Décision

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Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Procureure générale du Québec c. IMTT-Québec inc.

2019 QCCA 1598

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-009369-163

(200-17-010101-087, 200-17-017062-126)

 

DATE :

26 septembre 2019

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

CLAUDINE ROY, J.C.A.

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

 

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC, en sa qualité de représentante du

ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les

changements climatiques

APPELANTE / INTIMÉE INCIDENTE — demanderesse/défenderesse

c.

 

IMTT-QUÉBEC INC.

INTIMÉE / APPELANTE INCIDENTE — défenderesse/demanderesse

et

 

ADMINISTRATION PORTUAIRE DE QUÉBEC

INTIMÉE / APPELANTE INCIDENTE — demanderesse

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

INTIMÉ / APPELANT INCIDENT — intervenant

et

 

CENTRE QUÉBÉCOIS DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT

NATURE QUÉBEC

INTERVENANTS

 

 

 

 

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           La procureure générale du Québec (« PGQ ») porte en appel un jugement du 8 septembre 2016 de la Cour supérieure, district de Québec (l’honorable Gilles Blanchet) (2016 QCCS 4337), déclarant inopérantes plusieurs dispositions de la Loi sur la qualité de l’environnement[1] (« LQE ») aux activités et installations d’IMTT-Québec inc. (« IMTT ») dans le port de Québec. IMTT, l’Administration portuaire de Québec (« APQ ») et le procureur général du Canada (« PGC ») se portent appelants incidents.

[2]           La question principale à trancher dans cet appel est de savoir si certaines dispositions de la LQE sont inapplicables ou inopérantes quant à IMTT, qui loue des terrains de l’APQ dans le port de Québec pour y exploiter des terminaux de transbordement et d’entreposage de produits liquides en vrac.

[3]           Avant d’y répondre, il faut d’abord rappeler le contexte ayant donné naissance à ce litige (section I), les procédures intentées (section II), le jugement de première instance (section III) et l’imposant corpus législatif applicable à de telles opérations (section IV).

[4]           Le PGC, l’APQ et IMTT soutiennent qu’il faut appliquer ici la doctrine constitutionnelle de l’exclusivité des compétences, faisant appel aux compétences fédérales en matière de propriété publique fédérale, de transport interprovincial et international et de navigation et bâtiments ou navires. Nous concluons que le terrain où se trouvent les installations visées est une propriété publique fédérale au sens du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867 et que les activités d’IMTT sont étroitement liées à la compétence fédérale sur la navigation et les bâtiments ou navires, mais qu’il ne s’agit pas d’une entreprise de transport interprovincial ou international. En raison des précédents jurisprudentiels, il est approprié d’appliquer la doctrine de l’exclusivité des compétences pour décider si IMTT a l’obligation d’obtenir une autorisation des autorités provinciales en vertu de la LQE. Nous concluons que les processus d’autorisation prévus aux articles 22, 31.1 et 31.1.1 de la LQE sont constitutionnellement inapplicables. IMTT n’a donc aucune autorisation à demander aux autorités provinciales en vertu de ces dispositions de la LQE pour construire ses réservoirs et quais de chargement dans le port de Québec et y mener ses activités, tant que celles-ci s’exercent sur une propriété publique fédérale et servent véritablement à des fins liées à la navigation ou les bâtiments et navires, comme l’entreposage, la manutention ou le transbordement des cargaisons à des fins de transport maritime (section V).    

[5]            Par ailleurs, en l’absence de preuve d’entrave ou de conflit entre les législations fédérales et provinciales, il n’y a pas lieu de déclarer inapplicables ou inopérantes les autres dispositions de la LQE ou des règlements adoptés en vertu de cette loi (section VI).

[6]           Nous signalons qu’il est à souhaiter que les débats de compétences liées à l’environnement se résolvent par la collaboration plutôt que par la confrontation dans le cadre du fédéralisme coopératif prôné par la Cour suprême du Canada depuis plusieurs années. Il s’agit de la meilleure façon de s’assurer de la protection de l’environnement au bénéfice de l’ensemble des citoyens.

I.        LE CONTEXTE

[7]           L’APQ est l’autorité portuaire canadienne qui contrôle l’exploitation du port de Québec afin d’y assurer les activités liées à la navigation, au transport des passagers et des marchandises, de même qu’à la manutention et à l’entreposage des marchandises.

[8]           Selon l’annexe « B » de ses lettres patentes, l’APQ gère les immeubles fédéraux situés dans le port de Québec, dont ceux formant la rive nord du havre de Québec. Les infrastructures portuaires placées sous la responsabilité de l’APQ se trouvent dans trois secteurs principaux au sein de ce havre, soit les secteurs de l’Anse-au-Foulon, de l’Estuaire/Pointe-à-Carcy et de Beauport.

[9]           Le secteur Beauport, objet du présent litige, est le résultat d’un projet de remblayage d’une partie du lit du fleuve Saint-Laurent entrepris à compter des années 1960. La profondeur de l’eau du secteur Beauport et les infrastructures portuaires qui y sont installées permettent à des navires à fort tirant d’eau ou ayant de gros gabarits d’y accoster. Des quantités importantes de marchandises peuvent en conséquence être chargées ou déchargées d’un seul navire.

[10]        Les infrastructures du secteur Beauport assurent donc aux expéditeurs qui optent pour le port de Québec d’y faire transiter des navires dont la dimension permet des économies d’échelle importantes. Ces infrastructures procurent au port de Québec, à ses clients et aux expéditeurs un avantage économique par rapport à d’autres ports de l’Amérique du Nord. Vu sa situation géographique, en plus d’un accès en eau profonde pour les navires, le secteur Beauport profite d’un accès direct aux réseaux ferroviaires et autoroutiers menant à plusieurs centres urbains importants du Canada et des États-Unis.

[11]        L’APQ a adopté un plan d’utilisation des sols conformément à la Loi maritime du Canada, y compris pour le secteur Beauport où IMTT poursuit ses activités[2]. Ce plan précise que le secteur Beauport « est parfaitement adapté aux tendances modernes du transport maritime de produits en vrac. Il s’agit donc du secteur le plus porteur d’avenir du port de Québec »[3]. Le plan ajoute que le « secteur de Beauport constitue le site d’accueil des navires de grand gabarit et il répond aux tendances des ports modernes dans ce segment de marché. Il est essentiel pour l’Administration portuaire de Québec de préserve[r] l’intégrité de ses propriétés actuelles qui sont aptes à remplir ce mandat important »[4]. Une large bande de 400 à 500 mètres y est d’ailleurs réservée à partir des postes de quai « pour répondre aux exigences modernes de la manutention de produits en vrac ou de conteneurs avec des navires de plus de 150 000 tonnes de port en lourd »[5].

[12]        IMTT est une société constituée le 18 mars 1988 en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[6]. Il s’agit d’une filiale canadienne d’une entreprise américaine du secteur de la manutention et du stockage de produits liquides en vrac. Elle loue de l’APQ plusieurs terrains riverains dans le secteur Beauport du havre de Québec. IMTT exploite sur ce site cinq terminaux de transbordement et d’entreposage de liquides en vrac, ainsi qu’une cinquantaine de réservoirs d’une capacité variant entre 100 m3 et 34 500 m3, pour une capacité d’entreposage totale de 312 000 m3.

[13]        Les clients d’IMTT qui louent ces réservoirs assurent eux-mêmes le transbordement des marchandises liquides qui entrent ou qui quittent les réservoirs. Ces marchandises incluent de l’essence, du mazout à chauffage, du carburéacteur (« jet fuel »), des huiles et lubrifiants, de l’éthanol, du méthanol, du biodiésel, des produits chimiques spécialisés, telle la soude caustique, et des produits à base d’huiles végétales ou animales.

[14]        Les marchandises entrent dans les réservoirs lorsqu’elles sont livrées par navire. Ces marchandises quittent les réservoirs afin d’être à nouveau transportées à leur destination finale par wagon-citerne ferroviaire, par camion-citerne ou par navire, le site étant directement lié au réseau ferroviaire ainsi qu’à deux grands axes routiers. IMTT dispose d’ailleurs de rampes de chargement à ces fins.

[15]        Des employés d’IMTT surveillent les opérations et sont affectés aux installations physiques des terminaux afin d’assister les clients avec le transbordement de leurs marchandises vers ou à partir des réservoirs. Pour un wagon-citerne ou un camion-citerne, le transbordement s’effectue avec des rampes de chargement modernes, alors que pour un navire, il s’effectue à partir de deux quais en eau profonde avec un système de pompes et de pipelines souterrains et hors terre.

[16]        Comme plusieurs produits doivent être conservés à certaines températures précises et nécessitent aussi souvent l’ajout d’additifs, IMTT est équipée d’infrastructures permettant d’offrir les services de chauffage ou de refroidissement des réservoirs, ainsi que de mélange ou dilution de produits. IMTT peut aussi offrir à ses clients des services de transbordement de produits entre réservoirs et de filtrage de produits entreposés.

[17]        Avant les événements qui donneront naissance au litige, les installations et activités d’IMTT ont fait l’objet de certificats d’autorisation délivrés en vertu de la LQE, notamment un certificat d’autorisation selon l’article 22 de cette loi délivré à IMTT le 22 juin 2004 pour l’exploitation d’un terminal maritime dans le port de Québec et l’exploitation de 41 réservoirs. Ce certificat d’autorisation provincial vise aussi l’exploitation de trois systèmes de prétraitement des eaux usées.

[18]        Ce certificat provincial prévoit des protocoles auxquels doit se conformer IMTT, dont fournir au ministère provincial, le 1er janvier et le 1er juillet de chaque année, la liste des produits entreposés sur le site, procéder deux fois par année au suivi des eaux souterraines et rendre disponible au ministère provincial le registre des résultats d’analyse et des volumes d’eaux usées rejetées dans le réseau d’égout pluvial municipal ou dans le réseau du port de Québec ainsi que leur provenance.

[19]        Au cours de 2006, IMTT entrevoit divers projets de construction de nouveaux réservoirs pour accroître sa capacité totale de réception, d’entreposage et de livraison de produits liquides. Sept réservoirs seront ainsi construits et mis en service :

(1) Les réservoirs 42 et 43 d’une capacité de 16 504 m3 et de 18 478 m3 pour répondre à une entente conclue le 21 septembre 2006 avec un commerçant de produits pétroliers afin de recevoir du naphte, du gasoil et du carburéacteur (jet fuel). À la suite de discussions avec l’APQ, la construction de ces réservoirs débute en décembre 2006, mais doit faire l’objet d’un examen environnemental préalable avant leur mise en service. Le Comité d’évaluation environnementale de l’APQ autorise le projet le 26 février 2007. Le réservoir 43 est mis en service à la fin juillet 2007, tandis que le réservoir 42 entre en service à la fin d’octobre 2007.

(2) Les réservoirs 44, 45 et 46 d’une capacité de 4 892 m3, de 4 889 m3 et de 18 242 m3 pour répondre à une entente conclue le 13 décembre 2006 avec un commerçant afin de recevoir du méthanol et à une entente antérieure avec un autre client afin de recevoir de l’essence. Le Comité d’évaluation environnementale de l’APQ autorise le projet le 26 février 2007. La construction du réservoir 46 débute en août 2007, tandis que celle des réservoirs 44 et 45 au début décembre 2007. Les trois réservoirs sont mis en service en décembre 2007.

(3) Les réservoirs 53 et 54 d’une capacité de 19 627 m3 et de 19 632 m3 pour répondre à une entente conclue le 17 mai 2007 avec un client afin de recevoir du carburéacteur (jet fuel). L’autorisation du projet est accordée par le Comité d’évaluation environnementale de l’APQ le 31 août 2007. Les réservoirs sont mis en service à la mi-juin 2008.

[20]        Les parties reconnaissent que, pour chacun de ces nouveaux réservoirs, IMTT s’est conformée au processus d’examen et d’autorisation prévus dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale[7] et dans le Règlement sur l’évaluation environnementale concernant les administrations portuaires canadiennes[8]. Il est également reconnu que la construction de ces réservoirs fut approuvée par le Comité d’évaluation environnementale de l’APQ et que ces ouvrages sont conformes aux baux d’IMTT et au Plan d’utilisation des sols de l’APQ.

[21]        Avant la construction de ces réservoirs, IMTT n’a procédé à aucune demande d’autorisation en vertu de la LQE. Au contraire, dans une lettre datée du 27 avril 2007, IMTT demande aux autorités environnementales provinciales de révoquer le certificat d’autorisation déjà délivré le 22 juin 2004 en vertu de la LQE pour l’exploitation de son terminal maritime dans le port de Québec. IMTT soutient que ce permis est inutile vu qu’elle est une entreprise fédérale qui poursuit ses activités sur un terrain public fédéral situé dans un port fédéral. Cette demande de révocation est refusée.

[22]        Le 29 janvier 2008, les autorités provinciales reçoivent un signalement concernant la construction des nouveaux réservoirs mis en chantier par IMTT. À la fin avril 2008, à la suite de deux inspections, elles délivrent un constat d’infraction, au motif qu’IMTT a construit les sept réservoirs sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévue dans la LQE et sans avoir obtenu un certificat d’autorisation du gouvernement provincial.

[23]         En juillet 2008, alors que les sept nouveaux réservoirs sont déjà en service, la PGQ dépose une demande en injonction cherchant à obliger IMTT à se soumettre au processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement de la LQE et de cesser d’utiliser ces réservoirs jusqu’à ce qu’une autorisation provinciale soit délivrée conformément à cette loi.

[24]        À l’automne 2008, lors de négociations entourant la présentation de cette demande d’injonction au stade interlocutoire, IMTT et les autorités provinciales concluent un protocole d’entente en vertu duquel IMTT accepte de soumettre les sept réservoirs à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévue dans la LQE en vue de favoriser un règlement du dossier d’injonction, mais sans reconnaître l’application de cette loi. Le protocole prévoit que, dans l’éventualité où des demandes d’audience publique seraient faites, les autorités provinciales examineront la possibilité d’entreprendre une médiation plutôt qu’une audience publique. Le protocole prévoit aussi que les parties peuvent chacune unilatéralement y mettre fin sur simple avis écrit.

[25]        En novembre 2008, pour faire suite au protocole d’entente, IMTT soumet aux autorités provinciales son avis de projet concernant les sept réservoirs. Une directive provinciale lui est transmise en décembre 2008 sur la nature, la portée et l’étendue du projet. En novembre 2009, IMTT dépose son étude d’impact auprès des autorités provinciales. Les divers paliers du ministère de l’Environnement du Québec lui soumettront à trois occasions des questions et commentaires, entre mars 2010 et décembre 2011. C’est finalement en juillet 2012, plus de trois ans et demi après l’avis de projet initial, que le ministre de l’Environnement du Québec décide de confier au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (« BAPE ») le mandat de tenir une audience publique sur le projet. Le BAPE est l’organisme provincial constitué conformément à la LQE pour tenir des audiences publiques lorsque le ministre provincial le requiert.

[26]        Le 20 septembre 2012, IMTT transmet l’avis requis afin de mettre fin au protocole d’entente. Elle annonce qu’elle ne participera pas aux travaux du BAPE, dont l’audience publique est prévue pour le 29 octobre 2012, afin que la question de la compétence constitutionnelle de la province sur le projet soit tranchée par un tribunal. Peu après, IMTT et l’APQ déposent une demande conjointe en jugement déclaratoire recherchant une déclaration que les installations et les activités d’IMTT dans le havre de Québec, de même que celles de l’APQ eu égard à IMTT, ne sont pas assujetties à la LQE.

[27]        En parallèle, il y a deux autres projets litigieux.

[28]        D’abord, IMTT entreprend divers travaux de modification à ses installations pour les rendre conformes au Règlement sur les systèmes de stockage de produits pétroliers et de produits apparentés[9] adopté par le gouvernement fédéral en 2008. Elle profite de ces travaux pour remplacer la rampe de chargement des camions afin d’augmenter le nombre d’îlots de chargement et de les équiper de nouvelles technologies. IMTT avise l’APQ du projet de remplacement de la rampe en juin 2011. Le Comité d’évaluation environnementale de l’APQ approuve le projet en septembre 2011 et les travaux débutent à l’automne pour se terminer en mai 2012. 

[29]        Comme dans le cas des nouveaux réservoirs construits en 2007-2008, IMTT n’a pas demandé une autorisation en vertu de la LQE pour la nouvelle rampe de chargement. Après une inspection d’un fonctionnaire provincial, le 18 septembre 2012, les autorités provinciales délivrent un avis de non-conformité en vertu de la LQE, invoquant que les travaux ont été effectués sans les autorisations provinciales requises en vertu des articles 22[10], 32[11] et 48[12] de la LQE.

[30]        De plus, la société Degussa Canada Ltd. exploite depuis longtemps sur le site un terminal maritime servant à la réception et l’entreposage de peroxyde d’hydrogène. Ce terminal fait l’objet d’un certificat d’autorisation en vertu de l’article 22 LQE délivré en 1995. La propriété des réservoirs, pipelines et pompes est cédée à IMTT en décembre 2011 pour lui permettre de les utiliser pour la réception, l’entreposage et la livraison d’autres produits, notamment du biodiésel et de l’huile végétale. Le 23 février 2012, les autorités provinciales exigent un certificat d’autorisation en vertu de l’article 22 LQE afin de permettre à IMTT d’exploiter ces installations acquises de Degussa Canada, ce qu’IMTT refuse de demander.

II.       LES PROCÉDURES ENTREPRISES

1.    Les procédures de la PGQ

[31]        Dans sa demande d’injonction dans le dossier 200-17-010101-087, la PGQ note que sept réservoirs ont été construits par IMTT sans qu’il y ait eu une évaluation environnementale en vertu de la LQE et sans qu’une autorisation soit accordée par le gouvernement du Québec conformément à cette loi. Elle note aussi qu’IMTT et ses prédécesseurs se sont conformés pendant plusieurs années aux procédures environnementales provinciales. La PGQ soutient qu’il devrait toujours en être ainsi. Elle demande donc qu’IMTT soit l’objet d’une ordonnance judiciaire l’enjoignant de se soumettre à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévue à la LQE pour le projet d’implantation des sept réservoirs et qu’il lui soit interdit d’utiliser ces réservoirs jusqu’à ce qu’elle reçoive un certificat d’autorisation du gouvernement du Québec en vertu de la LQE.

[32]        L’injonction recherchée par la PGQ s’appuie principalement sur l’article 31.1 de la LQE, qui prescrit que nul ne peut entreprendre une construction, un ouvrage, une activité ou une exploitation prévus par règlement sans obtenir un certificat d’autorisation du gouvernement du Québec, lequel certificat n’est délivré qu’après avoir suivi la procédure d’évaluation des impacts sur l’environnement prévue par la loi provinciale. Il est acquis au débat que les projets entrepris par IMTT avec l’autorisation de l’APQ dans le havre de Québec seraient visés par cette disposition de la LQE et celles qui y sont rattachées portant sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement dans la mesure où elles seraient constitutionnellement applicables et opérantes.

[33]        On doit de noter que, depuis l’institution des procédures et subséquemment au jugement entrepris, la LQE fut substantiellement modifiée par l’effet de la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert[13] (la « Loi modificatrice de 2017 »). L’article 289 de cette loi modificatrice rend les nouvelles dispositions de la LQE portant sur l’autorisation et l’évaluation des projets applicables à la plupart des situations en cours. Tous conviennent que les questions constitutionnelles soulevées par les parties et les conclusions du jugement entrepris ne sont pas véritablement touchées par les modifications législatives introduites par cette loi. 

[34]        Le 4 mars 2013, dans le cadre de ses procédures en injonction, la PGQ signifie à l’APQ, à IMTT et au PGC un avis en vertu duquel elle demande aussi à la Cour supérieure de déclarer invalides (a) l’alinéa 8(2)d) de la Loi maritime du Canada, qui prévoit que les lettres patentes d’une administration portuaire canadienne doivent préciser les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux dont la gestion lui est confiée; (b) l’article 3.2 des lettres patentes de l’APQ qui énonce que les immeubles fédéraux confiés à celle-ci sont décrits dans l’annexe « B »; et (c) l’annexe « B » de ces lettres patentes qui décrit le havre de Québec dans la liste des immeubles fédéraux.

[35]         Contrairement à ce qu’énoncent ces lettres patentes fédérales, la PGQ soutient que le havre de Québec appartient au gouvernement du Québec. La PGQ reconnaît que l’administration du havre est confiée à l’APQ, mais elle est d’opinion qu’en vertu de l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867, c’est le gouvernement du Québec qui détient la propriété du havre.

2.    Les procédures de l’APQ et d’IMTT

[36]        Dans leur demande conjointe dans le dossier 200-17-017062-126, l’APQ et IMTT cherchent des déclarations judiciaires visant à confirmer que le site sur lequel IMTT exerce ses activités est une propriété publique fédérale. Selon elles, le fond marin du site aurait été cédé aux Commissaires du havre de Québec avant le pacte confédératif de 1867. Le site n’aurait donc pas été visé par les articles 108 et 109 de la Loi constitutionnelle de 1867, car il n’aurait pas fait partie du domaine public au 1er juillet 1867. Il aurait été dévolu à la Couronne fédérale entre 1936 et 1954 au moyen de diverses lois fédérales, pour être enfin confié à l’APQ en 1999 dans ses lettres patentes.

[37]        L’APQ et IMTT soutiennent aussi que les activités d’IMTT sont étroitement intégrées et sont essentielles à la compétence fédérale exclusive sur la navigation et les bâtiments ou navires, de même que sur le transport interprovincial et international. Il s’agirait donc d’une entreprise fédérale.

[38]        Elles sont aussi d’opinion que les installations et les activités d’IMTT dans le havre de Québec, de même que celles de l’APQ eu égard à IMTT, ne sont pas assujetties à la LQE. Elles soulèvent deux moyens constitutionnels à cette fin : la doctrine de l’exclusivité des compétences et, subsidiairement, la doctrine de la prépondérance fédérale.

[39]         L’APQ et IMTT sont d’avis qu’en vertu de la doctrine de l’exclusivité des compétences, la LQE serait inapplicable du fait qu’elle entraverait l’exercice par le gouvernement fédéral d’activités relevant du cœur de ses compétences exclusives, notamment la compétence fédérale sur la propriété publique fédérale en vertu du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867 (« la dette et la propriété publique/The Public Debt and Property »), la compétence portuaire fédérale en vertu du paragraphe 91(10) (« la navigation et les bâtiments ou navires (shipping)/Navigation and Shipping ») et la compétence fédérale sur le transport interprovincial et international en vertu des alinéas 92(10)a) et b).

[40]        Subsidiairement, elles invoquent aussi la doctrine de la prépondérance fédérale. La LQE serait constitutionnellement inopérante aux installations et activités d’IMTT puisqu’il y aurait à la fois un conflit d’application et un conflit d’objet entre celle-ci et la législation portuaire et environnementale fédérale.

3.    L’intervention du PGC

[41]        Le PGC intervient au dossier de première instance afin d’appuyer dans tous leurs aspects les prétentions de l’APQ et d’IMTT.

III.      LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

[42]        Dans le dossier 200-17-010101-087, le juge rejette la demande d’injonction de la PGQ cherchant à obliger IMTT (a) à soumettre l’implantation de sept réservoirs d’entreposage de liquides en vrac situés dans le port de Québec au processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévu aux articles 31.1 à 31.9 LQE, tels qu’ils étaient alors rédigés[14]; et (b) à cesser d’utiliser ces réservoirs jusqu’à ce qu’une autorisation provinciale soit délivrée conformément à la LQE.

[43]        Dans le dossier 200-17-017062-126, le juge accueille en partie la demande de l’APQ et d’IMTT et prononce les déclarations judiciaires suivantes[15] :

[269]  DÉCLARE que les immeubles loués par l'Administration Portuaire de Québec à IMTT-Québec sont des immeubles fédéraux au sens de la Loi maritime du Canada et de l'article 2 de la Loi sur les immeubles fédéraux et les biens réels fédéraux;

[270]  DÉCLARE que ces immeubles sont situés à l'intérieur des limites du havre de Québec et qu'en conséquence, toutes les installations d'IMTT-Québec visées par le litige sont réputées situées à tous égards sur une propriété publique fédérale;

[271]  DÉCLARE que les activités et opérations d'IMTT-Québec s'intègrent de façon étroite aux domaines de la navigation et des bâtiments ou navires au Canada, de sorte qu'elles relèvent de la Loi maritime du Canada, de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et des règlements adoptés sous leur empire;

[272]  DÉCLARE que toutes les dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec et de ses règlements prescrivant la nécessité d'autorisations provinciales, incluant les règles d'opération ou d'inspection, ainsi que les sanctions, ordonnances, pénalités ou autres mesures pouvant être imposées, notamment en vertu des articles 20 à 27, 31.1 à 31.31, 31.42 à 31.69, 32, 70.1, 113 à 115.4 et 115.13 à 115.32 de la LQE et de ses règlements, sont constitutionnellement inopérantes par rapport aux activités et aux installations de l'Administration portuaire de Québec se rapportant à IMTT-Québec, de même qu'à celles d'IMTT-Québec inc. sur le site de l'Administration portuaire de Québec, et cela dans la mesure où elles font entrave à la réalisation des objectifs visés par le Parlement dans la Loi maritime du Canada, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et les règlements adoptés sous leur empire;

[44]        Ces conclusions reposent sur les motifs résumés ci-après :

1.    La propriété du terrain

[45]        Tous conviennent que le site loué par l’APQ à IMTT fait partie des immeubles dévolus et confiés aux Commissaires du havre de Québec avant la Confédération en vertu de l’Acte pour pourvoir à l’amélioration du havre de Québec et à son administration[16] (« Loi de 1858 ») de l’Assemblée législative de la province du Canada-Uni qui regroupait alors le Haut-Canada et le Bas-Canada. L’article 3 de cette loi prévoit la constitution d’un corps incorporé et politique sous le nom des « Commissaires du havre de Québec » formé de cinq commissaires. L’article 1 de la loi définit le havre de Québec, tandis que l’article 2 (modifié en 1862 par l’Acte pour amender l’acte pour pourvoir à l’amélioration du havre de Québec et à son administration[17] (« Loi de 1862 »)) prévoit que les immeubles de la rive nord de ce havre qui appartiennent à la Couronne sont « dévolus et confiés » auxdits Commissaires aux fins de cette loi (« vested (…) in trust for the purposes of this Act »).

[46]        Le juge interprète ces mots comme conférant un transfert du droit de propriété, prenant appui sur le rapport de la professeure Debruche, préparé à la demande de la PGQ, mais produit comme source par le PGC[18], pour conclure qu’en common law, dans le cadre d’un « trust » public, le fiduciaire est généralement le véritable détenteur du droit de propriété sur le bien visé, alors que les bénéficiaires en sont les propriétaires en « equity ».

[47]        Au terme de son analyse, le juge conclut que le droit de propriété de la Couronne sur les immeubles visés par l’article 2 de la Loi de 1858 fut ainsi acquis par les Commissaires du havre de Québec, de sorte que ces immeubles ne faisaient plus partie du domaine public de la Couronne lors de l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1867 le 1er juillet 1867. Il conclut aussi que ces immeubles furent par la suite cédés à la Couronne fédérale par l’effet de diverses législations fédérales subséquentes.

[48]        Le juge poursuit néanmoins son analyse pour étudier l’effet de l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867 advenant que sa conclusion portant sur le transfert de propriété aux Commissaires du havre de Québec soit erronée. Il conclut que la délimitation statutaire d’un havre public par une loi préconfédérative parle d’elle-même et ne soulève aucune ambiguïté quant à l’application de l’article 108 et de la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867.

2.    IMTT est une entreprise fédérale étroitement intégrée aux domaines de la navigation et les bâtiments ou navires et du transport extraprovincial

[49]        Le juge analyse les activités d’IMTT pour conclure que celles-ci sont étroitement intégrées aux domaines de la navigation et les bâtiments ou navires et du transport extraprovincial, ce qui fait d’IMTT une entreprise fédérale[19]. Toutefois, la conclusion du jugement se limite à déclarer que les activités et opérations d’IMTT s’intègrent de façon étroite au domaine de la navigation et les bâtiments ou navires au Canada.

