Décision

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Belony c. Ho

2022 QCTAL 30162

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

645448 31 20220805 G

No demande :

3624342

 

 

Date :

25 octobre 2022

Devant la juge administrative :

Lucie Béliveau

 

Jean Belony

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Thi Xuan Ho

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par un recours introduit le 5 août 2022, le locateur demande la résiliation du bail et l'éviction de la locataire et de tous les occupants du logement, en plus de l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et du remboursement des frais de justice.

[2]         Les parties sont liées par un bail annuel de logement ayant débuté en 2014, lequel a été reconduit jusqu’au 30 juin 2023, au loyer mensuel de 645 $.

APERÇU

[3]         Au soutien de sa demande, le locateur prétend que la locataire contrevient au bail, lui causant un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail.

[4]         Il allègue que la locataire cause des dommages importants à son balcon, pourtant récemment peinturé.

[5]         Il explique qu’en l’année 2017, la locataire a commencé à disposer des pots pour la culture de légumes sur l’asphalte de l’entrée et sur son balcon.

[6]         Relativement à l’entrée d’asphalte, le locateur n’y voyait pas d’inconvénient jusqu’à ce qu’il rénove l’asphalte de l’entrée en 2018. Il a avisé la locataire de cesser cette activité mais celle-ci n’a pas obtempéré. Au surplus, c’est le locateur qui a eu la tâche de démanteler ce jardin de fortune sur l’asphalte à l’automne 2021.

[7]         Concernant les multiples pots de culture de légumes sur le balcon, il a averti verbalement la locataire de les retirer, sans avoir de collaboration de sa part.

[8]         Le 21 mai 2021, il avise tous les locataires que tous les balcons de l’immeuble seront repeinturés. La locataire a donc retiré tous les pots de culture de légumes.


[9]         Le 4 juin 2021, la première couche de peinture est appliquée sur le balcon. Or, dès le lendemain, malgré la consigne du locateur, la locataire remet ses pots de culture de légumes sur le balcon alors que la peinture était fraîchement appliquée et qu’au surplus, une deuxième couche est nécessaire.

[10]     Ainsi, le 5 juin 2021, c’est le locateur lui-même qui doit enlever tous les pots de légumes de la locataire afin qu’une deuxième couche de peinture soit appliquée le 8 juin 2021.

[11]     Le 10 juin 2021, il notifie une mise en demeure à la locataire, que celle-ci reçoit le 17 juin 2021, l’intimant de retirer ses pots de culture sur le balcon mais celle-ci ne collabore pas.

[12]     Malgré des demandes verbales répétées en 2021, la locataire recommence la culture en pots sur son balcon durant la saison estivale 2022.

[13]     Le locateur notifie à nouveau une mise en demeure à la locataire, l’avertissant de retirer ses pots ou qu’à défaut, un recours serait entrepris contre elle.

[14]       Malgré tout, la locataire n’en fait qu’à sa tête, prétend-t-il. Il demande donc la résiliation de son bail.

[15]     Quoique dûment convoquée, la locataire est absente à l’audience.

QUESTION EN LITIGE

               Le locateur a-t-il prouvé que l’inexécution d’une obligation de la locataire lui causant un préjudice sérieux justifie la résiliation du bail? 

ANALYSE ET DÉCISION

Fardeau de la preuve

[16]     Le Tribunal tient à souligner qu’il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention, et ce, de façon prépondérante. Ainsi, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante, la preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante. La force probante du témoignage est laissée à l'appréciation du Tribunal.

[17]     Le degré de preuve requis ne réfère pas à son caractère quantitatif mais plutôt qualitatif. La preuve testimoniale est évaluée en fonction de la capacité de convaincre des témoins et non pas en fonction de leur nombre.

[18]     Le plaideur doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible mais probable et il n'est pas toujours aisé de faire cette distinction. Par ailleurs, la preuve offerte ne doit pas nécessairement conduire à une certitude absolue, scientifique ou mathématique. Il suffit que la preuve rende probable le fait litigieux.

[19]     Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée[1].

Obligations découlant d’un bail

[20]     Plusieurs obligations découlent d’un bail de logement, notamment dans le cas qui nous concerne, l'obligation pour la locataire d’utiliser le logement en personne prudente et diligente, d’effectuer les menues réparations d’entretien et de réparer le préjudice subi par le locateur[2].

[21]     Cette obligation impose aux locataires le devoir de ne pas agir de façon à détériorer le bien loué, mais aussi à ne pas créer une situation qui puisse mettre en péril l'intégrité du logement ou de l'immeuble. Bien qu'il s'agisse d'une obligation de moyen, la locataire doivent agir raisonnablement dans le but d'assurer la conservation du logement et veiller ainsi aux intérêts du locateur[3].

[22]     Dans l’éventualité où un locataire ne respecte pas ses obligations, un locateur peut demander la résiliation du bail si l’inexécution d’une obligation lui cause un préjudice sérieux[4].

La résiliation du bail

[23]     Pour obtenir la résiliation du bail, le locateur doit démontrer que la locataire a non seulement failli à ses obligations mais que le non-respect lui a causé un préjudice sérieux.

[24]     De la preuve et des témoignages entendus, le Tribunal conclut que la locataire n’utilise pas le logement avec prudence et diligence puisque malgré les mises en demeure et les avertissements verbaux, celle-ci continue de faire la culture de ses légumes sur le balcon.

[25]     La preuve photographique du locateur démontre que la peinture appliquée l’année précédente est déjà écaillée ainsi que la surface du balcon abîmée prématurément. Le locateur a prouvé le préjudice sérieux non seulement par la détérioration du balcon, mais parce que la locataire ne respecte pas son droit de gérance qu’il exerce pour protéger son bien.

[26]     Toutefois, au lieu de prononcer la résiliation, le Tribunal donne une dernière chance à la locataire et y substitue une ordonnance, tel que prévu à l’article 1973 du Code civil du Québec[5]. La locataire devra respecter ladite ordonnance car à défaut de ce faire, le locateur pourra faire résilier le bail ultérieurement avec la preuve de contravention à cette ordonnance.

[27]     Par ailleurs, en raison des circonstances exposées à l’audience, l'exécution provisoire de la présente décision est injustifiée[6].

[28]     Finalement, tel que prévu par règlement[7], le locateur a droit aux frais de justice, lesquels ne correspondent pas nécessairement à tous les types de frais encourus et aux montants déboursés.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[29]     ORDONNE à la locataire de cesser toute forme de culture en pot sur son balcon et dans l’entrée d’asphalte;

[30]     CONDAMNE la locataire à payer au locateur, les frais de justice prévus par règlement de 103 $;

[31]     REJETTE quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Lucie Béliveau

 

Présence(s) :

le locateur

Date de l’audience : 

17 octobre 2022

 

 

 

 


[1]  Articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec, CCQ-1991.

[2]  Articles 1855, 1862 et 1864 du Code civil du Québec, CCQ-1991.

[3]  LAMONTAGNE Denys-Claude et LAROCHELLE Bernard, Droit spécialisé des contrats. Les principaux contrats: la vente, le louage, la société et le mandat, volume 1, Cowansville, Les éditions Yvon Blais Inc., 2000.

[4]  Article 1863 du Code civil du Québec, CCQ-1991.

[5]  Code civil du Québec, CCQ-1991.

[6]  Article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ, chapitre T-15.01.

[7]  Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement, R.R.Q., c. T 15-01, r. 6.

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