Lalande c. Compagnie d'arrimage de Québec ltée | 2023 QCCA 973 | ||||||||||
COUR D’APPEL | |||||||||||
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CANADA | |||||||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||||||||
GREFFE DE
| QUÉBEC | ||||||||||
N° : | 200-09-010224-209 | ||||||||||
(200-06-000169-139) | |||||||||||
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DATE : | 24 juillet 2023 | ||||||||||
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[1] Les représentants Véronique Lalande et Louis Duchesne se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure (l’honorable Jacques G. Bouchard) rendu le 4 mars 2020[1], lequel rejette une action collective en dommages-intérêts compensatoires, en dommages-intérêts punitifs et en injonction permanente exercée contre les intimées. Le groupe représenté est ainsi décrit dans le jugement entrepris :
Toutes les personnes propriétaires ou résidentes depuis le 31 octobre 2010 de l’arrondissement La Cité-Limoilou, (…) dans les secteurs délimités comme suit:
Vieux-Limoilou : au sud de la 18e Rue qui devient ensuite le boulevard Wilfrid-Hamel jusqu’à Marie-de-l’Incarnation et entre Henri-Bourrassa et la rivière St-Charles et;
Saint-Roch : entre la rivière St-Charles et le boulevard Charest et entre Jean-Lesage et Langelier et
Saint-Sacrement : entre Charest et Arago et entre Langelier et Marie-de-L’incarnation et
Saint-Sauveur : entre la rivière St-Charles et Charest et entre Langelier et Marie-de-L’incarnation et
Maizerets : entre le domaine Maizerets et les rues Trinité, Villebon et Montmorency.[2]
[2] En octobre 2012, l’appelante Véronique Lalande, une résidente du quartier Limoilou de Québec, constate une accumulation de poussières sur les roues de la poussette de son enfant, lesquelles poussières s’avéreront composées d’oxyde de fer. À l’époque, cet épisode de poussières fut médiatisé dans la région de Québec sous le nom évocateur de « poussière rouge ». Cet événement est à l’origine d’une action collective conclue en 2019 par l’indemnisation des membres du groupe[3].
[3] L’affaire qui nous occupe maintenant implique au premier chef les mêmes acteurs. Les appelants Lalande et Duchesne se plaignent cette fois de ce qu’il convient de désigner aux fins de cet arrêt d’épisodes de « poussières grises ». Ils allèguent que ces épisodes ont causé des préjudices et inconvénients anormaux aux membres du groupe et invoquent à cet effet le régime de responsabilité civile extracontractuel (art.
[4] Le juge de première instance a conclu notamment que les appelants avaient échoué à démontrer un lien de causalité adéquat entre les activités de CAQ et le problème de poussières grises dont ils se plaignent maintenant. Plaideurs ainsi déboutés, ils se pourvoient.
[5] APQ est la personne morale de droit public constituée pour exploiter le Port, notamment la manutention et l’entreposage de marchandises[4]. Elle est propriétaire de tous les terrains sur lesquels se trouvent les installations nécessaires aux activités de CAQ. Quant à cette dernière, elle est locataire de certains quais situés sur la propriété du Port. Ses opérations sont effectuées par l’entremise de sa filiale Arrimage du
St-Laurent (« ASL »)[5], la seule entreprise autorisée par le Port à manutentionner et entreposer des matériaux en vrac, lesquels comprennent du charbon, du fer, du sel destiné à l’épandage dans les rues et différents métaux, incluant le nickel. Ses activités consistent à charger et décharger les navires à l’aide de convoyeurs, de grues, de chargeurs et d’excavatrices. Selon sa nature, une partie du vrac manutentionné est entreposée sur les quais à l’air libre, sous une bâche ou encore à l’intérieur d’entrepôts.
[6] Les appelants reprochent aux intimées d’être responsables d’un problème d’accumulation excessive de poussières grises dans les quartiers Maizerets et Vieux-Limoilou, dans la partie nord-est du quartier Saint-Roch ainsi que dans la partie est du quartier Saint-Sauveur de la Ville de Québec (globalement la « Zone »). En première instance, ils ont subdivisé ce territoire en trois sous-zones, établies en fonction de la distance qui les sépare du Port. Celles-ci sont identifiées sur la carte EXP-SL-5 par les couleurs jaune, rouge et noire[6]. Les appelants ont toutefois abandonné leurs prétentions relativement à la sous-zone noire qui s’avère être le secteur le plus éloigné du Port.
[7] Les appelants plaident en appel, comme ils le faisaient en première instance, que la Zone est l’objet d’une accumulation « anormale »[7] de poussières en raison de quantités plus élevées que celles observées ailleurs dans la Ville ou dans d’autres milieux urbains comparables, mais ne voisinant pas un port. Ils attribuent ce phénomène aux activités de CAQ.
[8] Le juge commence son analyse en affirmant qu’aucune loi au Québec n’encadre le « dépôt » de poussières ni n’impose de mettre en place des mesures atténuantes pour en réduire l’impact. Il considère que « les normes de qualité de l’air sont plutôt des valeurs guides déterminées par les autorités avec une grande marge de sécurité, dans un contexte de prévention »[8]. Même si les appelants ont réussi à démontrer des dépassements occasionnels de la norme réglementaire quotidienne de nickel, le juge rappelle qu’ils ne sont pas dispensés pour autant d’établir une faute civile à l’origine du préjudice allégué et un lien de causalité entre ces deux éléments. Le juge ajoute qu’il incombe aux appelants d’établir que ce préjudice a été causé par les activités des intimées. Puisque les appelants invoquent à titre subsidiaire la notion de troubles de voisinage, il précise que cette démonstration vaut tant sous l’égide de l’article
[9] Sur cette question, le juge conclut que les témoignages profanes entendus en demande, bien que crédibles et démontrant l’existence d’une certaine problématique de poussières dans la Zone, ne permettent toutefois pas d’établir la provenance de cette nuisance dite « excessive » par rapport à la quantité de poussières normalement présente dans un milieu urbain comparable.
[10] Les appelants ont aussi présenté une preuve d’experts qui, pour l’essentiel, consiste en une modélisation de la dispersion des poussières en provenance du Port. Cette méthode préconisée par l’un de leurs experts, en l’occurrence l’expert Dionne, repose sur des informations colligées à partir des stations de suivi de la qualité de l’air placées dans des endroits stratégiques sur le territoire de la Ville de Québec par le ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques (« MELCC »).
[11] Cette preuve n’a toutefois pas réussi à convaincre le juge de l’existence d’un lien causal suffisant entre la quantité dite excédentaire de poussières observée dans la Zone et les activités de CAQ. Le juge jette plutôt un regard critique sur le travail des experts des appelants à qui il reproche notamment leur manque d’objectivité.
[12] Plus précisément, s’agissant du travail de l’expert Dionne, le juge écrit :
[92] L’expert Dionne conclut que les activités portuaires sont le principal contributeur aux poussières qui se déposent dans la Zone depuis le 31 octobre 2010.
[93] L’interrogatoire et surtout le contre-interrogatoire de monsieur Dionne révèlent la faiblesse manifeste de la méthode employée dans le contexte particulier de la présente cause.
[94] De son propre aveu, le modèle « Aermod » qu’il a utilisé ne garantit pas que les résultats obtenus soient conformes à la réalité. On apprend entre autres que si les intrants utilisés sont erronés, les résultats le seront nécessairement aussi et ne représenteront pas la réalité.
[95] Or, l’approche préconisée par monsieur Dionne se concentre sur les activités portuaires sans tenir compte des nombreuses autres sources potentielles de dépôts de poussières dans la Zone. Malgré qu’il dise avoir aussi effectué une modélisation pour un total de soixante-six sources différentes (incluant celles associées aux activités portuaires), aucun de ses rapports ne présente quelque résultat que ce soit relativement à de telles modélisations unitaires.
[96] Surtout, il n’a fait aucune modélisation présentant l’effet cumulatif de toutes les sources, confirmant ainsi qu’il n’a ciblé que celles provenant des activités portuaires.
[97] Une telle façon de faire enlève toute objectivité à l’exercice effectué ainsi qu’aux résultats obtenus.
[98] L’expertise réalisée par monsieur Dionne n’a donc aucune valeur pour aider le Tribunal à déterminer la provenance des retombées de poussière dans la Zone. D’ailleurs, un autre expert des demandeurs, monsieur Richard Saint-Louis, pense lui aussi la même chose.
[Renvois aux extraits pertinents de la preuve omis]
[13] Quant à l’expert Saint-Louis, l’autre expert des appelants, les conclusions du juge sont tout aussi sévères :
[103] L’objectif de son expertise était d’identifier la composition des poussières que l’on retrouve dans la Zone et de vérifier si elles pouvaient être reliées aux vracs manutentionnés par CAQ.
[104] Le 16 mai 2017, monsieur Saint-Louis a prélevé divers échantillons de poussières à des endroits sélectionnés par monsieur Duchesne, suivant la même méthode artisanale que celle employée par ce dernier (pinceau et carton).
[105] Il procède ensuite à une analyse de métaux extractibles pour obtenir leur « signature » chimique, à l’aide d’un microscope électronique.
[106] En contre-interrogatoire, monsieur Saint-Louis doit admettre que les poussières qu’il a échantillonnées proviennent majoritairement de sources autres que les activités portuaires…
[107] Son témoignage nous permet également d’apprendre qu’il a confié à un tiers la tâche de faire l’analyse des particules au microscope électronique, faute de posséder les habiletés pour le faire lui-même. Il s’agit pourtant de l’outil sur lequel se fonde toute son interprétation de la composition des échantillons analysés.
