Décision

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Décision

Salter c. Ménard

2016 QCRDL 42578

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

294894 31 20160902 G

No demande :

2075592

 

 

Date :

19 décembre 2016

Régisseur :

François Leblanc, juge administratif

 

Francis Salter

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Serge Menard

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      La locatrice demande le recouvrement du loyer, la résiliation du bail et l’éviction du locataire.

[2]      Il s'agit du bail d’une chambre et suivant les prétentions de la locatrice, celle-ci est louée à un loyer mensuel de 350 $, alors que le locataire prétend que le loyer est plutôt de 250 $.

[3]      La locatrice a acquis l’immeuble en vertu d’un acte de vente, passé le 5 juillet 2016, au terme d’une bataille judiciaire qui l’a opposée à l’ancienne locatrice.

[4]      Ainsi, le 30 octobre 2014, la Cour supérieure ordonnait à la locatrice de vendre sa propriété conformément à une promesse faite[1].

[5]      Ce jugement a été porté en appel et la Cour d’appel du Québec a conclu que le refus de vendre de la locatrice était teinté de mauvaise foi et il lui a ordonné de passer titre[2].

[6]      Cet arrêt a été rendu, à l’audience, le 29 avril 2016. Or, à partir du 1er mai, le loyer du locataire passe de 345 $ à 250 $. Celui-ci explique que cela a été convenu au cours du mois d’avril, possiblement vers le milieu du mois, avec le concierge. Le tout, afin de le compenser pour le mauvais état de l’immeuble.

[7]      La preuve non contredite démontre que tous les loyers de l’immeuble ont ainsi été réduits. La locatrice plaide que cette manœuvre de l’ancienne locatrice visait à réduire la valeur de l’immeuble pour tenter de la dissuader de l’acquérir.

[8]      Le procureur du locataire plaide au contraire que la locatrice s’adresse à la mauvaise personne et qu’il n’a y pas chose jugée à l’égard de son client, lequel a obtenu cette diminution pour une raison valable, soit l’état du logement. La locatrice assumant, en vertu de la loi, les obligations de l’ancienne locatrice, elle est liée par le bail.

ANALYSE ET DÉCISION

[9]      Même si la demande n’en fait pas état, on comprend que la locatrice demande au Tribunal de constater que la réduction de loyer consentie par l’ancienne locatrice lui est inopposable.


[10]   La compétence du Tribunal de la Régie du logement pour ce faire est bien établie[3]. Et la jurisprudence veut qu’un bail fait à un montant inférieur à la valeur locative puisse être déclaré inopposable si le créancier en subit un préjudice[4]. De même, s’il y a réduction de loyer en cours de bail[5]. Surtout s’il s’agit de rabais anormaux[6].

[11]   Or, la preuve faite par le locataire ne convainc pas le Tribunal que la diminution de loyer a été faite pour des raisons valables. Compte tenu des circonstances, le locataire se devait de savoir que l’importante réduction de loyer gracieusement accordée par la locatrice était illégale.

[12]   Le procureur du locataire a plaidé que la locatrice n’avait pas l’intérêt juridique requis pour réclamer du loyer pour le mois de juillet 2016, vu l’acte de vente et le Tribunal doit lui donner raison. De plus, vu la preuve faite, le Tribunal conclut que le loyer payable n’est pas de 350 $ par mois, mais bien de 345 $.

[13]   Le locataire est donc endetté envers la locatrice d’une somme de 475 $.

[14]   Le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l'application de l'article 1971 C.c.Q.

[15]   Le bail n'est toutefois pas résilié si le loyer dû, les intérêts et les frais sont payés avant jugement, conformément aux dispositions de l'article 1883 C.c.Q.

[16]   Le préjudice causé à la locatrice ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement[7].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[17]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;

[18]   CONDAMNE le locataire à payer à la locatrice la somme de 475 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 1er novembre 2016 sur la somme de 125 $, et sur le solde à compter du 1er décembre 2016, plus les frais judiciaires de 81 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

François Leblanc

 

Présence(s) :

la locatrice

le locataire

Me Antoine Morneau-Sénéchal, avocat du locataire

Date de l’audience :  

13 décembre 2016

 

 

 


 



[1] Salter c. Wei* (C.S., 2014-10-30), 2014 QCCS 5145, SOQUIJ AZ-51119336, 2014EXP-3626.

[2] Wei c. Salter (C.A., 2016-04-29), 2016 QCCA 730, SOQUIJ AZ-51282894, 2016EXP-1498, J.E. 2016-817.

[3] Greenvest Enterprises inc. c. Shehata (C.S., 2010-12-09), 2010 QCCS 6105, SOQUIJ AZ-50699376, 2011EXP-453, J.E. 2011-250 ; Boudreau c. Société canadienne d'hypothèques et de logement (C.Q., 2011-03-17), 2011 QCCQ 5786, SOQUIJ AZ-50759192, 2011EXP-2296, J.E. 2011-1262 ; Banque Nationale du Canada c. Cadieux (C.Q., 2005-07-07), SOQUIJ AZ-50322390, J.E. 2005-1451 ; Caisse populaire Notre-Dame-de-la-Merci de Montréal c. Diamant, (R.D.L., 1996-11-22), SOQUIJ AZ-97061019, [1997] J.L. 44; Banque Nationale du Canada c. Deschênes (R.D.L., 1994-09-14), SOQUIJ AZ-95061012, [1995] J.L. 25; Millette c. Barbeau, J.L. 90-54 (R.L.).

[4] Banque de la Nouvelle-Écosse c. Garry (C.S., 2013-05-24), 2013 QCCS 2397, SOQUIJ AZ-50971336, 2013EXP-2134 ; Financement hypothécaire HSBC inc. c. McKee (R.D.L., 2009-05-27), SOQUIJ AZ-50608502, 2010EXP-956, J.L.E. 2009JL-52 ; Caisse populaire Côte-des-Neiges c. Gantcheff* (R.D.L., 1996-05-16), SOQUIJ AZ-97061001, [1997] J.L. 2, désistement d'action (C.Q., 1996-10-29) 500-02-039141-960.

[5] 9090-5662 Québec inc. c. 9056-4394 Québec inc. (C.S., 2002-03-13), SOQUIJ AZ-50116960, J.E. 2002-1128.

[6] Caisse populaire Notre-Dame-de-la-Merci de Montréal c. Diamant, précité note 3.

[7]    RLRQ, c. R-8.1.

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