Décision

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Décision

Keegan c. Keegan

2018 QCRDL 12389

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Longueuil

 

No dossier :

383039 37 20180222 G

No demande :

2443184

 

 

Date :

12 avril 2018

Régisseure :

Danielle Deland, juge administrative

 

Harold Keegan

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

John Keegan

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur a introduit une demande pour obtenir l’autorisation de reprendre le logement occupé par le locataire.

[2]      Les parties sont liées par un bail autrefois à durée indéterminée, commençant le 1er mai 2009, et reconduit sur une base annuelle à compter du 1er juillet 2017, pour un loyer de 550 $ par mois.

[3]      Le 22 décembre 2017, le locateur a avisé le locataire, qu’il entendait reprendre le logement pour s’y loger à compter du 1er juillet 2018. L’avis est conforme aux dispositions des articles 1960 et 1961 du Code civil du Québec.

[4]      Le locataire n’a pas répondu à l’avis, de sorte qu’au 27 janvier 2018, il était présumé avoir refusé de quitter les lieux ; le locateur a donc introduit la présente demande et ce, dans le délai prévu à l’article 1963 du Code civil du Québec qui prévoit que :

« 1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre, avec l'autorisation du tribunal.

Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins. »

[5]      Présent à l’audience, le locataire conteste les intentions du locateur quant à la reprise du logement.

Brève chronologie et résumé des faits pertinents à l’affaire

[6]      Le locateur et le locataire sont frères.


[7]      Le logement concerné est un 4½ pièces situé au rez-de-chaussée d’un duplex dont le locateur est propriétaire depuis septembre 1992 et qu’il a occupé jusqu’en 2009. Le logement du haut est occupé par la mère des parties.

[8]      Le 13 mars 2009, le locateur écrit au locataire pour l’informer qu’ayant décidé de retourner vivre à la campagne d’ici juillet 2009 et ne voulant pas avoir « n’importe qui comme locataire avec Mammy en haut » (sic), il lui offre de louer le logement de 4½ pièces du rez-de-chaussée avec la moitié du sous-sol, la cour au complet et le grand cabanon. Le petit cabanon était à l’usage de leur mère et le locateur gardait le <bachelor> comme port d’attache. Le loyer proposé était de 500 $ par mois (chauffé) en échange de quoi le locataire devait s’occuper de l’entretien de l’immeuble avec entente qu’il pouvait déduire du loyer les travaux mineurs le cas échéant pour un tarif de 25 $ l’heure. Le courriel se termine comme suit : « prends le temps de méditer là-dessus, je crois que ça servirait à tout le monde surtout à mammy… » (sic).

[9]      Un bail est signé pour un loyer de 850 $ par mois et on indique au bail qu’il s’agit d’un 6½ pièces. Il a été admis à l’audience que le locataire a toujours payé un loyer de 500 $ par mois.

[10]   Le locateur a témoigné que son frère a toujours bien entretenu l’immeuble et qu’il a bien pris soin de leur mère. Il a même participé à des travaux de démolition du sous-sol en vue d’y construire un autre logement. Cependant à cause d’un problème de hauteur, la ville a refusé d’émettre un permis de construction. Entre-temps l’escalier menant du sous-sol au rez-de-chaussée avait été démoli et le logement concerné était donc réduit aux 4½ pièces du rez-de-chaussée. Le locateur a éventuellement envoyé un avis de modification au bail à son frère l’avisant que dorénavant le bail serait un bail annuel et que le loyer serait de 550 $ par mois.

[11]   Le locateur a mis l’immeuble en vente à l’automne 2017 et il a témoigné à l’audience qu’il y a eu une trentaine de visites d’acquéreurs potentiels mais qu’aucun d’eux n’a fait une offre d’achat notamment parce que les loyers étaient trop bas.

[12]   Le locateur a ajouté qu’il était maintenant à la retraite et qu’il habitait à 120 km du logement concerné. Il a clairement expliqué qu’il aurait dorénavant le temps de faire lui-même une partie des travaux afin d’en réduire les coûts et qu’il serait plus facile de ce faire s’il habitait sur place.

[13]   Il est vrai que le locateur a témoigné qu’il désirait se « rapprocher de la civilisation » et n’aller à son chalet que les week-ends et qu’il désirait également prendre le relais de son frère et s’occuper de leur mère.

[14]   D’une part il a été démontré que le chalet du locateur était en fait une résidence principale. Mais le fait qu’il s’agisse d’une maison plutôt que d’un chalet n’est pas vraiment pertinent dans l’affaire. Le fait que le locateur ait témoigné qu’il avait l’intention de retourner à son chalet les week-ends n’aurait pas été un obstacle à la reprise, puisqu’il a été établi par les tribunaux que l’habitation d’un logement objet d’une reprise pouvait être intermittente.

[15]   Mais pour qu’une reprise soit accordée, il ne doit pas y avoir de doute dans la réalisation du projet du locateur et la preuve doit être faite que son intention en est une de permanence.[1]

[16]   Le locateur n’a pas convaincu le Tribunal qu’il avait l’intention d’habiter le logement à long terme. Au contraire, il a maintes fois répété qu’il voulait faire des travaux dans l’immeuble afin d’en rehausser la valeur en vue de le revendre.

[17]   L’argument du locateur qu’il veut prendre le relais de son frère pour s’occuper de sa mère est plus ou moins crédible. Il n’y a aucun motif de croire qu’il ne s’occuperait pas bien de sa mère pendant son occupation du logement du rez-de-chaussée. Cependant, quand il a mis l’immeuble en vente à l’automne 2017, il savait que l’acquéreur éventuel reprendrait pour l’occuper le logement du rez-de-chaussée. Sa mère n’aurait plus eu de personne aidante à compter du moment où le locataire aurait été évincé de son logement.


[18]   Considérant que le locateur n’a pas rencontré son fardeau de preuve qu’il a vraiment l’intention d’habiter le logement à long terme et que la reprise n’est pas un prétexte pour atteindre d’autres fins, la demande doit être rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[19]   REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Danielle Deland

 

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Me Sylvain Pratte, avocat du locataire

Date de l’audience :  

11 avril 2018

 

 

 


 



[1] Vallée c. Masson [1998] J.L. 153 (R.L.).

 

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