[108] Au surplus, il n’a analysé que cinquante particules par échantillon, soit moins de 0,01% d’un échantillon contenant 20 000 particules, pour une marge d’erreur inacceptable de plus de 50%. À titre comparatif l’expert des défenderesses, monsieur Jean-François Wilhelmy, a analysé 31 800 particules par échantillon, pour une marge d’erreur de 0,1%.
[109] Un si faible échantillonnage ne peut que produire des résultats imprécis, voire invraisemblables. Ainsi, monsieur Saint-Louis constate que la signature chimique du « concentré de nickel ou cuivre » ne contient ni nickel, ni cuivre, et celle du « concentré de cuivre ou nickel » ne contient non plus aucun nickel.
[110] En outre, la signature chimique du « concentré de cuivre ou nickel » n’est pas la même que celle du « concentré de nickel ou cuivre », même si les deux appellations réfèrent au même produit.
[111] De même, la signature chimique de la bauxite est composée de fer, de titane, de calcium, de potassium et d’aluminium, soit cinq des six éléments chimiques majeurs que l’on retrouve dans la croûte terrestre, lesquels ne peuvent évidemment servir à quelque association que ce soit avec les activités portuaires.
[112] Bien que l’on pourrait continuer encore longtemps la liste des incongruités révélées par la démarche de monsieur Saint-Louis, voilà suffisamment de raisons pour ne pouvoir prêter foi à ses conclusions quant à la provenance des poussières retrouvées dans la Zone.
[Renvois aux extraits pertinents de la preuve omis]
[14] En raison de la faible force probante accordée aux expertises des appelants, le juge préfère s’en remettre notamment à une étude récente et plus objective du MELCC qui conclut :
En somme, la qualité de l’air de l’arrondissement La Cité-Limoilou est typique d’un milieu urbain. Les principales sources de pollution responsables des concentrations de contaminants mesurés aux stations sont les sources urbaines habituelles, soient vraisemblablement le transport routier, les combustibles fossiles et le chauffage au bois. […][10]
[Soulignements ajoutés]
[15] Bref, le juge considère que les appelants ne réussissent pas à démontrer un lien causal entre les activités des intimées et les préjudices et inconvénients anormaux qu’ils allèguent avoir subis.
[16] Son analyse aurait pu s’arrêter là, mais le juge se dit également d’avis que l’opinion des experts des intimées présente, de manière convaincante, la véritable situation sur le terrain. Il estime que le réseau de jauges installé par CAQ et supervisé par l’expert Allard durant toute une année (d’août 2017 à août 2018) pour recueillir des données de mesures de poussières, auquel s’ajoutent les photos déposées en preuve, mettent à mal la thèse des appelants.
[17] Concernant les résultats des données recueillies par l’expert Allard, le juge tire cette conclusion :
[122] Les résultats obtenus par les analyses minéralogiques et la mesure des dépôts de poussières sont percutants. La contribution moyenne des activités portuaires durant la période d’échantillonnage est inférieure à 2,8% pour les échantillons prélevés dans la Zone et à 1,7% pour ceux prélevés à l’extérieur de celle-ci.
[123] Il est aussi très révélateur que lorsque les activités portuaires sont à leur paroxysme en septembre et en novembre, les taux de retombées mesurés dans la Zone sont inférieurs à ceux notés en mars alors que les activités portuaires sont à leur minimum.
[124] De plus, entre avril et juillet, le tonnage augmente constamment pendant que le taux de retombées de poussières diminue tant dans la Zone qu’à l’extérieur de celle-ci.
[Renvois aux extraits pertinents de la preuve omis]
[18] En ce qui a trait à la preuve de l’expert en minéralogie Wilhelmy présentée par les intimées, le juge écrit :
[126] De tous les experts entendus dans la présente cause, il est le seul à posséder les compétences pour effectuer l’analyse minéralogique qui est au cœur du débat. D’ailleurs, personne n’a remis en question les analyses qu’il a effectuées.
[127] Sa démarche scientifique consiste à identifier et à quantifier les minéraux retrouvés dans la poussière recueillie dans la Zone.
[128] Pour ce faire, il utilise un microscope électronique à balayage de dernière génération très performant : le MLA. Cet appareil sert à identifier et à mesurer chaque grain pour établir sa source avec une marge d’erreur de 0,1%!
[129] D’ailleurs, monsieur Wilhelmy souligne que la minéralogie est la seule science qui permet de connaitre la provenance des minerais.
[130] Il constate que les minéraux naturels que l’on trouve en abondance à Québec ainsi que les abrasifs et les sels de déglaçage sont présents de façon constante dans tous les échantillons.
[131] Ses résultats montrent de façon éloquente que les principaux contributeurs aux poussières prélevées dans la Zone sont les abrasifs de même que le sel de déglaçage.
[132] En outre, monsieur Wilhelmy a également analysé des échantillons prélevés à leur résidence respective et apportés lors de leurs témoignages par deux membres : monsieur Marc Chouinard et monsieur Nicolas Bruneau.
[133] Le constat est le même : la très grande majorité des poussières ne provient pas des activités portuaires.
[134] Monsieur Wilhelmy fait aussi la démonstration que la composition annuelle moyenne des échantillons est pratiquement la même à l’extérieur qu’à l’intérieur de la Zone.
[135] Pour le Tribunal, l’expertise non contredite de monsieur Wilhelmy constitue la réponse la plus crédible à la principale question soulevée dans la présente cause, soit l’absence de contribution des activités portuaires aux nuisances invoquées par les demandeurs.
[Renvois aux extraits de la preuve pertinente omis]
[19] Quant à l’inquiétude des membres du groupe sur l’impact possible des poussières sur leur état de santé, le juge retient que les informations provenant de la Direction régionale de la santé publique (« DRSP ») concernant l’air ambiant dans la Zone étaient suffisantes pour dissiper chez le citoyen raisonnablement informé la crainte d’un risque sérieux d’atteinte à leur condition, compte tenu du faible taux de concentration de nickel observé[11].
[20] Finalement, le juge se dit d’avis que les représentants et employés des intimées ont fait preuve de compétence et n’ont pas été négligents dans l’exercice de leurs tâches dans le cadre des activités de CAQ. Il note aussi les initiatives de mitigation mises en place par les intimées depuis 2010 et précise que seulement trois incidents de poussières visibles provenant des installations du Port ont été répertoriés par les appelants sur une période de neuf ans[12]. Selon le juge, cette dernière statistique fait échec à la négligence reprochée aux intimées. Il souligne aussi qu’au cours des périodes de l’année où les piles de vrac sont recouvertes de neige ou de glace, aucune diminution de poussières dans la Zone n’a été constatée par les appelants[13].
[21] En somme, pour le juge, la pluralité de sources de poussières constatées sur le terrain et la très faible contribution des activités du Port à la présence de poussières globale dans la Zone ne permettent pas de dégager une preuve prépondérante selon laquelle les activités de CAQ sont la cause des préjudices et inconvénients anormaux allégués par les appelants.
[22] Aux fins de leur pourvoi, les appelants proposent un programme ambitieux, soit celui de réévaluer toute la preuve administrée de part et d’autre au cours d’un procès ayant totalisé 50 jours d’audition. Pour ce faire, ils invitent la Cour à revoir l’interrogatoire préalable de 45 personnes, l’audition en première instance de 60 témoins profanes et de 6 experts, ainsi qu’une volumineuse preuve documentaire et parfois scientifique ou autrement complexe, sur laquelle plus d’un a témoigné.
[23] Cette approche hors norme en appel tient notamment à la prétention selon laquelle le juge a ignoré « la quasi-totalité de la preuve »[14] et a fait montre « [d’]un biais cognitif provoqué par l’adoption d’un test de causalité erroné… »[15]. N’étant pas à court de reproches, les appelants y vont dans leur mémoire d’appel de cette autre remarque, dont la sévérité indue n’est d’aucune utilité à l’avancement de leur thèse :
L’adoption par le juge de la critique des experts des Intimées quant à l’utilité des données de qualité de l’air lui a permis de s’économiser le travail d’analyser les rapports d’expertise de Denis Dionne.[16]
[24] En somme, les appelants demandent à la Cour de se pencher à nouveau sur l’ensemble de la preuve présentée en première instance, dans l’espoir de découvrir le chaînon manquant entre la faute qu’ils reprochent aux intimées et le préjudice subi ou encore pour reconnaître les inconvénients anormaux qu’ils ont vécus en lien avec les activités du Port, selon qu’on examine l’affaire sous l’angle du régime de responsabilité civile général ou celui du régime de responsabilité sans faute de l’article
[25] Dans la poursuite de cet objectif, les appelants reprennent l’ensemble des grands thèmes qu’ils ont plaidés en première instance au soutien du lien causal, incluant ceux défendus par l’un ou l’autre de leurs experts, en l’occurrence :
- le témoignage des membres sur les événements de poussières constatés et, dans certains cas, sur la comparaison avec les quantités de poussières observées sur leurs lieux de résidence urbains antérieurs;
- les caractéristiques des événements de poussières;
- les données de l’Inventaire national des rejets de polluants (« INRP »);
- les mesures de mitigation mises en place par les intimées;
- la modélisation de la dispersion des poussières dans la Zone;
- les données relatives à la qualité de l’air recueillies au moyen des stations de mesure du MELCC;
- la signature chimique des vracs; et,
- l’analyse quantitative du contenu des jauges et la théorie inexacte avancée par les intimées selon laquelle les abrasifs sont à l’origine des poussières dites anormales dans la Zone.
[26] À l’évidence, ces prétentions relèvent du domaine des faits et, comme la Cour le soulignera plus loin, leur analyse est assujettie à la norme exigeante de l’erreur manifeste et déterminante. Sur cette question, et contrairement à la prétention des appelants, il convient dès maintenant de préciser que la concision des motifs du juge n’emporte pas la présomption d’une erreur de cette nature.
