Robillard c. Lahamadi | 2023 QCTAL 19402 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 623325 31 20220330 G | No demande : | 3508618 | |||
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Date : | 27 juin 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Luce De Palma | |||||
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Patrick Robillard |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Azelarb Lahamadi
Samira Chergui |
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Locateurs - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le 29 mars 2022, le locataire demande des dommages punitifs au montant de 500 $ ainsi que le remboursement d’une somme de 1 000 $ payée à titre de dépôt de sécurité, le tout avec frais judiciaires et extrajudiciaires.
[2] Le 3 avril, cette demande est suivie d’un amendement visant à réclamer également des dommages moraux au montant de 1 000 $, de même que des dommages matériels de 40 $.
[3] Un second amendement est déposé, le 8 août 2022.
[4] Les dommages moraux sont ainsi portés à 3 000 $ et les frais extrajudiciaires, quantifiés à 16,75 $.
[5] Le 19 décembre 2022, différents postes de dommages se voient encore augmentés et un nouvel objet s’ajoute au litige, soit la résiliation du bail avec effet rétroactif au 1er décembre 2022.
[6] Le poste de réclamation visant le remboursement du dépôt de sécurité est alors retiré, cette portion de sa demande ayant été réglée.
[7] Finalement, lors de l’audience du 20 avril 2023, le locataire précise réclamer une somme de 5 000 $ à titre de dommages moraux ainsi que la somme de 1 000 $ pour les troubles et frais liés à son déménagement, en sus des dommages matériels et frais déjà réclamés. Les dommages punitifs sont portés, quant à eux, à 3 000 $.
[8] À cette somme, il ajoute un montant de 4 319,36 $, réclamant le remboursement du loyer payé pour la période du 1er décembre 2022 au 10 mars 2023.
[9] Sa réclamation monétaire totale passe ainsi à 13,519,46 $.
[10] Lors de cette même audience du 20 avril 2023, les locateurs demandent, pour leur part, que cette demande du locataire soit jointe à la demande qu’ils entendent eux-mêmes déposer.
[11] Cette demande aura pour but de lui réclamer une somme de 26 480 $, soit le solde du loyer du mois de mars 2023, des dommages de l’ordre de 5 200 $ et, finalement, une indemnité de relocation de 20 400 $.
[12] Notons que cette demande n’a pas encore été dûment déposée devant le Tribunal, bien que portée à l’attention du locataire.
[13] Il ne saurait donc être ici question d’une véritable requête de réunion de demandes.
[14] Par ailleurs, il est apparu inutile de remettre l’audience du 20 avril afin de permettre cette réunion éventuelle. Au présent stade, compte tenu de la nature de la demande dont le Tribunal est saisi, demande dont l’un des volets se rapporte à la résiliation du bail, cette réclamation des locateurs apparaît prématurée.
[15] Notons d’abord que le locataire a quitté définitivement ce logement en emportant ses effets mobiliers le 10 mars 2023.
[16] Ce dernier fait état d’une situation de harcèlement et d’intimidation induite par les locateurs et dont il serait la victime depuis le début de leur relation contractuelle.
[17] Par leur attitude à son égard, allègue-t-il, ces derniers ont sérieusement porté atteinte à sa jouissance des lieux, violé son droit à la vie privée et fait en sorte qu’il quitte ce logement, au final.
[18] Conséquemment, devant ce comportement répréhensible, il estime avoir droit aux réparations monétaires réclamées. De plus, ayant perdu la pleine jouissance des lieux par le fait des locateurs, son préjudice a été suffisamment sérieux pour donner droit à une résiliation rétroactive du bail ou pour permettre au Tribunal d’avaliser son départ du 10 mars 2023, soumet-il.
[19] Le locataire invoque ainsi les termes des articles 1854, 1902, de même que les articles
1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.
1902. Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu'il quitte le logement.
Le locataire, s'il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs.
6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.
1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction.
(Nos soulignements)
[20] De plus, certains articles de la Charte des droits et liberté de la personne[1] (la Charte), sont aussi invoqués :
6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.
7. La demeure est inviolable.
8. Nul ne peut pénétrer chez autrui ni y prendre quoi que ce soit sans son consentement exprès ou tacite.
49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
(Nos soulignements)
[21] L’article
1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.
[22] Le Tribunal se doit donc de déterminer si l’ensemble de la situation soumise permet de conclure à des troubles de jouissance causés par les locateurs donnant lieu aux sanctions réclamées, et ce, par prépondérance de preuve.
[23] Il va sans dire que cette affaire, par sa nature même, est essentiellement factuelle. L’appréciation des témoignages des parties est au centre de celle-ci, lesquels sont appuyés de lettres, de messages‑textes, voire d’enregistrements audios du côté du locataire.
Les faits
[24] Le locataire témoigne avec force détails des événements et comportements reprochés aux locateurs, avançant que leur relation contractuelle s’est envenimée peu après le début de ce bail de trois ans, bail ayant débuté le 1er juillet 2021.
[25] Il précise avoir répondu à une offre de location parue en février 2021 et par laquelle les locateurs précisaient vouloir louer le présent logement, soit un logis de 6 pièces sis du second étage d’un duplex dont ils habitent le rez-de-chaussée, pour un loyer mensuel de 1 300 $,
[26] La mention voulant que les animaux y soient interdits apparaissait sur la publication, reconnaît d’emblée le locataire.
[27] Il possède un chien, mais il a tout de même rencontré le locateur.
[28] Il lui a fait valoir que son chien ne serait pas une source de troubles ou de dommages. Il lui a présenté une lettre rédigée par un ancien voisin, laquelle a vanté les qualités du chien.
[29] Le locateur n’a pas semblé convaincu, mais est devenu plus ouvert à la présence du chien lorsqu’il lui a proposé de lui verser un dépôt de 1 000 $ à titre de garantie, en cas de dommages éventuels.
[30] Le locateur a souhaité discuter de cette question avec la locatrice et lui est revenu quelques jours plus tard, le bail déjà rempli. Ce bail contenait d’ores et déjà une clause voulant que la présence de son chien soit permise.
[31] Lui-même était heureux de ce dénouement, mais le locateur lui précisait que l’heure était venue de verser les 1 000 $ proposés afin que cette transaction soit conclue.
[32] Il n’était pas très à l’aise financièrement, à ce moment, et a proposé de lui verser ce dépôt en quatre versements, ce qu’il a fait, avec l’assentiment du locateur.