3.    La doctrine de l’exclusivité des compétences

[50]        Le juge est d’avis que la doctrine de l’exclusivité des compétences ne peut s’appliquer en l’absence d’une jurisprudence constitutionnelle décisive qui aurait déclaré une loi provinciale sur l’environnement inapplicable à une propriété publique fédérale ou à une entreprise fédérale œuvrant dans le domaine de la navigation et des bâtiments ou navires.

4.    La doctrine de la prépondérance fédérale

[51]        Le juge conclut à la fois à un conflit d’application et à un conflit d’objet entre la LQE et la législation fédérale portant sur les installations et les activités d’IMTT au sein du port de Québec. 

[52]        Le conflit d’application résulterait de la dichotomie entre le pouvoir décisionnel octroyé à l’APQ par le Parlement quant à l’approbation de projets portant sur les activités maritimes du port de Québec et la possibilité d’une intervention provinciale discrétionnaire en vertu de la LQE qui viendrait y faire échec[20].

[53]        Mais c’est surtout sur un conflit d’objet que le juge repose sa conclusion. Il analyse les dispositions de la législation et de la réglementation portuaire canadienne pour conclure que le Parlement et le gouvernement fédéral ont adopté des normes complètes concernant l’administration et les activités des ports canadiens, y compris en matière d’environnement, afin « de se réserver le dernier mot, en cas de conflit ou de désaccord, à l’égard de tout ce qui peut se rapporter à ses installations portuaires au pays »[21].

[54]        Pour le juge, le conflit d'intention le plus manifeste réside dans les nombreuses dispositions de la LQE qui confèrent aux autorités provinciales un pouvoir discrétionnaire quasi absolu sur la recevabilité et l'acceptabilité de tout projet susceptible d'avoir un impact environnemental quelconque[22].

IV.     LE CONTEXTE LÉGISLATIF

1.    La Loi constitutionnelle de 1867

[55]        La protection de l’environnement est un défi majeur de notre époque qui présente des dimensions à la fois internationales, nationales et locales et qui exige donc un engagement des gouvernements à tous les niveaux[23]. L’environnement n’est pas un domaine distinct de compétence en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. En conséquence, les différents paliers de gouvernement peuvent légiférer à l’égard de l’environnement dans la mesure où la législation peut se rattacher à un domaine de compétence approprié[24]. Puisque les compétences constitutionnelles fédérales et provinciales diffèrent, « l’importance qui pourra être accordée aux préoccupations environnementales dans l’exercice d’une compétence donnée pourra varier d’un domaine à l’autre »[25].

[56]        Il y a dans le présent dossier un chevauchement entre la législation fédérale et la législation provinciale : IMTT est sujette aux lois et règlements fédéraux et celle-ci, de même que le PGC et l’APQ, contestent l’application en parallèle de la LQE.

[57]        Le PGC, l’APQ et IMTT se réclament de trois champs de compétence fédérale, soit (a) la propriété publique fédérale, (b) la navigation et les bâtiments ou navires (shipping) et (c) le transport interprovincial et international, compétences énoncées aux paragraphes 91(1A), 91(10) et 92(10)a) et b) de la Loi constitutionnelle de 1867, alors que la PGQ et les intervenants appuient leurs prétentions sur la propriété et les droits civils et les matières de nature purement locales dans la province, compétences prévues aux paragraphes 92(13) et (16) :

91.  Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

91.  It shall be lawful for the Queen, by and with the Advice and Consent of the Senate and House of Commons, to make Laws for the Peace, Order, and good Government of Canada, in relation to all Matters not coming within the Classes of Subjects by this Act assigned exclusively to the Legislatures of the Provinces; and for greater Certainty, but not so as to restrict the Generality of the foregoing Terms of this Section, it is hereby declared that (notwithstanding anything in this Act) the exclusive Legislative Authority of the Parliament of Canada extends to all Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say, 

 

[…]

(…)

 

1A. La dette et la propriété publiques.

1A. The Public Debt and Property. 

 

[…]

(…)

 

10. La navigation et les bâtiments ou navires (shipping).

 

10. Navigation and Shipping. 

[…]

(…)

 

92.  Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir :

 

92.  In each Province the Legislature may exclusively make Laws in relation to Matters coming within the Classes of Subjects next hereinafter enumerated; that is to say, 

 

[…]

(…)

10. Les travaux et entreprises d’une nature locale, autres que ceux énumérés dans les catégories suivantes :

 

10. Local Works and Undertakings other than such as are of the following Classes: 

a)    Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d’autres provinces, ou s’étendant au-delà des limites de la province;

b)    Lignes de bateaux à vapeur entre la province et tout pays dépendant de l’empire britannique ou tout pays étranger ;

 

a)      Lines of Steam or other Ships, Railways, Canals, Telegraphs, and other Works and Undertakings connecting the Province with any other or others of the Provinces, or extending beyond the Limits of the Province: 

b)      Lines of Steam Ships between the Province and any British or Foreign Country:

 

[…]

(…)

 

13.  La propriété et les droits civils dans la province;

13. Property and Civil Rights in the Province. 

 

[…]

(…)

 

16.  Généralement toutes les matières d’une nature purement locale ou privée dans la province.

16.  Generally all Matters of a merely local or private Nature in the Province. 

[58]        Dans la présente affaire, sans être d’accord sur l’application du paragraphe 91(1A), les parties reconnaissent que toutes les dispositions législatives et réglementaires pertinentes, y compris la LQE, sont valablement adoptées et relèvent des compétences respectives du gouvernement fédéral ou provincial selon le cas.

2.    Lois et règlements fédéraux

[59]        Les activités portuaires sont encadrées par des lois et règlements fédéraux. À ces législations s’ajoutent celles portant de manière plus générale sur l’évaluation environnementale fédérale et plus spécifiquement sur le stockage des produits pétroliers dans les ports canadiens.

a)    La Loi maritime du Canada

[60]        En 1998, le Parlement a réorganisé la structure des ports fédéraux en adoptant la Loi maritime du Canada[26]. Le titre long de cette loi révèle que son principal objet est de favoriser la compétitivité du réseau portuaire canadien par une rationalisation de sa gestion au moyen, notamment, de la création d’administrations portuaires distinctes pour chaque port important du Canada.

[61]        La loi poursuit principalement des objectifs de croissance économique et de compétitivité au plan international, lesquels doivent se réaliser en tenant compte de la protection de l’environnement[27]. Le ministre fédéral des Transports décrivait ainsi les objectifs poursuivis par le gouvernement lors du débat parlementaire portant sur l’adoption de cette loi[28] :

La loi révisée consolidera et simplifiera la réglementation maritime, réduira la paperasserie et permettra la prise de décisions commerciales plus rapide. Elle permettra aux ports de répondre plus efficacement aux besoins de leurs clients et de réduire la bureaucratie. Dans l'ensemble, elle améliorera la compétitivité de notre secteur maritime.

C’est au moyen d’une gestion décentralisée et autonome des ports menée sur une base commerciale que le Parlement cherche à satisfaire ces objectifs.

[62]        Chacune des administrations portuaires désignées, dont l’APQ, doit exploiter le port qui lui est confié. Cela comprend principalement les activités portuaires directes qu’elle doit mener à titre de mandataire de la Couronne fédérale, soit les activités « liées à la navigation, au transport des passagers et des marchandises, et à la manutention et l’entreposage de marchandises » énoncées dans l’alinéa 28(2)a) de la Loi maritime du Canada[29].

[63]        Une administration portuaire peut aussi mener pour elle-même ou par l’intermédiaire d’une filiale — mais non à titre de mandataire de la Couronne — d’autres activités secondaires à son mandat principal, dans la mesure où celles-ci sont désignées dans ses lettres patentes et qu’elles sont nécessaires aux opérations portuaires sous sa responsabilité, comme le prévoit d’ailleurs l’alinéa 28(2)b) de la Loi maritime du Canada[30].

[64]        Les administrations portuaires sont aussi tenues d’adopter un plan détaillé d’utilisation des sols faisant état des objectifs et politiques établis pour l’aménagement physique des immeubles et des biens réels dont la gestion leur est confiée ou qu’elles occupent ou détiennent, compte tenu des facteurs d’ordre social, économique et environnemental applicables et des règlements de zonage qui s’appliquent aux sols avoisinants[31].

b)   Le Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires

[65]        Le Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires[32] complète la Loi maritime du Canada en établissant un cadre réglementaire détaillé quant aux activités qui peuvent être menées au sein de chaque port géré par une administration portuaire. Les colonnes 1 et 3 de la partie 9 de l’annexe 1 de ce règlement énumèrent les activités permises au sein du port de Québec sur autorisation de l’APQ, donc[33] :

4. Placer, entreposer, manutentionner ou transporter des marchandises dangereuses […]

 

4. Placing, storing, handling or transporting dangerous goods (…)

7. Effectuer des opérations de transbordement d’hydrocarbures, de produits chimiques ou de gaz liquéfié […]

7. Carrying out an oil transfer operation, a chemical transfer operation or a liquefied gas transfer operation (…)

 

10. Transborder, charger ou décharger des cargaisons […]

10. Transhipping, loading and unloading cargo (…)

[66]        Pour exercer l’une de ces activités au sein du port de Québec, une personne, telle qu’IMTT, doit obtenir l’autorisation écrite de l’APQ, laquelle n’est accordée que dans la mesure où la qualité du sol, de l’air ou de l’eau n’est pas altérée par ces activités ou, le cas échéant, l’altération de ces éléments peut être atténuée ou prévenue[34].

c)    Les lettres patentes des administrations portuaires

[67]        Les lettres patentes des autorités portuaires s’ajoutent aux dispositions de la Loi maritime du Canada et du Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires. Dans le cas de l’APQ, ces lettres patentes sont entrées en vigueur le 1er mai 1999[35]. Elles prévoient notamment que le conseil d’administration de l’APQ est formé de sept membres désignés par le gouverneur en conseil, les Villes de Québec, Sillery et Beauport et le gouvernement du Québec[36].

[68]        L’annexe « B » des lettres patentes énumère les immeubles fédéraux dont la gestion est confiée à l’APQ, incluant les immeubles fédéraux formant le havre de Québec où sont situés les réservoirs et autres équipements d’IMTT et où cette dernière exerce ses activités au sein du port de Québec[37]. Les lettres patentes permettent à l’APQ de louer ces immeubles fédéraux à des fins portuaires[38], ce qui fut effectivement le cas pour IMTT[39].

[69]         L’annexe « C » des lettres patentes comporte les immeubles, autres que les immeubles fédéraux, occupés ou détenus par l’APQ[40]. Les immeubles de l’annexe « C » ne sont pas en cause dans la présente affaire.

d)   La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 1992 et le Règlement sur l’évaluation environnementale concernant les administrations portuaires canadiennes

[70]        La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 1992[41] établit un régime réglementaire particulier pour les administrations portuaires canadiennes leur permettant, au stade de la planification et avant de donner leur autorisation, d’évaluer les impacts sur l’environnement des projets qu’elles autorisent, notamment en regard des projets menés sur des terres publiques fédérales[42]

[71]        C’est ainsi que le Règlement sur l’évaluation environnementale concernant les administrations portuaires canadiennes[43] fut adopté en 1999. Il prévoit notamment qu’une administration portuaire canadienne doit effectuer une évaluation environnementale de tout projet avant de louer une partie du territoire domanial fédéral qu’elle administre ou d’y accorder un droit foncier quelconque en vue de la mise en œuvre d’un projet[44].

[72]        Sauf dans les cas où le projet est soumis à l’examen d’une commission fédérale, c’est l’administration portuaire qui établit la portée du projet qui fait l’objet de l’évaluation environnementale. Cette évaluation comporte un examen préalable des effets environnementaux du projet, y compris ceux causés par les accidents ou défaillances pouvant en résulter, des effets cumulatifs que sa réalisation est susceptible de causer à l’environnement et des mesures d’atténuation réalisables, sur les plans techniques et économiques, des effets environnementaux négatifs importants du projet[45].

[73]        Après avoir pris en compte le rapport d’examen préalable, l’administration portuaire peut alors louer le territoire domanial fédéral qu’elle administre ou y accorder un droit foncier en vue de la mise en œuvre du projet, mais seulement si la réalisation de celui-ci n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants, compte tenu de l’application de mesures d’atténuation qu’elle doit veiller à appliquer[46]. Dans le cas contraire, l’administration portuaire canadienne ne peut louer le territoire domanial fédéral ou autrement y accorder un droit foncier aux fins du projet[47]. Dans les cas d’incertitude ou lorsque les préoccupations du public le justifient, le projet est déféré à l’examen par une commission fédérale[48].

[74]        De plus, à son alinéa 4(1)b.2), la loi mentionne qu’elle a aussi pour objet la promotion de la collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux et la coordination de leurs activités, dans le cadre d’un processus d’évaluation environnementale de projets.

e)    La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012)

[75]        Depuis l’entrée en vigueur de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012)[49], les administrations portuaires canadiennes sont dorénavant des « autorités fédérales » au sens de cette loi[50]. L’un des principaux objets de la loi est de veiller à ce que soient étudiés avec soin et prudence les projets qui sont réalisés sur un territoire domanial fédéral, afin qu’ils n’entraînent pas d’effets environnementaux négatifs importants[51].

[76]        Pour ce faire, l’article 67 de la loi mandate une administration portuaire canadienne pour décider si la réalisation d’un projet sur le territoire domanial fédéral qu’elle gère est susceptible ou non d’entraîner des effets environnementaux importants[52]. Si ces effets sont effectivement importants, l’article 69 de la loi mandate alors le gouverneur en conseil pour décider si ces effets sont justifiables dans les circonstances afin de permettre l’utilisation du territoire domanial fédéral aux fins du projet[53].

[77]        Le législateur y réitère aussi l’objectif de collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux et de la coordination de leurs activités en matière d’évaluation environnementale[54].

f)     Le Règlement sur les systèmes de stockage de produits pétroliers et de produits apparentés

[78]        Le Règlement sur les systèmes de stockage de produits pétroliers et de produits apparentés[55] a été adopté en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)[56]. Le gouvernement du Canada y prescrit un cadre réglementaire détaillé portant sur les systèmes de stockage de produits pétroliers ou de produits apparentés appartenant à une entreprise fédérale ou qui sont exploités par celle-ci dans le cadre des opérations d’une administration portuaire canadienne. L’objet du règlement est de réduire le risque de contamination des sols et des eaux souterraines causée par des déversements et des fuites de produits pétroliers ou apparentés en provenance de tels systèmes de stockage[57]. Il requiert que les nouveaux systèmes se conforment à des normes techniques sévères qui permettent de raisonnablement croire qu’il n’y aura pas de rejets dans l’environnement, notamment au moyen d’installations hors terre, d’infrastructures de confinement secondaire et de systèmes de surveillance, de détection et d’avertissement. Le règlement prévoit d’ailleurs l’obligation d’améliorer considérablement les systèmes existants à cette fin. Le règlement requiert aussi des tests d’étanchéité et des inspections.

3.    La Loi sur la qualité de l’environnement du Québec

[79]        Au Québec, la LQE est la loi environnementale fondamentale. Comme la législation fédérale portant sur l’environnement, elle reflète la préoccupation croissante de la société d’assurer la qualité de l’environnement naturel pour les citoyens et les générations futures[58].

[80]        La LQE a fait l’objet de modifications législatives importantes en 2017 par l’effet de la Loi modificatrice de 2017, soit après que le jugement de première instance eut été rendu dans la présente affaire[59]. La plupart de ces modifications législatives sont entrées en vigueur à compter du mois de mars 2018. Elles n’ont pas touché la structure fondamentale de la LQE. Les parties conviennent qu’il faut étudier les nouvelles dispositions de la loi pour décider du pourvoi, comme nous l’enseigne d’ailleurs la jurisprudence[60], afin que le jugement déclaratoire puisse solutionner de façon utile les questions soulevées par les parties. 

[81]         Vu l’ampleur et la complexité de l’environnement, ce domaine ne se prête pas toujours à une codification précise de règles. C’est pourquoi les lois sur la protection de l’environnement cherchent souvent tant à réglementer la pollution qu’à la prévenir au moyen de mécanismes non réglementaires, notamment au moyen d’études d’impacts permettant aux autorités publiques de prendre des décisions éclairées lorsqu’elles autorisent des projets de développement. Cette dichotomie se reflète dans la LQE.

[82]        Comme notre Cour l’a conclu à plusieurs reprises, la LQE repose sur deux régimes principaux[61] : (1) le premier, de nature normative et prohibitive, prend la forme d’un contrôle du rejet de contaminants dans l’environnement au moyen de prohibitions énoncées à l’article 20 LQE; (2) le second, de nature préventive, assujettit des projets de développement à une autorisation provinciale discrétionnaire pour s’assurer que leurs impacts sur l’environnement soient évalués et, s’il y a lieu, atténués; ce régime repose principalement sur les articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE.

[83]        Le régime de l’article 20 est fondé sur trois interdictions, soit (1) une interdiction de rejeter un contaminant dans l’environnement au-delà de la quantité ou de la concentration déterminées conformément à la loi, (2) une interdiction totale en regard d’un contaminant prohibé par règlement, et (3) une interdiction plus générale visant le rejet de tout contaminant dont la présence dans l’environnement « est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement, aux écosystèmes, aux espèces vivantes ou aux biens »[62].

[84]        L’article 22 LQE, que ce soit selon sa rédaction présente ou celle d’avant la Loi modificatrice de 2017, prévoit qu’en règle générale un projet industriel ne peut être réalisé ou exploité au Québec sans l’autorisation préalable du ministre de l’Environnement du Québec. Cette autorisation n’est généralement accordée qu’après une évaluation des impacts du projet sur l’environnement, laquelle évaluation peut être sommaire ou détaillée selon la taille du projet et ses impacts prévisibles[63]. L’autorisation peut être refusée ou assortie de conditions et même de normes ou de restrictions différentes de celles prescrites par règlement.

[85]        L’article 31.1 LQE précise que, dans les cas prévus par règlement, c’est plutôt l’autorisation du gouvernement provincial qui est requise, laquelle ne peut être obtenue à moins de suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement établie par la loi et comportant, notamment, une étude d’impact sur l’environnement et, s’il y a lieu, une audience publique tenue par le BAPE, un organisme provincial[64].

[86]        L’article 31.1.1, lequel fut ajouté à la LQE par la Loi modificatrice de 2017, permet au gouvernement du Québec d’assujettir tout projet qui n’est pas visé par l’article 31.1 (i.e. qui n’est pas prévu par règlement) à une procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, notamment s’il est d’avis que les enjeux environnementaux sont majeurs et que les préoccupations du public le justifient.

[87]        Dans le cas d’un projet visé par l’article 31.1 ou par l’article 31.1.1 LQE, le gouvernement du Québec peut soit l’autoriser avec ou sans modifications et aux conditions, restrictions ou interdictions qu’il détermine, ou soit refuser de l’autoriser[65]. Depuis les amendements de 2017, le gouvernement du Québec détient aussi des pouvoirs additionnels lui permettant de fixer dans l’autorisation toute norme ou toute condition, restriction ou interdiction différentes de celles prescrites par un règlement pris en vertu de la LQE[66]. Ces nouveaux pouvoirs, comme ceux du ministre de l’Environnement du Québec, permettent au gouvernement du Québec de réglementer chaque projet de façon particulière et distincte.

[88]        Que ce soit en vertu du Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement[67] ou du règlement qui l’a remplacé en 2018, soit le Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets[68], il est acquis au dossier que les projets et activités d’IMTT ne pourraient procéder sans une autorisation du gouvernement du Québec en vertu de l’article 31.1 LQE, dans la mesure où cet article s’appliquerait à ceux-ci.

[89]        La LQE contient le pendant de la disposition de collaboration déjà mentionnée dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) : lorsqu’un projet est visé par les articles 31.1 ou 31.1.1 LQE et qu’il est également soumis à une évaluation environnementale prescrite par une autre autorité législative, le ministre peut conclure une entente visant à coordonner les procédures d’évaluation[69].

V.      LA DOCTRINE DE L’EXCLUSIVITÉ DES COMPÉTENCES

[90]        La doctrine de l’exclusivité des compétences a pour effet d’empêcher que des lois adoptées par un ordre de gouvernement — en l’occurrence le gouvernement du Québec — empiètent indûment sur le « contenu essentiel » de la compétence exclusive réservée à un autre ordre de gouvernement — ici le gouvernement du Canada[70]. Lorsqu’elle s’applique, cette doctrine a pour effet de rendre les lois valides d’un ordre de gouvernement inapplicables à des ouvrages, entreprises, choses, personnes ou activités relevant de la compétence exclusive de l’autre ordre de gouvernement[71]. Elle a fait l’objet de nombreuses décisions judiciaires, notamment en matière de propriété publique fédérale, de navigation, d’aéronautique, de télécommunications et de transport interprovincial et international[72].

[91]        Cette doctrine trouve sa source dans la notion d’exclusivité qui se dégage des articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Dans Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail)[73], la Cour suprême du Canada énonce que cette doctrine assure aux catégories de sujets énumérées aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 « un contenu minimum élémentaire et irréductible […] »[74] qui, en raison du caractère exclusif de ces compétences, échappe à l’application d’une loi de l’autre ordre de gouvernement.

[92]        Cette doctrine a été remodelée par la Cour suprême du Canada dans Banque canadienne de l’Ouest, notamment en raison de ses effets potentiels sur les arrangements constitutionnels canadiens et de son application asymétrique au profit de la compétence fédérale[75]. L’accent est aujourd’hui mis davantage sur une interaction légitime des compétences fédérales et provinciales[76]. La tendance moderne en cas de chevauchement de compétence consiste à trouver le juste équilibre entre les deux ordres de gouvernement par l’analyse du caractère véritable des mesures prises et par l’application restreinte de la doctrine de la prépondérance fédérale[77].

[93]        Malgré cela, la Cour suprême du Canada confirme dans Banque canadienne de l’Ouest le maintien de la doctrine de l’exclusivité des compétences pour assurer dans les catégories de sujets énumérées aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 un « contenu minimum élémentaire et irréductible »[78]. Ce « contenu minimum » s’entend de ce qui est « nécessaire pour garantir la réalisation efficace de l’objectif pour lequel la compétence a été attribuée »[79].

[94]        Ainsi, si la doctrine de l’exclusivité des compétences doit, en principe, recevoir une application restreinte, elle n’a pas été écartée de l’analyse du fédéralisme canadien[80]. Elle s’applique si les conditions requises sont satisfaites. Cette doctrine a principalement servi à protéger la compétence fédérale à l’égard de certains biens et de certaines personnes (par exemple les terres réservées aux autochtones[81] et les sociétés fédérales[82]). Selon la Cour suprême, la doctrine ne s’applique en règle générale qu’aux situations déjà traitées dans la jurisprudence[83].

[95]        Même dans les cas où la doctrine de l’exclusivité des compétences peut être invoquée, le tribunal doit toujours examiner la mesure de l’empiétement sur le « contenu essentiel » de la compétence en cause. Il ne suffit pas que la législation d’un ordre de gouvernement touche le contenu essentiel d’un sujet ou objet de l’autre ordre de gouvernement, elle doit plutôt « l’entraver », sans nécessairement le « stériliser » ou le « paralyser »[84].

[96]        Ici, le PGC, l’APQ et IMTT invoquent la compétence fédérale en matière de propriété publique fédérale, de navigation et de bâtiments ou navires et de transport interprovincial ou international. Nous concluons que les deux premiers chefs de compétence peuvent être invoqués, mais pas la compétence sur le transport interprovincial ou international (discuté ci-après dans les sous-sections 1, 2 et 3 respectivement). Nous concluons également qu’il existe des précédents jurisprudentiels en matière de propriété publique fédérale et de navigation et bâtiments ou navires permettant d’invoquer la doctrine de l’exclusivité des compétences (discuté ci-après dans la sous-section 4) et que certaines dispositions de la LQE entravent au contenu élémentaire et irréductible de ces compétences, contenu nécessaire pour garantir la réalisation efficace de l’objectif pour lequel ces compétences sont attribuées (discuté ci-après dans la sous-section 5).

1.    La compétence sur la propriété publique fédérale

[97]        La PGQ soumet que la compétence sur la propriété publique fédérale ne peut être invoquée vu que les terrains sur lesquels les installations d’IMTT sont situées appartiendraient au Québec et non pas au Canada. Cette prétention de la PGQ repose sur trois prémisses :

(1) La Couronne n’aurait pas cédé aux Commissaires du havre de Québec la propriété des immeubles situés sur la rive nord du havre de Québec au moyen de l’article 2 de la Loi de 1858, de sorte que ces immeubles étaient des « terres publiques » au sens de l’art. 109 de la Loi constitutionnelle de 1867 lors de son entrée en vigueur.

(2) Seules les propriétés publiques qui servaient effectivement à des fins de havre public en 1867 sont visées par l’article 108 et la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867, que celles-ci soient ou non comprises au sein d’un havre public défini dans une loi préconfédérative.

(3) Le site où les installations d’IMTT sont maintenant construites et exploitées ne servait pas à des fins de havre public lors de l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1867 et ne peut donc pas être visé par l’article 108 et la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867.

[98]        Si l’une ou l’autre de ces trois prémisses est erronée, l’appel de la PGQ sur la propriété du site d’IMTT doit être rejeté. Or, aucune de ces prémisses ne peut être retenue.

a)    Les immeubles visés par l’article 2 de la Loi de 1858 ont été cédés aux Commissaires du havre de Québec et n’étaient donc pas des terres publiques au sens de l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867

[99]        La première question est de savoir si l’article 2 de la Loi de 1858 a eu pour effet de céder aux Commissaires du havre de Québec la propriété des immeubles y décrits. Si oui, les parties reconnaissent que ces immeubles ne faisaient pas partie du domaine public lors de la Confédération et ne sont pas touchés par les articles 108 et 109 de la Loi constitutionnelle de 1867. Si non, les immeubles faisaient partie du domaine public lors de la Confédération et il faut faire l’analyse des articles 108 et 109 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[100]     Étant donné l’importance des articles 1 et 2 de la Loi de 1858 (modifiée par la Loi de 1862) pour les fins de cette question, il y a lieu de reproduire le texte complet de ces dispositions :

1. Le havre de Québec comprendra, pour les fins du présent acte, cette partie du fleuve St. Laurent qui est située entre une ligne tirée depuis le côté ouest de l’embouchure de la rivière du Cap-Rouge jusqu’au côté ouest de l’embouchure de la rivière Chaudière, et une ligne tirée depuis le côté est de l’embouchure de la rivière Montmorency jusqu’au côté est de l’anse appelée « Anse des Sauvages, » du côté sud du dit fleuve St. Laurent, avec ensemble cette partie de chacune des dites rivières Cap-Rouge, Chaudière et Montmorency, et des rivières St. Charles, Etchemin et Beauport, où la marée monte et descend.

 

1. The Harbour of Quebec shall, for the purposes of this Act, comprise that part of the river St. Lawrence which lies between a line drawn from the west side of the mouth of the river Cap Rouge, to the west side of the mouth of the river Chaudière, and a line drawn from the east side of the mouth of the river Montmorency, to the east side of the Cove called Indian Cove, on the south side of the said river St. Lawrence, together with that part of each of the said rivers Cap Rouge, Chaudière and Montmorency, and of the rivers St. Charles, Etchemin and Beauport, where the tide ebbs and flows.