[27] L’attaque des appelants contre le jugement entrepris ne s’arrête pas là. Ils allèguent aussi différentes erreurs de droit commises par le juge ainsi résumées :
- le juge a mal appliqué la théorie de la causalité adéquate;
- en raison du régime de responsabilité sans faute, le juge devait retenir la responsabilité in solidum des intimées avec les autres contributeurs aux inconvénients dénoncés;
- le juge aurait dû retenir qu’une violation répétée de la loi équivaut généralement à une faute;
- il a aussi erré en concluant que les demandes d’injonction étaient sans objet;
- le juge aurait dû appliquer une présomption de causalité découlant de la violation des normes par les intimées; et,
- les appelants étaient justifiés d’être indemnisés pour leur inquiétude sur leur santé.
[28] Essentiellement, les appelants soutiennent que les retombées de poussières vécues par les membres du groupe sont devenues hors normes en raison de la « contribution significative » des intimées à ces émissions. Un « excédent » de poussières aurait été ainsi causé par leur gestion fautive des différentes matières en vrac entreposées sur les terrains du Port.
[29] Puisque les appelants parlent « d’excédent » ou encore « d’une accumulation anormale », ils reconnaissent donc l’existence de différents agents contributeurs de poussières dans la Zone sans toutefois distinguer l’apport de chacun. Ils considèrent tout de même que seules les poussières générées par les activités de CAQ sont une source de préjudice en raison de leur caractère excédentaire. Ils n’ont toutefois pas poursuivi d’autres agents contributeurs ni tenté de prouver leur responsabilité.
[30] Les appelants ajoutent que le juge a commis une erreur révisable au moment d’écarter leur seconde cause d’action basée sur le régime de responsabilité sans faute. Encore ici, le caractère anormal des inconvénients résulterait des poussières générées seulement par les activités du Port, car excédentaires par rapport aux poussières déjà produites dans la Zone par l’activité humaine ou par des phénomènes naturels.
[31] Ces thèses soulèvent la même question énigmatique : à partir de quelle quantité de poussières – normale – provenant de différents agents contributeurs non identifiés par les appelants, celles émises par les intimées deviennent-elles « excédentaires »? Autrement dit, comment déterminer que ce sont les poussières générées par les activités de CAQ qui constitue l’excédent par rapport à l’agrégat des poussières émises par d’autres sources lors des épisodes survenus durant la période visée par l’action collective?
[32] Au regard de ce qui précède, la principale question soulevée par ce pourvoi consiste à déterminer si le juge a commis une erreur révisable en concluant que les appelants ont échoué à présenter une preuve prépondérante établissant un lien de causalité suffisant entre la faute alléguée et le préjudice invoqué en première instance, ou entre les activités de CAQ et les inconvénients qualifiés d’anormaux par les appelants.
[33] Avant de commencer l’analyse proprement dite, il y a lieu de souligner que, tout juste avant l’audition du pourvoi, les intimées ont demandé à la Cour de rayer du mémoire des appelants les références à des pièces dont la production n’avait pas été autorisée en première instance ou autrement exclues du dossier par un jugement de la Cour supérieure devenu définitif. Une partie de cette requête a déjà été tranchée par un arrêt de la Cour rendu avant l’audition[17]. L’autre aspect de cette requête devient sans objet au regard des conclusions de la Cour sur le sort réservé à ce pourvoi.
[34] Le juge a retenu que les retombées de poussières dans la Zone étaient globalement importantes et qu’elles causaient des inconvénients sérieux à ses résidents[18]. Toutefois, son analyse de la preuve l’a conduit à conclure que les appelants ne s’étaient pas déchargés de leur fardeau de démontrer que les activités de CAQ avaient contribué à ce problème de manière significative. Comme il a été mentionné plus avant, le juge, s’appuyant surtout sur les expertises produites par les intimées, a constaté que les sources des retombées étaient multiples, que la contribution des activités de CAQ était négligeable comparée à l’apport global des autres sources et que les poussières dont se plaignent les appelants provenaient surtout de la dispersion dans l’air de particules générées notamment par les opérations de nettoyage du réseau routier au printemps et les abrasifs utilisés dans la région durant la période hivernale.
[35] Les appelants soutiennent que le juge s’est foncièrement mépris dans son analyse de la contribution des activités de CAQ aux émissions de poussières grises dans la Zone. Ils ajoutent que le juge aurait dû retenir leur prétention selon laquelle cette contribution était d’une importance telle que les intimées auraient dû être tenues responsables pour l’ensemble du préjudice subi par les résidents de la Zone en raison des poussières qui s’y accumulent. Selon la théorie à certains égards sibylline des appelants, le juge aurait ainsi erronément concentré son analyse sur la question de la proportion de la contribution des activités de CAQ par rapport à la quantité globale de poussières accumulées dans la Zone. Lors de l’audience d’appel, les appelants ont résumé cette proposition de la façon suivante :
[…] la question qu’il fallait se poser n’était pas « quelle est la proportion du tout », mais « qui est la source de l’excès » par rapport à ce qu’il est la norme en ville d’avoir.
[…]
Et pour nous, le test en droit qui n’a pas été appliqué par le juge, était celui-là. C’est-à-dire, il n’a pas cherché la cause de l’excès, il a cherché la proportion dans la totalité qui provenait du Port.
[36] Pour leur part, les intimées demandent à la Cour de ne pas succomber à l’invitation des appelants à refaire le procès et, quoi qu’il en soit, la contribution des activités de CAQ au problème de poussières grises est une question de fait. Or, les conclusions du juge sous ce rapport sont dans leur ensemble exemptes d’erreurs manifestes et déterminantes.
[37] La question de la contribution des activités de CAQ aux retombées de poussières dans la Zone est une question de causalité et, partant, une question de fait[19]. Il s’ensuit que la norme d’intervention applicable en appel est celle de l’erreur manifeste et déterminante. Compte tenu de la nature du litige et des moyens soulevés par les appelants, il vaut de s’arrêter brièvement aux tenants et aboutissants de cette norme.
[38] Il convient, dans un premier temps, de rappeler ce que la Cour suprême écrivait en 2020 sur le sens de ces deux qualificatifs — « manifeste » et « déterminante » :
En l’absence d’une erreur manifeste et déterminante, une cour d’appel doit se garder de modifier les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit tirées par le juge de première instance : Housen c. Nikolaisen,
[39] Lorsque la Cour suprême souligne qu’une erreur manifeste doit pouvoir être identifiée sans qu’il soit nécessaire de réexaminer toute la preuve pour la découvrir, elle évoque un aspect crucial de la mission d’une cour d’appel intermédiaire, soit qu’il ne lui revient pas de refaire le procès — c’est-à-dire de « réévaluer presque l’entièreté de la preuve afin d’en tirer des conclusions factuelles différentes de celles du juge [de première instance] »[21] — mais, plutôt de « s’assurer que la preuve permet de raisonnablement soutenir la conclusion du juge de première instance, bien que d’autres conclusions aient pu en être tirées »[22]. La Cour doit souvent rappeler à l’ordre les parties appelantes qui font fi de cette contrainte fondamentale[23].
[40] Ensuite, il est bien établi que la posture de retenue s’imposant aux cours d’appel à l’égard des questions de fait revêt une importance accrue dans les affaires ayant donné lieu à une instruction au fond de longue durée et durant laquelle a été administrée une preuve à la fois volumineuse et complexe. Comme la Cour le soulignait en 1995 :
L’obligation de réserve à l’égard de l’appréciation générale de la preuve prend une importance critique à l’égard des procès complexes et de longue durée. Même en effectuant un travail exhaustif, un juge de première instance ne saurait analyser chaque détail de la preuve, rendre compte précisément de tous les aspects de cette analyse et justifier toutes les raisons qui expliqueraient éventuellement ses conclusions d’ensemble sur la qualité, le poids et les effets de la preuve […].[24]
[41] L’importance pour une cour d’appel de faire montre de réserve dans les affaires complexes a également été réitérée à quelques reprises par la Cour suprême, notamment dans son arrêt Benhaim c. St‑Germain [25].
[42] Le présent dossier fait incontestablement partie de ces affaires factuellement complexes dans lesquelles la retenue est particulièrement de mise en appel. L’instruction au fond a duré une cinquantaine de jours. Les appelants se sont appuyés sur les témoignages de plus d’une centaine de résidents de la Zone. Les nombreuses pièces qui ont été produites comportent plusieurs milliers de pages et le dossier d’appel en totalise près de 50 000.
[43] Rappelons, par ailleurs, que le même devoir de retenue s’impose à la Cour lorsque le débat en appel porte sur l’évaluation par le juge de première instance des expertises produites par les parties, surtout lorsqu’elles sont contradictoires, comme c’est le cas en l’espèce[26]. Comme le rappelait récemment la Cour, le juge de première instance est « libre de croire un expert plutôt qu’un autre, car lui seul peut revendiquer le privilège de les avoir vus et entendus et lui seul peut leur attribuer la crédibilité qui s’impose »[27]. La Cour marquait aussi le pas à ce sujet dans l’arrêt Garcia Lorenzo :
[8] La norme d’intervention en appel est aussi connue qu’exigeante et l’on ne compte plus les arrêts qui l’énoncent: … Une déférence particulière est due aux conclusions factuelles que le juge du procès tire d’une preuve contradictoire et à l’appréciation qu’il fait de la crédibilité des témoins (profanes et experts), puisqu’il est celui qui les entend et les voit, avantage que n’a pas une cour d’appel …L’appel, en ce sens, n’est pas un second procès. Inutile de dire, enfin, que c’est la partie appelante qui porte le lourd fardeau de la démonstration d’une erreur révisable.[28]
[Soulignements ajoutés; renvois omis]
[44] Au vu des observations des appelants — tant celles exposées dans leur mémoire que celles présentées lors de l’audience —, force est de constater que les intimées ont raison de leur reprocher cette invitation sans retenue faite à la Cour de refaire le procès. Pour reprendre les propos de notre collègue le juge Mainville, « [p]lutôt que de cibler [leurs] moyens d’appel, comme il se doit, [les] appelant[s] tire[nt] dans toutes les directions dans l’espoir qu’un de ces tirs atteigne la cible »[29]. L’exercice auquel la Cour est conviée est résolument incompatible avec son rôle ainsi que la nature du processus d’appel. La difficulté est d’autant plus accentuée que la position des appelants sur la causalité entre les activités de CAQ et le problème de poussières auquel sont confrontés les résidents de la Zone a évolué de manière significative tout au long des procédures[30].