[33] Au moment de cette conclusion du bail, le locateur lui a par ailleurs promis qu’une hotte serait installée dans la cuisine, au plus tard le 30 juin.
[34] Bien que son emménagement au logement ait été quelque peu retardé pour des motifs personnels, lorsqu’il s’y installe, mi-juillet, la hotte n’est y est pas.
[35] Il a fait preuve de patience, continue-t-il, mais à compter du 4 août, il a rappelé au locateur cette obligation non remplie par le biais de quelques messages-textes.
[36] Ce dernier a rétorqué qu’il achèterait la hotte, mais lui a réclamé, d’un même souffle, le versement du loyer du mois de septembre, ajoutant qu’il le lui avait promis pour le 15 août.
[37] Le locateur a procédé ensuite à faire le travail, le 16 août, un voisin s’étant porté volontaire.
[38] L’atmosphère fut tendue, le locateur jugeant avoir été pressé d’agir. Il s’est fait intimidant, affirmant qu’à défaut de recevoir le loyer le premier jour du mois, il serait expulsé.
[39] Pourtant, dans les faits, le loyer du mois de septembre 2021 avait déjà été versé, précise le locataire.
[40] Cette première confrontation donnera le ton à la suite de leurs échanges, continue-t-il, de sorte qu’il prendra soin de les enregistrer.
[41] Début octobre, il s’est aperçu que la main-courante de l’escalier intérieur qui menait à son logement était chambranlante.
[42] Récupérant d’une blessure au poignet, il s’en est inquiété et a avisé le locateur de ce défaut du bien.
[43] Nombre d’échanges ont suivi, pour cette simple affaire.
[44] Le locateur y a fait d’abord une réparation sommaire, ce qui n’a pas réglé le problème. Il a insisté, envoyé une mise en demeure, lui a expliqué les exigences de la Régie du bâtiment.
[45] Le locateur s’est emporté, l’a accusé d’être un fauteur de troubles, menacé de retirer la rampe, lui spécifiant « qu’il n’avait pas loué à un infirme ».
[46] Finalement, fin octobre, il lui a offert de faire le travail lui-même, moyennant 25 $ et l’achat de quelques supports.
[47] Tout en continuant de lui exprimer sa colère, et non sans avoir fortement secoué la rampe, le locateur a accepté cette proposition, « pour lui faire plaisir », lui a-t-il dit.
[48] Devant cette attitude intimidante, il n’a plus souhaité avoir de contacts avec le locateur.
[49] Toutefois, début novembre, une apparition soudaine de souris est survenue dans le logement.
[50] Il a dénoncé cette présence indésirable au locateur, lequel viendra boucher les derniers trous, aidé d’un voisin, le 8 novembre.
[51] Encore là, la rencontre fut empreinte de sarcasme, le locateur paraissant furieux que le voisin ait été mis courant de la problématique, le qualifiant de « rapporteur ».
[52] Ce dernier l’accuse ensuite d’avoir provoqué la venue des souris, du fait d’un peu de nourriture pour chien aperçu dans la cuisine. La locatrice et lui vont donc venir inspecter le logement régulièrement, à la recherche du moindre dommage, lui signifiait-il aussi.
[53] Dans cette foulée, se sentant accusé et sous pression, il a communiqué de nouveau avec le locateur, le 10 novembre.
[54] Expliquant que son chien devait se faire traiter à grands frais, il l’avisait qu’il était légalement en droit de récupérer le dépôt de 1 000 $ antérieurement versé, de sorte que pour le loyer du mois de décembre, une somme de 300 $, plutôt que de 1 000 $, serait versée.
[55] Il ajoute qu’il se tiendra responsable de tout dégât causé par son chien, à tout événement.
[56] Cette demande, suivie d’une lettre, a soulevé la colère du locateur, lequel lui a rappelé qu’il s’agissait d’une proposition de sa part, ajoutant qu’il n’avait plus cet argent.
[57] Le locateur était fermé à toute discussion et a conclu l’échange par une promesse de faire appel à son avocat et d’entamer une procédure d’éviction. Il ajoute que sa façon d’agir « ne marchera pas et qu’il vaut mieux en finir le plus tôt possible. »
[58] Devant cette réaction, anxieux et souhaitant conserver son logement, il lui a versé le plein loyer du mois de décembre, dès le 15 novembre.
[59] Toutefois, le 22 novembre, alors qu’il se trouvait au logement, il a reçu la visite de deux policiers.
[60] Ces agents l’ont avisé que sa laveuse coulait. Ils ne sont pas entrés dans le logement, le laissant vérifier la chose lui-même.
[61] Cette visite impromptue des forces de l’ordre l’a angoissé au plus haut point.
[62] Il a constaté un écoulement d’eau, lequel lui est apparu mineur, l’a essuyé.
[63] Un message-texte est expédié au locateur, l’informant de son constat. Il y a joint des photos et l’a invité à communiquer avec lui.
[64] Bien qu’il était également chez lui, le locateur n’a pas répondu.
[65] Plus tard, ce même après-midi, ayant vu rentrer la locatrice au duplex en mi-journée, il a tenté de communiquer avec elle.
[66] Elle a décliné, a affirmé rentrer tout juste du travail et être occupée. Elle lui a demandé de prendre un rendez-vous, bien qu’au courant de l’événement, lui disait-elle.
[67] Il lui a répondu que le dommage potentiel devait être réglé d’urgence, qu’il souhaitait en discuter avec le locateur. Pour toute réponse, la locatrice lui a indiqué que son mari était tout aussi occupé et qu’il le rappellerait.
[68] Plutôt, peu après, il a reçu une vidéo sur laquelle on peut voir de l’eau s’écouler dans une chaudière.
[69] Le locateur ajoutait un message expliquant que le plafond et les murs étaient imbibés d’eau. Il l’invitait à faire les réparations qui s’imposaient avant que la moisissure ne s’installe. Devant cela, lui‑même s’est s’excusé, indiquant tout de même au locateur que des fissures étaient présentes dans le joint des tuiles de céramique, d’où, possiblement, l’écoulement jusqu’au rez-de-chaussée.
[70] Sur ce, il lui a envoyé des photos de ces tuiles pour se faire répondre qu’il avait sans doute causé délibérément les fissures.
