2020, 18 janvier 2021, 30 juin 2021, 11 février 2022 et 26 janvier 2023.
[9] En sus de ces lettres, Nathalie Joyal a appelé la locataire à de nombreuses reprises et lui a également fixé un rendez-vous, auquel la locataire ne s’est pas présentée.
[10] Malgré cela, les preuves des revenus (années 2020 et 2021) de la locataire et de son fils adulte, ainsi que les formulaires de déclaration de composition de ménage, sont toujours manquants à ce jour.
[11] Nathalie Joyal dénonce le préjudice sérieux subi par la locatrice en raison des manquements de la locataire. Elle bénéfice d’un logement à loyer modique, sans toutefois offrir la collaboration requise pour permettre à la locatrice de déterminer ledit loyer. La locataire contrevient à ses obligations envers la locatrice alors que 23 000 personnes attendent de bénéficier d’un logement à loyer modique.
Droit applicable et analyse
[12] L'article
[13] L'article
[14] L'article
[15] Quant à l'article
« 18. Aux fins de la conclusion du bail ou de sa reconduction, le locataire doit fournir au locateur le nom des personnes qui habitent avec lui et les preuves requises pour la détermination du loyer. Ces renseignements doivent être fournis dans un délai d'un mois de la demande du locateur.
En tout temps, le locataire est tenu d'informer le locateur lorsqu'il y a ajout d'occupant, et ce, dans un délai d'un mois de l'arrivée du nouvel occupant.
S'il y a ajout d'occupant entre la date de réception des renseignements visés au premier alinéa et la date de la conclusion du bail ou de sa reconduction, selon le cas, ces nouveaux occupants sont considérés pour la détermination du loyer prévu à l'article 5. »
[16] Dans une décision récente[1], le juge administratif Marc Landry analyse l’application de ces dispositions, alors qu’il doit disposer d’une demande de résiliation de bail fondée sur des motifs similaires à ceux de la présente demande :
« [12] Manifestement, le locataire refuse de remplir ses obligations.
[13] Cela cause un préjudice sérieux au locateur qui doit gérer de façon équitable les logements sociaux et respecter les règlements prévus à cet égard. Cela perturbe le processus d'attribution des logements et prive le locateur de revenus auxquels il aurait autrement droit. Tels sont les motifs retenus par le soussigné pour résilier le bail dans la cause Office municipal d'habitation de Longueuil c. Corbeil (1).
[14] Dans l'affaire Coopérative d'habitation des ethnies c. Elvécia Bontemps (2), la juge administrative Chantale Bouchard passe en revue la jurisprudence sur les principes applicables et la notion de préjudice sérieux subi lors de fausses déclarations, omissions ou réticences d'un bénéficiaire de logement à loyer modique :
« [73] Étant donné les dispositions impératives attachées à la location d'un logement à loyer modique ainsi que la fonction sociale implicite et les deniers publics impliqués, il est de jurisprudence constance que le défaut de se conformer aux obligations prescrites à la loi et la réglementation applicable dans ce cadre particulier entraîne préjudice sérieux. Le Tribunal est également de cet avis. De plus, il n'y a pas lieu de distinguer entre réticences, omissions ou une fausse déclaration touchant soit la divulgation de tous les occupants du logement à loyer modique ou leurs revenus.