2. Seront dévolus et confiés à la corporation ci-dessous mentionnée, pour les fins du présent acte, tous les terrains au-dessous de la ligne des hautes eaux, sur le côté nord du fleuve St. Laurent, et tous les terrains au-dessous de la ligne des hautes eaux sur les rivières Cap-rouge et Montmorency, et sur les rivières St-Charles et Beauport où le flux et le reflux se font sentir, situés dans les dites limites, et appartenant à Sa Majesté, qu'ils soient ou non couverts d'eau, (si les deniers qui en proviennent ne sont pas par la loi affectés exclusivement à quelqu’autre objet,) de même que toutes les rentes et sommes d'argent maintenant dues ou qui seront par la suite dues à Sa Majesté sur tous terrains situés au-dessous de la ligne des hautes eaux dans les dites limites, et ci-devant cédés par Sa Majesté, et qu'ils soient ou non couverts d'eau, si ces rentes et sommes d'argent ne sont pas déjà par la loi affectées exclusivement à quelque autre objet, soit quant à l'intérêt, soit quant au principal, ou de quelque autre manière; pourvu toujours que chaque propriétaire riverain et autre d’une jetée en eaux profondes, ou de toute autre propriété dans les dites limites, continuera de faire usage et de jouir de sa propriété et des mouillages qui se trouvent en front, comme il en fait actuellement usage, jusqu’à ce que la corporation ait acquis les droit, titre et intérêt que tel propriétaire peut légalement avoir à l’égard de telle propriété de grève ou lot couvert d’eau dans les dites limites ; et les droits d’aucune personne ne seront anéantis ou diminués par le présent acte, en quelque manière que ce soit ; et pourvu aussi, que rien de contenu dans le présent acte n'affectera en rien que ce soit les terrains ou aucune partie des terrains formant partie des biens du ci-devant ordre des jésuites, affectés aux fins de l'éducation par l'acte dix-neuf et vingt Victoria, chapitre cinquante-quatre.

[Soulignement ajouté]

2. All land below the line of high water on the north side of the River St. Lawrence and all land below the line of high water mark on the rivers Cap-Rouge and Montmorency, and on the rivers St. Charles and Beauport, where the tide ebbs and flows, within the said limits, now belonging to Her Majesty, whether the same be or be not covered with water, the moneys arising from which are not by law appropriated or directed to be applied exclusively to any other purpose, together with all rents and sums of money now due or hereafter to become due to Her Majesty, and not already by law appropriated or directed to be applied exclusively to any other purpose, either for interest or principal, or in any other way, in respect of any land below the line of high water within said limits heretofore granted by Her Majesty, whether the same be or be not covered with water, shall be vested in the Corporation hereinafter mentioned, in trust for the purposes of this Act : Provided always that every Riparian and other proprietor of a deep water pier, or any other property within the said boundaries, shall continue to use and enjoy his property and moorings berths in front thereof, as he now uses the same, until the said Corporation shall have acquired the right, title and interest which any such proprietor may lawfully have in and to any beach property or water lot within the said boundaries; nor shall the rights of any person be abrogated or diminished by this Act in any manner whatever : And provided also, that nothing herein contained shall in any way affect the lands or any parts of the lands constituting the estate of the late Order of Jesuits, appropriated to Educational purposes by the Act nineteenth and twentieth Victoria, chapter fifty-four.

 

 

(Emphasis added)

[101]     Les parties reconnaissent que le site des installations d’IMTT est visé par l’article 2 de la Loi de 1858, tel que modifié par la Loi de 1862.

[102]     Afin de déterminer si la propriété de ce site a été cédée aux Commissaires du havre de Québec ou si plutôt le site est demeuré au sein du domaine public sous la gestion des Commissaires, il faut cerner la portée juridique précise du « trust » conféré aux Commissaires du havre de Québec par la Loi de 1858, dans l’expression « seront dévolus et confiés à la corporation ci-dessous mentionnée, pour les fins du présent acte / shall be vested in the Corporation hereinafter mentioned, in trust for the purposes of this Act ».

[103]     Les recherches de la professeure Debruche identifient les difficultés et embûches que l’interprétation du texte législatif en cause soulève. Elle souligne notamment que le droit portant sur le « trust » à la moitié du 19e siècle avait peu à voir avec le droit actuel[85]. Elle souligne aussi que les problèmes inhérents à la traduction française des concepts propres à l’institution du « trust » de common law, une institution inconnue du droit civil d’alors et essentiellement incompatible avec les concepts civilistes, ne pouvaient que mener à la confusion lors de la rédaction française des lois traitant d’un « trust » public[86], y compris dans les lois traitant du « trust » confié aux Commissaires du havre de Québec, qui offrent d’ailleurs une illustration frappante de cette confusion[87].

[104]     Comme le note la professeure Debruche, la jurisprudence anglo-canadienne de common law de cette époque portant sur le « trust » d’origine législative n’est pas exempte d’ambiguïtés[88]. La professeure Debruche en conclut que rien n’est certain quant à la portée des droits des Commissaires du havre de Québec sur les immeubles du havre de Québec[89].

[105]     Les opinions divergentes dans l’affaire Coverdale v. Charlton[90] de 1878 quant à la portée du mot « vest » lorsqu’il s’agit de biens servant une utilité publique - une rue dans ce cas-là - sont révélatrices des ambiguïtés dans la common law de l’époque[91]. D’ailleurs, il fut subséquemment décidé par le Conseil privé dans l’affaire Tunbridge Wells Corpn v. Baird[92] de 1896 que le mot « vest », selon le contexte, pouvait conférer seulement un droit de gestion de la nature d’un droit de propriété - mais non pas un plein droit de propriété - lorsqu’il s’agissait de biens mis à la disposition d’un corps public à des fins publiques[93].

[106]     Les affaires Coverdale v. Charlton et Tunbridge Wells Corpn v. Baird sont toujours d’actualité au Royaume-Uni et furent d’ailleurs récemment considérées par la Cour suprême du Royaume-Uni dans l’affaire London Borough of Southwark and al. v. Transport for London[94].

[107]     Qu’en est-il du havre de Québec?

[108]     Pour la PGQ, il serait raisonnable de croire que la Loi de 1858 n’a pas eu pour effet de retirer le havre de Québec du domaine public, puisqu’un tel retrait n’était pas nécessaire pour satisfaire l’objet de cette loi, soit l’administration efficace du havre par les Commissaires aux fins de favoriser la navigation et le commerce maritime. Elle s’appuie sur le rapport Gibb publié au début des années 1930[95] - qui a mené à la création du Conseil des ports nationaux en 1936 - pour soutenir que les ports d’importance au Canada ont toujours été des ports étatiques.

[109]     La PGQ ajoute qu’on peut déceler dans la jurisprudence des cas où la Couronne a conféré des immeubles à des corps publics au moyen de « trusts » sans céder le droit de propriété de ceux-ci. Les propos du juge Duff siégeant alors au Conseil privé dans l’affaire Re Star Chrome sont d’ailleurs particulièrement pertinents en l’espèce. S’appuyant sur l’affaire Tunbridge Wells Corpn v. Baird, celui-ci énonce que la cession (« vest ») de terres publiques à un corps public ne peut conférer, selon l’intention législative qui se dégage du contexte, que des pouvoirs étendus de gestion et d’administration sur ces terres plutôt que leur propriété[96] :

It is not unimportant, however, to notice that the term "vest" is of elastic import; and a declaration that lands are "vested" in a public body for public purposes may pass only such powers of control and management and such proprietary interest as may be necessary to enable that body to discharge its public functions effectively: Tunbridge Wells Corporation v. Baird, [1896] A.C. 434, an interest which may become devested when these functions are transferred to another body. In their Lordships' opinion, the words quoted from s. 1 are not inconsistent with an intention that the Commissioner should possess such limited interest only as might be necessary to enable him effectually to execute the powers and duties of control and management, of suing and being sued, committed to him by the Act.

[Soulignement ajouté]

[110]     Le juge Duff conclut ainsi que deux lois préconfédératives qui réservaient certaines terres publiques du Bas-Canada aux autochtones ne conféraient pas la propriété de ces terres au fonctionnaire chargé de les administrer, malgré qu’elles aient été cédées (« vested in trust ») à ces fins[97]. Il en résulte que la propriété de ces terres fut dévolue à la province de Québec lors de la Confédération, sujette aux droits des autochtones sur celles-ci. 

[111]     D’ailleurs, certaines décisions judiciaires qualifient les droits des Commissaires du havre de Québec sous l’article 2 de la Loi de 1858 de simples pouvoirs de gestion et d’administration qui n’ont pas eu pour effet de retirer du domaine public les immeubles en cause[98].

[112]     La thèse contraire du PGC, de l’APQ et d’IMTT repose sur le principe qu’en « common law » un « trustee » doit détenir la propriété, c’est-à-dire être le « legal owner », des biens placés « in trust » puisque cela découle de la nature même de l’institution du « trust »[99]. Ils distinguent l’arrêt Star Chrome - de même que les autres arrêts invoqués par la PGQ voulant que le mot « vest », selon le contexte, ne puisse conférer qu’un pouvoir de gestion lorsqu’il s’agit d’immeubles servant des fins publiques - en soulignant que les Commissaires du havre de Québec disposaient de pouvoirs discrétionnaires importants et d’une large autonomie dans la gestion de leurs immeubles.

[113]     Le PGC, l’APQ et IMTT invoquent d’ailleurs plusieurs décisions judiciaires qui confirment, selon eux, la proposition voulant que les immeubles visés par la Loi de 1858 furent dévolus en pleine propriété aux Commissaires du havre de Québec[100].

[114]     L’arrêt déterminant en l’espèce est la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Power[101] de 1918, où elle conclut que tous les droits conférés par l’article 2 de la Loi de 1858 furent soustraits du domaine public.

[115]     Power concernait le calcul d’une indemnité d’expropriation pour un immeuble concédé à un tiers par la Couronne avant 1858, mais sur lequel la Couronne avait réservé le droit d’en reprendre une partie sur avis de douze mois. Le juge Cassels de la Cour de l’échiquier concluait que ce droit fut dévolu aux Commissaires du havre de Québec par l’article 2 de la Loi de 1858[102]. L’effet de cette conclusion était de diminuer l’indemnité d’expropriation que pouvait réclamer le propriétaire de l’immeuble.

[116]     L’affaire fut portée devant un banc de cinq juges de la Cour suprême du Canada. L’appel concernait principalement le droit du propriétaire de l’immeuble d’invoquer la prescription à l’encontre du droit des Commissaires de reprendre l’immeuble. Le juge Brodeur (écrivant pour lui-même et le juge Lavergne ad hoc) et le juge Anglin ont alors énoncé que les droits conférés aux Commissaires par la Loi de 1858 avaient cessé de faire partie du domaine public. Le juge Brodeur s’exprime ainsi[103] :

Mais ce droit, ainsi qu'il a été décidé par la Cour d'Échiquier, a été cédé et transporté aux Commissaires du Hâvre de Québec par [la Loi de 1858], et ces terrains, ainsi que les droits qui y étaient attachés, ont cessé de faire partie du domaine public de Sa Majesté. […].

[Soulignement ajouté]

Le juge Anglin exprime la même opinion[104] :

If the right of resumption had remained vested in the Crown, I should have been inclined to regard it as a real right declared imprescriptible by art. 2213 C.C. and therefore not within art. 2215 C.C. invoked by counsel for the appellants. But a right vested in the Quebec Harbour Commissioners, notwithstanding their public character and the nature of their trust, does not form part of the Crown domainQuebec Harbour Commissioners v. Roche [Q.R. 1 S.C. 365].

[Soulignement ajouté]

[117]     La décision Power de la Cour suprême du Canada constitue donc un précédent incontournable puisqu’il établit que les droits dévolus aux Commissaires du havre de Québec sous l’article 2 de la Loi de 1858 ont cessé de faire partie du domaine public. Ce précédent nous lie, car aucune nouvelle question juridique ne se pose en l’instance, tout comme il n’existe aucun changement de circonstances ou preuve qui changerait radicalement la donne et qui permettrait de ne pas suivre ou d’écarter ce précédent[105].

[118]     D’ailleurs, comme l’a noté le juge de première instance, cette interprétation de la Loi de 1858 est celle qui a prévalu depuis et c’est celle que le gouvernement du Québec a lui-même retenue par le passé[106] :

[125]  Or, si l'on fait abstraction de quelques exceptions isolées et explicables par leur contexte, il appert que de façon générale, dans la foulée de la Loi de 1858, tous les intervenants, en particulier les [Commissaires du havre de Québec] eux-mêmes, se sont comportés et identifiés comme si l'article 2 leur avait transféré un titre de propriété absolu et non équivoque sur les lots de grève et en eau profonde faisant aujourd'hui l'objet du litige.

[126]  À ce chapitre, les prétentions actuelles de PG Québec s'inscrivent étonnamment en porte-à-faux avec les rapports et témoignages de ses propres experts, les notaires Audet et Ayotte et l'historien Boudreau qui, à l'instar des historiens Antaya et Normand et de la notaire Forcier, ont vu dans tous les faits et gestes des CHQ le comportement de ceux qui, à tort ou à raison, se croyaient investis d'un bon et valable titre de propriété sur les terrains qui leur avaient été dévolus et confiés en 1858.

[127]  Cette interprétation de la Loi de 1858 est aussi corroborée dans plusieurs actes contemporains du Commissaire des terres de la Couronne, qui a reconnu le droit de propriété « absolu » des CHQ lors du règlement de l'affaire Gugy, en 1864, et dans ses rapports annuels de l'époque.

[128]  Enfin, et surtout, dans un acte d'acquisition conclu avec le Conseil des ports nationaux en 1938, le Gouvernement du Québec a expressément reconnu que le titre de propriété de la venderesse lui venait de la Loi de 1858. Comme le souligne en page 26 de son rapport la notaire Forcier, cette transaction permet de suivre l'évolution des prétentions du Gouvernement du Québec qui, en 1938, ne prétendait pas encore que les biens immeubles « dévolus et confiés » aux CHQ en 1858 lui avaient ensuite été transférés en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867. Elle écrit :

Au contraire, en procédant à cette acquisition, il appert que le gouvernement du Québec reconnaissait que l'immeuble était sorti du domaine public par l'effet de la Loi de 1858 et qu'il ne pouvait donc prétendre à un droit de propriété sur l'immeuble en cause. La position du PG Québec dans le présent dossier est donc incompatible avec sa propre position historique.

[Soulignement du juge de première instance; notes de bas de page omises]

[119]     Tout ceci nous amène à conclure, comme le juge de première instance, que c'est la propriété des immeubles décrits à l’article 2 de la Loi de 1858 qui fut conférée aux Commissaires du havre de Québec. Ces immeubles de la rive nord de ce havre ne faisaient donc pas partie du domaine public lors de la Confédération et n’étaient donc pas visés par l’article 108 ou l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867 au 1er juillet 1867.

[120]     Après la Confédération, la gestion, l’administration et le contrôle des ouvrages et biens des Commissaires du havre de Québec ont été dévolus au Conseil des ports nationaux par l’effet de la Loi concernant le Conseil des ports nationaux de 1936[107] (« Loi de 1936 »). Tous les « biens acquis ou détenus par le Conseil [des ports nationaux] » ont alors été « attribués à Sa Majesté, du droit du Dominion du Canada »[108].

[121]     Si, en vertu de la Loi de 1936, les « biens actuellement détenus » par les Commissaires du havre de Québec et les autres corporations portuaires canadiennes « en son propre nom peuvent continuer d’être ainsi détenus », cette loi prévoit que ce n’est que pour une seule fin, soit « leur transfert à Sa Majesté par cette corporation ou le Conseil [des ports nationaux]»[109]. La Loi modifiant la Loi sur le Conseil des ports nationaux de 1954[110] (la « Loi de 1954 ») abrogera finalement cette dernière disposition.

[122]     Ainsi, les immeubles des Commissaires du havre de Québec, comme ceux des autres corporations portuaires canadiennes de l’époque, ont été intégrés au domaine public fédéral par l’effet de la Loi de 1936 et de la Loi de 1954. Cela ressort d’ailleurs clairement des lettres patentes de l’APQ émises en vertu de la Loi maritime du Canada et dans lesquelles le gouvernement du Canada assoit ses titres sur la rive nord du havre de Québec sur la Loi de 1858 telle que modifiée par la Loi de 1862[111] :

Les immeubles fédéraux dont la gestion est confiée à l’Administration comprennent les immeubles suivants :

The federal real property the management of which has been given to the Authority is comprised as follows:

 

A) Les immeubles de Sa Majesté situés dans les limites du havre de Québec, telles que fixées dans les lois ci-après mentionnées, concédés aux Commissaires du havre de Québec aux termes des lois suivantes :

(A) The immovables of Her Majesty lying within the boundaries of the harbour of Quebec, as established in the statutes hereinafter referred to, granted to the Québec Harbour Commissioners under the terms thereof as follows:

 

l’article 2 de l’Acte pour pourvoir à l’amélioration du havre de Québec et à son administration (22 Victoria, ch. XXXII) sanctionné le 24 juillet 1858, tel que modifié par l’article 1 de l’Acte pour amender l’acte pour pourvoir à l’amélioration du havre de Québec et à son administration (25, Victoria, ch. XLVI) sanctionné le 9 juin 1862;

 

[…]

 

[Soulignement ajouté]

section 2 of the Act to provide for the improvement and management of the Harbour of Quebec (22 Victoria, Cap. XXXII) assented to 24th July, 1858, as amended by section 1 of the Act to amend the Act to provide for the improvement and management of the Harbour of Quebec (25, Victoria, Cap. XLVI) assented to 9th June, 1862;

 

(…)

 

(Emphasis added)

[123]     D’ailleurs, la Loi maritime du Canada précise, à son alinéa 12(3)b), que les immeubles et droits réels que l’APQ administre ou détient pour le compte de la Couronne fédérale — qu’elle les détienne en son propre nom ou pour la Couronne — demeurent des biens et droits de la Couronne fédérale.

[124]     Cette conclusion suffit pour rejeter l’appel de la PGQ sur la propriété du site d’IMTT. Toutefois, nous poursuivons l’analyse des autres moyens d’appel soulevés à cet égard par la PGQ.

b)   L’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique aux havres définis dans la législation préconfédérative

[125]     Si, contrairement à l’analyse que nous venons de faire, le havre de Québec était toujours une propriété publique en 1867, il appartenait à la province préconfédérative du Canada-Uni et il devait être transféré soit à la couronne fédérale soit à la couronne provinciale selon les articles 108 ou 109 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[126]     L’article 108 et la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoient que les « havres publics » de chaque province préconfédérative appartiendront au Canada dès la Confédération :

108. Les travaux et propriétés publics de chaque province, énumérés dans la troisième annexe de la présente loi, appartiendront au Canada.

 

[…]

 

 

 

108. The Public Works and Property of each Province, enumerated in the Third Schedule to this Act, shall be the Property of Canada.

 

(…)

TROISIÈME ANNEXE

 

TRAVAUX ET PROPRIÉTÉS PUBLIQUES DE LA PROVINCE DEVANT APPARTENIR AU CANADA

 

[…]

 

2. Havres publics.

 

[…]

THE THIRD SCHEDULE

 

PROVINCIAL PUBLIC WORKS AND PROPERTY TO BE THE PROPERTY OF CANADA

 

 

(…)

 

2. Public Harbours.

 

(…)

[127]     Quant à l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867, il prévoit que les terres publiques des provinces préconfédératives appartiennent aux provinces nées du pacte confédératif :

109. Toutes les terres, mines, minéraux et réserves royales appartenant aux différentes provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick lors de l’union, et toutes les sommes d’argent alors dues ou payables pour ces terres, mines, minéraux et réserves royales, appartiendront aux différentes provinces d’Ontario, Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, dans lesquelles ils sont sis et situés, ou exigibles, restant toujours soumis aux charges dont ils sont grevés, ainsi qu’à tous intérêts autres que ceux que peut y avoir la province.

109. All Lands, Mines, Minerals, and Royalties belonging to the several Provinces of Canada, Nova Scotia, and New Brunswick at the Union, and all Sums then due or payable for such Lands, Mines, Minerals, or Royalties, shall belong to the several Provinces of Ontario, Quebec, Nova Scotia, and New Brunswick in which the same are situate or arise, subject to any Trusts existing in respect thereof, and to any Interest other than that of the Province in the same.

[128]     Il faut donc déterminer si le site d’IMTT faisait partie d’un « havre public » au sens de l’article 108 et de la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867.

[129]     La PGQ soutient que la jurisprudence portant sur l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867 aurait mis de l’avant le principe selon lequel, pour qu’un emplacement soit un havre visé par la troisième annexe, il faut démontrer qu’il était situé géographiquement à l’intérieur des limites d’un havre reconnu comme public et qu’il en faisait partie intégrante au 1er juillet 1867, en ce sens qu’il devait être, à cette date, accessible au public et utilisé à des fins portuaires commerciales. La PGQ soutient donc qu’un test d’usage effectif s’applique pour déterminer l’étendue du havre de Québec en 1867, peu importe que ce havre fasse l’objet d’une délimitation statutaire en vertu d’une loi préconfédérative.

[130]     La PGQ s’appuie principalement sur le jugement du Conseil privé dans l’arrêt Ritchie de 1919[112], qui soulevait la question du statut d’English Bay près de Vancouver comme havre public au sens de l’article 108 et de la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867. Dans cette affaire, une entreprise procédait, avec un permis provincial, à l’extraction de sable sur une berge de mer à l’entrée d’English Bay près de Vancouver. Le gouvernement canadien et l’autorité portuaire de Vancouver ont entrepris des procédures judiciaires afin de faire cesser ces activités. Le juge du procès a conclu, comme question de fait, qu’English Bay n’était pas utilisé comme havre public lors de l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération en 1871 et ne faisait pas partie du havre de Vancouver à cette date. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique, la Cour suprême du Canada et le Conseil privé ont tous unanimement confirmé ce jugement.

[131]     Les motifs du Conseil privé furent rédigés par Lord Dunedin. En s’appuyant sur les propos antérieurs du Conseil privé dans l’affaire Re Fisheries de 1898[113], celui-ci a conclu que l’étendue d’un havre public au sens de la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867 dépendait des circonstances propres à chaque havre[114] : « It must depend, they said, to some extent, at all events, upon the circumstances of each particular harbour what forms a part of that harbour ». C’est donc dans le contexte particulier propre à English Bay que Lord Dunedin écrivait les propos suivants sur lesquels s’appuie la PGQ[115] :   

"Public harbour" means not merely a place suited by its physical characteristics for use as a harbour, but a place to which on the relevant date the public had access as a harbour, and which they had actually used for that purpose. In this connection the actual user of the site both in its character and extent is material. The date at which the test must be applied is the date at which the British North America Act, by becoming applicable, effected a division of the assets between the province and the Dominion.

[132]     Or, le havre de Vancouver n’était pas délimité par une loi préconfédérative. Contrairement à ce que soutient la PGQ, ces propos ne peuvent s’étendre à un havre qui était délimité par une loi préconfédérative[116]. Comme le notait le juge Duff dans ses motifs rendus dans cette même affaire Ritchie en Cour suprême du Canada, la preuve de l’utilisation effective d’un site comme havre public n’est requise que lorsque le havre n’est pas délimité dans une loi[117] :

In Attorney-General v. Canadian Pacific Railway Co. [[1906] A.C. 204] it was assumed that it was necessary to sh[o]w use[s] for commercial purposes as distinguished from purposes of navigation merely. Generally speaking, I think such use[s] must be sh[o]wn in the absence of some evidence of recognition by competent public authority of the locality in controversy as a harbour in the commercial sense.

(…)

In British Columbia there was passed, in 1867, and in force at the time of Confederation an ordinance known as the "Harbour Ordinance," an ordinance respecting harbour and tonnage dues and to regulate the licences on the vessels engaged in the coasting and inland navigation trade, which provided for the proclamation of "ports, inland places and waters" as "harbours," the effect of the proclamation being to bring the proclaimed locality under the Act for the purpose of applying the regulations and prohibitions enacted by it. There is no evidence in this case and, as I pointed out, in giving judgment at the trial in Attorney-General for British Columbia v. Canadian Pacific Railway Co. [11 B.C. Rep. 289], there was in that case no evidence of any proclamation having been issued under that ordinance or under the ordinances passed some years before in which the legislation had its origin. Had it been sh[o]wn that such proclamations had issued with respect to other localities, while the locality in controversy had never been proclaimed, that would have been of considerable weight in favour of the province; while, on the other hand, the fact that the locality had been proclaimed would establish a case in favour of the Dominion which it might be difficult if not impossible for the province to repel.

[Soulignement ajouté]

[133]     Si le test de l’usage effectif fut repris dans les cas où un havre public n’était pas délimité par une loi[118], ce test ne fut jamais soulevé ni utilisé afin de restreindre la portée d’un havre public délimité par une législation préconfédérative, comme le note d’ailleurs le juge de première instance[119] :

[167]  Pour conclure sur ce volet du débat, le Tribunal note que depuis la décision du Conseil privé dans l'affaire Ritchie, en 1919, jamais un seul juge ni aucun auteur n'a pensé avoir identifié dans ce jugement le tournant jurisprudentiel évoqué en l'instance par PG Québec. De fait, depuis l'Acte constitutionnel de 1867 jusqu'à la naissance du présent litige, en 2007, il semble bien que jamais le Québec, ni d'ailleurs aucune autre province au Canada, n'ait pensé à soutenir devant les tribunaux que dans les limites de havres reconnus et délimités par statut avant la Confédération, le titre de propriété de la Couronne fédérale dépendrait de la preuve historique d'un usage effectif comme havre public à l'époque de la Confédération, et cela pour chaque parcelle de lot se trouvant à l'intérieur du périmètre délimité de ce havre.

[134]     Dans les rares cas où les tribunaux ont eu à traiter d’un havre délimité par une loi préconfédérative, ils ont conclu que la délimitation statutaire permettait d’invoquer l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[135]     Ainsi, dans l’affaire Rickey de 1914[120], la Ontario Supreme Court - High Court Division devait décider de certains droits riverains réclamés dans le havre de Toronto, lequel avait été délimité par une loi préconfédérative[121]. Le juge Boyd y conclut que la délimitation statutaire du havre devait prévaloir sur l’usage effectif comme havre. Il ajoute que c’est l’ensemble du havre délimité par la loi qui fut dévolu au gouvernement du Canada par l’effet de l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867[122] :

The period next to be considered is about the time Toronto was incorporated. In 1834, when the Town of York had some 8,000 inhabitants, it was incorporated as the City of Toronto. The statute 4 Wm. IV. ch. 23, sec. 2 (Upper Canada), defined its boundaries: that to the east being the river Don. Its liberties were declared to extend 500 feet into the lake. By sec. 13, it was provided that all that portion of the liberties of the city lying between the margin of the water on the north side of the bay in front of the city, and the margin of the water on the north side of the marsh and bay east of the river Don (that is, Ashbridge's Bay), and the southern limit of the said liberties, including the peninsula and island, should constitute and form the harbour of Toronto.

The effect of this legislation was to enlarge the limits of the natural harbour and create a larger statutory harbour, including Ashbridge's Bay, the peninsula and island, and also all the marsh up to the margin of the water on the north side of the marsh. The north limit of the harbour was to the margin of water on the north side of the marsh. This is not the same boundary nor so extensive a boundary as up to the edge of the marsh—as may hereinafter appear.

[…]

A short reference may now be made to the state of title as to the marsh and harbour. In 1867, the British North America Act declared that the public works and property of each Province, enumerated in the third schedule, were to be the property of the Dominion of Canada (sec. 108). This schedule includes (item 2) "public harbours." The proprietary rights in this harbour, as defined by the statute of 1834, 4 Wm. IV. ch. 23, sec. 13, became vested in Her Majesty as sovereign head of the Dominion, subject to the license of occupation granted in 1847 and confirmed by statute in 1855, to the City of Toronto. […]

There is no peradventure as to what may be required for or comprised in "Toronto Harbour," as a matter of evidence; because a competent Legislature had already designated and set apart this whole area as part of the harbour. The Imperial statute was passed on the 29th March, 1867, but it did not take effect in the creation of the Dominion till this was so declared by order in council and royal proclamation of the 1st July, 1867, pursuant to sec. 3 of the Act.

[Soulignement ajouté]

[136]     Dans l’affaire Cité de Montréal c. Commissaires du havre de Montréal[123] de 1924, un banc de cinq juges de la Cour devait décider d’une action en dommages-intérêts entreprise par l’ancienne Ville de Maisonneuve contre les Commissaires du havre de Montréal pour des travaux correctifs au système d’égouttage de la ville vers le fleuve Saint-Laurent. Ces travaux avaient été rendus nécessaires par la construction de quais par les Commissaires sur les lots de grève longeant le territoire de la municipalité là où l’égout municipal se déchargeait dans le fleuve. Le litige soulevait notamment la question de la propriété des rives et du lit du fleuve Saint-Laurent longeant le territoire de l’ancienne Ville de Maisonneuve.