[71] Toujours est-il qu’il s’est mis à la recherche d’un entrepreneur certifié, à la demande du locateur, afin de remettre les lieux en état.
[72] Il lui a toutefois été difficile d’expliquer la nature exacte du problème, le locateur persistant à lui refuser l’accès aux lieux, voire toute photo des dommages, de crainte qu’il les modifie, qualifiant de truquées les photos de fissures expédiées.
[73] Une photo lui a finalement été transmise par le locateur et un entrepreneur a aussitôt été dépêché à l’immeuble. Le travail a été complété dès le 24 novembre et il l’a payé intégralement, sans s’interroger davantage sur la totalité de sa responsabilité.
[74] Ce même jour, une fois l’entrepreneur parti, il a demandé au locateur de lui accorder quelques minutes pour une conversation, souhaitant faire le point sur cette affaire, ce à quoi ce dernier a acquiescé, précise-t-il.
[75] Il s’est donc présenté chez les locateurs, mais les choses ont vite mal tourné.
[76] Alors qu’il a commencé sur une note positive, espérant que tous soient soulagés par la conclusion rapide du dégât d’eau, la locatrice y est allée de récriminations à son endroit.
[77] Elle lui a reproché ses messages, sa manière d’agir pour demander tout et rien, et, surtout, sa lettre dans le but de récupérer le dépôt de sécurité. Cette lettre est alors qualifiée de malhonnête, ayant lui-même proposé l’argent et forcé la porte pour obtenir ce logement avec son chien, a-t-elle renchéri.
[78] Il a tenté de justifier ses actions, expliqué ses démarches, la lourdeur ressentie chaque fois qu’il a demandé la moindre réparation. Lorsque la question du dépôt a été abordée, et qu’il a pointé le locateur du doigt pour faire valoir sa version, admet-il, ce dernier a élevé le ton et exigé qu’il quitte sur le champ.
[79] Le locataire assure que le locateur s’est rué simultanément sur lui et a bloqué la porte, l’empêchant de sortir. La jeune fille des locateurs a souhaité appeler la police, alertée par les cris, appel encouragé par le locateur, mais découragé par la locatrice.
[80] Cette dernière a ensuite ordonné au locateur de le laisser sortir, ce qu’il a fait.
[81] Il affirme avoir été très ébranlé par cette situation et avoir appelé les policiers pour leur en faire part, événement décrit comme un conflit verbal dans le rapport de ces derniers, au terme de la déposition des deux parties.
[82] Ils sont référés au TAL, pour la suite, et il leur est suggéré de communiquer par écrit, dans l’avenir.
[83] Le même soir, continue le locataire, il devait se rendre à un concert. Trop secoué, il n’a pu y assister. Il réclame, de ce fait, la somme de 40 $, soit le coût de ce spectacle raté vu la démonstration d’agressivité du locateur à son endroit.
[84] Témoignant en sa faveur, un ami confirme que le locataire était très ébranlé, ce 24 novembre au soir. Il relate avoir entendu les cris du locateur, se tenant non loin du duplex.
[85] Il relate également que le locataire était anxieux et désolé, à la suite de l’écoulement d’eau du 22 novembre, qu’il voulait joindre le locateur à tout prix. Présent sur les lieux, il a constaté que le locateur était réticent à collaborer. Le locataire souhaitait simplement voir des photos des dommages allégués, à défaut d’être invité au rez-de-chaussée afin de les constater.
[86] Il lui a donc apporté son soutien, le soir du 24 novembre, renonçant lui aussi au spectacle prévu.
[87] Au cours de l’hiver 2022, relate encore le locataire, aucun événement marquant ne s’est produit, mais il affirme que le locateur faisait régner un environnement hostile dans ce duplex. Il lui a fait sentir sa présence réprobatrice, notamment lorsqu’il fumait sur le balcon, à proximité de sa porte d’entrée. Il se sentait épié, contrôlé.
[88] Le 14 mars 2022, il a envoyé une mise en demeure aux locateurs, leur demandant formellement le remboursement du dépôt de sécurité et les intimant de cesser tout comportement intimidant à son égard, sous peine d’une réclamation de 500 $ à titre de dommages punitifs.
[89] Le 24 mars 2022, les locateurs lui répondaient de la même façon, lui faisant part de leurs propres doléances à son endroit.
[90] Ils lui rappelaient qu’il avait librement consenti à verser ce dépôt, après l’avoir proposé. Ils niaient toute forme d’intimidation, lui reprochaient son agressivité lors de la rencontre du 24 novembre, de même que la présence des souris.
[91] Quant au dégât d’eau du 22 novembre, ils lui réitéraient qu’il en était le seul responsable. Eux‑mêmes se sont montrés magnanimes, ne lui réclamant pas la valeur de leurs biens ruinés par l’eau.
[92] Ils lui reprochaient ensuite la présence trop fréquente du chien au logement, alors qu’il ne devait y être qu’une semaine sur deux, sa négligence à nettoyer les poils accumulés. Ils lui reprochait aussi l’ajout d’un cadenas sur la porte arrière et le sommait de le retirer.
[93] Ils l’informaient qu’ils comptaient lui remettre son dépôt de 1 000 $, mais tout en l’avisant que des visites au logement seraient faites chaque trois mois, de façon systématique, à la recherche de dommages, lesquels seraient aussitôt déduits de la somme due, tout en ouvrant la porte à un possible départ à court terme.
[94] Ainsi s’exprimaient-ils :
« M. Patrick Robillard. Locataire du logement : […] Montréal, Québec [...].
Objet : Réponse à vos lettres recommandées
Monsieur,
Lorsque vous avez manifesté de l'intérêt pour ta location de l'appartement sis au [...] à Montréal, vous saviez pertinemment que les animaux de compagnie n'étaient pas permis car cela était stipulé dans !'annonce que nous avions publiée. Ci joint une copie de l’annonce.
(…)
À la lumière de tous ces événements, nous vous informons que par respect de la loi (article
Cf. Articles
Nous vous informons cependant que lors de la première visite, nous déduirons du dépôt de garantie tout montant correspondant à d’éventuels dégâts causés par vous ou votre animal, comme par exemple les deux tuiles brisées dans la salle de lavage.