[74] Dans l'affaire Lag c. Office municipal d'habitation de Montréal, l'honorable juge Michel A. Pinsonnault de la Cour du Québec, siégeant en Division administrative et d'appel d'une décision de la Régie du logement, fait une revue étoffée de la jurisprudence sur cette question du préjudice sérieux lorsqu'un logement à loyer modique est impliqué. Il y a lieu d'en reprendre certains passages pour en comprendre l'essentiel, dont les paragraphes 55 et 56(3) qui marquent davantage ses conclusions, d'où il ressort que les prescriptions de l'article
[75] À l'instar de ce jugement et de la jurisprudence majoritaire sur ce point dans le cadre spécifique de la législation et la réglementation entourant un logement à loyer modique au sens des articles
[15] Dans l'affaire Office Municipal d'Habitation de Montréal c. Farideh Sefati Olamazadeh (4), le juge administratif Moffatt prononce la résiliation du bail en raison des déclarations fausses ou incomplètes de la locataire sur la composition du ménage, « empêchant le locateur d'établir le montant du loyer en conformité avec le règlement applicable à cette fin. » [...] « L'attribution d'un logement à loyer modique comme le maintien dans un tel logement est un privilège auquel de nombreuses personnes démunies aspirent et le tribunal juge indiqué de voir à ce que toutes omissions, stratagèmes ou mesures visant à réduire illégalement le coût du loyer soient sévèrement sanctionnés. »
[16] Plus récemment, après revue et analyse de la jurisprudence, le juge administratif Serge Adam concluait que « le défaut d'obtempérer sur les prescriptions des articles sur le Règlement sur l'attribution des logements à loyer modique peut constituer à lui seul un préjudice sérieux pour le locateur, entraînant ainsi la résiliation du bail en vertu de l'article
[17] De plus, le 10 juin 2019, dans la cause Office municipal d'habitation de St-Denis de Brompton c. Cadorette (6), le Tribunal résiliait le bail du présent locataire exactement pour les mêmes motifs, à savoir ne pas transmettre au locateur les déclarations et preuves demandées afin de permettre le calcul du loyer du logement à loyer modique.
[18] Compte tenu du jugement du 10 juin 2019 et des deux avis de rappel en 2021, il apparaît inutile d'émettre des ordonnances pour enjoindre au locataire d'exécuter ses obligations.
[19] Le bail est donc résilié, vu le préjudice sérieux causé. »
(Références omises)
[17] La soussignée abonde dans le sens d’une telle analyse.
[18] En l’instance, malgré de nombreux avis écrits et verbaux et malgré le dépôt du présent recours, la locataire a négligé de rencontrer ses obligations. La locatrice est dans l’impossibilité de déterminer le montant de son loyer, et ce, pour les termes 2020-2021 et 2021-2022.
[19] La locatrice subit un préjudice sérieux de ces manquements, ce qui ne laisse d’autre choix au Tribunal que de résilier le bail.
[20] Comme l’écrit d’ailleurs à juste titre la juge administrative Manon Talbot[2] dans une décision dont les faits sont similaires à ceux du présent dossier :
« [59] Par ailleurs, il est bien établi que l'attribution d'un logement social n'est pas un droit, mais un privilège et que les dispositions relatives aux logements à loyer modique sont d'ordre public en raison de l'intérêt général en cause. (6)
[60] Dans une décision de ce Tribunal dans une affaire similaire, le régisseur Jean Bisson écrivait que « Le délai indu que prend la locataire pour respecter cette obligation cause un préjudice sérieux au locateur. Cette obligation de la locataire fait partie des conditions du bail d'un logement à loyer modique. »
[61] À la lumière de ces principes, la soussignée estime que l'inaction chronique du locataire à respecter ses obligations en vertu de l'article
[21] La locataire étant absente à l’audience, il n’est pas jugé approprié d’émettre une ordonnance pour l’enjoindre d’exécuter ses obligations.
[22] La preuve soumise ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[3].
[23] Les frais applicables sont adjugés contre la locataire selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement[4].
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[24] ACCUEILLE en partie la demande de la locatrice;
[25] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;
[26] CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice les frais de de justice de 107 $.
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Camille Champeval | ||
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Présence(s) : | Me Éric Martineau, avocat de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 26 juillet 2023 | ||
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[1] Office municipal d'habitation du Val-Saint-François c. Cadorette,
[2] Office municipal d'habitation de Montréal c. Simionescu,
[3] RLRQ, c. T-15.01.
[4] RLRQ, c. T-15.01, r. 6.
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