[45] De toute façon, et comme la Cour s’emploiera à le démontrer dans les paragraphes suivants, aucun des arguments mis de l’avant par les appelants ne cible une ou plusieurs erreurs révisables entachant de façon déterminante les conclusions du juge sur la causalité, lesquelles trouvent amplement appui dans la preuve.
[46] Il y a lieu d’examiner dans un premier temps la conclusion du juge de ne pas retenir les constats et opinions de l’ingénieur Dionne et du spécialiste en chimie analytique de l’environnement Saint-Louis, en l’occurrence les deux experts des appelants.
[47] Cette conclusion du juge revêt une importance de premier plan dans son raisonnement pour deux raisons. D’abord, le fardeau de la preuve reposait sur les appelants et il revenait à ces derniers de prouver que la contribution des activités de CAQ était importante au point d’engager la responsabilité des intimées pour l’ensemble du préjudice et des inconvénients anormaux subis par les résidents de la Zone en raison des poussières qui s’y accumulent[31]. Ensuite — et comme l’a noté le juge à juste titre — , la position des appelants sur la causalité s’appuyait en très grande partie sur les constats et l’opinion de leurs experts[32]. Ainsi, la décision d’écarter ces expertises en raison de leur manque de force probante a eu un impact déterminant sur le sort de l’affaire.
[48] L’opinion de l’expert Dionne repose fondamentalement sur l’exercice de modélisation qu’il a effectué pour analyser la dispersion des sources probables de poussières, dont près de la moitié découlait selon lui des activités de CAQ. Il est arrivé à la conclusion que ces activités constituaient la source dominante de contaminants dans la Zone et, partant, qu’elles étaient la principale source des poussières qui y sont retombées entre 2010 et 2015.
[49] Le juge a écarté cette opinion après avoir souligné qu’elle était entachée de plusieurs lacunes d’ordre méthodologique et qu’elle manquait d’objectivité. Les éléments au dossier étayent amplement ces déterminations.
[50] D’abord — et comme Dionne l’a lui-même reconnu lors de l’instruction —, l’exercice de modélisation auquel il s’est livré est entièrement théorique. Pour ce faire, Dionne a eu recours à des outils mathématiques complexes pour prédire la dispersion atmosphérique d’une substance donnée sans prendre en considération les caractéristiques des échantillons de poussières recueillis dans la Zone au fil des ans. Dionne a d’ailleurs admis lors de son contre-interrogatoire qu’il était lui-même incapable de déterminer la provenance des divers métaux observés dans ces échantillons. Il a également reconnu que l’analyse par modélisation ne pouvait garantir des résultats conformes à la réalité, qu’elle ne pouvait en aucun cas se substituer à l’analyse particularisée des poussières effectivement retombées dans la Zone, qu’elle était limitée comme méthode de représentation de phénomènes complexes et que les résultats obtenus devaient être considérés avec beaucoup de prudence. Voilà qui en dit long sur la force persuasive de cette expertise.
[51] De plus, en réponse aux questions des intimées, Dionne a dû admettre qu’il avait fait des hypothèses arbitraires en déterminant la quantité de poussières émise par chacune des 66 sources probables de poussières considérées dans son analyse et qu’il n’avait pas tenu compte dans ses calculs de l’effet cumulatif de toutes ces sources. Cette dernière lacune est d’autant plus criante que l’autre expert des appelants
(Saint-Louis) a confirmé lors de son contre-interrogatoire la nécessité de prendre en considération cet effet cumulatif.
[52] En présence de telles carences, il va sans dire que le juge pouvait raisonnablement prendre ses distances avec l’opinion de Dionne compte tenu de son absence de force probante.
[53] Qu’en est-il maintenant de sa décision d’écarter l’opinion de l’expert Saint-Louis?
[54] Ce dernier fut mandaté par les appelants pour analyser la composition des poussières recueillies dans la Zone et vérifier si un lien pouvait être établi entre celles-ci et les substances manutentionnées par CAQ. Ses analyses l’ont conduit à affirmer que la contribution de ces substances aux retombées de poussières était importante et qu’elle pouvait même être de l’ordre de 55 % dans certaines circonstances.
[55] Le juge a écarté cette conclusion au motif qu’elle n’avait aucune force probante et, ce faisant, il n’a de toute évidence commis aucune erreur manifeste et déterminante.
[56] D’abord, la preuve a permis d’établir que les analyses de Saint-Louis sont basées sur des échantillons prélevés de manière artisanale, lors de seulement 7 journées alors que la période visée par l’action collective en compte environ 3 300. Les intimées ont raison de questionner comment, à partir de données aussi limitées, Saint-Louis a pu tirer quelque conclusion probante que ce soit concernant la composition des retombées de poussières sur une période de près de 10 ans.
[57] De plus, Saint-Louis a confirmé lors de l’audition en première instance qu’en raison de son manque d’expertise en matière d’échantillonnage de poussières et d’analyse de substances comme celles manutentionnées par CAQ, il a dû déléguer à un tiers une phase cruciale de ses travaux consistant en l’analyse de particules à l’aide d’un microscope électronique à balayage. Or, ce tiers n’a pas été appelé à la barre, de sorte que la preuve ne révèle pas comment cette personne s’est acquittée de sa mission alors que Saint-Louis lui-même n’a pas été en mesure d’expliquer le fonctionnement de l’appareil en question.
[58] Autre élément très pertinent, l’un des experts des intimées considéré particulièrement crédible par le juge, en l’occurrence l’expert Wilhelmy, a expliqué que la méthode préconisée par Saint-Louis — laquelle consistait en l’analyse d’à peine 0,01 % des échantillons recueillis — était boiteuse au point où sa marge d’erreur était d’environ 50 %. Wilhelmy a ajouté que cette lacune faisait en sorte que l’expertise de Saint-Louis avait « une valeur scientifique nulle »[33].
[59] En somme, la décision du juge d’écarter l’opinion de Saint-Louis trouve elle aussi solidement appui dans la preuve et rien ne justifie l’intervention de la Cour.
[60] Bien que ses conclusions quant à l’absence de force probante des opinions des experts des appelants eussent suffi pour rejeter la thèse de ces derniers sur le lien causal entre les activités de CAQ et le problème d’accumulation dite anormale de poussières dans la Zone, le juge s’est néanmoins penché sur la preuve d’experts administrée par les intimées au soutien de leur argument selon lequel la contribution de ces activités à l’apport global de poussières pour ce secteur était pratiquement nulle.
[61] Cette preuve découle des travaux d’un groupe d’experts dont deux ont témoigné lors de l’instruction au fond : Allard, un ingénieur spécialisé en qualité de l’air, et Wilhelmy, un géologue spécialisé en minéralogie. Ces travaux ont notamment consisté en l’installation d’un réseau de jauges dans la Zone et sa périphérie, ce qui a permis de procéder à l’échantillonnage de retombées de poussières sur une période d’un an, soit d’août 2017 à août 2018. Les échantillons ainsi recueillis ont ensuite fait l’objet d’analyses destinées à en préciser la composition minéralogique, analyses qui, il est opportun de le souligner, ont été jugées fiables par Saint-Louis, un des experts des appelants. Ces analyses ont jeté les bases de celle visant à déterminer l’origine des poussières ainsi échantillonnées. Dans le cadre de ses travaux, le groupe d’experts a tiré plusieurs conclusions, dont les suivantes :
[62] En définitive, les experts ont conclu que la contribution des activités de CAQ au problème de poussières dans la Zone était minime, soit tout au plus de l’ordre d’une « surestimation » d’environ 2,8 %[34], et que les retombées de poussières étaient principalement dues aux abrasifs utilisés durant la période hivernale.
[63] Le juge a accordé une grande force probante aux travaux des experts des intimées. Il a qualifié leurs analyses d’éloquentes et leurs conclusions de percutantes. Bref, à ses yeux, les intimées, qui n’avaient pourtant aucun fardeau à satisfaire sur la question de la causalité, ont démontré selon la prépondérance de la probabilité que les activités de CAQ avaient eu une contribution négligeable au problème de poussières dans la Zone et qu’il n’y avait donc pas lieu de conclure à l’existence d’un lien causal entre les deux.
[64] Ces constats, qui reposent sur l’appréciation par le juge de la crédibilité et de la fiabilité de la preuve d’experts administrée par les parties, méritent un haut degré de déférence et ne peuvent être écartés en l’absence d’une erreur manifeste et déterminante.
[65] Par ailleurs, les reproches des appelants concernant les travaux ou les constats des experts, notamment au niveau de la catégorisation par Wilhelmy des minéraux provenant des substances manutentionnées par CAQ, ne trouvent appui dans aucune expertise au dossier et n’ont permis de mettre en lumière aucune erreur de cette nature. Bien qu’il ne les reprenne pas dans le jugement entrepris, le juge a manifestement donné foi aux explications de Wilhelmy compte tenu de l’appréciation globalement favorable accordée à son opinion.