Lors de toutes ces visites qui se feront toujours dans le respect et la courtoisie, sans hausser le ton, ni user d’agressivité ou d’intimidation ou se comporter de façon désobligeante à votre égard, nous scruterons les moindres recoins de l’appartement à la recherche du moindre dommage occasionné par vous ou votre animal. Tout dégât ou dommage non dû à l’usure sera photographié, consigné par écrit et vous devrez vous acquitter du montant estimé du dommage dans les dix jours suivant la réception d’une lettre recommandée à ce sujet.
Nous comprenons que ces visites pourraient s’avérer contraignantes pour vous mais malheureusement, vous avez malencontreusement brisé un lien de confiance qui s’était immédiatement établi entre nous au moment de la signature du bail. Nous sommes également conscients que ces visites qui relèvent de notre droit le plus absolu, risqueraient de vous causer une anxiété dont nous ne serions aucunement responsables. Si cette situation porterait atteinte à votre droit à la jouissance paisible des lieux qui vous est reconnu par l’article
(Nos soulignements)
[95]
À cette lettre, deux photos étaient jointes, l’une démontrait la présence de poils de chien dans la cage d’escalier privé menant au logement, l’autre cadenas apposé sur la porte arrière. Selon toute vraisemblance, ces photos ont été prises par le locateur début novembre 2021, lorsqu’il se rendait faire le travail lié aux souris.
[96] Recevant cette lettre comme une nouvelle tactique pour restreindre sa jouissance des lieux et le voir quitter, vu la pression ou l’angoisse qu’ils comptaient susciter chez lui en échange de la remise du dépôt, il a déposé sa demande initiale.
[97] Par la suite, il estime avoir subi des propos désobligeants autour d’une brosse à BBQ tombée à partir de son balcon et un contrôle inapproprié relativement à un tapis extérieur placé devant sa porte et mis aux rebuts par le locateur. Des objets ont également été retirés de sa rampe de balcon arrière.
[98] De plus, le locateur a fait montre de sarcasme en se présentant inopinément sur son balcon arrière, un dimanche midi, voulant y faire une réparation, accompagné d’un voisin. Il préparait le repas et les avisait que leur présence non annoncée était inopportune; le locateur et le voisin ont eu beaucoup de plaisir à continuer leur travail, précise-t-il.
[99] Sa partenaire témoigne également avoir subi des regards appuyés de la part du locateur, lorsqu’elle se rendait chez le locataire, bien qu’elle admette qu’il l’a saluée, pour toute parole.
[100] À la suite des premières audiences tenues devant le TAL, continue le locataire, il a ressenti une pression encore plus importante pour qu’il quitte, pression de plus en plus difficile à supporter. Le 9 novembre 2022, sitôt l’audience terminée, les locateurs se sont précipités chez les voisins. Il s’est senti ostracisé dans cet environnement et a souhaité mettre fin au litige, sollicitant une rencontre avec ses locateurs afin de trouver une entente.
[101] Ces derniers ont manifesté une certaine ouverture, mais ont remis toute rencontre à une date ultérieure.
[102] Tout en admettant une consommation ponctuelle de stupéfiants, il admet s’être précipité vers eux, à la même époque, les voyant revenir au duplex en voiture. Une altercation a été ainsi provoquée, des insultes ont fusé, admet-il, bien qu’il nie avoir prononcé les paroles reprochées par les locateurs dans leurs déclarations aux policiers.
[103] Toujours est-il qu’à la suite de cette altercation, il a été arrêté et accusé de voie de fait, accusation pour laquelle il a enregistré un plaidoyer de non-culpabilité.
[104] Il rapporte une réaction de contentement de la part du locateur, lequel lui souriait de façon narquoise.
[105] Par ailleurs, par leurs déclarations faites aux policiers, les locateurs en ont rajouté une couche sur leur conflit, ayant affirmé qu’il leur faisait vivre un véritable enfer.
[106] Ces propos ont augmenté son angoisse, de sorte que le 23 novembre 2022, sa partenaire et mandataire a écrit à la locatrice, souhaitant négocier une fin de bail à l’amiable et agir comme interlocutrice afin de régler leur contentieux, lui-même s’étant vu interdire d’entrer en contact avec le locateur.
[107] Cet écrit est demeuré lettre morte.
[108] N’y tenant plus, la pression étant devenue insoutenable, il a demandé à sa partenaire de venir le chercher au logement, début décembre, ce qu’elle a fait.
[109] Par la suite, la résiliation judiciaire du bail est demandée. Il s’est employé à se chercher un nouveau logement, à faire ses boîtes, ne remettant jamais les pieds au logement très longtemps.
[110] Il a tenté simultanément de mettre fin au bail par l’envoi de différents avis, voulant terminer le contrat en février, puis en mars, au motif que sa condition psychologique constituait un handicap à l’occupation des lieux, tel que noté par son médecin.
[111] Ces avis n’ont reçu non plus aucune réponse.
[112] Le 10 mars, il a finalement avisé les locateurs de son départ immédiat, pour les mêmes raisons.
[113] Ses meubles et effets ont été sortis, ce jour-là.
[114] Le locataire souligne avoir payé le loyer jusqu’au 10 mars.
[115] Pour toute réponse, il a reçu finalement une demande des locateurs lui réclamant un montant équivalent au loyer perdu jusqu’au 30 juin 2024.
[116] Il réitère avoir quitté à bon droit, poussé au départ par les propos et l’attitude intimidante des locateurs, départ qu’il ne souhaitait pas, mais auquel il s’est résigné, ayant craqué sous la pression.
[117] Il souligne que par leur lettre du mois de mars 2022, les locateurs l’invitaient déjà à partir, lui écrivant qu’ils seraient ravis de le voir quitter, moyennant un préavis de trois mois, tel que précédemment exposé.
[118] Non seulement leur a-t-il donné un tel préavis, mais il ajoute que la résiliation du bail devrait prendre effet dès décembre, conséquence de leurs agissements malveillants et du préjudice sérieux qu’il a subi, d’où sa réclamation du loyer payé entre le 1er décembre 2022 et le 10 mars 2023, en sus d’une somme de 1 000 $ à titre de compensation pour ses frais de déménagement et les troubles s’y rattachant.
[119] La version des locateurs diffère.
[120] Ils avancent être plutôt les victimes d’un locataire qui a leur a constamment posé problèmes par sa façon d’agir, insistante et peu respectueuse.
[121] Pour leur part, ils sont demeurés polis et ont fait tout en leur possible pour le satisfaire, mais en vain.