[137]     Le havre de Montréal était délimité dans les lois préconfédératives[124]. Cette délimitation statutaire ne comprenait pas une grande partie du lit du fleuve Saint-Laurent. Elle ne comprenait pas non plus les grèves du fleuve Saint-Laurent longeant la Ville de Maisonneuve, lesquelles ont été ajoutées au havre de Montréal au moyen de lois postconfédératives du Parlement fédéral étendant ses limites.

[138]     La majorité de la Cour dans Cité de Montréal c. Commissaires du havre de Montréal a énoncé l’avis que le Parlement peut agrandir un havre préconfédératif ou en créer de nouveaux, mais que ce faisant, la Couronne fédérale n’obtient pas la propriété du havre ainsi agrandi ou nouvellement créé après 1867. Cela étant, la Cour a tenu pour acquis que les parties du havre de Montréal délimitées dans les lois préconfédératives sont la propriété du gouvernement fédéral par l’effet de l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867. Ainsi, dans ses motifs, le juge Tellier énonce que le havre de Montréal, tel que délimité dans les lois préconfédératives, fut attribué en propriété au gouvernement du Canada par l’effet de l’article 108[125] :

Par l’A.A.N.B., 1867, art. 128 (sic) [il ne peut s’agir que de l’art. 108], le hâvre de Montréal, comme tous les hâvres publics des provinces, fut attribué en propriété au gouvernement du Canada. Il était alors borné, en amont, par l’embouchure de la petite rivière St-Pierre, en aval, par le ruisseau Migeon, situé dans Hochelaga, et du côté de la terre, par la marque des hautes eaux du fleuve, (16 Vict., ch. 24, art. 4; - 18 Vict., ch. 143, art. 5).

[…]

Je dis que le gouvernement du Canada a droit au fleuve, à ses rives et à son lit, et qu’il lui est loisible de s’en servir à son gré, pour certaines fins, et j’ajoute que son droit ressemble au droit d’usage, si ce n’en est pas un. Mais quel que soit le nom qu’il faille donner à son droit, il me paraît certain que ce n’est pas un droit de propriété, - excepté, peut-être, dans les limites du hâvre telles qu’elles existaient lorsque la confédération fut établie.

[Soulignement ajouté]

[139]     Lorsque l’affaire fut portée devant le Conseil privé, le vicomte Haldane, sans se prononcer directement sur la portée des limites du havre de Montréal établies par les lois préconfédératives, confirmait lui aussi que le havre préconfédératif fut dévolu au gouvernement du Canada par l’effet de l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867, tout en précisant que les agrandissements législatifs postconfédératifs de ce havre n’avaient pas entraîné la propriété de la grève et du lit du fleuve[126] :

[…] In their Lordships' opinion the effect of ss. 108 and 109 of the Act of 1867 was to vest Montreal Harbour as it then existed in the Crown in right of the Dominion, but except in that respect to vest the bed and foreshore of the St. Lawrence in front of Montreal and Maisonneuve in the Crown in right of the Province of Quebec. The Dominion statute of 1873, while it was effective to extend the harbour as a harbour and to vest in the Dominion Parliament and in the Harbour Commissioners the right to make due provision for the control and protection of shipping in the harbour as extended, did not enlarge the property rights of the Dominion or enable the Dominion Parliament to take land for harbour purposes without compensation; and if and so far as the Dominion statutes of 1894, 1909 and 1914 purported to vest in the Commissioners or in the Crown in right of the Dominion the solum of the extended harbour, those statutes were in excess of the powers of the Dominion Parliament.

[Soulignement ajouté]

[140]     Il importe de souligner que, dans cette affaire, le test de l’usage effectif ne fut pas soulevé pour décider de la propriété du havre de Montréal vu les diverses délimitations statutaires de celui-ci, laissant ainsi entendre que ce test n’est pas utile aux fins d’un havre délimité statutairement.

[141]     C’est d’ailleurs en ce sens que se prononce Gérard La Forest dans son ouvrage Natural Resources and Public Property under the Canadian Constitution, où cet éminent juriste explique que l’usage effectif n’est pas le seul test applicable : une délimitation législative ou réglementaire d’un havre, lorsqu’elle existait avant la Confédération, constitue une preuve suffisante en soi qui écarte le test de l’usage effectif[127] :

While use of a publicly owned harbour by the public at union is the most common test for determining whether a harbour is a public harbour within section 108, it is not the only one. Duff J. in Attorney-General of Canada v. Ritchie Contracting and Supply Co. [(1916). 52 S.C.R. 78], mentioned two other situations that would tend to show that a harbour was a public harbour. One was evidence of recognition by competent public authority that the locality in controversy was a harbour in a commercial sense. He pointed out that a British Columbia ordinance in force at the union in 1871 provided for proclamations of ports, inland places, and waters as public harbours. If a harbour had been proclaimed under this ordinance it would have had great weight in showing that the harbour was a public harbour; conversely if some harbours were proclaimed thereunder and others were not, it would be strong evidence that those not proclaimed were not public harbours. In fact there was no evidence that a proclamation had ever been issued under the ordinance. The view is supported by Rickey v. City of Toronto [(1914), 30 O.L.R. 523)] where it was held that no evidence of public use of Toronto harbour was necessary because it had been designated by a pre-Confederation statute as a public harbour.

[Soulignement ajouté]

[142]     C’est ce qui permet à cet auteur d’énoncer dans Water Law in Canada qu’une délimitation statutaire d’un havre public sous une législation préconfédérative suffit aux fins de l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867[128] :

In order to be a public harbour within the Third Schedule (and presumably Term 33), it must, first of all, have belonged to the province at Union. Thus Saint John Harbour, being vested in the City of Saint John at Confederation, was not a public harbour and had to be expressly conveyed to the Dominion. Moreover, before Confederation, a harbour must either have (1) been used by the public as a public harbour (as is the case of Halifax, Sydney, and Summerside), or (2) public money must have been expended on it (as in the case of Dark Harbour, Grand Manan), or (3) it must have been declared a public harbour by statute or in some official manner.

[Soulignement ajouté; notes de bas de page omises]

[143]     Il s’agit là d’un principe qu’il avait déjà énoncé dans son article portant directement sur la question des havres publics, soit The Meaning of « Public Harbours » in the Third Schedule to the British North America Act, 1867[129] :

Finally it may be mentioned that the extent of some public harbours raises no problem because they were defined by statute before Confederation. Toronto harbour is an example.

[Soulignement ajouté; notes de bas de pages omises]

[144]     C’est aussi l’opinion de l’auteur Pierre Labrecque dans son ouvrage portant sur le domaine foncier au Québec[130] :

Nous pouvons cependant affirmer qu’en règle générale, un havre public est un port qui appartenait à la Couronne lors du pacte fédératif et qui était utilisé, à cette époque, comme port public ou encore, avait été déclaré comme tel en vertu d’une loi ou proclamation par une autorité publique compétente.

[Soulignement ajouté, notes de bas de page omises]

[145]     Il est difficile d’imaginer que les représentants de la province préconfédérative du Canada-Uni au sein des discussions constitutionnelles qui ont mené à la formation du Canada moderne n’aient pas compris que le havre de Québec, tel que délimité dans la Loi de 1858, serait visé par l’expression « havres publics / Public Harbours » énoncée dans la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867. Il faut noter qu’à cette époque, le havre de Québec était, avec ceux de Montréal et de Toronto, l’un des principaux havres publics et ports publics de la province du Canada-Uni. Or, ces trois importants havres publics étaient tous délimités par des lois préconfédératives. Il est logique d’en conclure que l’article 108 et la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867 visaient sûrement ceux-ci selon leurs délimitations statutaires.

[146]     La question qui se pose toutefois à l’égard du havre de Québec est celle de savoir si la délimitation statutaire applicable, aux fins de l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867, est celle de l’article 1 ou de l’article 2 de la Loi de 1858. En effet, la législation préconfédérative portant sur le havre de Montréal établit une concomitance entre le havre de Montréal défini statutairement et le territoire sous le contrôle et la direction des Commissaires du Havre de Montréal aux fins portuaires[131]. Cette concomitance n’existe pas dans le cas du havre de Québec. L’article 1 de la Loi de 1858 définit plutôt un large territoire formant le havre de Québec, tandis que l’article 2 confère seulement la rive nord aux Commissaires du havre de Québec afin qu’ils y mènent les activités portuaires. On pourrait voir là une distinction qui limiterait la portée de l’article 108 et de la troisième annexe de la Loi constitutionnelle de 1867 aux seules propriétés conférées aux Commissaires du havre de Québec pour fins portuaires, soit celles de la rive nord du fleuve Saint Laurent visées par l’article 2 de la Loi de 1858 (tel qu’amendé par la Loi de 1862). C’est du moins ce que laisse entendre le professeur Brière dans son étude datée du début des années 1970 réalisée pour le gouvernement du Québec[132]. Il n’est cependant pas nécessaire de traiter plus à fond de cette possible distinction, puisque les propriétés en cause ici sont toutes situées sur la rive nord du fleuve et sont ainsi comprises dans la définition statutaire de l’article 2 de la Loi de 1858. La propriété de la rive sud du havre n’a donc pas à être traitée ni analysée dans le cadre de la présente affaire.

[147]     En conclusion, si, comme le prétend la PGQ, les immeubles décrits à l’article 2 de la Loi de 1858 faisaient toujours partie du domaine public de la Couronne lors de l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1867, la propriété de ces immeubles aurait alors été dévolue au Canada conformément à l’article 108 puisqu’ils faisaient partie du havre public de Québec tel que délimité par la Loi de 1858.

c)    Le site d’IMTT servait à des fins de havre public lors de l’entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle de 1867

[148]     Enfin, s’il était nécessaire de trancher la question, nous sommes satisfaits que le site d’IMTT servait à des fins de havre public lors de l’entrée en vigueur la Loi constitutionnelle de 1867.

[149]     Le secteur Beauport où les installations d’IMTT sont érigées et exploitées est au cœur même du havre de Québec. Il s’agit du delta de l’embouchure de la rivière Saint-Charles, là où la rivière rejoint le fleuve Saint-Laurent. Ce secteur faisait l’objet d’une intense activité navale au 19e siècle. L’expert géohistorien retenu par la PGQ, le professeur Claude Boudreau, décrit comme suit les activités sur la rivière Saint-Charles[133] :

En 1850, les marchands-armateurs occupaient déjà le moindre espace disponible sur les rives de la Saint-Charles, comme en témoigne le relevé effectué par l’arpenteur Legendre (Fig. 9). De fait, entre 1850 et 1893, il se construira « dans la trentaine de chantiers du port plus de 800 navires de ce type [trois-mâts] d’un tonnage de 625 000 tonneaux. »

[Notes de bas de page omises]

[150]     Or, comme le signalait Lord Herschell dans l’affaire Re Fisheries de 1898, lorsque le test de l’usage effectif d’un havre s’applique, l’usage des grèves et du lit pour l’ancrage des navires ou pour l’échouage est suffisant pour conclure qu’il s’agit d’un havre : « If for example, it had actually been used for harbour purposes, such as anchoring ships or landing goods, it would, no doubt, form part of the harbour; […] »[134].

[151]     Une preuve experte au dossier indique effectivement que le delta de la rivière Saint-Charles et ses grèves (y compris les grèves dites « de la Canardière »), étaient utilisés par le public dans la seconde moitié du 19e siècle (soit au moment de la Confédération) pour des fins maritimes et portuaires, dont l’échouage et le calfeutrage d’embarcations[135]. Le rapport d’expertise de France Normand et de François Antaya est explicite à ces égards[136] :

Malgré l’absence d’infrastructures et les risques pour la navigation, les grèves de la Canardière sont néanmoins intégrées aux activités commerciales du havre de Québec comme lieu d’échouage, une pratique qui consiste à mettre volontairement la quille du bateau en contact avec le fond afin de le stationner et de procéder à son chargement et/ou son déchargement  (figure 3 [représentation de 1842 d’un échouage sur les grèves de Beauport]). S’il nous est impossible de quantifier l’importance de cette pratique, il n’en demeure pas moins qu’elle est prise en considération par les autorités qui régissent le havre.

À ce sujet, un autre rapport de la MTQ [Maison de la Trinité de Québec] relatif à une demande de concession d’un lot de grève montre l’importance qu’elle accorde à l’échouage sur les grèves de la Canardière59. À propos de la demande d’Osborne L. Richardson pour la concession d’un lot de grève face à sa propriété, à la Canardière (cartes 25 et 26), les fonctionnaires de la MTQ [Maison de la Trinité de Québec] recommandent qu’à l’avenir toutes les concessions de lots sur les grèves de la Canardière et de Beauport prévoient qu’un espace soit réservé pour l’échouage : « we also beg leave to suggest the necessity of reserving a small portion of the Beach lots on the Beauport shore for Public landing places, for boats and small craft60 ».

________________

59   Archives du Port de Québec, boîte 45, Propriétés (lots de grève) - divers - 1845 à 1873, Rapports concernant des demandes de lots de grève, « Report upon Mr. O. Richardson’s application for a beach lot at the Canardière », 24 janvier 1854. (Index des documents historiques : 1.299).

60  Ibid. (Index des documents historiques : 1.299)

[Soulignement ajouté]

d)   Conclusion sur la propriété

[152]     Compte tenu de l’analyse qui précède, que le terrain loué de l’APQ sur lequel IMTT a construit ses installations et où elle les exploite au sein du havre de Québec ait été dévolu à la Couronne fédérale par l’effet combiné de la Loi de 1858 (telle que modifiée par la Loi de 1862), de la Loi de 1936 et de la Loi de 1954 ou par l’effet de l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867, le résultat serait le même : il s’agit d’une propriété publique fédérale, comme en a conclu le juge de première instance.

2.    La compétence en matière de navigation et de bâtiments ou navires (shipping)

[153]     Le juge de première instance décrit comme suit les activités d’IMTT au sein du port de Québec[137] :

[177]    IMTT ne possède elle-même aucun navire, ni quai, ni camion, ni train, ni réseau ferroviaire. Ses installations consistent en une cinquantaine de réservoirs, reliés par un système permanent de canalisations et de pompage. On utilise le système de pompage d’IMTT pour le transbordement des produits liquides vers les navires accostés à quai, alors qu’en direction inverse, on utilise la pompe du navire pour le transbordement de produits vers les réservoirs d’IMTT.

[178]      On trouve aussi sur le site deux systèmes de transbordement terrestres, l’un sur rail destiné au chargement de wagons, l’autre étant une rampe de chargement moderne pour camions-citerne construite après l’introduction du présent litige, en 2008. Enfin, sur le terrain d’IMTT se trouve un bâtiment abritant ses bureaux administratifs et son centre d’opération. Le terrain est protégé par une clôture à l’intérieur de laquelle on ne peut accéder que par des entrées dotées de barrières et d’un poste de contrôle de sécurité.

[179]      Dans le cadre de ses opérations courantes, IMTT transige d’une part avec l’APQ, de qui elle loue les espaces qu’elle occupe dans le port de Québec, et d’autre part avec les entreprises propriétaires des produits liquides transitant par ses réservoirs, lesquels sont mis à la disposition de ses clientes sur une base locative. Dans ce contexte, jamais IMTT ne contracte directement avec les transporteurs maritimes, routiers et ferroviaires qui gravitent autour de ses installations et dont les services sont retenus par les clientes elles-mêmes.

[180]  Cela dit, dans la gestion quotidienne de ses opérations, le personnel d’IMTT est appelé à communiquer avec l’équipage des navires, notamment lorsqu’il est nécessaire d’en retarder l’arrivée au port jusqu’à ce qu’un quai occupé se libère ou que le réservoir de destination d’un produit ait atteint le niveau de volume disponible nécessaire. C’est en effet à IMTT qu’il incombe d’assurer toute la logistique entourant l’arrivée et le départ des navires, avant et après le transbordement, de même que celle entourant l’entrée, le stockage et la sortie des produits liquides en vrac.

[181]  Le personnel d’IMTT, cependant, ne participe pas aux opérations d’accostage et d’amarrage des navires. Son rôle sur les quais se limite à la préparation des conduites en prévision du transbordement et à leur raccordement aux canalisations permanentes par lesquelles le produit sera pompé vers un réservoir. À l’autre extrémité, sur le navire, le raccordement des conduites est effectué par l’équipage, mais sous la supervision du personnel d’IMTT, qui y assiste pour s’assurer qu’on pourra procéder aux opérations en toute sécurité.

[182]  Par ailleurs, les réservoirs loués par IMTT à ses clients ne sont destinés qu’à un stockage transitoire, donc temporaire, entre l’arrivée du produit au port de Québec et la poursuite du transport par camion, par train ou par navire vers une destination finale. Le site d’IMTT ne constitue donc pas une destination et les produits qui y parviennent ne sont pas appelés à y demeurer de façon prolongée.

[183] Selon la preuve et les admissions communes, 99 % du liquide en vrac transitant par les installations d’IMTT à Québec y est arrivé et/ou en repartira par bateau. Dans 90 % des cas, la portion maritime du transport s’effectuera à partir ou en direction de pays étrangers ou d’autres provinces ou territoires du Canada.

[154]     Le juge de première instance conclut que « les activités et opérations d’IMTT-Québec s’intègrent de façon étroite aux domaines de la navigation et des bâtiments ou navires au Canada »[138].

[155]     La PGQ n’a pas remis en question cette conclusion dans son avis d’appel ni n’en fait mention dans son mémoire d’appel. La PGQ reconnaît d’ailleurs le « fait que les activités et installations d’IMTT soient indéniablement liées à la navigation et au transport maritime extraprovincial »[139].

[156]     Par contre, dans son mémoire additionnel comme intimée incidente, la PGQ remet en question « leur qualification juridique à des fins constitutionnelles »[140]. Elle soutient que les activités d’IMTT « se distinguent des entreprises de débardage […] et continuent de relever, au premier chef, de la compétence des provinces »[141].

[157]     À l’audience, le PGC, l’APQ et IMTT ont soutenu que la PGQ ne pouvait soulever cet argument puisqu’elle n’avait pas attaqué dans sa déclaration d’appel la conclusion déclaratoire du juge de première instance voulant qu’IMTT soit une entreprise intégrée aux domaines de la navigation et des bâtiments ou navires au Canada.

[158]     Étant donné que la PGQ ne remet pas en question cette conclusion du juge, mais remet plutôt en question son effet juridique au plan constitutionnel, nous sommes d’avis que la Cour peut valablement en traiter malgré qu’elle ne soit pas énoncée dans la déclaration d’appel.

[159]     La description factuelle des activités d’IMTT n’est pas remise en cause par la PGQ. Il s’agit là d’activités portuaires et d’installations à quai servant à l’entreposage temporaire ou transitoire de marchandises à des fins de transport maritime.

[160]     Ces activités et installations font partie intégrante de la compétence fédérale sur la navigation et les bâtiments ou navires. Ainsi, dans l’Affaire des débardeurs de 1955, la Cour suprême du Canada établissait que la manutention de la marchandise au sein d’un port, de même que l’entreposage à quai, font partie intégrante du transport maritime[142]. Dans ITO - International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., la Cour suprême du Canada, par la voix du juge McIntyre, énonçait que l’entreposage à quai est une activité liée à la navigation et les bâtiments ou navires vu le lien étroit et essentiel entre cette activité et le transport maritime[143]. Les juges Binnie et LeBel reprenaient aussi cette conclusion dans Lafarge : « […] les opérations à quai de déchargement et d’entreposage sont partie « intégrante » du transport maritime […] »[144].

[161]     D’ailleurs, l’alinéa 28(2)a) de la Loi maritime du Canada précise que les activités portuaires comprennent « la manutention et l’entreposage des marchandises »[145].  Les lettres patentes de l’APQ énoncent aussi que « la manutention et l’entreposage des marchandises » font partie des activités portuaires[146]. Quant au Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires, il précise que l’entreposage, la manutention, le transport et le transbordement des cargaisons à des fins de transport maritime, y compris les hydrocarbures et les produits chimiques, sont des activités portuaires permises au sein du port de Québec[147].

[162]     La PGQ soutient néanmoins que l’entreposage dans des entrepôts portuaires spécialisés se distingue du débardage et ne devrait donc pas faire partie de la compétence fédérale sur les bâtiments et les navires. Elle s’inspire à cette fin de la jurisprudence du Conseil canadien des relations industrielles (« CCRI »)[148] et de la Cour d’appel fédérale[149] portant sur le « débardage » au sens du Code canadien du travail[150].

[163]     Il ne fait pas de doute qu’aux fins du Code canadien du travail, l’entreposage dans des entrepôts portuaires spécialisés ne constitue pas du débardage. Cependant, cela n’a aucune incidence sur la qualification d’IMTT comme entreprise fédérale. En effet, le Code canadien du travail établit pour les débardeurs un régime exceptionnel de relations du travail qui permet l’accréditation syndicale par aire géographique à l’égard d’une multiplicité d’employeurs, plutôt que selon la règle habituelle permettant l’accréditation à l’égard de chaque employeur[151]. Ce régime exceptionnel permet la mise en place d’un « atelier fermé » en vertu duquel un débardeur doit être embauché par l’intermédiaire du syndicat accrédité pour sa région. Les arrimeurs sont ainsi tenus d’embaucher les débardeurs dans le bassin de main-d’œuvre des membres du syndicat selon une méthode complexe[152]. Comme le CCRI le constate, pour accréditer un syndicat comme agent négociateur des débardeurs d’une région géographique comportant de multiples employeurs, il faut identifier les employeurs arrimeurs concernés qui sont « véritablement actifs » dans le secteur du débardage, ce qui a fait l’objet d’une abondante jurisprudence sous l’article 34 du Code canadien du travail[153].

[164]     Cette jurisprudence du CCRI établit que les activités des entrepôts portuaires spécialisés, tels ceux d’IMTT, ne font généralement pas partie du débardage aux fins du Code canadien du travail[154]. Cela ne signifie pas toutefois que ces activités ne relèvent pas de la compétence fédérale sur la navigation et les bâtiments ou navires, ni que les entreprises qui poursuivent de telles activités d’entreposage maritime spécialisé ne sont pas des entreprises fédérales. Il s’agit là de deux questions distinctes, l’une portant sur la qualification comme entreprise véritablement active dans le débardage aux fins du Code canadien du travail, l’autre portant sur la qualification comme entreprise fédérale aux fins de la Loi constitutionnelle de 1867. Comme le notait le CCRI, « [q]ue l’entreprise soit de compétence fédérale ne rend pas automatiquement ses activités incidentes au transport maritime “véritablement actives dans le secteur en cause” », soit le débardage[155].

[165]     En d’autres mots, une activité portuaire peut être qualifiée d’activité essentielle à la navigation et les bâtiments ou navires même s’il ne s’agit pas de débardage. Les activités d’IMTT entrent donc dans la compétence fédérale sous le paragraphe 91(10) de la Loi constitutionnelle de 1867 malgré que cette dernière ne soit pas une entreprise « véritablement active » dans le débardage aux fins du Code canadien du travail.

3.    La compétence sur le transport interprovincial et international

[166]     En première instance, le PGC, l’APQ et IMTT invoquaient également la compétence fédérale sur le transport interprovincial et international.

[167]     Nous ne croyons pas qu’IMTT soit une entreprise fédérale de transport interprovincial et international visée par les alinéas 92(10)a) et b) de la Loi constitutionnelle de 1867. IMTT est une société privée qui ne possède aucun navire, ni camion, ni train et n’effectue aucun transport. Elle loue des espaces de l’APQ dans le port de Québec, y installe des réservoirs et quai de déchargement et transige avec les entreprises propriétaires de produits liquides pour entreposer leurs produits à des fins de transport maritime. L’entreprise elle-même n’effectue aucun transport.

[168]     De toute manière, cet élément ne change pas le sort de l’appel, la conclusion déclaratoire du juge de première instance étant que les « activités et opérations d’IMTT-Québec s’intègrent de façon étroite aux domaines de la navigation et des bâtiments ou navires »[156].

4.    Les précédents jurisprudentiels

[169]     Après avoir décidé que le PGC, l’APQ et IMTT peuvent soulever la compétence exclusive sur la « propriété publique » et « la navigation et les bâtiments ou navires (shipping) », il faut maintenant se demander si la doctrine de l’exclusivité des compétences a déjà été appliquée en telles matières[157].

a)    Les principes

[170]     Selon la Cour suprême, la doctrine de l’exclusivité des compétences ne s’applique en règle générale qu’aux situations déjà traitées dans la jurisprudence[158]. La doctrine de l’exclusivité des compétences vise à protéger le « contenu essentiel » d’une compétence contre les interventions de l’autre ordre de gouvernement[159]. Il s’agit de vérifier si la jurisprudence reconnaît que la compétence en jeu a « un contenu essentiel » tel que la doctrine de l’exclusivité des compétences peut s’appliquer.

[171]     Nous sommes d’avis que le juge de première instance a indûment restreint l’application de cette doctrine en recherchant un précédent jurisprudentiel, émanant d’un tribunal supérieur, qui porte non seulement sur le chef de compétence fédéral en cause, mais également qui applique cette doctrine constitutionnelle dans le contexte d’un conflit avec une législation ou une réglementation environnementale[160].

[172]     D’abord, le type de législation ou de réglementation provinciale à l’encontre duquel la doctrine de l’exclusivité des compétences est invoquée n’est pas un élément déterminant dans la recherche d’un précédent. L’arrêt Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association (« COPA ») est clair à ce sujet[161]. Ainsi, dans COPA, la juge en chef McLachlin se sert d’un précédent portant sur un conflit entre la compétence exclusive du Parlement sur les aérodromes et une disposition d’une réglementation municipale pour déclarer inapplicables certaines dispositions de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles du Québec[162]. Ce qui importe, c’est si la législation provinciale empiète sur le cœur de la compétence fédérale, soit l’emplacement des aérodromes dans le cas de COPA, et ce, peu importe que l’empiètement sur ce « contenu essentiel » dans l’autre dossier provienne d’une législation ou réglementation municipale, agricole ou environnementale[163].

[173]     De plus, les expressions « en général » et « principalement » employés dans Banque canadienne de l’Ouest montrent également l’intention de privilégier le recours à la doctrine de l’exclusivité des compétences lorsqu’un précédent existe, sans pour autant nécessairement l’interdire dans les autres situations[164].

[174]     La jurisprudence depuis l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest a d’ailleurs laissé une ouverture pour reconnaître un nouveau « contenu essentiel » d’une compétence législative. Ces passages de l’arrêt Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society sont révélateurs[165] :

[65]       […] Par conséquent, avant d'appliquer la doctrine de l'exclusivité des compétences dans un nouveau domaine, les tribunaux doivent se demander s'il est possible de trancher la question constitutionnelle sur un autre fondement.

[…]

[67]      Premièrement, la jurisprudence n'a jamais reconnu le contenu essentiel de la compétence provinciale en matière de santé proposé en l'espèce. Cela n'est pas déterminant, car de nouveaux champs de compétence exclusive pourraient éventuellement être reconnus. Toutefois, comme je l'ai dit précédemment, les tribunaux hésitent à circonscrire de nouveaux domaines auxquels s'appliquerait la doctrine de l'exclusivité des compétences.

[Soulignement ajouté]

[175]     Les juges Wagner et Côté se sont d’ailleurs exprimés comme suit dans Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville) : « C'est pourquoi l'application de la doctrine de l'exclusivité des compétences est généralement limitée à des situations déjà traitées par les tribunaux dans le passé » (soulignement ajouté)[166].

[176]     Enfin, l’exigence du juge de première instance voulant que la décision invoquée comme précédent doit avoir « retenu ou appliqué » la doctrine de l’exclusivité des compétences, et non pas simplement « examiné ou discuté » cette doctrine, nous semble exagérée. Si la jurisprudence est claire quant au fait qu’une partie d’un champ de compétence forme son « contenu essentiel », la prévisibilité du partage des compétences plaide pour que la doctrine de l’exclusivité des compétences puisse s’appliquer.