[66] Les appelants ont témoigné, comme d’ailleurs plusieurs membres du groupe. La Cour note les constats élogieux du juge à l’égard de ces témoins :
[4] Véronique Lalande (VL) et Louis Duchesne (LD) représentent les membres du groupe en vertu du jugement autorisant l’exercice de la présente action collective. Ils ont habité dans le secteur visé jusqu’au 1er septembre 2016.
[5] Il aurait été difficile de choisir de meilleurs candidats pour ce rôle. Ils sont les véritables initiateurs de la démarche citoyenne qu’ils ont littéralement portée sur leurs épaules durant près d’une décennie.
[6] Manifestement, cette cause leur tient à cœur et ils n’ont pas ménagé temps et efforts pour faire valoir leurs points de vue. Au-delà de toutes leurs implications en marge du procès, madame Lalande a été présente lors de vingt-deux journées d’audience et monsieur Duchesne à quarante-sept occasions.
[7] Il s’agit de deux personnes très bien articulées et pugnaces dont le dévouement mérite certainement la reconnaissance des membres.
[Renvois omis]
[67] En appel, il ne s’agit donc pas de remettre en question les conclusions du juge à propos de la sincérité et de la crédibilité des membres qui ont témoigné au préalable ou lors de l’audition en première instance relativement à la problématique de poussières qu’ils disent avoir constatée dans la Zone[35].
[68] Cela étant, le juge n’a commis aucune erreur révisable en concluant que ces témoignages ne permettaient pas d’établir la provenance des retombées de poussières, qualifiées par ces témoins « [d’]importante[s], significative[s], excessive[s], abondante[s], ou anormale[s] », et ce, selon les personnes entendues :
[70] Au-delà d’une centaine de membres ont eu l’occasion de témoigner, soit au préalable, soit au procès.
[71] Leur description des dépôts de poussière sur leurs biens (balcons, bordures de fenêtres, mobilier de patio, automobiles, jardins, etc.) est plutôt hétéroclite en regard de la couleur et de la consistance de ce qu’ils ont observé.
[72] Ainsi, selon certains la poussière est noire, gris-foncé ou « charcoal ». Pour d’autres elle est gris-pâle, gris-jaune, gris-rouge, orange tirant sur le noir ou encore brunâtre.
[73] Sa consistance est aussi variée que : collante, très fine, sablonneuse, abrasive, argileuse, granuleuse, farineuse, poudreuse, épaisse, lourde, volatile, grasse, métallique, semblable à du bran de scie, semblable à du plâtre, tachante, etc.
[74] Relativement à la quantité de poussière déposées, on la présente comme : importante, significative, excessive, abondante, ou anormale. Quant à la fréquence, celle-ci est évaluée comme étant régulière, constante, quotidienne, récurrente, etc.
[75] Les membres ont également abondamment décrit les conséquences de ces dépôts de poussière, plus particulièrement quant aux nettoyages anormalement fréquents que tout cela leur impose.
[76] Aux yeux du Tribunal, ces témoins paraissent sincères et crédibles. À n’en point douter, cette poussière leur cause des inconvénients sérieux.
[77] Toutefois, leurs témoignages ne fournissent aucune information utile quant à la provenance de toute cette poussière. Aucun témoin n’est en mesure de pointer les défenderesses comme étant la source de leur problème.
[69] À l’examen du dossier d’appel tel que constitué, force est de constater que ces conclusions trouvent elles aussi largement appui dans la preuve.
[70] Cela est d’autant plus vrai qu’aucun des membres du groupe n’a prétendu avoir une connaissance personnelle de la composition minéralogique des poussières, un élément pourtant important aux fins de déterminer leur provenance selon l’opinion de tous les experts entendus. Ainsi, les affirmations arrêtées de certains des membres concernant la provenance des émissions de poussières problématiques ou excédentaires ou anormales ne sont fondées que sur leur opinion subjective. Or, des affirmations de cette nature provenant de témoins de fait sont généralement irrecevables en preuve[36] et, de toute façon, largement tributaires du choix du juge de les accepter en entier, en partie ou de les rejeter entièrement :
[14] La règle générale moderne selon laquelle toute preuve pertinente est admissible est assortie de nombreuses exceptions. L’une d’elles a trait au témoignage d’opinion, lequel fait l’objet d’une règle d’exclusion complexe. La déposition des témoins doit relater les faits qu’ils ont perçus, et non présenter les inférences, ou opinions, qu’ils en tirent. Comme l’a dit il y a longtemps un éminent spécialiste de la preuve, [traduction] « c’est au jury de se faire une opinion et de tirer des inférences et des conclusions, pas au témoin » (…). Même si plusieurs raisons ont été avancées pour expliquer cette règle d’exclusion, la plus convaincante est probablement celle selon laquelle ces inférences toutes faites ne sont pas utiles au juge des faits et peuvent même l’induire en erreur (…).[37]
[Renvois omis]
[71] Cela dit avec égards, tout le débat entourant l’appréciation par le juge de la preuve profane ne permet pas aux appelants de faire progresser leur thèse sur le plan de la causalité.
[72] Les appelants ont avancé que, malgré le rejet de leurs expertises, divers faits circonstanciels mis en preuve lors de l’instruction au fond permettaient au juge d’établir l’existence de présomptions graves, précises et concordantes[38] de nature à faire pencher la prépondérance des probabilités en leur faveur sur la question de la causalité.
[73] Comme écrit précédemment, la conclusion de la Cour selon laquelle le juge n’a commis aucune erreur révisable en rejetant les expertises des appelants en raison de leur absence de force probante et en retenant plutôt celles des intimées suffit pour sceller le sort de cet argument. Cela étant, compte tenu de l’importance que les appelants ont accordée lors de l’audience d’appel à leur argument basé sur les présomptions de fait, il convient tout de même d’y répondre.
[74] La proposition des appelants consiste à soutenir l’idée selon laquelle le juge aurait dû conclure à l’existence de présomptions de fait graves, précises et concordantes démontrant, selon la prépondérance des probabilités, que l’excès de poussières, au-delà de la quantité de poussières déjà observable dans la Zone en provenance d’autres sources, était causé par les activités de CAQ. Autrement dit, cet excès de poussières aurait « contribu[é] significativement » à hausser le taux global de poussières - normal - déjà observable dans la Zone à un niveau supérieur « excédentaire » et inacceptable, causant par le fait même des préjudices et des inconvénients anormaux aux membres du groupe.
[75] Lors de l’appel, les appelants ont précisé que les présomptions de fait invoquées reposent sur les éléments suivants :
- les témoignages des membres;
- la direction et la force des vents;
- la déclaration des autorités de CAQ pour l’INRP et l’épisode de la poussière rouge en 2012;
- la pièce P-97, dans laquelle les intimées admettent que, par vent d’est et ses variants, le nickel se retrouve dans l’air de la Zone;
- en juillet 2012, l’indemnisation par les intimées des citoyens de Lévis affectés par les activités de CAQ avant que ne survienne l’événement de la poussière rouge d’octobre 2012; et
- ces autres éléments de preuve : les analyses et notamment la modélisation réalisée par Dionne, les données de qualité de l’air provenant des intimées et du MELCC, les données du réseau de jauges installées par les intimées dans la Zone et les signatures chimiques identifiées par Saint-Louis;
- les données obtenues au moyen des jauges installées par les intimées;
- les résultats des analyses faites par Dionne analogues aux données de qualité de l’air dans la zone, telles que colligées par les intimées et le MELCC;
- la démonstration de Dionne au moyen de la modélisation;
- les signatures chimiques identifiées par Saint-Louis.
[76] L’analyse de ce moyen de preuve indirecte nécessite de vérifier si les faits « connus », ou indiciels, invoqués par les appelants au soutien des présomptions dont ils se réclament ont été prouvés. Il s’agit aussi de déterminer si ces faits permettent de conclure, par une « induction puissante »[39], que le fait inconnu est démontré, ou encore s’il est possible d'en tirer des conséquences différentes ou même contraires. Enfin, il importe de retenir que les faits prouvés desquels il peut être possible de faire naître une présomption ne se comptent ni ne s’additionnent; ils se pondèrent et se soupèsent.
[77] Cela étant, qu’en est-il en l’espèce?
i) La provenance de l’excès de poussières
[78] Les appelants identifient les activités de CAQ comme responsables des émissions excédentaires même si, à elle seule, cette entreprise ne génère toutefois pas une quantité anormale ou autrement hors normes de poussières.
[79] Aucun des membres entendus n’a été en mesure de confirmer que, durant la période visée par l’action collective, les émissions de poussières excédentaires problématiques provenaient des activités de CAQ. Cela n’a toutefois pas empêché les appelants de soutenir que ces mêmes témoignages considérés globalement établissent un fait indiciel permettant d’inférer cette provenance des poussières dites excédentaires.
[80] Or, malgré la sincérité de ces témoignages, leur force probante n’est que bien relative, comme le fait voir leur portée véritable :
- ces témoins ne détiennent aucune expertise aux fins d’établir la provenance ou l’origine des phénomènes de poussières observés de temps à autre dans la Zone;
- ils ne jouissent d’aucune information scientifique sur l’origine ou la provenance de ces prétendus excédents de poussières[40];
- ils ont principalement formé leur opinion sur des informations provenant des médias ou encore obtenues grâce à Internet, des sources qu’ils n’ont par ailleurs pu identifier lors du procès[41];
- ils n’ont pas été en mesure de déterminer la provenance des poussières en général, certains l’attribuant à des travaux de construction ou de voirie dans le quartier[42], d’autres à des travaux de nettoyage de la chaussée au printemps[43] ou à des activités industrielles dans le secteur[44], autres que celles du Port, ou encore sur la base de leur opinion dite « logique[45] »;
- certains témoins se sont limités à des affirmations vagues comme celle selon laquelle les poussières « vien[nent] de partout[46] » ou proviennent « en direction du fleuve[47] »; et finalement
- d’autres ont formé leur opinion à partir d’une corrélation directe entre la provenance de la poussière rouge en 2012 et celle des poussières dites excédentaires en litige[48].