[122] Ils relatent d’abord que c’est lui qui, le premier, leur a fait miroiter la possibilité de leur verser un dépôt de 1 000 $ pour qu’ils acceptent un chien dans le logement, ce à quoi ils s’étaient toujours refusés. Convaincu que la présence d’un animal pouvait être une importante source de dégâts, ce versement d’argent les sécurisait. Partant, cette somme lui a ouvert la porte du logement.
[123] Par la suite, à leur grand dam, le locataire s’est mis en frais de vouloir se faire rembourser l’argent librement versé, clamant l’illégalité d’une telle entente. Ils ont jugé ce comportement malhonnête, lequel a soulevé leur colère et envenimé leurs relations.
[124] Préalablement, soit lors de l’épisode de la pose de la hotte, ils ont été contrariés par la pression mise par ce dernier pour obtenir cet accessoire.
[125] Il est vrai qu’il lui avait été promis, mais le locataire aurait dû comprendre les raisons de ce délai de sept mois. Une rupture de stock a été à la base de celui-là, doublée d’une difficulté de trouver un ouvrier pour installer cette hotte.
[126] Quoi qu’il en soit, le locataire est revenu à la charge à plusieurs reprises, par téléphone ou textos, au lieu de comprendre leurs soucis, situation irritante.
[127] Ils soutiennent avoir eu un comportement tout à fait correct, lors des événements touchant la main-courante de l’escalier.
[128] Le locataire leur réclamait, et encore là avec insistance, une réparation qui n’était pas nécessaire.
[129] Ils ont finalement consenti à lui fournir quelques chevilles et lui ont remis 25 $ afin qu’il procède au travail souhaité, il est vrai, dans l’unique but d’acheter la paix.
[130] Les travaux nécessaires, dont l’élimination des souris, ont aussi été réalisés et ce, sans délai et de la façon souhaitée par le locataire.
[131] Toutefois, relatent-ils, lors de l’épisode des souris, le locataire a posé un geste irrespectueux, déposant une souris morte à leur porte, geste que ce dernier nie fortement.
[132] Ils estiment aussi tout à fait correct d’avoir avisé le locataire de l’écoulement d’eau du 22 novembre par l’intermédiaire de deux agents de police.
[133] Ils jugeaient nécessaire de faire appel à des témoins, craignant à l’avance que le locataire nie les faits ou ne minimise l’affaire.
[134] Clairement, il devait payer pour les dégâts, de sorte qu’il était souhaitable de l’en aviser de façon formelle.
[135] La rencontre qui s’est ensuivie a été houleuse, mais par la faute du locataire, encore là.
[136] Ce dernier a forcé leur porte à l’heure du souper, sans rendez-vous.
[137] La journée avait été chargée, la locatrice avait l’horaire serré, ce soir- là. Elle n’était pas disposée à discuter à brûle-pourpoint, mais a cédé devant l’attitude insistante de son locataire.
[138] Ils relatent que ce dernier a immédiatement adopté une attitude arrogante, invitant la locatrice à se détendre pour ensuite la pointer du doigt.
[139] Lorsqu’il a voulu aborder la question du dépôt versé, leur colère a refait surface. Ils lui ont demandé de quitter, mais il refusait de s’exécuter, de sorte que leur fille a menacé d’appeler les policiers. Jamais ne l’ont-ils empêché de sortir, insistent-ils. Le locateur ne s’est pas non plus rué vers lui, souhaitant simplement lui ouvrir la porte.
[140] Les policiers, appelés par le locataire, ont cru à leur version des événements, concluant à un conflit mutuel.
[141] Si le locataire a été ébranlé au point de ne pas se rendre à un concert, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même.
[142] Il a insisté pour les rencontrer et doit assumer les conséquences négatives qui ont découlé de cette rencontre. Il lui appartient de gérer ses émotions et de mesurer les conséquences de ses actes, alors que, pour leur part, ils ont pu poursuivre leurs activités nocturnes comme prévu.
[143] En mars, ils ont été fort indisposés de recevoir une lettre de mise en demeure leur reprochant des comportements harcelants ou intimidants, tout en leur demandant de nouveau le remboursement du dépôt de sécurité.
[144] Par leur longue lettre du 24 mars, ils sont revenus sur les événements passés, insistant sur son comportement irrespectueux et sur leur propre bonne foi, tout en lui faisant savoir qu’ils allaient consentir à lui rembourser ce dépôt, aux conditions énoncées dans le passage préalablement cité.
[145] Pour toute réponse, le locataire déposait une première procédure contre eux, faisant naître un grand stress.
[146] II n’était que normal qu’ils souhaitent inspecter le logement fréquemment, alors que tel est leur droit, à titre de locateurs prudents.
[147] Ils ne souhaitaient guère évincer le locataire de quelque façon, mais voulaient simplement qu’il se sente à l’aise de partir, malgré leur bail de trois ans.
[148] Ils percevaient que le locataire n’était pas heureux, étant sans cesse insatisfait.
[149] La perception du locataire, quant à elle, est hautement teintée par sa condition personnelle, son médecin traitant faisant état de troubles anxieux, voire de dépression.
[150] Au fil des audiences, ils ont été mis au fait qu’un autre dossier concernant le locataire avait vu le jour au TAL, ce dernier ayant aussi poursuivi son ancien locateur pour l’obtention de dommages moraux. Tels dommages prenaient appui sur des notes médicales similaires, alors qu’il y était aussi fait état de l’anxiété du locataire, anxiété à laquelle ils ne peuvent rien.
[151] Ils se défendent d’avoir voulu restreindre la jouissance des lieux du locataire, ou souhaité son départ, encore moins de l’avoir induit. Bien au contraire, c’est lui qui leur cherchait querelle, antagonisait leurs relations et voulait les contrôler.
[152] Par exemple, lorsqu’ils assortissaient leur acquiescement à sa demande de remise d’une première audience d’une affirmation de leur bonne foi, il rétorquait qu’un tel commentaire ne serait pas utile au juge, propos qu’ils estiment sentencieux.
[153] Ce départ prématuré, il l’a finalement choisi, de sorte qu’ils ne sauraient en faire les frais.
[154] Il a décliné leur offre du mois de mars précédent, tout en affirmant, à l’audience du mois de septembre 2022, qu’il n’entendait pas quitter, preuve que la situation était satisfaisante. Encore là, il doit assumer son choix final.
