Le Fustec (Succession de Le Fustec) c. Romain | 2024 QCTAL 34781 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||
Bureau de Montréal | ||||
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No dossier: | 780635 31 20240328 F | No demande: | 4266504 | |
RN :
| 4279465
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Date : | 18 octobre 2024 | |||
Devant le greffier spécial : | Me Philippe Manuguerra | |||
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Katel Le Fustec en sa qualité de liquidateur de la Succession de Robert Le Fustec | ||||
Locatrice - Partie demanderesse | ||||
c. | ||||
Schnydine Romain | ||||
Locataire - Partie défenderesse | ||||
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec[1] (C.c.Q.) et de remboursement des frais.
[2] Le Tribunal, lorsque saisi d'une demande de fixation de loyer, détermine le montant du loyer selon les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation de loyer[2] (ci-après : « Règlement »).
[3] Suivant ce Règlement, l'ajustement du loyer est calculé à partir du loyer payé au terme du bail, en tenant compte de la part attribuable du logement et en fonction de certaines dépenses précises encourues par la locatrice durant l'année de référence.
[4] En tant que demanderesse, la locatrice assume le fardeau de prouver[3], lors de l'audience, les montants inscrits au formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer (ci ‑ après : « Formulaire »).
[5] Plusieurs dossiers de fixation de loyer visant des logements du même immeuble ou du même ensemble immobilier et concernant la même période de référence ont été entendus en même temps, conformément à l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[4] (LTAL).
[6] Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, à un loyer mensuel de 690,00 $.
[7] À noter que le locataire est absent lors de l’audience.
[8] Le Tribunal a bien pris note de l’ensemble des témoignages et de la preuve administrée devant lui, mais il ne sera fait mention dans la présente décision que des éléments pertinents retenus pour fonder celle-ci.
[9] La partie demanderesse a soumis au Tribunal les pièces justificatives au soutien du Formulaire sauf en ce qui concerne la liste des loyers.
[10] À cet égard, la locatrice a produit, après l’audience, avec l’autorisation du Tribunal[5] les documents manquants pour compléter sa preuve[6].
[11] Par ailleurs, des corrections furent apportées séance tenante par le Tribunal au Formulaire en fonction de la preuve prépondérante administrée.
[12] Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement est de 26,24 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | 0,65 $ |
Assurances | 0,68 $ |
Gaz | 0,00 $ |
Électricité | 0,00 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 1,22 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 1,93 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service |
0,00 $ |
Ajustement du revenu net | 21,76 $ |
TOTAL |
26,24 $ |
[13] S’agissant des frais de justice, le principe veut qu’ils soient supportés par la partie demanderesse. Pour y déroger, cette dernière doit démontrer que le locataire a exercé son droit de refus de manière déraisonnable, comme expliqué par la greffière spéciale Me Isabelle Hébert[7] :
« [27] Tel que rappelé par le Bureau de révision dans la décision A. Rossi buildings c. Bradley[5] et plus récemment dans Capital Augusta Inc. c. Faye[6], contrairement aux dossiers civils où le tribunal condamne généralement la partie perdante au paiement des frais, le principe applicable en matière de fixation de loyer veut que le locateur assume les frais entourant sa demande de fixation.
[28] Lorsque le locateur demande au tribunal de renverser cette règle et de condamner le locataire au remboursement des frais, celui-ci doit non seulement obtenir un ajustement de loyer égal ou supérieur au montant demandé dans l’avis de modification, mais aussi démontrer que le locataire a usé de son droit de refus de manière déraisonnable.
[29] Ainsi, un locataire qui disposait des renseignements pertinents au calcul de l’augmentation lui permettant de prendre une décision éclairée relativement à la proposition d’augmentation ou qui aurait refusé systématiquement toute négociation ou discussion avec le locateur pourrait être condamné à rembourser au locateur les frais payés par ce dernier pour l’introduction de la demande, de même que certains coûts associés à sa signification. »
(Références omises)
[14] Précisons que la question des frais ne se limite pas à une addition de critères et est sujette à la discrétion du Tribunal. Dans l'affaire Capital Augusta c. Corriveau et Association des propriétaires d'appartements du Grand Montréal[8] :
« [49] Ainsi, il n'y a pas que le principe établi dans l'affaire Rossi qui peut mener ou non à la condamnation aux frais par le locataire puisque cette détermination constitue toujours une question de faits qui est laissé à la discrétion du Tribunal. Les critères retenus ne sont pas limitatifs et chaque cas doit être apprécié séparément.
[50] Par conséquent, il appert du présent dossier que le locateur a exercé son droit à l'augmentation en respectant toutes les règles établies, et le locataire a fait de même, en exerçant son droit de refus de manière raisonnable. Aucune des parties n'est fautive et le Tribunal rappelle que dans ces circonstances, le locateur doit assumer les frais administratifs reliés à ses demandes. »
[15] Dans la présente instance, l’ajustement accordé par le Tribunal excède ou égale la proposition contenue dans l’avis d’augmentation de la partie demanderesse.
[16] Toutefois, il s’avère que l’outil de calcul utilisé par la partie demanderesse pour calculer l’augmentation proposée n’a été transmis à la partie défenderesse qu’après l’ouverture de la demande.
[17] En d’autres termes, il n’a été établi que les renseignements nécessaires et pertinents ont été communiqués en temps opportun à la partie défenderesse pour lui permettre de faire un choix éclairé sur l’augmentation de loyer contenue dans l’avis.
[18] Conséquemment, le Tribunal ne peut conclure que la partie défenderesse a exercé son droit de refus de manière déraisonnable. Ainsi, comme le veut le principe, la partie demanderesse supportera les frais de sa demande.
[19] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;
[20] CONSIDÉRANT la jurisprudence unanime à l’effet que le loyer fixé par règlement peut être supérieur ou inférieur à celui mentionné dans l’avis de modification;
[21] CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 26,24 $ est justifié;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[22] FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 716,00 $ par mois du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025.
[23] La locatrice assume les frais de la demande.
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Me Philippe Manuguerra, greffier spécial | ||
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Présence(s) : | la locatrice le mandataire de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 2 août 2024 | ||
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[1] Chapitre CCQ-1991.
[2] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.
[3] Arts. 2803 et 2804 C.c.Q., précité.
[5] Art. 37, Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement, chapitre T‑15.01, r. 5.
[6] Formulaire d’autorisation de produire au dossier.
[7] Warren c. Lamothe, 2013 CanLII 132138 (QC RDL).
[8] Capital Augusta inc. c. Corriveau, 2011 QCRDL 12806.
AVIS :
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