[177]     Une réponse claire peut provenir d’une analogie entre des situations similaires. Par exemple, dans l’arrêt Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville), les juges Wagner et Côté appliquent un précédent de 1904 dans le domaine des télécommunications à la construction d’antennes de radiocommunication[167] :

[64]      […] En effet, pour les fins de cette analyse, l'emplacement d'un système d'antennes de radiocommunication est comparable à l'emplacement de poteaux et de câbles de télécommunications. Un système d'antennes de radiocommunication, à l'instar des poteaux et des câbles de télécommunications, est essentiel à un réseau de communication, et leur emplacement adéquat est nécessaire à son maintien.

[178]     En somme, il faut rechercher un corpus jurisprudentiel clair quant à des éléments qui formeraient le « contenu essentiel » d’un champ de compétence. En la présence d’un tel corpus jurisprudentiel, la doctrine de l’exclusivité des compétences peut trouver application.

b)   L’application au litige

[179]     En l’espèce, contrairement au juge de première instance, nous concluons que les précédents jurisprudentiels établissent que le contrôle de l’aménagement et de l’usage des propriétés publiques fédérales pour les fins d’y exercer une activité qui relève exclusivement de l’autorité fédérale fait partie du « contenu essentiel » de la compétence sur les propriétés publiques fédérales au sens du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ainsi, la doctrine de l’exclusivité des compétences peut être invoquée à l’encontre d’une législation provinciale qui en entraverait l’exercice.

[180]     L’arrêt le plus important aux fins de cette question est Lafarge[168]. Il porte sur la construction, par une grande société commerciale spécialisée dans le béton, d’une installation intégrée de déchargement de navires et de centrale à béton au sein du port de Vancouver sur des terrains détenus par l’Administration portuaire de Vancouver, mais qui ne constituent pas des propriétés publiques fédérales au sens du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867[169]. Certains citoyens s’opposaient au projet au motif que le promoteur devait obtenir un permis d’aménagement de la Ville de Vancouver. L’Administration portuaire de Vancouver était d’avis qu’aucun permis municipal n’était requis, invoquant la doctrine de l’exclusivité des compétences.

[181]      Les juges Binnie et LeBel, majoritaires, rejettent l’application de cette doctrine dans cette affaire pour deux principaux motifs.

[182]     D’abord, les terrains sur lesquels le projet devait être érigé dans l’affaire Lafarge n’étaient pas des propriétés publiques fédérales au sens du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867. Lafarge ne pouvait donc pas invoquer d’entrave au contenu essentiel de la compétence sur la propriété publique fédérale. Les juges Binnie et LeBel concluent en effet que les terrains en cause sont des « terres non publiques qui ne servent pas à des activités de navigation et de transport maritime »[170].  Ils s’appuient sur les dispositions de la Loi maritime du Canada, notamment l’alinéa 28(2)a) et le paragraphe 28(3), qui distinguent entre les « activités traditionnelles liées à la navigation, au transport des passagers et des marchandises, à la manutention des marchandises »[171], et celles pour lesquelles « les administrations portuaires ont été autorisées à exercer pour leur propre compte et non à titre de mandataire de l’État […] »[172].

[183]     Les juges Binnie et LeBel précisent que la Loi maritime du Canada prévoit diverses catégories de droit de propriété foncière correspondant plus ou moins aux objectifs des administrations portuaires canadiennes agissant soit comme mandataires de l’État fédéral, soit comme non-mandataires de celui-ci[173]. Ils sont d’avis que les immeubles décrits dans l’annexe « B » des lettres patentes de l’Administration portuaire de Vancouver correspondent aux immeubles confiés à celle-ci comme mandataire de l’État fédéral aux fins de l’exploitation du port de Vancouver. Ils énoncent que l’annexe « C » des lettres patentes décrit plutôt les immeubles que l’Administration portuaire de Vancouver détient, mais qui ne sont pas des « immeubles fédéraux » aux fins de la Loi maritime du Canada. Il faut noter que les lettres patentes de l’Administration portuaire de Vancouver et celles de l’APQ ont une structure et une rédaction similaires, distinguant de la même façon entre les immeubles fédéraux de l’annexe « B » et ceux, autres que les immeubles fédéraux, de l’annexe « C »[174].

[184]     Cette distinction entre les immeubles décrits dans l’annexe « B » et ceux décrits dans l’annexe « C » des lettres patentes permet aux juges Binnie et LeBel de conclure que bien que la plupart des immeubles de l’Administration portuaire de Vancouver soient des « propriétés publiques » au sens du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867, ceux énumérés dans l’annexe « C » ne le sont pas[175]. Or, la cimenterie proposée est située sur des terres de l’annexe « C ». L’aménagement des immeubles visés à l’annexe « C » doit donc relever de la compétence sur la navigation et les bâtiments ou navires - plutôt que de la compétence sur la propriété publique fédérale - pour que l’exercice de la compétence fédérale soit justifié[176]. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles la doctrine de l’exclusivité des compétences ne s’appliquait pas dans Lafarge.

[185]     Ensuite, eu égard à la compétence sur la navigation, les juges Binnie et LeBel concluent que le projet de cimenterie, bien qu’intégré aux activités portuaires, est plutôt accessoire à celles-ci, i.e. n’est pas « intégré étroitement » au domaine de la navigation et des bâtiments ou navires. Il s’agit plutôt « [d’]une entreprise accessoire de développement portuaire qui, du fait de son intégration au transport maritime, l’assujettit à la compétence fédérale mais ne relève certainement pas du contenu essentiel du paragraphe 91(10) » de la Loi constitutionnelle de 1867[177]. Leur raisonnement s’appuie notamment sur la nature du projet en cause - une cimenterie - qui ne se rattache pas au cœur de la compétence portuaire fédérale.

[186]     Dans le présent dossier, les terrains sur lesquels les installations d’IMTT sont situées sont des terres publiques fédérales visées par le paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867 et ils sont énumérés comme « immeubles fédéraux » dans l’annexe « B » des lettres patentes de l’APQ[178]. De plus, « les activités et opérations d’IMTT-Québec s’intègrent de façon étroite aux domaines de la navigation et des bâtiments ou navires au Canada »[179]. Ces différences sont d’importance capitale.

[187]     Comme en ont décidé les juges majoritaires dans Lafarge, l’aménagement des terres publiques fédérales relève exclusivement de la compétence fédérale : « […] [l]a plupart des terrains de l’APV sont des ʺterres publiquesʺ au sens du paragraphe 91(1A) et leur aménagement relève exclusivement de la compétence fédérale »[180]. En effet, le paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867 « crée une immunité fondée sur un intérêt propriétal » du gouvernement fédéral[181].

[188]     Même si la propriété fédérale des terrains ne crée pas une enclave soustraite à l’application de toutes les lois provinciales[182], le droit provincial ne peut nuire à l’exercice d’un élément essentiel des droits de propriété du gouvernement fédéral[183] :

[55]      Même si la propriété fédérale des terres ne crée pas une enclave soustraite à l’application de toutes les lois provinciales, le droit provincial ne peut nuire à l’exercice d’un « élément essentiel » des droits de propriété du gouvernement fédéral.  (Voir aussi Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754, p. 777-779, Greater Toronto Airports Authority, par. 62-63, et Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation Board, [1933] R.C.S. 629, p. 643-644.)

[189]     Deux décisions de la Cour d’appel de l’Ontario reconnaissent aussi l’exclusivité du pouvoir fédéral sur l’aménagement des terres publiques fédérales.

[190]     L’affaire Hamilton Harbour Commissioners v. City of Hamilton[184] porte sur la compétence des Commissaires du havre de Hamilton pour gérer l’aménagement du havre de Hamilton à des fins autres que maritimes, et ce, de façon contraire à la réglementation municipale. La question se soulevait puisque les Commissaires s’apprêtaient à approuver un parc d’attractions sur certains terrains qu’ils détenaient au sein du havre de Hamilton[185]. Il va de soi qu’un parc d’attractions n’a rien à voir avec les activités maritimes d’un port.

[191]     Le juge de première instance dans cette affaire reconnaît que les Commissaires du havre de Hamilton exercent une compétence exclusive sur leurs terrains qui servent à des fins portuaires[186] :

I conclude that the Commissioners’ Act, 1912 conferred on the Commissioners absolute jurisdiction over land uses on lands owned by the Commissioners to be developed for shipping and navigation or harbour purposes.

[192]     Cependant, il est aussi d’avis que lorsque les terres des Commissaires sont dédiées à d’autres fins, tel un parc d’attractions, rien n’empêche alors l’application de la législation provinciale[187] : 

Mere ownership by the Commissioners of land within the harbour limits does not, per se, render such lands immune to municipal and provincial laws of general application. Lands owned by the Commissioners and not presently being used for harbour purposes are legitimate objects of the land-use controls of the City and the zoning by-laws only become suspended when they operate to prevent or interfere with the right of the Commissioners to develop such lands for shipping and navigation. If the Commissioners saw fit to sell such lands to be developed for non-harbour purposes, or if the Commissioners undertook to develop the lands for purposes unconnected with shipping or navigation, it seems to me entirely reasonable that the by-laws of the City should have application to control the use to which such lands would be put.

[Soulignement ajouté]

[193]     Il importe de souligner que le juge de première instance dans cette affaire a aussi conclu que les terrains détenus par les Commissaires du havre de Hamilton ne sont pas des propriétés publiques fédérales au sens du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867. En effet, le havre de Hamilton n’était pas un « havre public » au sens de la troisième annexe et de l’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867 dont la propriété avait été conférée au Canada[188]. La propriété de ce havre a plutôt été conférée à la province de l’Ontario en 1867. Cette province a cédé le havre à la Ville de Hamilton, laquelle l’a à son tour cédé aux Commissaires du havre de Hamilton en 1948[189]. Quant aux autres terrains litigieux dans cette affaire, y compris la plage de Burlington et la rive sud du havre, ils furent acquis par les Commissaires auprès de tiers[190].

[194]     La Cour d’appel de l’Ontario confirme le jugement de première instance, mais elle tient à préciser que le résultat serait autre s’il s’agissait de propriétés publiques fédérales, laissant ainsi clairement entendre que c’est la doctrine de l’exclusivité des compétences qui s’appliquerait alors[191] :

All of these submissions were advanced to the learned trial Judge, and except for two points, we agree with the manner in which he disposed of them. The first point is a minor one and was not referred to by the trial judge. Some of the land surrounding the harbour is owned by Her Majesty the Queen in right of Canada. The Province of Ontario and the City of Hamilton have clearly no jurisdiction in respect of such land. This was conceded by Mr. Binnie. Although, as has been stated, the plaintiff in its alternative prayer for relief claimed a declaration in respect of this land, the legal position is so clear that we think a declaration is unnecessary.

[Soulignement ajouté]

[195]     La Cour d’appel de l’Ontario suit un raisonnement similaire dans Greater Toronto Airports Authority v. Mississauga (City of)[192] où elle décide que le Building Code Act et l’Ontario Building Code sont constitutionnellement inapplicables à la construction d’une aérogare située sur des terres publiques fédérales visées par le paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867 et desservant l’aéroport Pearson de Toronto[193] :

[62]   Section 91(1A) of the Constitution Act, 1867 gives Parliament exclusive legislative authority over the public debt and property. The federal Crown owns all the land at Pearson Airport. Therefore, MacPherson J. concluded at p. 27 that "the application of Mississauga's building code regime to the demolition, alteration and construction of buildings at Pearson Airport would intrude into exclusive federal jurisdiction over federal public property."

[63]   I agree with this conclusion. The governing principle is that s. 91(1A) is a subject matter limitation on provincial legislative power. As Beetz J. said in Construction Montcalm at p. 777:

The enumeration of exclusive federal powers in s. 91 of the Constitution, including the power to make law in relation to the public debt and property, operates as a limitation ratione materiae upon provincial jurisdiction, not as a territorial limitation.

Provincial laws, such as building code statutes, whose very subject matter is land or property development, cannot apply to federal Crown property. Constitutionally, a municipality cannot require that buildings constructed on federal property, such as Pearson Airport, be built to municipal standards.

[…]

[66]   Property under s. 91(1A) means property in its broadest sense. It includes partial interests such as the federal Crown's reversionary interest in the land at Pearson Airport. Federal property ceases to be within the exclusive jurisdiction of Parliament under s. 91(1A) only when it is transferred to another person by the conveyance of a fee simple. This has not happened here. See G.V. LaForest, Natural Resources and Public Property under the Canadian Constitution (1969), pp. 134-35. In this case, the federal Crown still holds title to the land. It has a continuing property interest in the land. Mississauga seeks to prescribe standards for the construction of new buildings on this land. Its inspectors have the power to order the alteration or even demolition of a building. Thus, the federal Crown's property interest is necessarily affected by Ontario's building code regime.

[Soulignement ajouté]

[196]     Enfin, dans R. v. Airconsol Aviation Services Ltd.[194], la Provincial Court de Terre-Neuve conclut qu’en vertu de la doctrine de l’exclusivité des compétences, l’Environmental Act de la province ne s’applique pas aux fins de réglementer et régir les réservoirs d’entreposage de carburant d’aviation installés sur une propriété publique fédérale desservant les besoins de l’aéroport de Deer Lake[195]. Tel que le souligne le juge Howe dans cette affaire[196] :

[39] The Environment Act itself gives the Minister power to issue stopping orders meaning that if the Act and/or Regulations apply to Airconsol, an aviation refueller, on federal lands, i.e. an airport, the Province can, in appropriate circumstances, enter onto an airport and stop refuelling of aircraft, thereby shutting down the airport.

[40] One cannot avoid considering the impact of the impugned legislative provisions. If the [Provincial] Regulations dictate the design of structures which are an integral part of aeronautics, i.e. fuel storage tanks, and regulate matters spoken to in federal leases, i.e. the handling of fuel or the reporting of spills, albeit in the name of environmental protection, it is difficult to see how they do not encroach on areas of exclusive federal jurisdiction.

[197]     Ces arrêts sont d’ailleurs concordants avec la jurisprudence classique portant sur l’application de la doctrine de l’exclusivité de la compétence fédérale aux terres publiques fédérales, soit Spooner Oils et Commission des champs de bataille.

[198]     Spooner Oils Ltd. louait des terres publiques en Alberta aux fins d’y exploiter le naphte. Ces terres appartenaient alors à la Couronne fédérale et elles étaient exploitées sous un bail fédéral. L’exploitation du naphte requérait l’échappement du sol d’une grande quantité de gaz naturel et, de fait, près de 90 % du gaz naturel qui s’échappait de l’exploitation était brûlé comme déchet. En 1932, la province d’Alberta adopte une loi afin de conserver le gaz naturel dans le territoire visé, ce qui a pour effet de réduire d’environ 95 % la production de naphte. Le juge Duff, pour une Cour suprême unanime, conclut que la loi provinciale ne pouvait s’appliquer aux terres publiques fédérales vu la compétence fédérale sur les propriétés publiques. De fait, le juge Duff applique à la fois la doctrine de la prépondérance fédérale et de l’exclusivité des compétences pour écarter la loi provinciale[197] :

On these two grounds, therefore, first, that the legislation of 1932 is repugnant, in so far as it affects tracts leased under the Regulations of 1910 and 1911, to those Regulations, and the statute under which they were promulgated; and, second, on the ground that, in so far as it authorizes the Board to make regulations concerning the production of natural gas and naphtha from lands held under lease from the Dominion for the purpose of working them for the production of those minerals, it is legislation strictly concerning the public property of the Dominion; on both of these grounds, the legislation of 1932 would, if these public lands were still held by the Dominion, be inoperative, as regards the leases with which we are concerned.

[199]     Dans Commission des champs de bataille nationaux, la Cour suprême du Canada devait décider si la réglementation provinciale portant sur les transports s’appliquait à un service fédéral de transport touristique par autobus offert au public par la Commission des champs de bataille nationaux dans le parc fédéral des Plaines d’Abraham. Tout en mettant de côté la théorie de l’enclave[198], le juge Gonthier énonce néanmoins que la doctrine de l’exclusivité des compétences peut s’appliquer afin d’écarter la législation provinciale qui aurait pour effet de réglementer les activités fédérales qui se déroulent sur des propriétés publiques fédérales, notamment lorsque la législation provinciale comporte un système discrétionnaire de permis[199].  La Cour suprême ajoute par ailleurs que « le service fédéral n’est pas pour autant nécessairement exempté de l’application des dispositions législatives provinciales portant sur la sécurité […] »[200].

[200]     Bien que certaines des décisions discutées plus haut portent sur des propriétés publiques fédérales servant à des fins autres que portuaires, un principe directeur se dégage clairement de l’ensemble de cette jurisprudence : le contrôle de l’aménagement, de l’usage et de la réglementation des propriétés publiques fédérales pour les fins d’y exercer une compétence qui relève exclusivement de l’autorité fédérale fait partie du « contenu essentiel » de la compétence sur les propriétés publiques fédérales au sens du paragraphe 91(1A) de la Loi constitutionnelle de 1867. La doctrine de l’exclusivité des compétences peut donc être invoquée à l’encontre d’une législation provinciale qui en entraverait l’exercice.

[201]     Il est possible que la doctrine de l’exclusivité des compétences puisse aussi être invoquée à l’égard de propriétés publiques fédérales qui ne servent pas à des fins ou des activités liées à un domaine de compétence fédérale exclusive[201]. Il n’est cependant pas nécessaire d’en décider aux fins du présent appel. Il suffit de conclure qu’à tout le moins, cette doctrine peut être invoquée lorsqu’il s’agit du contrôle de l’aménagement, de l’usage et de la réglementation des propriétés publiques fédérales pour les fins d’y exercer une compétence qui relève exclusivement de l’autorité fédérale.

[202]     En conclusion, la compétence fédérale exclusive sur la propriété publique fédérale combinée à l’intégration étroite des activités d’IMTT au domaine de la navigation et des bâtiments ou navires, permet d’invoquer et d’appliquer la doctrine de l’exclusivité des compétences dans cette affaire. Il faut maintenant vérifier si la LQE crée une entrave à l’exercice de ces compétences exclusives.

5.    La LQE entrave-t-elle le contenu essentiel de la compétence fédérale?

[203]     Afin d’exclure l’application d’une loi d’un ordre de gouvernement, celle-ci doit entraver le contenu essentiel de la compétence exclusive de l’autre ordre de gouvernement ou l’élément vital ou essentiel d’une entreprise établie par celui-ci.

[204]     Comme nous l’avons déjà énoncé, la LQE repose sur deux régimes principaux.

[205]     Premièrement, l’article 20 de la LQE prévoit un régime normatif et prohibitif prenant la forme, d’une part, d’un contrôle réglementaire du rejet de contaminants dans l’environnement et, d’autre part, d’une prohibition de rejet de tout contaminant qui est susceptible de porter atteinte à la vie, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain, de causer des dommages ou de porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement.

[206]     Deuxièmement, la LQE prévoit aussi un régime préventif fondé principalement sur les articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE qui assujettit les projets de développement à une autorisation provinciale discrétionnaire, laquelle ne peut être octroyée qu’à la suite d’une évaluation environnementale, aux fins d’assurer que les impacts sur l’environnement de ceux-ci puissent être évalués et, s’il y a lieu, atténués, selon les prescriptions que peuvent établir, selon la nature du projet, soit le ministre de l’Environnement du Québec ou soit le gouvernement du Québec. Ce régime permet au ministre de l’Environnement du Québec et au gouvernement du Québec d’autoriser ou non un projet, d’imposer les conditions d’une telle autorisation et même, depuis les amendements de 2017, de réglementer un projet à la pièce.

[207]     Il y a lieu d’examiner l’impact de ces deux régimes tour à tour.

a)   Les articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE

[208]     Le régime de nature préventive assujettit un projet de développement à une autorisation provinciale discrétionnaire, laquelle ne peut être octroyée qu’à la suite d’une évaluation environnementale. Ce régime permet aux autorités provinciales de refuser un projet ou de l’approuver avec ou sans conditions. Il permet aussi aux autorités provinciales de réglementer un projet qu’elles approuvent dans tous ses aspects. 

[209]     Ce régime se fonde principalement sur les articles 22, 31.1 et 31.1.1 de la LQE, lesquels articles sont brièvement décrits dans la section de ces motifs portant sur le contexte législatif et qu’il y a lieu de reprendre ici.

[210]     L’article 22 LQE prévoit qu’en règle générale un projet industriel ne peut être réalisé ou exploité au Québec sans l’autorisation préalable du ministre de l’Environnement du Québec :

22. Sous réserve des sous-sections 2 et 3, nul ne peut, sans obtenir au préalable une autorisation du ministre, réaliser un projet comportant l’une ou plusieurs des activités suivantes:

22. Subject to subdivisions 2 and 3, no one may, without first obtaining an authorization from the Minister, carry out a project involving one or more of the following activities:

1° l’exploitation d’un établissement industriel visé à la section III, dans la mesure qui y est prévue;

 

(1) the operation of an industrial establishment referred to in Division III, to the extent provided for in that division;

2° tous prélèvements d’eau, incluant les travaux et ouvrages que nécessite un tel prélèvement, dans la mesure prévue à la section V;

 

(2) any withdrawal of water, including related work and works, to the extent provided for in Division V;

3° l’établissement, la modification ou l’extension de toute installation de gestion ou de traitement des eaux visée à l’article 32 ainsi que l’installation et l’exploitation de tout autre appareil ou équipement destiné à traiter les eaux, notamment pour prévenir, diminuer ou faire cesser le rejet de contaminants dans l’environnement ou dans un réseau d’égout;

 

(3) the establishment, alteration or extension of any water management or treatment facility referred to in section 32, and the installation and operation of any other apparatus or equipment designed to treat water, in particular in order to prevent, abate or stop the release of contaminants into the environment or a sewer system;

4° tous travaux, toutes constructions ou toutes autres interventions dans des milieux humides et hydriques visés à la section V.1;

 

(4) any work, structures or other intervention carried out in wetlands and bodies of water referred to in Division V.1;

5° la gestion de matières dangereuses, dans la mesure prévue à la sous-section 4 de la section VII.1;

 

(5) the management of hazardous materials, to the extent provided for in subdivision 4 of Division VII.1;

 

6° l’installation et l’exploitation d’un appareil ou d’un équipement destiné à prévenir, à diminuer ou à faire cesser le rejet de contaminants dans l’atmosphère;

 

(6) the installation and operation of an apparatus or equipment designed to prevent, abate or stop the release of contaminants into the atmosphere;

7° l’établissement et l’exploitation d’une installation d’élimination de matières résiduelles;

 

(7) the establishment and operation of a residual materials elimination facility;

8° l’établissement et l’exploitation d’une installation de valorisation de matières résiduelles, incluant toute activité de stockage et de traitement de telles matières aux fins de leur valorisation;

 

(8) the establishment and operation of a residual materials reclamation facility, including any storage or treatment of such materials for the purpose of reclaiming them;

 

9° toute construction sur un terrain qui a été utilisé comme lieu d’élimination de matières résiduelles et qui est désaffecté ou tous travaux visant à changer l’utilisation d’un tel terrain;

 

(9) any construction on land formerly used as a residual materials elimination site and any work to change the use of such land; or

 

10° toute autre activité déterminée par règlement du gouvernement.

 

Est également soumise à une autorisation préalable du ministre la réalisation d’un projet comportant une autre activité susceptible d’entraîner un rejet de contaminants dans l’environnement ou une modification de la qualité de l’environnement, dont les activités suivantes:

 

(10) any other activity determined by government regulation.

 

The Minister’s prior authorization must also be obtained for a project involving another activity likely to result in the release of contaminants into the environment or affect the quality of the environment, including the following activities:

 

1° la construction d’un établissement industriel;

(1) the construction of an industrial establishment;

 

2° l’exploitation d’un établissement industriel autre que ceux visés au paragraphe 1° du premier alinéa;

 

(2) the operation of an industrial establishment other than one referred to in subparagraph 1 of the first paragraph;

 

3° l’utilisation d’un procédé industriel;

 

(3) the use of an industrial process;

 

4° l’augmentation de la production d’un bien ou d’un service.

(4) an increase in the production of property or services.

[211]     Cette autorisation en vertu de l’article 22 LQE n’est généralement accordée qu’après une évaluation des impacts du projet sur l’environnement, laquelle évaluation peut être sommaire ou détaillée selon la taille du projet et ses impacts prévisibles[202].

[212]     Le ministre de l’Environnement du Québec peut prescrire à l’égard d’un projet soumis à son autorisation toute condition, restriction ou interdiction qu’il estime indiquée pour protéger la qualité de l’environnement, dont des mesures d’atténuation et un programme de suivi[203]. Depuis les amendements de 2017, il peut aussi, s’il l’estime nécessaire pour assurer une protection adéquate de l’environnement, prescrire dans l’autorisation toute norme ou toute condition, restriction ou interdiction différente de celles prescrites par règlement s’il les juge insuffisantes[204]. Cela lui permet de réglementer à la pièce chaque projet soumis à son autorisation.

[213]     L’article 31.1 LQE précise que, dans les cas prévus par règlement, c’est plutôt l’autorisation du gouvernement provincial qui est requise :

31.1 Nul ne peut entreprendre une construction, un ouvrage, une activité ou une exploitation ou exécuter des travaux suivant un plan ou un programme, dans les cas prévus par règlement du gouvernement, sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement prévue dans la présente sous-section et obtenir une autorisation du gouvernement.

31.1. No person may undertake any construction, work, activity or operation, or carry out work according to a plan or program, in the cases provided for by regulation of the Government without following the environmental impact assessment and review procedure provided for in this subdivision and obtaining an authorization from the Government.

[214]      Cette autorisation du gouvernement ne peut être obtenue sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement établie par la loi et comportant, notamment, une étude d’impact sur l’environnement et, s’il y a lieu, une audience publique tenue par le BAPE, un organisme administratif provincial[205].

[215]     L’article 31.1.1, lequel fut ajouté à la LQE par les amendements de 2017, permet au gouvernement du Québec d’assujettir tout projet qui n’est pas visé à l’article 31.1 (i.e. qui n’est pas prévu par règlement) à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, notamment, s’il est d’avis que les enjeux environnementaux sont majeurs et que les préoccupations du public le justifient :

31.1.1 Le gouvernement peut, exceptionnellement et sur recommandation du ministre, assujettir à la procédure prévue dans la présente sous-section un projet qui n’est pas visé par l’article 31.1 dans l’un des cas suivants:

 

31.1.1 The Government may, exceptionally and on the recommendation of the Minister, make a project not referred to in section 31.1 subject to the procedure provided for in this subdivision if

 

1o  il est d’avis que les enjeux environnementaux que peut susciter le projet sont majeurs et que les préoccupations du public le justifient;

 

(1) in its opinion the project may raise major environmental issues and public concern warrants it;

 

2o   le projet implique une technologie nouvelle ou un nouveau type d’activités au Québec pour lesquels il est d’avis que les impacts appréhendés sur l’environnement sont majeurs;

 

(2) the project involves a new technology or new type of activity in Québec whose apprehended impacts on the environment are, in its opinion, major; or

3o   il est d’avis que le projet comporte des enjeux majeurs en matière de changements climatiques.

 

Le ministre doit, dans les trois mois suivant le dépôt d’une demande d’autorisation au registre prévu à l’article 118.5, informer le demandeur de son intention de recommander au gouvernement d’assujettir le projet à la procédure prévue dans la présente sous-section.

(3)  in its opinion, the project involves major climate change issues.

 

 

 

The Minister must, within three months after an authorization application is filed in the register provided for in section 118.5, inform the applicant of the Minister’s intention to recommend to the Government that it make the project subject to the procedure provided for in this subdivision.

 

Le ministre peut également assujettir un projet à la procédure prévue dans la présente sous-section lorsque le demandeur lui en fait la demande par écrit, en précisant les motifs à son soutien.

The Minister may also make the project subject to the procedure provided for in this subdivision if the applicant applies to the Minister in writing to that effect, giving reasons in support of the application.