[155] C’est aussi lui qui a encore envenimé la relation, en novembre 2022, en provoquant l’altercation qui a donné lieu à des accusations criminelles.
[156] Pour leur part, ils ne pouvaient répondre à ses demandes de négociations de fin de contrat, ou à ses avis de terminaisons de bail, par respect pour l’interdiction de contact que ce dernier s’est vu imposer par les instances pénales.
[157] Ils ont donc agi correctement, alors que le locataire s’est finalement autorisé à quitter le 10 mars, sans aucun droit.
[158] La résiliation du bail doit donc être constatée, mais aux torts du locataire, concluent-ils.
Analyse
[159] Notons d’abord qu’une situation de harcèlement étant ici invoquée, il y a lieu de l’analyser à la lumière de la définition qu’en donne l’auteur Pratte, comme le soutiennent les deux parties, définition maintes fois retenue par la jurisprudence du TAL[2].
[160] Cet auteur s'exprime ainsi, tel que rappelé dans l'affaire Entreprises Serge Savard inc. c. De Carvalho :
« De façon générale, le harcèlement suppose une conduite qui, en raison de l'effet dérangeant qu'elle produit avec une certaine continuité dans le temps, est susceptible de créer éventuellement, chez la victime, une pression psychologique suffisante de manière à obtenir le résultat ultimement recherché par l'auteur de cette conduite. Plus spécifiquement, le harcèlement interdit aux termes de l'article 1902 pourrait, à notre avis, être décrit comme suit :
Une conduite se manifestant par des paroles ou des actes et ayant comme conséquence de restreindre, de façon continue, le droit d'un locataire à la jouissance paisible des lieux ou d'obtenir qu'il quitte le logement. »[3]
[161] Pour sa part, le juge administratif Jean Bisson, dans l'affaire Adair-Martin c. Immeubles Stephen, définit ainsi le harcèlement :
« Le harcèlement peut se définir de la façon suivante : harcèlement : comportement volontaire et généralement répété et continu d'une personne se manifestant entre autres par des paroles, des actes ou des gestes à caractère vexatoire ou méprisant à l'égard d'une autre personne, dirigés contre cette personne, ses proches ou ses biens. »[4]
[162] Le Tribunal se doit donc d'apprécier l'ensemble des faits de façon objective afin de déterminer si les gestes posés peuvent être qualifiés d'actes de harcèlement constituant une série de mesures systémiques ayant comme conséquence de restreindre le droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir le départ du locataire, comme le rappelait également la juge administrative Jodoin dans l'affaire Mirza c. Chowdhury[5].
[163] Le locataire invoque au surplus que les locateurs ont violé son droit fondamental à une pleine jouissance des lieux et soumet ainsi, au soutien des réparations monétaires demandées, qu’ils ont agi de façon tout à fait consciente des effets de leurs actions.
[164] Réitérons que la conclusion de cette affaire repose sur la crédibilité des témoignages entendus de part et d'autre afin de déterminer s'il y eu, en l'espèce, une véritable situation de harcèlement causée par les locateurs. Rappelons que ces derniers concluent plutôt à un simple conflit entre voisins, voire à une faute contributive de la part du locataire, situation qui a simplement dégénéré par la faute de ce dernier, au premier chef.
[165] Après analyse de la preuve présentée, force est de conclure, pour le Tribunal, que la conduite des locateurs à l’égard du locataire, et plus particulièrement celle du locateur, a été intimidante à plusieurs égards. Il y a eu des actes de nature à restreindre sa libre jouissance des lieux, voire du harcèlement, et ce, peu importe les reproches qu’ils estimaient justes de faire valoir à son endroit, de leur propre point de vue.
[166] Bien que le Tribunal convienne que les faits ne peuvent être analysés par la seule lorgnette du locataire, il reste que la façon d’agir des locateurs a été excessive, en termes de manifestations de hargne et de colère, et ce, tant en réponse à de simples demandes de réparations qu’en réponse à une volonté de faire valoir des droits[6].
[167] Il apparaît évident au Tribunal que le locateur souhaitait que les choses se déroulent selon ses propres règles et qu’à la moindre contrariété, sa réaction était empreinte d’agressivité.
[168] Par ailleurs, tout indique que cette conduite a rapidement eu pour but ultime de voir quitter le locataire à plus ou moins court terme, alors qu’ils avaient conclu un bail de trois ans, au grand dam des locateurs, le temps passant.
[169] Le Tribunal retient d’abord une réaction de colère excessive du locateur autour de la pose d’une simple hotte, dans les semaines qui ont suivi l’arrivée du locataire.
[170] Cette hotte avait été promise pour le début du bail, mais n’a été installée qu’à la mi-août, à la suite de rappels de la part du locataire.
[171] Ces rappels, de l’ordre de quelques messages, ont été reçus comme une pression indue.
[172] Bien que les locateurs justifient leur retard à s’exécuter tantôt par une difficulté d’approvisionnement tantôt par une difficulté de trouver un ouvrier pour installer l’accessoire promis, reste que les choses se sont déroulées rapidement lorsque le locataire a insisté.
[173] Le Tribunal doute des justifications des locateurs, alors qu’au final, un voisin a installé la hotte. Peu importe, le Tribunal juge excessif que le locateur ait assorti cette installation d’une demande de paiement du loyer très à l’avance, voire d’une menace d’expulsion, à défaut.
[174] Par ailleurs, le Tribunal peut croire que les nécessaires rappels de la part du locataire aient été pour lui une source d’anxiété inutile, alors que le locateur a finalement obtempéré, visiblement contrarié.
[175] Sa réaction concernant la simple réparation de la main-courante de l’escalier a été tout aussi excessive et ce, sans autre raison que sa contrariété devant cette demande du locataire, encore là.
[176] Il s’est montré fermé, hostile, l’accusant cette fois de chercher des problèmes.
[177] Il a tenu à lui préciser que cette réparation avait été autorisée pour lui faire plaisir, remarque inappropriée, s’agissant de son devoir de locateur. Par ailleurs, nécessitant l’ajout de chevilles afin que la rampe soit solidement fixée, ce travail n’était pas un pur caprice.
