Décision

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Décision

Maurais c. Cloutier

2018 QCRDL 36803

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Jérôme

 

No dossier :

411856 28 20180802 T

No demande :

2597246

 

 

Date :

05 novembre 2018

Régisseur :

Daniel Gilbert, juge administratif

 

Stephane Maurais

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Pierre Cloutier

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

Contexte procédural

[1]      Le 1er octobre 2018, le locataire demande la rétractation de la décision rendue le 17 septembre 2018 (la « Décision ») à la suite d’une audience tenue le 13 septembre 2018. Cette audience faisait suite à une demande du locateur en résiliation de bail, expulsion du locataire et de tous les occupants du logement et en recouvrement du loyer impayé (780 $).

[2]      Les conclusions de la Décision sont :

« [7] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion du locataire et de tous les occupants du logement;

[8] ORDONNE l'exécution provisoire, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion à compter du 11e jour de la date de la décision.

[9] CONDAMNE le locataire à payer au séquestre la somme de 2 340 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 2 août 2018 sur la somme de 1 560 $, et sur le solde à compter de l’échéance de chaque loyer, plus les frais judiciaires de 84 $. »

[3]      Le locataire indique sur sa demande de rétractation avoir pris connaissance de la Décision seulement le 24 septembre 2018 alors que la demande de rétractation est déposée le 1er octobre 2018.

[4]      Le locataire demande la rétractation de la Décision au motif qu’il ne s’est pas présenté à l’audience, n’ayant aucun moyen de transport pour se déplacer au jour prévu pour l’audience.

[5]      Enfin, quant aux moyens de défense qu’il entend faire valoir à l’encontre de la demande originaire du locateur, le locataire ne conteste pas la somme réclamée, précisant qu’il n’a pas les revenus nécessaires pour payer le loyer à la suite de difficultés survenues avec l’aide sociale.


Droit applicable et analyse

[6]      La demande de rétractation est prévue à l’article 89 de la Loi sur la Régie du logement qui édicte :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision. »

[7]      Ainsi, le Tribunal doit d’abord déterminer si la demande de rétractation du locataire est présentée dans le délai requis de la connaissance de la décision. Ensuite, le locataire doit démontrer qu’il a des motifs de rétractation à faire valoir. Enfin, le Tribunal doit aussi évaluer si les moyens de défense soulevés par le locataire afin de contester la demande originaire du locateur apparaissent sérieux à première vue[1].

[8]      Ces trois conditions sont cumulatives en ce sens que le locataire doit établir qu’il rencontre chacune d’elles. Le Tribunal entend analyser ces trois conditions selon le même ordre.

Délai

[9]      Le locataire indique sur sa demande de rétractation avoir pris connaissance de la décision rendue le 24 septembre 2018. Le 1er octobre 2018, le locataire dépose sa demande de rétractation à la Régie du logement. Le délai de 10 jours prévu à l’alinéa 3 de l’article 89 de la Loi sur la Régie du logement a été respecté. Faute d’une preuve prépondérante au contraire, le locateur n’a pu établir que le locataire a introduit le présent recours en rétractation plus de 10 jours après avoir pris connaissance de la décision.

Motifs de rétractation

[10]   Quant aux motifs de rétractation, le locataire témoigne qu’il n’a pas de véhicule et n’était pas en mesure de se déplacer jusqu’au lieu de l’audience à la date de convocation. Questionné par le Tribunal à ce sujet, le locataire affirme qu’il n’a pas tenté d’aviser le greffe du Tribunal, car il n’a pas le téléphone et ne pouvait appeler avec le téléphone d’un ami, car il n’a pas d’amis ni de famille.

[11]   Le Tribunal ne peut accepter le motif de rétractation soumis par le locataire. Ce dernier pouvait recourir au transport collectif ou faire d’autres démarches, le cas échéant, pour s’assurer de sa présence devant le Tribunal le jour de l’audience. Il admet n’avoir pas tenté, d’aucune manière, d’aviser le Tribunal.

Moyens sommaires de défense

[12]   Le locataire démontre être en litige avec l’aide sociale depuis que ses prestations ont cessé d’être versées. Il ne conteste pas le fait que le loyer est impayé pour les mois de juillet à octobre 2018. Il veut prendre entente avec le locateur, d’autant qu’il vient tout juste de trouver un nouvel emploi.

[13]   Bien que le Tribunal soit sensible aux difficultés personnelles vécues par le locataire, il n’en demeure pas moins, comme cela est admis, qu’il est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer. Or, les dispositions de l’article 1975 du Code civil du Québec sont claires : dès que le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, le Tribunal n’a d’autre choix que de résilier le bail. Dès lors, de l’avis du Tribunal, le moyen de défense soumis par le locataire est voué à l’échec.

[14]   La Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt C.N.T. c. Les Entreprises C.J.S. inc.[2], a déjà indiqué :

« La requête en rétractation constitue une dérogation au principe de l'irrévocabilité des jugements d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation (Banque de Montréal c. Chaput, [1979] C.A. 222; Entreprises Roger Pilon Inc. c. Atlantis Real Estate Co, [1980] C.A. 218). Le juge auquel une requête en rétractation est présentée pour réception doit décider si « prima facie » les faits allégués sont suffisants pour justifier la réception.  Si au stade de la réception, les faits allégués doivent être tenus pour avérés, cela ne veut pas dire que le juge soit nécessairement lié, dans l'exercice de sa discrétion, par les allégations de la requête.  Il pourra refuser de recevoir la requête si, par exemple, il acquiert par des moyens juridiques la conviction que la nouvelle preuve que l'on veut faire est telle que le jugement n'aurait pas été différent si elle avait été faite au procès (Voir Fontaine c. Baril, [1974] C.A. 234). »

[15]   Considérant la preuve soumise, le Tribunal estime que le locataire ne rencontre pas les critères mentionnés à l'article 89 de la Loi sur la Régie du logement pour accorder la rétractation de la Décision.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]   REJETTE la demande de rétractation du locataire qui en supporte les frais;

[17]   MAINTIENT la décision rendue le 17 septembre 2018.

 

 

 

 

 

 

 

 

Daniel Gilbert

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire du locateur

Me Claude Papineau, avocat du locateur

Date de l’audience :  

29 octobre 2018

 

 

 


 



[1] La Capitale des Cantons de l'Est inc. c. Super Plus Inc.et al., 2005 CanLII 27296 (QC CS), j. Fréchette (par. 134).

[2] 1992 CanLII 2911 (QC CA).

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