[216]     Dans le cas d’un projet visé à l’article 31.1 ou à l’article 31.1.1 LQE, le gouvernement du Québec peut soit l’autoriser avec ou sans modifications et aux conditions, restrictions ou interdictions qu’il détermine, ou soit refuser de l’autoriser[206]. Depuis les amendements de 2017, le gouvernement du Québec détient aussi des pouvoirs additionnels lui permettant de fixer dans l’autorisation toute norme ou toute condition, restriction ou interdiction différentes de celles prescrites par un règlement pris en vertu de la LQE[207]. Ces nouveaux pouvoirs, comme ceux du ministre de l’Environnement du Québec, permettent au gouvernement du Québec de réglementer à la pièce chaque projet soumis à son autorisation.

[217]     Quel est l’impact de ce régime d’évaluation environnementale et d’autorisation sur le pouvoir fédéral de contrôler l’aménagement et l’usage des propriétés publiques fédérales pour les fins d’y exercer une compétence qui relève exclusivement de l’autorité fédérale, dont les activités et installations d’IMTT?

[218]     D’abord, l’aménagement des quais dans le port de Québec et les infrastructures nécessaires au transport maritime dans ce port, y compris les infrastructures servant à l’entreposage, la manutention et le transbordement des cargaisons maritimes dont le projet d’IMTT, seraient assujettis à des autorisations provinciales discrétionnaires. Chaque nouvelle infrastructure portuaire devrait ainsi faire l’objet non seulement d’une approbation provinciale, mais également d’une réglementation provinciale au moyen des conditions rattachées aux autorisations.

[219]     Dans un tel scénario, les autorités provinciales exerceraient un pouvoir décisionnel et réglementaire à l’égard des infrastructures portuaires et maritimes. Il s’agirait là de pouvoirs provinciaux qui entraveraient le contenu essentiel de la compétence fédérale exclusive portant sur le contrôle de l’aménagement, de l’usage et de la réglementation des propriétés publiques fédérales pour les fins d’y exercer une compétence fédérale, telle la compétence sur la navigation et les bâtiments ou navires. En effet, dans un tel scénario, la compétence fédérale ne serait plus exclusive, mais plutôt conjointe avec celle de la province.

[220]     La PGQ plaide néanmoins que les tribunaux doivent présumer que les autorités provinciales exerceront leurs pouvoirs discrétionnaires de façon à ne pas entraver le cœur d’une compétence fédérale et donc ne refuseront pas leur autorisation ni n’imposeront des conditions qui entraveraient la réalisation des projets et des activités de compétence fédérale exclusive. L’argument ne saurait tenir car cela aurait pour effet direct de contourner la compétence fédérale exclusive sur les propriétés publiques fédérales utilisées à des fins fédérales.

[221]     En effet, le gouvernement du Québec ne détient aucune compétence constitutionnelle pour approuver des projets sur des propriétés publiques fédérales servant à des fins ou des activités liées à une compétence fédérale exclusive, telle la compétence exclusive sur la « navigation et les bâtiments ou navires (shipping) » visée au paragraphe 91(10) de la Loi constitutionnelle de 1867. Le gouvernement du Québec ne peut exercer aucun pouvoir décisionnel à l’égard de tels projets. Le déclenchement et la mise en œuvre des processus provinciaux d’autorisation et d’évaluation en vertu des articles 22, 31.1 ou 31.1.1 LQE sont donc exclus dans de tels cas.

[222]     L’évaluation des impacts environnementaux n’est pas un mécanisme qui permet à un ordre de gouvernement de s’ingérer dans la compétence exclusive de l’autre ordre de gouvernement au motif qu’il s’agit de protéger l’environnement. Pour exiger une évaluation environnementale d’un projet, l’autorité concernée doit elle-même détenir une compétence constitutionnelle pour participer à la prise de décisions sur le projet. Il s’agit là d’un préalable essentiel. Le principe de précaution environnementale ne peut en soi servir de fondement à une évaluation environnementale par un ordre de gouvernement lorsque celui-ci n’exerce aucune compétence décisionnelle à l’égard d’un projet. Permettre à l’un ou l’autre des deux ordres de gouvernement d’exiger l’évaluation d’un projet relevant exclusivement de l’autre ordre sans qu’il doive y exercer un pouvoir décisionnel fondé sur une compétence constitutionnelle autrement valide mettrait en péril l’équilibre constitutionnel canadien.

[223]     Tel que le notait le juge La Forest dans Friends of the Oldman River, l’évaluation environnementale est essentiellement un outil de planification qui fait partie intégrante d’un processus éclairé de prise de décisions, mais qui demeure l’accessoire de ces décisions[208] portant sur le projet ou l’activité en cause :

L'évaluation des incidences environnementales est, sous sa forme la plus simple, un outil de planification que l'on considère généralement comme faisant partie intégrante d'un processus éclairé de prise de décisions.  R. Cotton et D. P. Emond, dans un ouvrage intitulé "Environmental Impact Assessment", dans J. Swaigen, dir., Environmental Rights in Canada (1981), 245, à la p. 247, résument l'objet fondamental de cette évaluation:

[traduction]  Les concepts fondamentaux à la base de l'évaluation environnementale peuvent être énoncés en termes simples: (1)  déterminer et évaluer avant coup toutes les conséquences environnementales possibles d'une entreprise proposée; (2)  permettre une prise de décisions qui à la fois garantira l'à-propos du processus et conciliera le plus possible les désirs d'aménagement du promoteur et la protection et la préservation de l'environnement.

En tant qu'outil de planification, le processus d'évaluation renferme un mécanisme de collecte de renseignements et de prise de décisions, qui fournit au décideur une base objective sur laquelle il pourra s'appuyer pour autoriser ou refuser un projet d'aménagement; voir M. I. Jeffery, Environmental Approvals in Canada (1989), à la p. 1.2, {SS} 1.4; D. P. Emond, Environmental Assessment Law in Canada (1978), à la p. 5.  Bref, l'évaluation des incidences environnementales constitue simplement une description du processus de prise de décisions.

[Soulignement ajouté]

[224]     C’est pourquoi, l’évaluation environnementale doit être rattachée à une compétence constitutionnelle préalable portant sur le projet lui-même. Le juge La Forest le notait d’ailleurs, dans Friends of the Oldman River, à l’égard du régime fédéral d’évaluation et d’examen sous l’ancien Décret sur les lignes directrices visant le processus d’évaluation et d’examen en matière environnementale[209] (« Décret sur le PEEE »). Ce régime fédéral ne pouvait s’appliquer qu’à la condition nécessaire que le gouvernement du Canada ait compétence pour participer à la prise de décisions à l’égard du projet[210] :

Je ne veux pas dire pour autant que le Décret sur les lignes directrices reçoit application chaque fois qu'un projet peut comporter des répercussions environnementales sur un domaine de compétence fédérale. Il doit tout d'abord s'agir d'une « proposition » qui vise une « entreprise ou activité à l'égard de laquelle le gouvernement du Canada participe à la prise de décisions ». (Je souligne.) À mon avis, l'interprétation qu'il faut donner à l'expression « participe à la prise de décisions » est que le gouvernement fédéral, se trouvant dans un domaine relevant de sa compétence en vertu de l’art. 91 de la Loi constitutionnelle de 1867, doit avoir une obligation positive de réglementation en vertu d'une loi fédérale relativement à l'entreprise ou à l'activité proposée. On n'a pas pu vouloir que le Décret sur les lignes directrices soit invoqué chaque fois qu'il existe certaines possibilités de répercussions environnementales sur un domaine de compétence fédérale. En conséquence, l'expression « participe à la prise de décisions » dans la définition du terme « proposition » ne devrait pas être interprétée comme ayant trait à des questions relevant généralement de la compétence fédérale. Cette expression signifie plutôt une obligation légale. Si cette obligation existe, il s'agit alors de déterminer qui est le « ministère responsable » en la matière, puisque c'est ce ministère qui exerce le pouvoir de décision à l'égard de la proposition et qui doit donc entamer le processus d'évaluation visé par le Décret sur les lignes directrices.

[Premier soulignement dans l’original, les autres sont ajoutés]

[225]     Bien que ces propos portent sur l’interprétation du Décret sur le PEEE, ils reflètent les fondements constitutionnels sur lesquels ce décret fut adopté. Les propos du juge La Forest s’appliquent tout autant aux régimes provinciaux d’évaluation et d’examen des impacts environnementaux, lesquels ne peuvent être valablement entrepris que si la province détient une compétence constitutionnelle positive de réglementation à l’égard de l’entreprise ou de l’activité en cause.

[226]     L’évaluation environnementale n’est donc pas une fin en soi. C’est un outil qui sert à fonder une décision. Si un ordre de gouvernement ne détient aucune compétence décisionnelle à l’égard d’un projet ou d’une activité, une évaluation environnementale menée par cet ordre de gouvernement est futile. Elle serait aussi inconstitutionnelle. Ainsi, il n’appartient pas au gouvernement du Québec de procéder à l’évaluation d’un projet ou d’une activité relevant de la compétence fédérale exclusive à moins qu’il doive exercer un pouvoir décisionnel en vertu d’une loi provinciale constitutionnellement valide, applicable et opérante pour que le projet puisse se réaliser ou que l’activité puisse se poursuivre. Le même principe s’applique au gouvernement fédéral en regard d’un projet ou d’une activité relevant de la compétence provinciale exclusive. L’équilibre de l’ordre constitutionnel canadien en dépend.

[227]     En conséquence, une évaluation environnementale ne peut être menée par un ordre de gouvernement à l’égard d’un projet à moins qu’il ne requière une autorisation de ce gouvernement fondée sur une compétence constitutionnelle ou à moins que l’autre ordre de gouvernement n’y consente. 

[228]     Pour ces motifs, nous concluons que les articles 2231.1 et 31.1.1 LQE sont constitutionnellement inapplicables aux activités et installations d’IMTT.

[229]     Nous précisons que les articles 2231.1 et 31.1.1 LQE seraient de toute façon constitutionnellement inopérants à l’égard des installations et activités d’IMTT pour les motifs exposés aux paragraphes [260]  à [263] des présentes.

b)   L’article 20 LQE

[230]     L’article 20 LQE prévoit ce qui suit :

20. Nul ne peut rejeter un contaminant dans l’environnement ou permettre un tel rejet au-delà de la quantité ou de la concentration déterminée conformément à la présente loi.

20. No one may release or allow the release into the environment of a contaminant in a quantity or concentration greater than that determined in accordance with this Act.

 

La même prohibition s’applique au rejet de tout contaminant dont la présence dans l’environnement est prohibée par règlement ou est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement, aux écosystèmes, aux espèces vivantes ou aux biens.

The same prohibition applies to the release of any contaminant whose presence in the environment is prohibited by regulation or is likely to adversely affect the life, health, safety, welfare or comfort of human beings, or cause damage to or otherwise impair the quality of the environment or ecosystems, living species or property.

[231]     Les deux premières interdictions énoncées dans l’article 20 LQE incorporent l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires d’application générale adoptées en vertu de la LQE et qui visent à réglementer les rejets de contaminants dans l’environnement ou d’en prohiber le rejet.

[232]     Le troisième volet de l’article 20 LQE constitue une prohibition de contaminer l’environnement fondé sur un test général de nocivité. Cette prohibition, comme les autres prohibitions énoncées dans l’article 20, permet notamment d’invoquer l’article 19.1 LQE. En cas de violation de la prohibition de contaminer l’environnement, il peut y avoir ouverture à une injonction judiciaire en vertu des articles 19.2 à 19.6 LQE, laquelle peut être demandée par toute personne physique domiciliée au Québec qui fréquente le lieu concerné ou son voisinage immédiat, par une municipalité concernée ou par la PGQ. La violation du troisième volet peut aussi donner ouverture à un recours apparenté aux troubles de voisinage sous le Code civil du Québec, comme le notait la juge Bich dans Courses automobiles Mont-Tremblant inc. c. Iredale[211] :

[104]     C'est [le troisième volet de l’art. 20 LQE] également une norme qui, à certains égards, rappelle l'article 976 C.c.Q., qui régit les inconvénients normaux du voisinage « suivant la nature ou la situation de leurs fonds [c'est-à-dire ceux des voisins] ou suivant les usages locaux » (« according to the nature or location of their land or local custom ») et qui, d'ailleurs, s'y harmonise assez bien. L'application de cette disposition commande elle aussi une analyse multifactorielle et contextuelle. On peut d'ailleurs croire que l'article 976 C.c.Q., disposition qui fait partie d'un code qui se veut, en toute matière le fondement des autres lois, encore que celles-ci puissent y ajouter ou y déroger, sert désormais d'assise à l'article 20 L.Q.E. même si l'on sait que celui-ci fut adopté bien avant son entrée en vigueur.

[233]     À première vue, le régime fondé sur l’article 20 LQE est peu susceptible d’entraver un élément vital ou essentiel des compétences fédérales exclusives sur les propriétés publiques fédérales ou la navigation et les navires ou bâtiments. En effet, sauf exception, le contrôle du rejet de contaminants dans l’environnement ne touche qu’accessoirement à ces compétences fédérales.

[234]     Par exemple, afin de protéger la couche d’ozone, le Règlement sur les halocarbures[212] adopté en vertu de la LQE interdit d’émettre des halocarbures dans l’atmosphère et interdit notamment l’installation d’appareils de réfrigération industriels ou commerciaux contenant des chlorofluorocarbures. Il est difficile de concevoir en quoi l’application de ce règlement aux installations d’entreposage à quai sur une terre publique fédérale porterait atteinte à un élément vital ou essentiel des compétences fédérales exclusives sur les propriétés publiques fédérales ou sur la navigation et les bâtiments ou navires.

[235]     Comme le soulignait le juge Gonthier dans Commission des champs de bataille nationaux, le fait que la doctrine de l’exclusivité des compétences entraîne l’inapplicabilité d’un système de permis provinciaux pour une activité de transport relevant de la compétence fédérale et se déroulant sur des terres publiques fédérales ne signifie pas que cette activité soit exemptée de la législation provinciale portant sur la sécurité du transport[213]. Le même raisonnement s’impose à l’égard de la législation provinciale réglementant ou interdisant le rejet des contaminants dans l’environnement.

[236]      Il semble d’ailleurs acquis depuis longtemps que, sauf exception, les dispositions d’un régime normatif provincial d’application générale servant à contrôler le rejet de contaminants dans l’environnement s’appliquent aux activités fédérales.

[237]     Dès 1899, dans Canadian Pacific Railways Co. v. Corporation of the Parish of Notre Dame de Bonsecours[214], le Conseil privé énonce que bien que le Parlement ait compétence exclusive sur la construction, la réparation, la modification et l’administration d’un chemin de fer interprovincial, cela n’empêche pas l’application de la législation provinciale portant sur le nettoyage des détritus le long des voies ferrées, dans la mesure où cette législation provinciale ne vise pas la façon de construire ou d’administrer ces voies.

[238]     Dans l’arrêt Spooner Oils de 1933, même si la Cour suprême du Canada conclut que la doctrine de l’exclusivité des compétences écarte la législation provinciale visant à réglementer l’usage des terres publiques fédérales, le juge Duff précise qu’une approche différente s’impose à l’égard des lois provinciales d’application générale portant sur le contrôle des nuisances, lesquelles doivent plutôt être analysées selon ce que l’on qualifie aujourd’hui de la doctrine de la prépondérance fédérale[215] :

Once again, as regards the amenability of occupants of Crown property to provincial laws in respect of nuisances (such as, for example, legislative provisions for the suppression of noxious weeds, mentioned in the judgment) which, as a rule, impose upon occupiers generally duties enforceable against the occupier personally by penalty, it is not out of place to observe that the validity of legislation empowering an administrative board to prescribe rules in relation to such matters, having the force of statute, with respect to any individual tract of land, including tracts which are the public property of the Dominion, might possibly, as affecting such tracts, be subject to different considerations. Where the regulations, under which Dominion lands are leased, or the stipulations of such leases, contain provisions dealing with the very subject matter of the provincial legislation, then it is quite obvious that such regulations and stipulations must prevail in case of conflict. (Madden v. Nelson & Fort Sheppard Railway Co. [[1899] A.C. 626]; Can. Pac. Ry. Co. v. Corporation of the Parish of Notre Dame de Bonsecour [[1899] A.C. 367, at p. 372-373]; Can. Pac. Ry. Co. v. The King [(1907) 39 S.C.R. 476, at p. 482-483]; Great West Saddlery Co. Ltd. v. The King [[1921] 2 A.C. 91, p. 116-117].

[Soulignement ajouté]

[239]     Un raisonnement similaire est repris par la Cour d’appel de l’Ontario dans TNT Canada[216] concernant la législation environnementale de l’Ontario qui réglemente la manière dont les déchets contenant des BPC peuvent être transportés sur les routes provinciales et qui exige l’obtention d’une autorisation à cette fin.  Une entreprise de transport interprovincial soutenait que la législation en cause, d’ordre réglementaire, avait pour effet de nuire à ses opérations, ce qui la rendrait inconstitutionnelle selon la doctrine de l’exclusivité des compétences. La Cour d’appel de l’Ontario a rejeté cette prétention au motif que la réglementation provinciale d’application générale portant sur le contrôle des contaminants n’a pas pour effet de porter atteinte à un élément vital ou essentiel d’une entreprise fédérale de transport[217] :

[18]      The provincial legislation in issue does not "sterilize" the federal undertaking nor does it interfere with its "essential functions" to a "substantial degree" […]. Indeed, in my view, it does not impair the respondent's basic functions in any degree. The provincial legislation has not been enacted to regulate undertakings "qua federal organizations" or to regulate interprovincial carriers in "some primary federal aspect": […]. Rather the legislation has been enacted from the interrelated provincial aspects of regulating the use of the provincial highways for the protection of the environment (land, air, water) and for the safety, health and welfare of the province's residents. As put by counsel for the appellant the purpose of O. Reg. 11/82 is to ensure (as far as reasonably possible) that no harm will be done to persons or property in Ontario by the carriage of PCB waste, and that if such harm does occur there will be insurance coverage to compensate.

[19]      As stated earlier, the Act and O. Reg. 11/82 are of general application. The legislation does not single out interprovincial undertakings or a particular interprovincial undertaking, as was done in A.-G. Ont. v. Winner, supra, but applies to all persons in Ontario handling PCB waste. In the same way that the province can regulate speed limits and the mechanical conditions of vehicles on the roads of the province for the protection and safety of other highway users, it can set conditions for the carriage of particular toxic substances within the province, provided that the conditions do not interfere in any substantial way with the carrier's general or particular carriage of goods, and are not in conflict either directly or indirectly with federal legislation in the field.

[Soulignement ajouté]

[240]     Dans Ontario v. Canadian Pacific Ltée[218], la Cour d’appel de l’Ontario et la Cour suprême du Canada confirment l’applicabilité à une entreprise ferroviaire fédérale des dispositions de la Environnemental Protection Act de l’Ontario interdisant le rejet de contaminants dans l’environnement, s’appuyant à cet égard sur l’arrêt du Conseil privé dans Canadian Pacific Railways Co. v. Corporation of the Parish of Notre Dame de Bonsecours dont il est question ci-haut.

[241]     Dans Burlington Airpark Inc. v. Burlington (City)[219], la Cour d’appel de l’Ontario confirme l’applicabilité constitutionnelle de la réglementation municipale portant sur la qualité environnementale des sols servant de remplissage dans le cadre de travaux d’amélioration d’un aérodrome, rejetant l’application de la doctrine de l’exclusivité des compétences dans cette affaire.

[242]     Bien que plusieurs de ces décisions judiciaires concernent des activités de compétence fédérale qui ne s’exercent pas nécessairement sur des propriétés publiques fédérales, les principes qui s’en dégagent peuvent être transposés à celles-ci. Sauf exception, un régime normatif provincial d’application générale portant sur le contrôle ou l’interdiction du rejet de contaminants dans l’environnement, tel le régime de l’article 20 LQE, n’est pas susceptible en soi d’entraver le contenu essentiel de la compétence fédérale sur les propriétés publiques. C’est la doctrine de la prépondérance fédérale - et non celle de l’exclusivité des compétences - qui doit servir à résoudre les conflits de compétence qui pourraient survenir dans de telles circonstances.

VI      LA LQE EST-ELLE CONSTITUTIONNELLEMENT INOPÉRANTE AUX INSTALLATIONS ET ACTIVITÉS D’IMTT COMPTE TENU DE LA DOCTRINE DE LA PRÉPONDÉRANCE FÉDÉRALE?

[243]     Le juge de première instance a conclu que le régime de l’article 20 LQE était constitutionnellement inopérant selon la doctrine de la prépondérance fédérale, dans la mesure où il prescrit « la nécessité d’autorisations provinciales, incluant les règles d’opération ou d’inspection, ainsi que les sanctions, ordonnances, pénalités ou autres mesures pouvant être imposées »[220]. A-t-il raison?

[244]     Quoiqu’il ne soit pas strictement nécessaire d’en traiter compte tenu de notre conclusion antérieure, vu les abondants arguments des parties portant sur la doctrine de la prépondérance fédérale et, à l’instar de la juge en chef McLachlin dans COPA qui y a traité tant la doctrine de l’exclusivité des compétences que celle de la prépondérance fédérale vu les arguments présentés par les parties dans cette affaire[221], il est utile de traiter ici de la doctrine de la prépondérance fédérale en regard des article 22, 31.1 et 31.1.1 LQE.

1.    Survol de la doctrine de la prépondérance fédérale

[245]     Selon la doctrine de la prépondérance fédérale, lorsqu’il existe une incompatibilité véritable entre une loi fédérale valable sur le plan constitutionnel et une loi provinciale aussi valable, soit lorsque les effets d’une législation provinciale sont incompatibles avec une législation fédérale, la loi fédérale doit prévaloir[222]. La question est donc celle de savoir comment identifier un tel conflit.

[246]     L’analyse du conflit comporte deux volets, soit (1) on doit d’abord analyser le conflit d’application afin de déterminer s’il est impossible de respecter les deux lois, et (2) s’il est possible de respecter les deux lois, l’on doit alors analyser le conflit d’objet, c’est-à-dire si l’application de la loi provinciale entrave la réalisation de l’objet de la loi fédérale.

[247]     L’arrêt de principe sur le premier volet de l’analyse est Multiple Access[223] :

En principe, il ne semble y avoir aucune raison valable de parler de prépondérance et d’exclusion sauf lorsqu’il y a un conflit véritable, comme lorsqu’une loi dit « oui » et que l’autre dit « non »; « on demande aux mêmes citoyens d’accomplir des actes incompatibles »; l’observance de l’une entraîne l’inobservance de l’autre […]

[248]     Il s’agit donc de décider si les deux lois peuvent agir concurremment et si les citoyens peuvent les respecter sans violer l’une ou l’autre[224]. Un conflit explicite entre les deux lois n’est cependant pas requis, mais plutôt un conflit véritable résultant de l’impossibilité pour la loi fédérale et la loi provinciale de s’appliquer simultanément[225].

[249]     S’il n’y a aucun conflit d’application selon le premier volet de l’analyse, il faut alors considérer le second volet qui cherche à déterminer si l’application de la loi provinciale est compatible avec l’objet de la loi fédérale à l’égard de laquelle le conflit est invoqué. Autrement dit, l’effet de la loi provinciale peut empêcher la réalisation de l’objet de la loi fédérale sans toutefois entraîner une violation directe de ses dispositions[226].

[250]     Il importe de souligner que les dispositions d’une législation provinciale qui ne font que répéter celles d’une législation fédérale n’entrent généralement pas en conflit[227]. De même, il n’y a généralement pas de conflit lorsque la loi provinciale est plus restrictive que la loi fédérale[228], à moins que la loi fédérale ne confère un droit positif, à titre d’exemple un droit particulier comme créancier[229].

[251]     Tant sous le premier que sous le second volet de l’analyse, le fardeau incombe à la partie qui invoque le conflit de l’établir[230]. Il n’est pas facile de satisfaire à ce fardeau puisqu’on présume que le Parlement a voulu que ses lois coexistent avec les lois provinciales[231].

2.    Le conflit et l’article 20 LQE

[252]     La preuve au dossier ne permet pas de procéder à l’analyse de la doctrine de la prépondérance fédérale à l’égard du régime de l’article 20 LQE. En effet, l’ensemble de l’abondante preuve soumise par les parties a porté essentiellement sur la propriété du site où IMTT poursuit ses activités, la nature de ces activités aux fins de la qualification d’IMTT comme entreprise fédérale et l’application du processus provincial d’autorisation en vertu de la LQE. Elle ne contient aucun élément permettant de décider s’il existe ou non un conflit d’application ou d’objet entre le régime de l’article 20 LQE et la législation fédérale applicable dans le port de Québec. Les parties n’ont ainsi identifié aucune disposition réglementaire précise portant sur le rejet de contaminants dans l’environnement adoptée en vertu de la LQE qui mènerait à un conflit d’application ou d’objet.

[253]     Le juge de première instance, comme d’ailleurs le PGC, l’APQ et IMTT, n’a identifié aucune disposition de la Loi maritime du Canada, du Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires ou des lettres patentes de l’APQ qui régirait le rejet de contaminants dans l’environnement et qui viendrait ainsi en conflit avec le régime de l’article 20 LQE.

[254]     L’interdiction générale énoncée dans l’article 20 LQE visant le rejet de tout contaminant dont la présence dans l’environnement « est susceptible de porter atteinte à la vie, à la santé, à la sécurité, au bien-être ou au confort de l’être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement, aux écosystèmes, aux espèces vivantes ou aux biens », est tout à fait concordante avec la législation et la réglementation portuaire canadienne, notamment le Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires et la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) qui interdisent aux autorités portuaires canadiennes d’approuver au sein d’un port canadien un projet qui est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants[232].

[255]     Dans le cas contraire, l’autorisation du gouverneur en conseil est requise pour approuver un projet portuaire susceptible d’entraîner de tels effets négatifs importants[233]. Il n’est cependant pas nécessaire de discuter de l’effet d’une telle autorisation dans le cadre du présent appel car, en l’espèce, aucune autorisation du gouverneur en conseil ne vise les installations d’IMTT.

[256]     Il suffit de noter que l’APQ n’a pas le droit d’approuver un projet qui est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants et qu’en conséquence, à moins d’une autorisation contraire émanant du gouverneur en conseil, l’interdiction générale énoncée dans l’article 20 LQE et portant sur le rejet de contaminants susceptibles de porter atteinte à l’être humain, de causer du dommage ou de porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement s’applique tout autant dans le havre de Québec qu’ailleurs au Québec, puisqu’il n’existe aucun conflit d’application ou d’objet avec la législation portuaire et environnementale fédérale. Si l’APQ approuve un projet qui est susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants, elle expose alors le projet à des recours judiciaires relevant du droit administratif sous la législation fédérale et à des recours s’apparentant à la doctrine des troubles de voisinage sous la législation provinciale, notamment en vertu de l’article 20 LQE.

[257]     Il importe de noter, comme l’a souligné la juge L’Heureux-Dubé dans Spraytech, que les solutions aux conflits entre des régimes des divers ordres de gouvernement portant sur le contrôle du rejet de contaminants dans l’environnement ne consistent pas à rechercher lequel des deux régimes s’applique à l’exclusion de l’autre, mais plutôt comment ils peuvent s’appliquer concurremment de façon harmonieuse[234]. Il en résulte que de tels conflits sont rares.

[258]     Cela étant, il se pourrait qu’un règlement portant sur le rejet de contaminants dans l’environnement adopté en vertu de la LQE puisse être en conflit avec une disposition législative ou réglementaire fédérale applicable au port de Québec. Cependant, il ne nous appartient pas d’en décider en l’absence d’une identification précise des dispositions législatives ou réglementaires qui seraient ainsi en conflit et d’un cadre factuel complet quant à la nature et la portée d’un tel conflit. En l’absence de contexte factuel et d’argumentaire soutenant la demande de conclusion d’inopérabilité eu égard au régime de l’article 20 LQE, il faut rejeter cette demande.

[259]     Puisque, jusqu’à preuve du contraire, le régime de l’article 20 LQE s’applique à IMTT, il y a lieu de préciser que le ministre de l’Environnement du Québec peut exiger de cette entreprise les renseignements nécessaires afin de déterminer si ses activités et équipements sont visés par les normes législatives ou réglementaires provinciales portant sur le rejet de contaminants dans l’environnement et, le cas échéant, si l’entreprise se conforme à celles-ci. Il peut aussi procéder aux inspections requises à ces fins.