[178] En novembre, lors de la problématique entourant l’apparition des souris, le locateur s’empressait d’abord de souligner au locataire qu’il était fautif, affirmation sans autre fondement que sa contrariété devant un état de fait fortuit. Par la suite, il lui fournissait le matériel requis afin de boucher des trous, ce qui fut fait.
[179] Notons que le Tribunal ne croit pas à l’affirmation des locateurs voulant que le locataire ait déposé une souris morte dans le sac contenant le résidu du matériel fourni, cette affirmation arrivant très tardivement dans l’histoire, soit lors d’une déclaration aux policiers, en novembre 2022.
[180] Par ailleurs, lors de cet épisode de souris, le locateur faisait aussi planer la menace de se rendre inspecter fréquemment le logement, à la recherche de dégâts susceptibles d’être causés par le chien. Dans cette foulée, il s’autorisait à prendre une photo de l’entrée privée du locataire, à son insu, cherchant à le prendre éventuellement en défaut quant à la présence de poils de chien, photo qu’il lui servira en mars 2022.
[181] Mi-novembre 2021, bien que la demande du locataire de se voir rembourser de son dépôt de 1 000 $ ait pu être malhabile, voire sa volonté de compenser cette somme sur le loyer du mois de décembre, à tort ou à raison, reste qu’encore là, la réaction des locateurs a été exagérément hargneuse.
[182] Le locataire s’est vu répondre par une menace d’éviction immédiate.
[183] Rappelons que ce dernier venait à peine de s’installer pour trois ans et qu’il voyait à payer son loyer sans faute, et à l’avance, le 15 de chaque mois.
[184] Devant ce comportement pour le moins intimidant, le locataire renonçait à toute forme de compensation et payait le loyer complet du mois de décembre.
[185] Peu après, plutôt que d’aviser simplement le locataire que de l’eau coulait au rez-de-chaussée, en provenance de chez lui, le locateur estimait indiqué de faire intervenir les policiers.
[186] Soit dit avec égard, une telle façon de faire est objectivement intimidante, encore là, et le Tribunal peut comprendre également qu’elle ait pu être génératrice d’un stress indu chez le locataire.
[187] Reconnaissant le défaut de sa laveuse, le locataire a immédiatement réagi, voyant aux réparations à la satisfaction du locateur sans délai et sans s’interroger davantage sur un possible partage de responsabilités.
[188] Notons que le locateur lui a offert une collaboration minimale, appert-il, étant anormal, voire illégal de refuser de montrer des dommages par ailleurs réclamés. Qui plus est, sa crainte de malversation de photos n’était aucunement fondée et cette accusation avait tout pour être mal reçue, encore là.
[189] Les réparations faites, le locataire souhaitait toujours communiquer avec le locateur, demande légitime, nous semble-t-il.
[190] Les locateurs ne souhaitaient pas cette conversation, ni aucune autre, lui tenant rancune de sa demande de remboursement du dépôt de sécurité, malgré le paiement complet du loyer, tel que requis, et le jugeant trop exigeant dans ses demandes de réparations.
[191] Clairement, ils le fuyaient, attitude d’autant plus angoissante qu’ils étaient voisins et habitaient le même immeuble.
[192] Mécontents qu’il ait insisté, les choses ont rapidement dégénéré. Il appert de l’enregistrement de l’événement que les locateurs étaient enclins à lui faire valoir leurs doléances à son endroit, malgré leur disponibilité limitée, mais pas à entendre sa version.
[193] Un retour sur le remboursement du dépôt a provoqué un débordement de colère chez le locateur et le locataire a été invité à quitter sans ménagement.
[194] Le Tribunal croit la version précise et détaillée du locataire voulant que le locateur lui ait simultanément bloqué la porte de sortie, alors que l’enregistrement de la conversation permet d’entendre son ton colérique et les paroles de la locatrice lui ordonnant de le laisser sortir.
[195] Le Tribunal croit également que cette rencontre, pour le moins houleuse, pouvait objectivement donner à penser au locataire qu’il n’était certes plus désiré dans cet immeuble.
[196] Le Tribunal croit également que cet événement a suffisamment troublé le locataire pour qu’il fasse ensuite appel à la police et qu’il renonce au concert auquel il prévoyait assister, ce soir-là.
[197] Que ce dernier ait pu pointer du doigt la locatrice ou lui dire de se détendre ne change pas véritablement la donne. Celle-ci semblait parfaitement en mesure de lui faire valoir ses récriminations, mais peu disposée à entendre celles du locataire, et le locateur, encore moins.
[198] Toujours est-il que, par la suite, c’est par une mise en demeure que le locataire s’exprimait, laquelle a été très mal reçue et suivie d’une lettre des locateurs, tel que précédemment rapporté.
[199] Nul doute que par celle-ci, les locateurs ont encore accentué la pression, espérant qu’il paie jusqu’au 30 juin 2022, et qu’il quitte.
[200] Le locataire ne souhaitait pas quitter, note de nouveau le Tribunal.
[201] Il souhaitait toutefois faire valoir ses droits à la pleine jouissance de son logement et ce, sans avoir à subir la hargne et la rancœur des locateurs à la moindre demande, et voir sanctionner leur comportement intimidant, d’où sa première réclamation.
[202] De toute évidence, cette demande n’a rien arrangé et le Tribunal peut croire que le locataire a continué de subir la rancune du locateur, bien que cette dernière ait pu être moins apparente.
[203] La situation a dégénéré en novembre 2022, alors que le locataire a été accusé de voie de fait sur la personne du locateur.
[204] Cette affaire suivra son cours devant les instances pénales et le locataire a cessé d’habiter ce logement, à la suite de cet événement.
[205] Il est vrai qu’il a été l’instigateur de cette querelle fatidique, mais le Tribunal retient que, par la suite, il a pris connaissance des déclarations faites aux policiers et a mesuré l’ampleur de la hargne des locateurs à son endroit.
[206] Le Tribunal retient également que ces déclarations comportent des propos qui n’avaient pas même été rapportés lors de leur témoignage devant la soussignée, de sorte que le Tribunal ne peut s’empêcher d’y voir une certaine enflure de leurs récriminations envers le locataire, ce qui, soit dit en tout respect, n’aide en rien en ce qui a trait à la crédibilité de leurs propos.
[207] Le Tribunal peut croire aussi que le locateur s’est ensuite montré satisfait de la tournure des événements, sentant le départ imminent du locataire, départ qu’il a ni plus ni moins induit depuis leurs premiers contacts. Ce locataire, qui ne baissait pas les bras et insistait, est vite devenu indésirable.