[81] Il vaut aussi d’ajouter que, lors de son contre-interrogatoire du 19 septembre 2019, Dionne a confirmé qu’aucun des témoignages des membres n’a été utile pour appuyer ses travaux de modélisation visant à déterminer la provenance des poussières litigieuses.
[82] Compte tenu de ce qui précède, et même si le juge ne s’est pas arrêté longuement sur cette question, on ne peut globalement retenir le témoignage des membres comme étant un fait indiciel probant pouvant supporter les présomptions de fait invoquées par les appelants.
[83] D’une part, la preuve a établi que le corridor des vents dominants durant la période visée par l’action collective se situe dans l’axe est-nord-est/ouest-sud-ouest[49], ce que les intimées ne contestent pas. D’autre part, des membres ont témoigné que les accumulations de poussières sont plus importantes lors de journées de grands vents.
[84] Cela étant, les appelants invoquent cette preuve à titre d’indice qui, en raison de la localisation des installations du Port, permettrait d’inférer que les poussières dites excessives observées dans la Zone proviennent des matériaux en vrac entreposés à l’air libre par CAQ ou qui l’ont été de façon négligente et, plus généralement, que ces poussières seraient la conséquence de ces activités.
[85] Il importe toutefois de préciser que seulement 14 des 60 témoins entendus lors de l’instruction et un seul de ceux interrogés au préalable ont lié les épisodes de poussières à la direction des vents. De plus, le témoignage de l’expert Allard, ingénieur et directeur acoustique, qualité de l’air et changements climatiques chez SNC-Lavalin (incluant les études de dispersion atmosphérique des contaminants), a permis d’établir que, plus de 75 % du temps, les vents dans la région soufflent de la Zone vers le fleuve St-Laurent, et non l’inverse. Quant aux données de vitesse des vents, le même expert a témoigné qu’ils sont calmes 3,6 % du temps, qu’ils soufflent de 0 km/h à 5 km/h environ 3 % du temps, et que ce même pourcentage est observé pour les vents de plus de 3 km/h et moins de 15 km/h.
[86] Lorsque les vents plus forts soufflent en provenance du fleuve — vents nordet — cet expert a confirmé qu’ils ont pour effet de diluer la quantité de contaminants dans l’air pouvant franchir une distance donnée plutôt que de les concentrer.
[87] À ce qui précède s’ajoute le témoignage non contredit de Mme Thomassin, directrice de l’environnement de CAQ, selon lequel sur une période de 9 ans, seulement 20 événements de dispersion de particules de poussières ont été répertoriés dont l’origine pouvait provenir des activités de CAQ, dont 3 uniquement en direction de la Zone.
[88] Ces éléments de preuve justifient à eux seuls de ne pas retenir la direction et la force des vents comme facteur indiciel au soutien des présomptions de fait invoquées par les appelants.
[89] Selon les appelants, la déclaration de CAQ faite en 2015 à Environnement et Changements climatiques Canada (« ECCC »), aux fins de l’INRP[50], a démontré qu’en date du 23 octobre 2019, elle était la principale émettrice de particules en suspension dans la région de Québec. Les appelants considèrent cette preuve comme étant constitutive d’un fait indiciel permettant d’inférer, avec les autres faits indiciels invoqués, que les activités de CAQ sont la source des épisodes de poussières excédentaires observés dans la Zone.
[90] Cet argument ne peut avoir la portée que lui accordent les appelants.
[91] Il n’est pas contesté que les données contenues dans l’INRP consistent en des estimations théoriques de taux potentiels de dispersion de particules, et non en des taux réels. Ces taux sont estimés uniquement à partir des informations obtenues de certains émetteurs industriels assujettis et ne tiennent pas compte de la contribution d’autres émetteurs à la dispersion totale de particules en suspension.
[92] Autre fait à noter, alors que les experts des intimées ont conclu que les poussières observées dans la Zone proviennent principalement de la dispersion des abrasifs et des sels de déglaçage utilisés sur le réseau routier l’avoisinant, la Ville de Québec et le ministère des Transports ne sont pas eux-mêmes des émetteurs assujettis à l’INRP. Les experts des intimées confirment ce fait dans leur rapport D-1 et aussi que d’autres entreprises commerciales ou industrielles du secteur Limoilou contribuent aux émissions de poussières dans la Zone, dont certaines n’ont pas à faire de déclaration à l’INRP. C’est notamment le cas des entreprises de construction, de fabrication de meubles, de réparation d’automobiles et de soudure[51].
[93] Les appelants n’ont d’ailleurs fait entendre aucun représentant de ECCC qui aurait permis de comprendre en quoi les déclarations de CAQ faites à l’INRP permettent de conclure que les poussières dites excédentaires observées de temps à autre dans la Zone proviennent en toute probabilité de ses activités.
[94] De plus, lors de son contre-interrogatoire portant sur le tableau 4-11 contenu dans son rapport DD-2, Dionne a confirmé que 80 % des particules prélevées à la station de mesure du Vieux Limoilou proviennent de sources autres que les activités de CAQ.
[95] Bref, la déclaration de CAQ à l’INRP ne constitue pas un fait circonstanciel suffisamment probant.
[96] Selon les appelants, l’épisode de la poussière rouge de 2012 permet l’induction puissante selon laquelle chaque jour d’émission de poussières globales hors normes ou anormale observée dans la Zone provient des activités de CAQ.
[97] Cette proposition ne saurait être retenue. L’absence de preuve comparant l’identité de la masse et du modèle de dispersion des particules constituant les émissions de poussières en 2012 avec la période en litige fait échec à une comparaison probante.
[98] La pièce P-97 consiste en des échanges de courriels survenus en juin 2015 entre madame Laurence Nadeau, conseillère en environnement chez CAQ, et messieurs Jean Gaudreau et Gaston Déry, respectivement directeur des affaires juridiques et vice-président, développement durable pour la même entreprise. Ces échanges concernent une analyse d’impact sur la qualité de l’air effectuée à l’occasion des opérations de déchargement/transbordement de la cargaison de nickel du navire l’Imiak survenues entre le 28 avril et le 5 mai précédents. Ces courriels abordent notamment la question de la provenance des vents durant les opérations en cause.
[99] Selon l’analyse discutée dans ces courriels, les vents provenant de l’est ne sont généralement pas favorables aux opérations de déchargement et de transbordement de vrac à cale ouverte ou sans protection.
[100] Les appelants voient dans ces courriels un aveu de CAQ sur sa contribution aux poussières en litige constatées dans la Zone qui proviendraient de ses activités de transbordement à ciel ouvert.
[101] De l’avis de la Cour, cet échange de courriels établit uniquement que les autorités de CAQ savaient, en juin 2015, que les vents d’est ou du nord-est étaient moins favorables aux opérations de transbordement à ciel ouvert. Toutefois, rien dans ces échanges de courriels ne réfère à l’incidence de la vitesse des vents et aucune information révélée par cette preuve ne contredit l’opinion de l’expert Allard selon laquelle les vents forts de l’est ont pour effet de diluer la quantité de contaminants dans l’air pouvant franchir une distance donnée jusqu’à un endroit en particulier.
[102] L’indemnisation des citoyens de Lévis invoquée par les appelants à titre de fait indiciel ne convainc pas. Cette indemnisation ne permet pas d’inférer que les poussières dites excédentaires invoquées par les appelants proviennent de la même source de pollution. De plus, cette indemnisation a été consentie sans admission de responsabilité et sans préjudice.
[103] Par cet argument, les appelants tentent de réhabiliter la faible force probante accordée par le juge aux travaux de leurs experts. Ils y voient cette fois non pas des éléments de preuve directe sur la provenance et la source des quantités excédentaires de poussières en litige, mais plutôt des faits indiciels convergents censés compléter ceux précédemment invoqués.
[104] Cette proposition des appelants est mal fondée compte tenu de la conclusion de la Cour selon laquelle le juge n’a commis aucune erreur en n’accordant qu’une faible force probante à leurs expertises.
ii) Concernant la contribution significative.
[105] Il ressort du procès-verbal de la rencontre des experts des parties tenue le 8 novembre 2017[52] l’existence d’un accord selon lequel la combinaison des analyses physico-chimiques et minéralogiques des échantillons de poussières permet d’établir leur origine.
[106] Or, interrogé sur cette question lors du procès, Dionne a confirmé n’avoir prélevé aucun échantillon de poussières, n’avoir effectué aucune analyse physico-chimique ni aucune analyse minéralogique. Pour sa part, Saint-Louis a admis que seule la combinaison de ces analyses permet d’établir l’origine des poussières. Le même expert a reconnu que les analyses minéralogiques effectuées par Wilhelmy sont « tout à fait » fiables[53].
[107] Cela étant, au terme de ses analyses, Wilhelmy a estimé que les activités de CAQ ont contribué durant la période visée à un maximum à 2,8 % de la totalité des émissions de poussières dans la Zone.
[108] Néanmoins, les appelants maintiennent que des présomptions de fait graves, précises et concordantes, fondées sur les faits indiciels que nous examinerons plus après, permettent d’établir que les activités de CAQ ont au contraire contribué de façon significative aux épisodes de poussières grises dites excédentaires.