3.    Les articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE

[260]     Même si nous arrivons à la conclusion que les articles 22, 31.1. et 31.1.1 LQE sont constitutionnellement inapplicables à l’égard des activités et installations d’IMTT, nous précisons que ces articles seraient de toute façon constitutionnellement inopérants à l’égard de ces activités et installations, et ce, essentiellement pour les mêmes motifs que ceux énoncés par le juge de première instance.

[261]     Il existe en effet un conflit entre le régime réglementaire canadien portant sur l’utilisation des terres fédérales à des fins liées à la navigation et aux bâtiments et navires et les dispositions de la LQE conférant un pouvoir discrétionnaire au ministre de l’Environnement du Québec ou au gouvernement du Québec pour approuver un projet en vertu des articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE.

[262]     Le Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires prévoit qu’une activité ne peut être exercée au sein d’un port canadien sans l’autorisation de l’administration portuaire concernée, laquelle ne peut l’octroyer à moins que l’activité en cause n’altère pas la qualité du sol, de l’air ou de l’eau ou, dans le cas contraire, sans assortir le projet aux conditions requises pour atténuer ou prévenir ces conséquences[235]. Le Règlement sur l’évaluation environnementale concernant les administrations portuaires canadiennes oblige aussi les administrations portuaires canadiennes à faire une évaluation environnementale de tout projet avant de louer ou d’accorder un droit foncier dans le territoire domanial fédéral qu’elle administre[236]. Le projet ne peut alors procéder que si la réalisation de celui-ci n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants, compte tenu des mesures d’atténuation qui peuvent être appliquées[237]. Finalement, la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) mandate les administrations portuaires canadiennes pour décider si la réalisation d’un projet sur le territoire domanial fédéral qu’elles gèrent est susceptible ou non d’entraîner des effets environnementaux importants, tandis que, si tel est le cas, l’article 69 de cette loi mandate le gouverneur en conseil pour décider si ces effets sont justifiables dans les circonstances afin de permettre l’utilisation du territoire domanial à ces fins.

[263]     L’objet législatif qui se dégage de ces dispositions prises dans leur ensemble, ne peut être plus clair : les autorités fédérales sont seules responsables pour autoriser un projet portuaire sur des terres fédérales et pour en évaluer les impacts environnementaux. Dans ce contexte, le conflit d’objet avec les articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE est manifeste, le législateur fédéral se réservant le droit de décider seul de l’utilisation des propriétés fédérales à des fins fédérales.

 

4.    Les autres dispositions de la LQE

[264]     Le juge de première instance a aussi déclaré plusieurs autres dispositions de la LQE constitutionnellement inopérantes, notamment les articles 21, 23 à 27, 31.2 à 31.31, 31.42 à 31.69, 32, 70.1, 113 à 115.4 et 115.13 à 115.32 LQE, tels qu’ils étaient rédigés avant les amendements de 2017.

[265]     L’article 21 LQE, tel qu’amendé en 2017, oblige celui qui est responsable de la présence accidentelle dans l’environnement d’un contaminant visé dans l’article 20 à faire cesser le rejet et en aviser le ministre de l’Environnement du Québec sans délai. Puisque cet article est complémentaire à l’article 20 LQE, il n’y a pas lieu de le traiter différemment de ce dernier.

[266]     Les articles 23 à 27 LQE, tels qu’ils étaient rédigés avant les amendements de 2017, ont été remplacés par de nouvelles dispositions qui sont largement tributaires de l’article 22.

[267]     Les articles 31.2 à 31.9, tels qu’ils étaient rédigés avant les amendements de 2017, et tels qu’ils sont rédigés depuis, sont largement tributaires de l’article 31.1.

[268]     Quant aux articles 31.10 à 31.31 LQE, tels qu’ils étaient rédigés avant les amendements de 2017 et tels que rédigés depuis, ils concernent les établissements industriels. Depuis les amendements de 2017, ces dispositions sont largement tributaires de l’article 22 LQE. Le premier alinéa de l’article 31.10 LQE précise en effet l’obligation pour un établissement industriel appartenant à une catégorie déterminée par règlement d’obtenir une autorisation du ministre de l’Environnement du Québec délivré en vertu de l’article 22.

[269]     Il en est de même de l’article 32 LQE portant sur les systèmes de traitement des eaux et qui, depuis les amendements de 2017, est rattaché à l’article 22 LQE.

[270]     Vu que les articles 23 à 27, 31.2 à 31.9, 31.10 à 31.31 et 32 LQE sont intimement liés aux articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE, le fait que ces derniers sont inapplicables à l’égard d’IMTT fait en sorte que les premiers le sont également, sans qu’il soit vraiment nécessaire de le préciser au moyen d’une déclaration judiciaire formelle.

[271]     Il reste donc les articles suivants :

(a) 31.42 à 31.69 LQE dans leurs versions d’avant et d’après les modifications de 2017 et portant sur la protection et la réhabilitation des terrains contaminés;

(b) 70.1 LQE dans sa version d’avant et d’après les modifications de 2017 et portant sur le pouvoir du ministre de l’Environnement du Québec d’ordonner à une personne qui a en sa possession une matière dangereuse susceptible d’entraîner une atteinte à la santé ou un dommage à l’environnement ou aux biens de prendre des mesures pour empêcher ou diminuer l’atteinte ou le dommage;

(c) 113 à 115.4 et 115.13 à 115.32 LQE, dans leurs versions avant et après les modifications de 2017, qui comportent une large partie des dispositions de la LQE portant sur les sanctions administratives et les sanctions pécuniaires, de même que l’ensemble des dispositions pénales de la loi.

[272]     Les parties n’ont soumis aucune preuve quant à ces dernières dispositions de la LQE et à leurs impacts sur les activités de l’APQ ou d’IMTT au sein du port de Québec. Le juge de première instance ne traite pas précisément de ces dispositions de la LQE.  Les parties n’en discutent pas vraiment dans leurs mémoires. De fait, comme nous l’avons déjà signalé, la preuve en première instance a porté essentiellement sur la propriété du site où IMTT poursuit ses activités, la nature de ces activités aux fins de la qualification d’IMTT comme entreprise fédérale et l’application du processus provincial d’autorisation en vertu de la LQE.

[273]     Il est possible que certaines des dispositions identifiées par le juge de première instance soient constitutionnellement inapplicables selon la doctrine de l’exclusivité des compétences ou constitutionnellement inopérantes selon la doctrine de la prépondérance fédérale. Cependant, il est aussi possible que ce ne soit pas le cas. Sans un dossier factuel complet, il est impossible d’en décider.

[274]     En l’occurrence, le juge de première instance aurait dû limiter la portée de sa déclaration aux seules dispositions de la LQE qui étaient vraiment en cause dans cette affaire, soit celles portant sur les autorisations provinciales discrétionnaires et les processus d’évaluation et d’examen qui s’y rattachent.

VIII    CONCLUSIONS

[275]     Pour les motifs précédemment exposés, le juge de première instance avait raison de rejeter la demande de la PGQ dans le dossier 200-17-010101-087 et d’accueillir en partie la requête pour jugement déclaratoire de l’APQ et d’IMTT dans le dossier 200-17-017062-126.

[276]     Il y a aussi lieu de confirmer les conclusions déclaratoires du juge, sauf celle énoncée au paragraphe [272] du jugement de première instance déclarant constitutionnellement inopérantes plusieurs dispositions de la LQE. Celle-ci devrait être remplacée par une déclaration d’inapplicabilité constitutionnelle de portée plus limitée visant les articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE.

[277]     Bien que la doctrine de l’exclusivité des compétences permette d’exclure dans ce cas-ci l’application des articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE et bien que cette doctrine ou celle de la prépondérance fédérale puisse rendre soit inapplicables, soit inopérantes d’autres dispositions de la LQE au sein du port de Québec, il n’en demeure pas moins que ce port n’est pas une enclave fédérale.

[278]     Les lois et les règlements provinciaux d’application générale visant le contrôle des contaminants s’y appliquent, en principe, jusqu’à preuve du contraire. C’est aussi le cas de la prohibition générale de l’article 20 LQE portant sur le rejet de contaminants qui sont susceptibles de porter atteinte à la santé humaine ou causer des dommages ou porter autrement préjudice à la qualité de l’environnement et de la doctrine des troubles de voisinage en droit civil québécois avec lequel cette prohibition générale s’harmonise[238]. Les citoyens du Québec ont ainsi tout aussi droit à un environnement exempt de contaminants au sein du port de Québec qu’ailleurs au Québec.

[279]     Dans ce contexte, il est opportun de souligner que les lois fédérales prennent la peine de souligner l’importance d’une collaboration efficace et harmonieuse entre tous les ordres de gouvernement lorsqu’il s’agit de la protection de l’environnement. La collaboration plutôt que la confrontation est de mise dans ce domaine.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[280]     ACCUEILLE en partie à la fois l’appel principal et les appels incidents à la seule fin de remplacer la déclaration judiciaire énoncée au paragraphe [272] du jugement de première instance par la déclaration judiciaire suivante :

DÉCLARE que les dispositions des articles 22, 31.1 et 31.1.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement du Québec, RLRQ, c. Q-2, sont inapplicables aux installations et activités d’IMTT-Québec inc. implantées ou se déroulant sur des propriétés publiques fédérales dans le port de Québec avec l’autorisation de l’Administration portuaire de Québec, et ce, tant que ces installations et activités servent véritablement à des fins liées à la navigation et les bâtiments ou navires, comme l’entreposage, la manutention ou le transbordement des cargaisons à des fins de transport maritime.

[281]     Vu le sort mitigé de l’appel, il n’y aura pas de frais de justice en appel.

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

 

 

CLAUDINE ROY, J.C.A.

 

 

 

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

Me France Bonsaint

LAVOIE, ROUSSEAU

Me Hugo Jean, avocat-conseil

DIRECTION DU DROIT CONSTITUTIONNEL ET AUTOCHTONE

Me André Fauteux, avocat-conseil

Pour l’appelante/intimée incidente

Me Jean-Philippe Mathieu

Me Jean Lortie

MCCARTHY, TÉTRAULT

Me Sean Griffin, avocat-conseil

Me Guillaume Leahy, avocat-conseil

Me Sandra Desjardins, avocat-conseil

LANGLOIS AVOCATS

Pour les intimées/appelantes incidentes

 

Me Bernard Letarte

Me Vincent Veilleux

MINISTÈRE DE LA JUSTICE CANADA

Pour l’intimé/appelant incident

 

Me Michel Bélanger

Me David Robitaille

MICHEL BÉLANGER AVOCATS INC.

Pour les intervenants

 

Date d’audience :

17 au 20 décembre 2018

 

Table des matières

I.       LE CONTEXTE 3

II.     LES PROCÉDURES ENTREPRISES.. 8

1.      Les procédures de la PGQ.. 8

2.      Les procédures de l’APQ et d’IMTT.. 9

3.      L’intervention du PGC.. 10

III.    LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE.. 10

1.      La propriété du terrain.. 11

2.      IMTT est une entreprise fédérale étroitement intégrée aux domaines de la navigation et les bâtiments ou navires et du transport extra-provincial 12

3.      La doctrine de l’exclusivité des compétences. 12

4.      La doctrine de la prépondérance fédérale. 12

IV.   LE CONTEXTE LÉGISLATIF.. 13

1.      La Loi constitutionnelle de 1867. 13

2.      Lois et règlements fédéraux. 15

a)    La Loi maritime du Canada. 15

b)    Le Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires. 16

c)     Les lettres patentes des administrations portuaires. 17

d)    La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 1992 et le Règlement sur l’évaluation environnementale concernant les administrations portuaires canadiennes. 18

e)    La Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) 19

f)      Le Règlement sur les systèmes de stockage de produits pétroliers et de produits apparentés  19

3.      La Loi sur la qualité de l’environnement du Québec. 20

V.    LA DOCTRINE DE L’EXCLUSIVITÉ DES COMPÉTENCES.. 22

1.      La compétence sur la propriété publique fédérale. 25

a)    Les immeubles visés par l’article 2 de la Loi de 1858 ont été cédés aux Commissaires du havre de Québec et n’étaient donc pas des terres publiques au sens de l’article 109 de la Loi constitutionnelle de 1867. 25

b)    L’article 108 de la Loi constitutionnelle de 1867 s’applique aux havres définis dans la législation préconfédérative. 34

c)     Le site d’IMTT servait à des fins de havre public lors de l’entrée en vigueur la Loi constitutionnelle de 1867. 43

d)    Conclusion sur la propriété. 45

2.      La compétence en matière de navigation et de bâtiments ou navires (shipping) 45

3.      La compétence sur le transport interprovincial et international 49

4.      Les précédents jurisprudentiels. 49

a)    Les principes. 49

b)    L’application au litige. 52

5.      La LQE entrave-t-elle le contenu essentiel de la compétence fédérale?.. 59

a)    Les articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE.. 60

b)    L’article 20 LQE.. 68

VI    LA LQE EST-ELLE CONSTITUTIONNELLEMENT INOPÉRANTE AUX INSTALLATIONS ET ACTIVITÉS D’IMTT COMPTE TENU DE LA DOCTRINE DE LA PRÉPONDÉRANCE FÉDÉRALE?   72

1.      Survol de la doctrine de la prépondérance fédérale. 72

2.      Le conflit et l’article 20 LQE.. 74

3.      Les articles 22, 31.1 et 31.1.1 LQE.. 75

4.      Les autres dispositions de la LQE.. 76

VIII  CONCLUSIONS.. 78

 

 



[1]     Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ, c. Q-2.

[2]     Pièce APQ-27 : Plan d’utilisation des sols, février 2001.

[3]     Id., p. 41.

[4]     Id., p. 63.

[5]     Id., p. 64.

[6]     Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985 c. C-44.

[7]     Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, c. 37.

[8]     Règlement sur l’évaluation environnementale concernant les administrations portuaires canadiennes, DORS/99-318 du 28-07-1999, (1999) 133 Gaz. Can. II 2017.

[9]     Règlement sur les systèmes de stockage de produits pétroliers et de produits apparentés, DORS/2008-197 du 12-06-2008, (2008) 142 Gaz. Can. II 1475.

[10]    L’article 22 LQE, dans sa rédaction d’avant les amendements de 2017, disposait que « [n]ul ne peut ériger ou modifier une construction […] à moins d’obtenir préalablement du ministre un certificat d’autorisation ». Une exigence similaire est énoncée à l’article 22 LQE tel qu’amendé en 2017.

[11]    L’article 32 LQE, dans sa rédaction d’avant les amendements de 2017, disposait que « [n]ul ne peut […] procéder […] à l’installation de dispositifs pour le traitement des eaux usées avant d’en avoir soumis les plans et devis au ministre et d’avoir obtenu son autorisation ». L’équivalent de cette disposition se retrouve maintenant au paragraphe 3° du premier alinéa de l’article 22 de la LQE, tel qu’amendé en 2017.

[12]    L’article 48 LQE, dans sa rédaction d’avant les amendements de 2017, disposait que « [q]uiconque a l’intention d’installer ou poser un appareil ou équipement destiné à prévenir, diminuer ou faire cesser le dégagement de contaminants dans l’atmosphère, doit en soumettre les plans et devis au ministre et obtenir son autorisation ». L’équivalent de cette disposition se retrouve maintenant au paragraphe 6° du premier alinéa de l’article 22 de la LQE, tel qu’amendé en 2017, L.Q. 2017, c. 4, art. 16, 82 et 310.

[13]    Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert, L.Q. 2017, c. 4.

[14]    Les articles 31.1 à 31.9 de la LQE furent modifiés et remplacés à compter du 23 mars 2018 par l’effet de la Loi modificative de 2017, art. 17 à 25 et 310.

[15]    Jugement de première instance, paragr. 269-272.

[16]    Acte pour pourvoir à l’amélioration du havre de Québec et à son administration, (1858) 22 Vict., c. 32.

[17]    Acte pour amender l’acte pour pourvoir à l’amélioration du havre de Québec et à son administration, (1862) 25 Vict., c. 46, art. 1.

[18]    Le juge de première instance a permis que le rapport de Mme Debruche soit « accepté, en tout ou en partie, comme article de doctrine au soutien de l’argumentation des procureurs » : 2016 QCCS 849, paragr. 31. Une version de ce rapport a d’ailleurs été récemment publiée : A.-F. Debruche, « Le trust de common law : un sphinx dont les énigmes révèlent les zones d’ombre du droit des biens canadien » dans Mélanges en l’honneur du professeur Jacques Beaulne, Montréal, Wilson & Lafleur, 2018.

[19]    Jugement de première instance, paragr. 202-203, 209 et 279.

[20]    Id., paragr. 244-246.

[21]    Id., paragr. 260.

[22]    Id., paragr. 264-265.

[23]    Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, p. 16-17; R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213, paragr. 85 et 127

[24]    Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, p. 67.

[25]    Ibid.

[26]    Loi maritime du Canada, L.C. 1998, c. 10.

[27]    Id., art. 4.

[28]    Débats de la Chambre des communes, vol. 135, 1re session, 36e législature, 10 octobre 1997, p. 766, tel que cités dans Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86, paragr. 45.

[29]    Loi maritime du Canada, L.C. 1998, c. 10, al. 28(2)a); voir aussi paragr. 7(1).

[30]    Id., al. 28(2)b); voir aussi paragr. 28(3) (5) et (6).

[31]    Id., art. 48.

[32]    Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires, DORS/2000-55.

[33]    Id, annexe 1, partie 9, art. 4, 7 et 10.

[34]    Id., al. 5h), paragr. 19(1) et (2), 27(1) et (2), 28(1) et (2) et art. 29.

[35]    Lettres patentes de l’Administration portuaire de Québec publiées dans le Supplément à la Gazette du Canada, partie I, 1er mai 1999, p. 37 à 76. Ces lettres patentes furent modifiées à plusieurs reprises par des lettres patentes supplémentaires, dont celles publiées : (1) dans la Gazette du Canada, partie I, 3 mars 2001, p. 688 à 692; (2) dans la Gazette du Canada, partie I, 13 octobre 2001, p. 3912 et 3913; (3) dans la Gazette du Canada, partie I, 9 mars 2002, p. 529; (4) dans la Gazette du Canada, partie I, 4 mai 2002, p. 1310 à 1312; (5) dans la Gazette du Canada, partie I, 11 octobre 2003, p. 3175; (6) dans la Gazette du Canada, partie I, 17 avril 2004, p. 1201 et 1202; (6) dans la Gazette du Canada, partie I, 28 juin 2008, p. 1958.

[36]    Id., art. 4.4 et 4.7.

[37]    Id., art. 3.2 et annexe « B ».

[38]    Id., al. 7.1c).

[39]    Voir les baux n° Q-279, Q-170, Q-433, Q-449 et Q-485 entre l’APQ et IMTT déposés sous les cotes PGQ-51 à PGQ-55.

[40]    Lettres patentes de l’Administration portuaire de Québec publiées dans le Supplément à la Gazette du Canada, partie I, 1er mai 1999, art. 3.3 et annexe « C ».

[41]    Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, c. 37.

[42]    Id., art. 9.

[43]    Règlement sur l’évaluation environnementale concernant les administrations portuaires canadiennes, DORS/99-318.

[44]    Id., paragr. 3(1) et Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, L.C. 1992, c. 37, al. 5(1)c).

[45]    Id., paragr. 10(1) et (2).

[46]    Id., al. 15(1)a) et paragr. 15(2).

[47]    Id., al. 15(1)b).

[48]    Id., al. 15(1)c) et art. 20-21.

[49]    Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, c. 19.

[50]    Id., paragr. 2(1) définition d’« autorité fédérale » et annexe 1.

[51]    Id., al. 4(1)g), art. 5 et 66.

[52]    Id., art. 67.

[53]    Id., art. 69.

[54]    Id., al. 4 (1) c).

[55]    Règlement sur les systèmes de stockage de produits pétroliers et de produits apparentés, DORS/2008-197, (2008) 142 Gaz. Can. II, 1475.

[56]    Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, c. 33.

[57]    Gazette du Canada, Résumé de l’étude d’impact de la réglementation, Partie II, vol. 142, n°13, p. 1494 et s.

[58]    Cie pétrolière Impériale ltée. c. Québec (Ministre de l’Environnement), 2003 CSC 58, [2003] 2 R.C.S. 624, paragr. 19; 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, [2001] 2 R.C.S. 241, paragr. 1.

[59]    Loi modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement afin de moderniser le régime d’autorisation environnementale et modifiant d’autres dispositions législatives notamment pour réformer la gouvernance du Fonds vert, L.Q. 2017, c. 4

[60]    Voir par exemple Commission de transport de la communauté urbaine de Québec c. Canada (Commission des champs de bataille nationaux), [1990] 2 R.C.S. 838, p. 846-847.

[61]    Lafarge Canada inc. c. Québec (procureur général), [1994] R.J.Q. 1832 (C.A.), [1994] J.Q. n° 591 (QL), paragr. 15-17 de l’éd. QL; Malartic (Ville de) c. Québec (Procureur général), 2012 QCCA 1584, paragr. 77; Procureure générale du Québec c. 9105425 Canada Association, 2017 QCCA 426, paragr. 46; voir aussi Directeur des poursuites criminelles et pénales c. SM Construction inc., 2015 QCCQ 2095, paragr. 29-34.

[62]    Loi sur la qualité de l’environnement, art. 20.

[63]    Id., art. 22 et 24.

[64]    Id., art. 31.1 à 31.5 dans leur version avant la Loi modificatrice de 2017 et dans leurs versions modifiées depuis.

[65]    Id., art. 31.5.

[66]    Ibid., tel que modifié en 2017.

[67]    Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, RLRQ, c. Q-2, r. 23, al. 2d) et s).

[68]    Règlement relatif à l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement de certains projets, RLRQ, c. Q-2, r. 23.1, art. 26 et Annexe 1, Partie II, art. 4 et 13.

[69]    LQE, art. 31.8.1.

[70]    Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55, [2014] 2 R.C.S. 725, paragr. 62.

[71]    Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 41; Commission de transport de la communauté urbaine de Québec c. Canada (Commission des champs de bataille nationaux), [1990] 2 R.C.S. 838, p. 853.

[72]    Voir notamment : Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39, [2010] 2 R.C.S. 536; Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3; Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86; Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437; Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec c. Canada (Commission des champs de bataille nationaux), [1990] 2 R.C.S. 838, p. 853; Bell Canada c. Quebec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749; Compagnies des chemins de fers nationaux du Canada c. Courtois, [1988] 1 R.C.S. 868; Alltrans Express Ltd. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board), [1988] 1 R.C.S. 897; Derrickson c. Derrickson, [1986] 1 R.C.S. 285; Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754; Reference re Industrial Relations and Disputes Investigation Act [Affaires des débardeurs], [1955] R.C.S. 529; Ontario c. Winner, [1954] A.C. 541; Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation Board, [1933] R.C.S. 629; Greater Toronto Airports Authority c. Mississaga (City), 50 O.R. (3d) 641 (Ont. C.A.), [2000] O.J. N° 4086 (QL), autorisation d’appel à la CSC refusée, [2001] S.C.C.A. N° 83; Chalets St-Adolphe inc. c. St-Adolphe d'Howard (Municipalité de), 2011 QCCA 1491; Simon c. Oka (Municipalité d’), [1999] R.J.Q. 108, [1998] Q.J. n° 3678 (QL) (QCCA); Canadian Occidental Petroleum Ltd. c. North Vancouver, 13 B.C.L.R. (2d) 34, [1986] B.C.J. N° 588 (QL) (BCCA).

[73]    Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749.

[74]    Id., p. 839.

[75]    Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 35.

[76]    Id., paragr. 36, référant à SEFPO c. Ontario (Procureur général), [1987] 2 R.C.S. 2, p.17-18 et General Motors of Canada Ltd. c. City National Leasing, [1989] 1 R.C.S. 641, p. 669.

[77]    Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, [2011] 3 R.C.S. 134, paragr. 65; Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., 2015 CSC 53, [2015] 3 R.C.S. 419, paragr. 22-23; Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 37.

[78]    Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 33-34.

[79]    Id., paragr. 50.

[80]    Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39, [2010] 2 R.C.S. 536, paragr. 58; Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville), 2016 CSC 23, [2016] 1 R.C.S. 467, paragr. 39; Chalets St-Adolphe inc. c. St-Adolphe d’Howard (Municipalité de), 2011 QCCA 1491, paragr. 59-62.

[81]    Derrickson c. Derrickson, [1986] 1 R.C.S. 285; Paul c. Paul, [1986] 1 R.C.S. 306.

[82]    Canadian Pacific Railways c. Corporation of the Parish of Notre Dame de Bonsecours, [1899] A.C. 367; John Deere Plow Co. c. Wharton, [1915] A.C. 330 ; Great West Saddlery Co. c. The King, [1921] 2 A.C. 91 ; Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749.

[83]    Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec c. Canada (Commission des champs de bataille nationaux), [1990] 2 R.C.S. 838, p. 853; Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 77-78; Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55, [2014] 2 R.C.S. 725, paragr. 63; Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville de), 2016 CSC 23, [2016] 1 R.C.S. 467, paragr. 61-64; Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), 2013 CSC 44, [2013] 3 R.C.S. 55, paragr. 49-50; Canada Post Corporation v. Hamilton (City), 2016 ONCA 767, paragr. 93-96.

[84]    Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 48.

[85]    Texte de la professeure Anne-Françoise Debruche du 17 avril 2014, p. 3. Voir aussi A.-F. Debruche, « Le trust de common law : un sphinx dont les énigmes révèlent les zones d’ombre du droit des biens canadien » dans Mélanges en l’honneur du professeur Jacques Beaulne, Montréal, Wilson & Lafleur, 2018, p. 86-87.

[86]    Id., p. 18-20. Voir aussi A.-F. Debruche, « Le trust de common law : un sphinx dont les énigmes révèlent les zones d’ombre du droit des biens canadien », note précédente, p. 87-90.

[87]    Id., p. 19 : « 1) L’art. 2 de la Loi de 1858 [22 Vict., chap. 32] ne traduit pas du tout le mot « trust »; 2) L’art. 5 de la Loi de 1869 [32-33 Vict., chap. 44] emploie l’anglais dans le texte français, entre parenthèses : « (vested in trust) »; 3) L’art. 15 de la Loi de 1873 [36 Vict., chap. 62] précise que ces biens sont « attribués en fidéicommis »; 4) L’art. 21 de la Loi de 1899 [62-63 Vict., chap. 34] dit qu’ils sont sa « propriété fiduciaire ».

[88]    Id., p. 31-32.

[89]    Id., p. 41. Voir aussi A.-F. Debruche, « Le trust de common law : un sphinx dont les énigmes révèlent les zones d’ombre du droit des biens canadien », supra, note 85, p.102-103.

[90]    Coverdale v. Charlton (1878), 4 Q.B.D. 104. Voir aussi The Mayor, & c., of Tunbridge Wells v. Baird, [1896] A.C. 434.

[91]    Dans cette affaire, une disposition législative énonçait que « all streets being, or which at any time become, highways reparable at large within any urban district […] shall vest in and be under the control of the urban authority ». Le juge Bramwell concluait que le mot « vest » ne conférait pas le droit de propriété (p. 116-117) : « I am disposed to hold that this “street” vests without any property in the freehold of the soil. […] The meaning I should like to put upon it is, that the street vests in the local board qua street; not that any soil or any right to the soil or surface vests, but that it vests qua street […] the space and the street itself, so far as it is ordinarily used in the way that streets are used, shall vest in the local board ». Quant au juge Brett, il concluait le contraire (p. 120) : « […] and we can give no other meaning to the word “vest in,” except to say that it gives the property ». Le juge Cotton, quant à lui, était d’avis qu’un certain droit de propriété aux contours ambiguës était conféré par la loi, mais que ce droit se limitait aux usages pour lesquels la rue devait servir (p. 126) : « it is sufficient in the present case to say that the street and the surface vested in the local board some property in the soil for the purpose for which it was to be used […] ».

[92]    Tunbridge Wells Corpn v. Baird, [1896] A.C. 434.