[208] Par ailleurs, il est révélateur que peu après cet événement, les locateurs n’aient tenté aucune discussion afin de mettre un terme au bail, comme le souhaitait le locataire, et surtout, qu’ils n’aient pas même répondu à ses avis, prétextant la défense faite au locataire d’entrer en contact avec le locateur.
[209] Soit dit avec égard, cette façon de faire n’est pas signe de bonne foi, alors que les locateurs ont paru se satisfaire de recevoir le loyer sans avoir à souffrir la présence du locataire ou à répondre à quelque demande de sa part.
Les sanctions
[210] Le Tribunal juge d’abord qu’il est raisonnable de conclure que l’ensemble de la situation a causé au locataire un préjudice suffisamment sérieux pour avaliser son départ au 10 mars 2023.
[211] Toutefois, tout en estimant que les locateurs, par leur comportement, ont essentiellement induit le départ du locataire, au fil des mois, reste que le Tribunal ne peut occulter le fait que ce dernier a lui-même adopté une attitude répréhensible en novembre 2022.
[212] Les versions sont contradictoires en ce qui concerne les faits et gestes exacts qui ont été posés, ce jour-là, mais le locataire s’est tout de même vu accuser de voie de fait. Si la situation est devenue intenable, par la suite, l’impétuosité manifestée par ce dernier ne peut être ignorée.
[213] Aussi, le Tribunal juge-t-il indiqué de lui accorder une somme limitée à 250 $ à titre de dommages moraux et matériels liés à ce départ.
[214] Le Tribunal ne peut par ailleurs lui accorder le remboursement des loyers payés du 1er décembre 2022 au 10 mars 2023.
[215] En effet, pendant cette période, le locataire a conservé l’usage du logement, la résiliation du bail s’étant cristallisée le 10 mars 2023, date à laquelle il a libéré ce logis de tout effet.
[216] Le Tribunal retient, au chapitre des dommages moraux liés à l’occupation des lieux, que tout au long de sa période d’occupation, le locataire a subi maints troubles et inconvénients. Il a vécu une perte de jouissance des lieux causée au premier chef par le comportement intimidant des locateurs, tel que précédemment retenu.
[217] Nul doute que la situation a pu être angoissante dès les premiers mois du bail, alors que la moindre demande légitime était perçue comme une pression indue et donnait lieu à une riposte peu encourageante pour la poursuite d’une saine relation contractuelle, d’autant que les parties étaient voisines, réitère le Tribunal.
[218] Tels dommages ne sont jamais faciles à quantifier, disons-le, mais le Tribunal estime qu’en l’instance, une somme de 1 500 $ est raisonnable et justifiée.
[219] Notons qu’à la suite des événements retenus entre les mois d’août et de novembre 2021, période où les troubles de jouissance, troubles provoqués principalement par le locateur, ont été les plus marquants, le mal était fait. Quant à la mise en demeure du 14 mars 2022, elle n’a rien arrangé, bien au contraire, et a plutôt été perçue comme un geste de provocation de la part du locataire.
[220] Les locateurs ont jugé indiqué de lui faire savoir qu’ils accentueraient leur contrôle quant à l’état du logement par des visites multiples, à la recherche de dommages, moyennant la remise du dépôt.
[221] Notons que ces visites n’ont jamais eu lieu, par la suite, de sorte que cette annonce semble n’avoir eu pour but que d’angoisser encore le locataire, tout en sachant qu’il était déjà anxieux, de par sa condition personnelle. Quant au dépôt, il n’était finalement remis qu’en septembre 2022, au cours d’une audience devant le Tribunal.
[222] De plus, le Tribunal peut croire que l’événement du 24 novembre 2021 a perturbé le locataire à un point tel, qu’il a passé la soirée à se remettre de celui-là et n’a pu assister au concert prévu, ce soir-là, perdant ainsi la somme de 40 $, somme à laquelle il y a lieu de faire droit.
[223] Quant aux dommages punitifs ici réclamés, le Tribunal estime que le comportement répréhensible et intimidant du locateur doit être dissuadé, lequel a certes mené à une restriction de jouissance des lieux, pouvant même induire un départ, tôt ou tard, événements que les locateurs étaient aisément en mesure de prévoir, sinon d’orchestrer.
[224] Aussi, le Tribunal accorde-t-il au locataire la somme réclamée dans sa demande initiale, soit 500 $, estimant cette somme suffisante pour rencontrer le but à la fois punitif et surtout dissuasif de tels dommages et compte tenu de la gravité de la faute et des sommes déjà accordées à titre compensatoire, notamment.
[225] Les frais extrajudiciaires ne peuvent être remboursés, au terme du Règlement sur les frais, mais le locataire a droit à la somme de 119 $ à titre de frais judiciaires.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[226] CONSTATE la résiliation du bail en faveur du locataire, à compter du 10 mars 2023;
[227] CONDAMNE les locateurs à payer au locataire la somme de 1 790 $, avec intérêts au taux légal, plus l’indemnité additionnelle en vertu de l’article
[228] CONDAMNE les locateurs à payer au locataire la somme de 500 $ à titre de dommages punitifs, avec intérêts au taux légal, plus l’indemnité additionnelle en vertu de l’article
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Luce De Palma | ||
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Présence(s) : | le locataire les locateurs | ||
Date de l’audience : | 1er septembre 2022 | ||
Présence(s) : | le locataire les locateurs | ||
Date de l’audience : | 20 octobre 2022 | ||
Présence(s) : | le locataire les locateurs Me Léa Chahine, avocate des locateurs | ||
Date de l’audience : | 20 avril 2023 | ||
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[1] L.R.Q, c. C-12.
[2] Bibaud c. SGI 8550-8590 Jean- Brillon, R.L., Montréal, 31-070316-021G, le 23 juin 2010, j. adm, M.‑L. Santirosi; Mirza c. Chowdury, 2013 Canlii 1453.
[3] Régie du logement, Longueuil,
[4] R.L. Laval, 35 950105 028 G, le 4 mai 1995, r. Bisson.
[5] Mirza c. Chowdhury, 2013 CanLII 1453 (QC RDL).
[6] Pilette c. Beaupré, C.Q., Montréal, 500-02-091728-09, le 20 juin 2001, j. M. Desmarais.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.