[109] Dans l’arrêt Leonati, la Cour suprême a commenté la notion de « contribution significative » aux fins de la détermination du lien causal entre un geste fautif et le dommage allégué. Quoique formulé dans un contexte différent du nôtre et dans une affaire de common law, l’énoncé de principe enseigné par cet arrêt demeure pertinent aux fins du présent pourvoi :
15. Comme le critère du facteur déterminant n’est pas applicable dans certaines circonstances, les tribunaux ont reconnu que la causalité était établie si la négligence du défendeur avait « contribué de façon appréciable » au préjudice: Un facteur concourant est important s’il a eu une incidence plus que minimale: […][54]
[Soulignement ajouté]
[110] Le droit civil québécois de la causalité et la théorie dominante de la causalité adéquate ne s’opposent pas à cette façon de déterminer ce qu’est une « contribution significative » d’autant qu’elle fût reprise avec approbation par la Cour dans l’arrêt Kirschenbaum-Green c. Surchin[55].
[111] D’emblée, ces rappels de la preuve d’experts et du droit applicable mettent à mal l’idée selon laquelle les éléments suivants permettent d’inférer que les activités de CAQ ont contribué de façon significative aux émissions de poussières dites excessives dans la Zone.
[112] Néanmoins, ne serait-ce que parce que le jugement entrepris ne laisse pas voir que cet argument des appelants a été analysé en profondeur, regardons de plus près où conduit leur proposition.
[113] Les appelants reprochent au juge d’avoir erré en concluant « expéditivement »[56] que les données obtenues au moyen des jauges et des outils de mesure de qualité de l’air du MELCC sont peu représentatives des retombées de poussières dans la Zone.
[114] Ils proposent d’analyser globalement les résultats avancés par Dionne, les données de qualité de l’air colligées dans la Zone au moyen du réseau de jauges installées par les intimées et celles des stations de mesures du MELCC, ce qu’ils reprochent au juge de ne pas avoir fait. À leur avis, le cumul de ces informations devrait conduire vers l’inférence selon laquelle les activités des intimées ont contribué de façon significative aux quantités dites excédentaires de poussières observées dans la Zone.
[115] Cette proposition ne tient pas la route.
[116] La Cour a précédemment conclu que les déterminations du juge à propos de la crédibilité et de la fiabilité des travaux et conclusions de l’expert Dionne sont à l’abri de toute intervention. Tenter à nouveau, en appel, de recourir à l’opinion de ce dernier aux fins d’établir un fait indiciel additionnel équivaut en quelque sorte à s’appuyer sur une preuve dont la force probante est déficiente au point d’être rejetée, ce qui contribue davantage à miner la thèse des appelants qu’à la soutenir.
[117] Au regard de ce qui précède, il convient aussi de reproduire les conclusions du rapport présenté par le groupe d’experts des intimées concernant les données de qualité de l’air obtenues à partir du réseau de jauges installées sur une période de près d’un an dans et aux alentours de la Zone, lorsque comparées aux données obtenues au moyen des stations de mesure du MELCC :
Au terme des analyses entreprises depuis le Rapport initial, il est maintenant possible de conclure que :
À l’inverse, l’ouverture de toutes les jauges à retombées de poussières sauf une (R22, à 3 m du sol) était située à environ 3,5 m du sol, ce qui est bien davantage représentatif des retombées de poussières dans la Zone telles que vécues par les résidents.
[Soulignements ajoutés]
[118] Ainsi, la convergence que les appelants voient entre les résultats d’analyse de Dionne et les données de qualité de l’air recueillies par le réseau de jauges et les stations de mesures ne permettent pas d’établir le degré de contribution des activités de CAQ aux émissions de poussières dites excessives observées dans la Zone.
[119] En plus de la faible force probante accordée à son expertise, pour les raisons précitées et sur lesquelles nous ne reviendrons pas, rappelons que Dionne a lui-même admis en contre-interrogatoire les limites importantes de l’approche de modélisation qu’il a préconisée aux fins de ses analyses.
[120] Selon les appelants, les signatures chimiques retenues par Saint-Louis seraient aussi utiles à l’établissement des présomptions de fait invoquées.
[121] À nouveau, cet argument se heurte à un obstacle dirimant, en l’occurrence les conclusions du juge concernant la force probante des travaux et de l’opinion de cet expert, lesquelles ne sont entachées d’aucune erreur manifeste et déterminante.
***
[122] Pour toutes ces raisons, la Cour conclut à l’absence de présomptions graves, précises et concordantes permettant de déterminer, par « induction puissante », que les émissions de poussières provenant des activités de CAQ ont contribué de façon significative à l’excédent de poussières invoqué par les appelants. En fait, ces différents éléments de preuve, même réunis, contribuent davantage à faire naître « le doute et l’incertitude »[58] sur la provenance des poussières en litige qu’ils ne permettent d’établir « directement et particulièrement »[59] que leur cause est reliée aux activités de CAQ.
[123] En raison des inquiétudes d’ordre sanitaire qui ont été exprimées par les appelants, la Cour estime opportun de commenter brièvement cet aspect du jugement.
[124] Après avoir analysé la preuve relative à la qualité de l’air dans la Zone, le juge a conclu que les craintes des personnes résidant à cet endroit concernant l’impact possible des activités de CAQ et des poussières excédentaires sur leur santé ne sont pas justifiées. En ce sens, la preuve d’un préjudice afférent ou d’un inconvénient anormal n’a pas été établie.
[125] Le juge a en effet conclu que la qualité de l’air dans la Zone était typique d’un milieu urbain et les particules qui y circulent — y compris le nickel — ne présentaient aucun risque pour la santé des résidents. Or, ces constats trouvent largement appui dans la preuve administrée en première instance.
[126] D’abord, au terme d’une importante étude complétée en 2018, la Direction générale du suivi de l’état de l’environnement du MELCC arrive à la conclusion que la qualité de l’air dans l’arrondissement La Cité-Limoilou est typique d’un milieu urbain.
[127] Ensuite, l’expertise non contredite de la Dre Julie Goodman, spécialiste en toxicologie et en épidémiologie, est éloquente sur la question. Ses analyses, considérées probantes par le juge, l’ont amenée à conclure que les concentrations de nickel dans l’air ambiant pour l’arrondissement La Cité-Limoilou ne présentaient aucun risque pour la santé, que ce soit en cas d’exposition aiguë ou chronique. Elle a également convenu que les concentrations de cuivre, de fer, de zinc et de plomb étaient faibles et largement inférieures aux valeurs guides, de sorte que l’exposition simultanée à ces métaux n’avait aucun effet délétère sur la santé des résidents.
[128] Enfin, sur le même point, on peut également citer le rapport produit en septembre 2015 par le Directeur de la santé publique de la Capitale-Nationale, dans lequel ce dernier indique un risque faible sur la santé pour toute personne résidant dans la Zone et exposée au nickel présent dans l’air ambiant.
[129] Même s’il ne s’agit pas d’une question en litige en appel, il convient tout de même de rappeler que ces constats ont permis de démontrer que la santé des résidents de la Zone, pour la période concernée, n’a pas été compromise par les émissions de poussières, peu importe leurs sources.
[130] Les appelants soutiennent que les intimées devraient être tenues responsables de tout le dommage subi par les résidents de la Zone tel que causé par l’ensemble des agents contributeurs, peu importe l’importance de leur participation dans le dommage.
[131] Cet argument, qui ne manque pas d’originalité, ne dispense pas pour autant les appelants d’établir un lien de causalité avec la faute reprochée aux intimées. De plus l’article
[10] L’article
[Renvois omis]
[132] La seule preuve que des agents contributeurs ont participé à des degrés différents aux émissions de poussières ne crée pas une présomption que la totalité de celles-ci est anormale. Il s’agit d’ailleurs d’un fardeau de preuve dont les appelants n’ont pas réussi à s’acquitter en première instance.
[133] Il convient aussi de rappeler que la responsabilité des intimées est recherchée pour leur contribution dite excédentaire aux poussières accumulées dans la Zone et non pas pour la contribution dite normale provenant des autres agents contributeurs.
[134] Les appelants soutiennent que les normes suivantes prévues au Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère (« RAA »)[61] ont été violées à répétition par les intimées :
1. Le maximum de 12 ng/m3 pour les concentrations annuelles moyennes de nickel dans les PST, prévu aux annexes G et K du RAA jusqu’à sa modification en 2013;
2. L’interdiction d’émettre des particules, notamment de minerai, visibles à plus de 2 mètres de leur point d’émission, prévue à l’article 12 du RAA.
[135] Ils reprochent au juge de ne pas avoir examiné les dépassements de ces normes, leur récurrence et la connaissance par les intimées de leur violation. Selon les appelants, un examen plus poussé de la preuve aurait permis de conclure que les intimées ont été fautives, en plus d’avoir porté atteinte de façon illicite et intentionnelle au droit des membres du groupe de vivre dans un environnement sain, et ce, en enfreignant régulièrement les normes établies par le RAA, démontrant par là une violation intentionnelle de la loi et de leurs droits.
[136] Ainsi, au regard de leur propre interprétation de la preuve, les appelants considèrent que le juge aurait dû conclure à la violation de l’article
46.1. Toute personne a droit, dans la mesure et suivant les normes prévues par la loi, de vivre dans un environnement sain et respectueux de la biodiversité.[62]
[137] En l’absence d’une preuve établissant un lien causal entre la faute reprochée aux intimées et les dommages allégués, ou encore un lien entre les inconvénients anormaux allégués par les appelants et les activités des intimées, ce moyen d’appel ne peut changer l’issue du pourvoi. Il convient toutefois d’y répondre brièvement.