[93]    Lord Macnaghten s’exprimait comme suit (p. 442) : « My Lords, I am of the same opinion, and I will only add that I think the meaning of s. 149 of the Public Health Act 1875 [“all street … shall vest in and be under the control of the urban authority”] is to give the urban authority the control and management of streets coming within the description therein contained, and such statutory right in the nature of a right of property as may be sufficient to authorize them to sue and be sued as occasion may require in the course of such control and management. » (Soulignement ajouté).

[94]    London Borough of Southwark and al. v. Transport for London, [2018] UKSC 63, paragr. 6-12.

[95]    Sir Alexander Gibb, Dominion du Canada : Rapport d’enquête sur les ports nationaux, 1931-1933, Ottawa,Imprimeur de sa très excellente majesté le Roi, 1933.

[96]    Re Star Chrome, [1921] 1 A.C. 401; [1920] J.C.J. N°. 3, paragr. 12 de l’éd. QL.

[97]    Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés des sauvages dans le Bas-Canada, 1850 (13-14 Vict.) c. 42; Acte pour mettre à part certaines étendues de terre pour l’usage de certaines tribus de sauvages dans le Bas-Canada, 1851 (14-15 Vict.), c. 106.

[98]    Ainsi, dans l’affaire Canadian Electric Co. v. Crown of Aragon, (1910) 13 Ex.C.r. 399, le juge Routhier de la Cour de l’échiquier du Canada écrivait que (p. 403) « la Commission du Havre représente l’État; elle administre le domaine Public dans l’intérêt de la marine […] » (soulignement ajouté). Dans l’affaire Commissaires du havre de Québec c. Turgeon, (non rapporté), Cour supérieure, district de Québec, 24 juin 1910, n° 2223; conf. par la Cour du banc du roi le 9 décembre 1911, n° 756 (non rapporté), le juge Langelier de la Cour supérieure énonçait que « […] le statut 22 Vic. chap. 32 sec. 1 & 2 [la Loi de 1858] invoqué par les demandeurs [les Commissaires du havre de Québec] comme leur ayant donné la propriété des immeubles qui font l’objet de la contestation en cette cause leur a, sans doute, confié tous les terrains qui sont au-dessous de la  ligne des hautes eaux, sur le côté nord du fleuve St-Laurent dans le Hâvre de Québec, mais qu’il ne leur a pas transféré la propriété absolue et ne les leur a confiés qu’en fidéicommis, pour les fins indiquées au dit acte, savoir pour les fins de navigation, de conservation du dit Hâvre de Québec, et d’amélioration d’icelui » (soulignement ajouté).  

[99]    Aline Grenon, Les Fiducies, Collection « La common law en poche » sous la direction de Jacques Vanderlinden, Centre international de la common law en français, École de droit, Université de Moncton, éd. Yvon Blais, 1997, p. 7.

[100]   Dans l’affaire The King v. Hearn Estate, (1916) 16 Ex. C.R. 146, le juge Audette de la Cour de l’échiquier retient cette thèse (p. 168): « The chain of title in respects to this lot being somewhat long, it is found unnecessary to refer to it in full details, it will be sufficient to say that all these lands below high water in the [Quebec] harbour left the lands of the Crown either by grants from the Crown or under the statute above referred to, (the Act of 1858) [Loi de 1858] and whereby what had not already been sold, became vested in the Harbour Commissioners. » Les conclusions du juge Audette sur l’indemnité d’expropriation en cause dans cette affaire ont été modifiées par la Cour suprême du Canada sans pour autant que celle-ci ait à se prononcer sur la portée des droits des Commissaires dans les immeubles du havre de Québec : The King v. Hearn, (1917) 55 S.C.R. 562. La conclusion du juge Audette repose sur celle du juge Andrews de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Quebec Harbour Commissioners v. Roche, (1892) 1 C.S. 365, portant sur les droits des Commissaires du havre de Québec sur les rentes cédées par la Couronne sous l’article 2 de la Loi de 1858. Le juge Andrews y énonçait son avis (aux p. 366-367) que la loi retirait ces rentes du domaine public pour en conférer la propriété aux Commissaires.

[101]   Power v. The King, (1918) 56 R.C.S. 499.

[102]   The King v. Power, (1916) 16 Ex. C.R. 104, p. 115-118.

[103]   Power v. The King, (1918) 56 R.C.S. 499, p. 510.

[104]   Id., p. 503.

[105]   R. c. Comeau, 2018 CSC 15, [2018] 1 R.C.S. 342, paragr. 25-43; Canada (Procureur général) c. Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 R.C.S. 1101, paragr. 42-44; Carter c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, [2015] 1 R.C.S. 331, paragr. 44.

[106]   Jugement de première instance, paragr. 125-128.

[107]   Loi concernant le Conseil des ports nationaux, (1936) 1 Edw. VIII, chap. 42, art. 6.

[108]   Id., paragr. 10(2).

[109]   Id., paragr. 10(3).

[110]   Loi modifiant la Loi sur le Conseil des ports nationaux, S.C. 1954, c. 60, art. 14.

[111]   Lettres patentes de l’Administration portuaire de Québec publiées dans le Supplément à la Gazette du Canada, partie 1, 1er mai 1999, annexe B, p. 57.

[112]   Attorney-General of Canada v. Ritchie Contracting and Supply Co., [1919] A.C. 999, 48 D.L.R. 147, [1919] J.C.J. N° 1 (QL).

[113]   Reference re: British North America Act, 1867, [1898] A.C. 700, [1898] J.C.J. N° 1 (QL).

[114]   Attorney-General of Canada v. Ritchie Contracting and Supply Co., [1919] A.C. 999, [1919] J.C.J. N° 1 (QL),  paragr. 5 de l’éd. QL.

[115]   Id., paragr. 6 de l’éd. QL.

[116]   Il est utile de préciser que la distinction législative entre le port de Québec et le havre de Québec est bien établie, et ce, depuis longtemps. En effet, dès 1805, la distinction entre le port et le havre de Québec était décrite dans la législation, le port étant vastement plus large et comprenant toute la section du fleuve Saint-Laurent comprise entre l’Île du Bic, à environ une vingtaine de kilomètres en amont de Rimouski, et la pointe Sainte-Anne, à l’extrémité ouest de l’île de Montréal : voir Acte pour mieux régler les Pilotes et Vaisseaux dans le Port de Québec, et les Havres de Québec et Montréal, et pour l’amélioration de la Navigation du fleuve Saint-Laurent, et pour établir un Fonds pour les Pilotes infirmes, leurs veuves et enfants, (1805) 45 Geo. III, c. 12, art. 6 : « […] et le dit Port de Québec, pour les fins de cet Acte, sera tenu et jugé comprendre toute cette partie du fleuve Saint  Laurent entre l’Isle du Bic et le mouillage d’icelui inclusivement, jusqu’à la pointe de Sainte Anne au-dessus de la Cité de Montréal, et le Havre de Québec comprendra, pour les mêmes fins, cette partie du Fleuve depuis le Trou de Saint Patrice jusqu’à la Rivière du Cap Rouge inclusivement […] / […] and the Port of Quebec for the purposes of this Act,shall be held and deemed to comprehend all that part of the river Saint Lawrence, between the Island of Bic, and anchorage thereof inclusive, up to the point of Saint Anne’s, above the City of Montreal; and the Harbour of Quebec, shall, for the like purposes, comprehend that part of the river, from Saint Patrick’s hole, to the river of Cape Rouge both inclusive […] ». (Soulignement ajouté). Voir aussi l’Acte pour refondre les Lois et Ordonnances relatives aux pouvoirs et aux devoirs de la Corporation de la Maison de la Trinité de Québec, et pour d’autres fins, (1849) 12 Vict. c. 114, art. 11-12.

[117]   Attorney-General of Canada v. Ritchie Contracting and Supply Co.(1915), 52 R.C.S. 78, p. 103-105.

[118]   Canada v. Ontario (Attorney-General), [1934] R.C.S. 133, p. 145-146; Jalbert v. Canada, [1938] 1 D.L.R. (n.s.) 721 (P.C.), [1938] J.C.J. N° 5 (QL), paragr. 10-11 de l’éd. QL; Attorney-General of Canada v. Higbie, [1945] R.C.S. 385, p. 396-397 (juge Rinfret), 420-421 (juge Kerwin) et 430 (juge Rand).

[119]   Jugement de première instance, paragr. 167.

[120]   Rickey v. City of Toronto (1914), 30 O.L.R. 523, 19 D.L.R. 146, [1914] O.J. N°. 86 (QL).

[121]   An Act to extend the Limits of the Town of York; to erect the said Town into a City; and to incorporate it under the name of the City of Toronto, (1834) 4 William IV, c. 23, sec. 13.

[122]   Rickey v. City of Toronto (1914), 30 O.L.R. 523, 19 D.L.R. 146, [1914] O.J. N°. 86 (QL), paragr. 20-21 et 106-107 de l’éd. QL.

[123]   Cité de Montréal c. Commissaires du havre de Montréal (1924), 37 B.R. 420.

[124]   La délimitation préconfédérative du havre de Montréal se trouve dans l’Acte pour pourvoir à l’Amélioration et à l’Agrandissement du Havre de Montréal, au Creusement du Lac St. Pierre, et à l’Amélioration de la Navigation du fleuve St. Laurent entre les dits endroits, et pour d’autres fins, (1852) 16 Vict., chap. 24, art. 4 et dans l’Acte pour pourvoir à l’administration et à l’amélioration du Havre de Montréal, et au creusage d’un Chenal pour les Navires entre ce Havre et le Port de Québec, et pour abroger l’acte maintenant en force pour les dites fins, (1855) 18 Vict., chap. 143, art. 5. Cette délimitation fut reproduite dans les motifs du juge Flynn dans Cité de Montréal c. Commissaires du havre de Montréal (1924), 37 B.R. 420, p. 438, afin de décrire les limites préconfédératives du havre de Montréal.

[125]   Cité de Montréal c. Commissaires du havre de Montréal (1924), 37 B.R. 420, p. 426 et 430.

[126]   Montreal (City) v. Montreal Harbour Commissioners, [1926] A.C. 299, [1925] J.C.J. N° 6 (QL), paragr. 18 de l’éd. QL.

[127]   G.V. La Forest, Natural Resources and Public Property under the Canadian Constitution, Toronto, University of Toronto Press, 1969, p. 54.

[128]   G.V. La Forest, Water Law in Canada: The Atlantic Provinces, 1973, Information Canada, Ottawa, p. 24.

[129]   G.V. La Forest, The Meaning of ʺPublic Harbours” in the Third Schedule to the British North America Act, [1963] XLI Can. B.R. 519, p. 534.

[130]   Pierre Labrecque, Le Domaine public foncier au Québec : traité de droit domanial, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1997, p. 106. 

[131]   Acte pour pourvoir à l’Amélioration et à l’Agrandissement du Havre de Montréal, au Creusement du Lac Saint-Pierre, et à l’amélioration de la Navigation du fleuve St. Laurent entre les dits endroits, et pour d’autres fins, (1852) 16 Vict. c. 24, art. 4; Acte pour pourvoir à l’administration et à l’amélioration du Havre de Montréal, et au creusage d’un Chenal pour les Navires entre ce Havre et le Port de Québec, et pour abroger l’acte maintenant en force pour ces fins, (1855) 18 Vict., c. 143, art. 5.

[132]   Jules Brière, Les droits de l’État, des riverains et du public dans les eaux publiques de l’État du Québec, Étude 1.2 réalisée pour la Commission d’étude des problèmes juridiques de l’eau, Ministère des Richesses naturelles du gouvernement du Québec, 1971, p. 31.

[133]   PGQ-87 : Rapport d’expertise de Claude Boudreau, Ph. D., géohistorien, daté du 4 juin 2014, p. 30.

[134]   Reference re: British North America Act, 1867, [1898] A.C. 700, p. 712.

[135]   Interrogatoire en chef de l’experte France Normand, transcription des notes sténographiques de l’audition du 7 octobre 2015, p. 1700, 1702-1703, 1721-1724, 1735-1736; Interrogatoire en chef de l’expert François Antaya, transcription des notes sténographiques de l’audition du 6 octobre 2015, p. 1476-1478 et transcription des notes sténographiques de l’audition du 7 octobre 2015, p. 1602-1607, 1620-1624, 1630-1633, 1643-1644, 1637.

[136]  APG-56 : Rapport d’expertise de France Normand, Ph. D., professeure titulaire, et François Antaya, doctorant en études québécoises, daté du 28 mai 2014, p. 51.

[137]   Jugement de première instance, paragr. 177-183.

[138]   Jugement de première instance, paragr. 271.

[139]   Mémoire de la PGQ comme intimée incidente, paragr. 14.

[140]   Id., paragr. 10.

[141]   Id., paragr. 17.

[142]   Reference re Industrial Relations and Disputes Investigation Act [Affaires des débardeurs], [1955] R.C.S. 529, p. 532 et 536-537 (Kerwin C.J.), p. 537-538 et 543 (Taschereau J.), p. 567-569 (Estey J.).

[143]   ITO - International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752, p. 774-776.

[144]   Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86, paragr. 35.

[145]   Loi maritime du Canada, L.C. 1998, c. 10, al. 28(2)a).

[146]   Lettres patentes de l’Administration portuaire de Québec publiées dans le Supplément à la Gazette du Canada, partie 1, 1er mai 1999, al. 7.1c)(iii)(A) : « Pour exploiter un port, l’Administration peut se livrer aux activités portuaires mentionnées à l’alinéa 28(2)a) de la Loi dans la mesure précisée ci-dessous : […] c) […] gérer ou louer des immeubles fédéraux décrits à l’annexe « B » […] ou octroyer des permis à leur égard, à condition que la gestion, la location ou l’octroi de permis vise ce qui suit : […] (iii) […] (A) utilisations liées […] à la manutention et à l’entreposage des marchandises […] ».

[147]   Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires, DORS/2000-55, annexe 1, Partie 9.

[148]   Société des Arrimeurs de Québec Inc. (Re), 2005 CCRI 339, [2005] D.C.C.R.I. n° 34 (QL).

[149]   Syndicat des débardeurs du port de Québec (SCFP, section locale 2614) c. Société des arrimeurs de Québec et al., 2011 CAF 17; Cargill Grain Co. v. International Longshoremen's Assn., Local 1739 (1983), 51 N.R. 182 (C.A.F.), [1983] F.C.J. N° 948 (QL).

[150]   Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L-2.

[151]   Id., al. 34(1)a), (3), (5) et (7).

[152]   Syndicat des débardeurs du port de Québec (SCFP, section locale 2614) c. Société des arrimeurs de Québec et al., 2011 CAF 17, paragr. 6-7.

[153]   Société des Arrimeurs de Québec Inc. (Re), 2005 CCRI 339, [2005] D.C.C.R.I. n° 34 (QL), paragr. 30 à 32 de l’éd. QL.

[154]   Id., paragr. 84-85 de l’éd. QL.

[155]   Id., paragr. 49 de l’éd. QL.

[156]   Jugement de première instance, paragr. 271.

[157]   Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S 3, paragr. 77.

[158]   Commission de transport de la communauté urbaine de Québec c. Canada (Commission des champs de bataille nationaux), [1990] 2 R.C.S. 838, p. 853; Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 77-78; Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55, [2014] 2 R.C.S. 725, paragr. 63; Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville), 2016 CSC 23, [2016] 1 R.C.S. 467, paragr. 61-64; Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), 2013 CSC 44, [2013] 3 R.C.S. 53, paragr. 49-50; Canada Post Corporation v. Hamilton (City), 2016 ONCA 767, paragr. 93-96.

[159]   Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, [2011] 3 R.C.S. 134, paragr. 58.

[160]   Jugement de première instance, paragr. 225.

[161]   Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39, [2010] 2 R.C.S. 536.

[162]   Id., paragr. 30 et 37.

[163]   Id., paragr. 40.

[164]   Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 77. Voir aussi Procureure générale du Québec c. Leclerc, 2018 QCCA 1567, paragr. 57, requêtes pour autorisation de pourvoi et de pourvoi incident à la Cour suprême rejetées : [2018] C.S.C.R. no 496 (QL).

[165]   Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society  2011 CSC 44, [2011] 3 R.C.S. 134, paragr. 65 et 67.

[166]   Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville), 2016 CSC 23, [2016] 1 R.C.S. 467, paragr. 61.

[167]   Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville), 2016 CSC 23, [2016] 1 R.C.S. 467, paragr. 64; voir aussi les paragr. 62-63. Voir aussi Procureure générale du Québec c. Leclerc, 2018 QCCA 1567, demande pour autorisation d’appel à la Cour suprême du Canada rejetée [2018] C.S.C.R. n° 496 (QL).

[168]   Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86.

[169]   Les terrains en cause dans Lafarge sont énumérés dans l’annexe C des lettres patentes de l’Administration portuaire de Vancouver, lesquels décrivent les immeubles « autre que les immeubles fédéraux » détenus par cette administration portuaire : Lettres patentes de l’Administration portuaire de Vancouver publiées dans le Supplément à la Gazette du Canada, partie 1, 27 février 1999, art. 3.2 et 3.3, p. 5.

[170]   Id., paragr. 43. Les italiques sont ceux des juges Binnie et LeBel.

[171]   Id., paragr. 46.

[172]   Ibid. Les italiques sont ceux des juges Binnie et LeBel.

[173]   Id., paragr. 47.

[174]   Les lettres patentes de l’Administration portuaire de Vancouver sont publiées dans le Supplément à la Gazette du Canada, partie 1, 27 février 1999, p. 3 à 55. Les lettres patentes de l’APQ sont publiées dans le Supplément à la Gazette du Canada, partie 1, 1er mai 1999, p. 37 à 76.

[175]   Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86, paragr. 48 et 57-61.

[176]   Id., paragr. 51.

[177]   Id., paragr. 72.

[178]   Lettres patentes de l’Administration portuaire de Québec publiées dans le Supplément à la Gazette du Canada, partie 1, 1er mai 1999, art. 3.2 et 3.3, p. 39 :

 

3.2 Description des immeubles fédéraux. Les immeubles fédéraux dont la gestion est confiée à l’Administration sont décrits à l’annexe « B ».

 

3.2 Description of Federal Real Property. The federal real property that is managed by the Authority is described in Schedule B hereto.

3.3 Description des autres immeubles. Les immeubles, autre que les immeubles fédéraux, occupés ou détenus par l’Administration sont décrits à l’annexe « C ».

 

[Soulignement ajouté]

3.3 Description of Other Real Property. The real property, other than federal real property, that is occupied or held by the Authority is described in Schedule C hereto.

 

(Emphasis added)

Les articles 3.2.et 3.3 des lettres patentes de l’Autorité portuaire de Vancouver sont au même effet : Supplément à la Gazette du Canada, partie 1, 27 février 1999, art. 3.1 et 3.2, p. 5.

[179]   Jugement de première instance, paragr. 271.

[180]   Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86, paragr. 51, soulignement ajouté.

[181]   Id., paragr. 56, italiques dans l’original, soulignement ajouté.

[182]   Construction Montcalm Inc. c. Commission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754, p. 777-779; Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec c. Canada (Commission des champs de bataille nationaux), [1990] 2 R.C.S. 838, p. 851-852; voir aussi Cardinal c. Procureur général de l’Alberta, [1974] R.C.S. 695, p. 702-703, par analogie avec les terres réservées aux Indiens au sens du paragr. 92(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[183]   Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86, paragr. 55.

[184]   Hamilton Harbour Commissioners v. City of Hamilton, 21 O.R. (2d) 459. Le jugement de première instance de 1976 est reproduit en entier à 21 O.R. (2d) 459, tandis que le jugement en appel de 1978 suit à 21 O.R. (2d) 491.

[185]   Id., p. 473.

[186]   Id., p. 482.

[187]   Id., p. 485.

[188]   Id., p. 462.

[189]   Id., p. 462-463.

[190]   Id., p. 476-478.

[191]   Id., p. 493.

[192]   Greater Toronto Airports Authority v. Mississaga (City of), 50 O.R. (3d) 641 (Ont. C.A.), [2000] O.J. N° 4086 (QL), autorisation d’appel à la CSC refusée, [2001] S.C.C.A. N° 83.

[193]   Id., paragr. 62-63 et 66 de l’éd. QL.

[194]   R. v. Airconsol Aviation Services Ltd., 177 Nfld. & P.E.I.R. 30, [1999] N.J. N° 107 (QL) (Nfld. Prov. C.).

[195]   Id., paragr. 5 de l’éd. QL : « The land comprising the Deer Lake Airport is owned by Her Majesty the Queen in Right of Canada and administered by the Federal Minister of Transport pursuant to the Aeronautics Act R.S.C., 1985, c. A-2. As well, the Deer Lake Airport is licensed by Transport Canada under the Aeronautics Act. ».

[196]   Id., paragr. 39-40 de l’éd. QL.

[197]   Spooner Oils Ltd. v. Turner Valley Gas Conservation Board, [1933] S.C.R. 626, p. 644.

[198]   Commission de transport de la communauté urbaine de Québec c. Canada (Commission des champs de bataille nationaux), [1990] 2 R.C.S. 838, p. 852.

[199]   Id., p. 860.

[200]   Ibid.

[201]   Voir notamment Spooner Oils Ltd. v. Turner Valley Gas Conservation Board, [1933] R.C.S. 629; Derrickson v. Derrickson, [1986] 1 R.C.S. 285, p. 296; Canadian Occidental Petroleum Ltd. v. North Vancouver, 13 B.C.L.R. (2d) 34, [1986] B.C.J. No. 588 (QL) (BCCA), paragr. 53; Northwest Territories and Nunavut v. Canada, 2007 NWTCS 109, [2007] N.W.T.J. No. 108; Dorval (Cité de) c. Mediacom inc., [1989] J.Q. n° 2135 (QCCS), paragr. 11-13; Le Nautique St-Jean inc. c. St-Jean (Ville de), J.E. 89-1293, [1989] J.Q. n° 3498 (QCCS), paragr. 12-16 de l’éd. QL.

[202]   LQE, art. 22 et 24.

[203]   Id., art. 25.

[204]   Id., art. 26.

[205]   Id., art. 31.1 à 31.5, dans leur version avant les modifications législatives de 2017 et dans leurs versions modifiées en 2017.

[206]   Id., art. 31.5.

[207]   Ibid.

[208]   Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, p. 71.

[209]   Décret sur les lignes directrices visant le processus d’évaluation et d’examen en matière environnementale, DORS/84-467.

[210]   Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, p. 47. Voir aussi Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l’énergie), [1994] 1 R.C.S. 159, p. 194 : « […] le Décret sur le PEEE s’applique à l’Office [national de l’énergie] pour ce qui est de l’aspect des entreprises d’Hydro-Québec à l’égard desquelles il a un pouvoir décisionnel, c’est-à-dire la décision de délivrer une licence d’exportation » [soulignement ajouté].

[211]   Courses automobiles Mont-Tremblant inc. c. Iredale, 2013 QCCA 1348, paragr. 104. Voir aussi Homans c. Gestion Paroi inc., 2017 QCCA 480, paragr. 100-103; Groupe CRH Canada inc. c. Beauregard, 2018 QCCA 1063, paragr. 38-42.

[212]   Règlement sur les halocarbures, RLRQ, c. Q-2, r. 29.

[213]   Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec c. Canada (Commission des champs de bataille nationaux), [1990] 2 R.C.S. 838, p. 860-861.

[214]   Canadian Pacific Railways Co. v. Corporation of the Parish of Notre Dame de Bonsecours, [1899] A.C. 367. Voir aussi R. c. Nitrochem, (1993), 14 C.E.L.R. (n.s.) 151, [1993] O.J. n° 3336 (QL) (Ont. C.J.).

[215]   Spooner Oils Ltd. v. Turner Valley Gas Conservation Board, [1933] S.C.R. 629, p. 646.

[216]   R. v. TNT Canada Inc. (1986), 37 D.L.R. (4th) 297 (Ont. C.A.), [1986] O.J. n° 1322 (QL), permission d’appel à la Cour suprême rejetée: [1987] S.C.C.A. No. 149 (QL).

[217]   Id., paragr. 18-19 de l’éd. QL.

[218]   Ontario v. Canadian Pacific Ltée (1993), 103 D.L.R. (4th) 255 (Ont. C.A.), [1993] O.J. n° 1082 (QL), confirmé sur ce point par la Cour suprême du Canada à [1995] 2 R.C.S. 1028 avec motifs supplémentaires sur d’autres points à [1995] 2 R.C.S. 1031.

[219]   Burlington Airpark Inc. v. Burlington (City), 2014 ONCA 468.

[220]   Jugement de première instance, paragr. 272.

[221]   Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39, [2010] 2 R.C.S. 536, par. 62-74. L’analyse sous les deux doctrines a également été menée par la Cour dans Éthier c. Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada, 2015 QCCA 1996, demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada rejetée, [2016] C.S.C.R. n° 36 (QL), paragr. 42 et s.

[222]   Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), 2013 CSC 44, [2013] 3 R.C.S. 53, paragr. 65-68; Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 32 et 69; Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161, p. 168.

[223]   Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161, p. 191.

[224]   Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 72; Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86, paragr. 77, 81-82; Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., 2015 CSC 53, [2015] 3 R.C.S. 419, paragr. 18.

[225]   Alberta (Procureur général) c. Moloney, 2015 CSC 51, [2015] 3 R.C.S. 327, paragr. 20-29.

[226]   Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 73; Alberta (Procureur général) c. Moloney, 2015 CSC 51, [2015] 3 R.C.S. 327, paragr. 25; Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., 2015 CSC 53, [2015] 3 R.C.S. 419, paragr. 19.

[227]   Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55, [2014] 2 R.C.S. 725, paragr. 80; Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161, p. 190; Banque de Montréal c. Hall, [1990] 1 R.C.S. 121, p. 151; Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 72; Alberta (Procureur général) c. Moloney, 2015 CSC 51, [2015] 3 R.C.S. 327, paragr. 26.

[228]   Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., 2015 CSC 53, [2015] 3 R.C.S. 419, paragr. 25; Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), 2013 CSC 44, [2013] 3 R.C.S. 55, paragr. 76 et 84; Québec (Procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, 2010 CSC 39, [2010] 2 R.C.S. 536, paragr. 65, 67 et 74; Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 100-103;114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, [2001] 2 R.C.S. 241, paragr. 35; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, p. 964.

[229]   Québec (Procureur général) c. Canada (Resources humaines et Développement social), 2011 CSC 60, [2011] 3 R.C.S. 635, paragr. 32-33 et 36; Banque de Montréal c. Hall, [1990] 1 R.C.S. 121, p. 153. Voir aussi Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada Inc., 2007 CSC 23, [2007] 2 R.C.S. 86, paragr. 84-85 et Alberta (Procureur général) c. Moloney, 2015 CSC 51, [2015] 3 R.C.S. 327, paragr. 26.

[230]   Orphan Well Association c. Grant Thornton Ltd., 2019 CSC 5, paragr. 66.

[231]   Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, paragr. 75; Alberta (Procureur général) c. Moloney, 2015 CSC 51, [2015] 3 R.C.S. 327, paragr. 27; Saskatchewan (Procureur général) c. Lemare Lake Logging Ltd., 2015 CSC 53, [2015] 3 R.C.S. 419, paragr. 26-27.

[232]   Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires, DORS/2000-55, al. 5h) et paragr. 27(2); Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, c. 19, art. 67.

[233]   Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), L.C. 2012, c. 19, art. 69.

 

[234]   114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40, [2001] 2 R.C.S. 241, paragr. 33-39.

[235]   Règlement sur l’exploitation des administrations portuaires, DORS/2000-55, al. 5h), paragr. 27(1) et (2) et 28(1) et (2) et art. 29.

[236]   Règlement sur l’évaluation environnementale concernant les administrations portuaires canadiennes, DORS/99-318, paragr. 3(1)

[237]   Id., paragr. 15(1) et (2).

[238]   Courses automobiles Mont-Tremblant inc. c. Iredale, 2013 QCCA 1348, paragr. 90-105; Homans c. Gestion Paroi inc., 2017 QCCA 480, paragr. 100-103; Groupe CRH Canada inc. c. Beauregard, 2018 QCCA 1063, paragr. 38-42.

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