[138] Les appelants reprochent au juge de ne pas avoir considéré l’impact juridique de la violation par les intimées des normes prévues au RAA.
[139] Cet argument porte plus précisément sur la concentration de nickel dans l’air. Toutefois, il ne peut avoir la portée que les appelants lui accordent. Il faut savoir que, le 31 janvier 2018, ces derniers abandonnaient l’idée d’invoquer contre les intimées tout dépassement de la norme de 2013 sur le nickel et de réclamer quelques dommages (compensatoires ou punitifs) sur la base de ces dépassements. En retour, les intimées renonçaient à soulever des arguments d’ordre constitutionnel portant sur l’application du RAA aux activités de CAQ[63]. Cette entente rend donc inutile toute discussion sur les conséquences liées aux dépassements de la norme de 2013.
[140] Il est toutefois exact de dire que les appelants n’ont pas renoncé à invoquer pour autant la violation de toute norme contenue au RAA, incluant celle portant sur la concentration de nickel dans l’air adoptée en 2011[64]. Or, la preuve sur laquelle ils s’appuient souffre de lacunes importantes.
[141] La première découle du fait que la norme de 2011 prévoit un maximum annuel et un maximum horaire, alors que celle de 2013 traite d’un maximum journalier seulement. Les données recueillies dans les stations implantées par le MELCC ne permettent pas aisément de concilier ces deux normes.
[142] La seconde lacune tient au fait que la norme de 2011 a cessé de s’appliquer à compter de 2013, ce qui limite considérablement son champ d’application.
[143] Les appelants allèguent tout de même que des dépassements de la norme de 2011 portant sur le taux de concentration de nickel dans l’air ambiant de Limoilou ont été observés entre 2011 et 2013. Même si pour un instant, on devait accepter cette proposition, le poids inhérent de cette preuve demeure relatif puisqu’il ne comble pas un vide important, soit celui d’établir la provenance même du nickel.
[144] Or, le juge a conclu qu’il n’y a pas de preuve de lien de causalité entre les émissions de nickel et les activités portuaires. Il s’ensuit que la prétention selon laquelle le juge a ignoré la preuve de dépassements entre 2011 et 2013 ne peut être déterminante, faute de démontrer la provenance des émissions de nickel.
[145] Les appelants ajoutent que l’entente du 31 janvier 2018 ne les privait pas d’utiliser le nickel comme élément traceur. Or, comme il a été souligné plus avant, les expertises des appelants ne font pas voir de corrélation concrète entre les particules en suspension et la concentration de nickel dans l’air ambiant[65]. Ce constat jette un doute sérieux sur la pertinence même de l’utilisation du nickel comme élément traceur.
[146] Les appelants reprochent aussi aux intimées d’avoir porté atteinte à la réglementation de façon illicite et intentionnelle et, de ce fait, à leurs droits fondamentaux. Cet argument fonde leur réclamation pour dommages-intérêts punitifs.
[147] En cette matière, la norme d’intervention est particulièrement élevée, car la décision d’octroyer de tels dommages découle d’un pouvoir discrétionnaire conféré au juge de première instance, comme en témoigne le terme « peut » utilisé à l’alinéa
[148] Aux fins de leur démonstration sur ce point précis, les appelants reprennent les aspects de la preuve les plus favorables à leur thèse déjà rejetés en première instance, pour ensuite demander à la Cour de tirer une nouvelle conclusion contraire à celle du juge. Comme le jugement entrepris ne prête pas flanc à une intervention de la Cour, cet argument est voué à l’échec.
[149] On peut aussi ajouter que la preuve retenue par le juge fait voir que les intimées ont montré une volonté de se comporter en bon citoyen corporatif, sensible aux normes environnementales et aux impacts de leurs activités sur l’environnement[67]. Les appelants ne font pas voir que cette conclusion de fait tirée par le juge est entachée d’une erreur manifeste et déterminante.
[150] Les appelants suggèrent que la violation répétée de normes réglementaires permet de faire naître une présomption de causalité lorsqu’un préjudice se matérialise par la suite. Ils plaident que ces normes visent à protéger la santé humaine et l’environnement et que leur violation répétée permet l’inférence de l’existence d’une nuisance vécue par les appelants, une induction qui s’imposait en l’espèce et que le juge a omis de tirer.
[151] Les appelants ont raison de prétendre que la jurisprudence reconnaît l’existence d’une présomption de causalité lorsque la preuve démontre des violations répétées d’une norme réglementaire et la réalisation d’un préjudice. Il est toutefois erroné de soutenir que la jurisprudence a créé une présomption irréfragable du seul fait d’une telle violation. Au contraire, les décisions citées par les appelants prévoient expressément que cette présomption peut être renversée par une preuve contraire. L’arrêt St-Jean de la Cour suprême fait état de ce tempérament :
Il se peut que l’on ait mal interprété ce que je dis dans Laferrière, p. 609 : « Dans certains cas, lorsqu’une faute comporte un danger manifeste et que ce danger se réalise, il peut être raisonnable de présumer l’existence du lien de causalité, sous réserve d’une démonstration ou d’une indication contraire » (je souligne). Cet énoncé ne fait que répéter la règle traditionnelle applicable aux présomptions, et ne crée pas d’autres moyens de preuve en droit civil québécois relativement à l’établissement d’un lien de causalité. La Cour
d’appel a eu raison de considérer que cet extrait avait trait aux présomptions dans le cadre des règles traditionnelles de causalité.[68]
[Soulignement dans l’original; caractères gras ajoutés]
[152] La preuve retenue par le juge tend justement à démontrer que les préjudices allégués par les appelants découlent de sources de poussières situées à proximité de la Zone, autres que les activités portuaires[69], tels les abrasifs et le sel de déglaçage, le tout exacerbé par la topographie des lieux[70]. Il vaut aussi de rappeler que la méthodologie suivie par les experts des intimées, qui ont conclu à une contribution fort négligeable des activités du Port d’au plus 2,8 % des poussières recensées dans la Zone, repose sur une surestimation de cette contribution potentielle[71].
[153] Ce moyen d’appel doit en conséquence être rejeté.
[154] À la fin de son jugement, le juge indique que « [c]ompte tenu de ce qui précède, les autres questions relatives au quantum des dommages, au mode de recouvrement et à l’injonction recherchée deviennent sans objet »[72].
[155] Les appelants soutiennent que le juge a erré en concluant qu’en l’absence de la preuve d’un lien de causalité, leur demande d’injonction était devenue sans objet. Le juge aurait ainsi omis de statuer sur les violations des normes réglementaires, alors que les mesures réclamées visaient à faire respecter ces mêmes normes et à assurer la continuité de celles déjà instaurées.
[156] Les appelants ont raison de soutenir que cette conclusion s’avère infondée en droit. Cette erreur ne vicie toutefois pas le dispositif du jugement entrepris.
[157] L’ordonnance d’injonction recherchée en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (« LQE »)[73], lorsqu’elle accompagne un recours en dommages, comme
c’est le cas en l’espèce, n’est pas tributaire du résultat réservé à ce recours, comme en témoigne la rédaction généreuse des dispositions concernées de la LQE :
19.1. Toute personne a droit à la qualité de l’environnement, à sa protection et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent, dans la mesure prévue par la présente loi, les règlements, les ordonnances, les approbations et les autorisations délivrées en vertu de l’un ou l’autre des articles de la présente loi ainsi que, en matière d’odeurs inhérentes aux activités agricoles, dans la mesure prévue par toute norme découlant de l’exercice des pouvoirs prévus au paragraphe 4° du deuxième alinéa de l’article
19.2. Un juge de la Cour supérieure peut accorder une injonction pour empêcher tout acte ou toute opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l’exercice d’un droit conféré par l’article 19.1. 19.3. La demande d’injonction visée dans l’article 19.2 peut être faite par toute personne physique domiciliée au Québec qui fréquente un lieu à l’égard duquel une contravention à la présente loi ou aux règlements est alléguée ou le voisinage immédiat de ce lieu.
Elle peut être faite également par le procureur général et par toute municipalité sur le territoire de laquelle se produit ou est sur le point de se produire la contravention. | 19.1. Every person has a right to a healthy environment and to its protection, and to the protection of the living species inhabiting it, to the extent provided for by this Act and the regulations, orders, approvals and authorizations issued under any section of this Act and, as regards odours resulting from agricultural activities, to the extent prescribed by any standard originating from the exercise of the powers provided for in subparagraph 4 of the second paragraph of section
19.2. A judge of the Superior Court may grant an injunction to prohibit any act or operation which interferes or might interfere with the exercise of a right conferred by section 19.1.
19.3. The application for an injunction contemplated in section 19.2 may be made by any natural person domiciled in Québec frequenting a place or the immediate vicinity of a place in respect of which a contravention is alleged.
It may also be made by the Attorney General and by any municipality in whose territory the contravention is being or about to be committed. |
[158] L’injonction demandée par les appelants vise à faire respecter des normes réglementaires, une mission déjà confiée à l’État par voie réglementaire. Ce n’est pas dire que les citoyens n’ont pas l’intérêt suffisant pour ester en justice lorsqu’ils invoquent une atteinte à la qualité de l’environnement, mais c’est plutôt reconnaître à l’État le soin premier de voir au respect de sa réglementation environnementale et de s’assurer que les contrevenants se voient imposer les réparations prévues dans la loi.
[159] La jurisprudence ne voit d’ailleurs « généralement pas d’un bon œil »[74] qu’en cette matière, un justiciable se substitue à l’État pour faire respecter sa réglementation, d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, aucun préjudice ne découle de la violation de la norme invoquée.
[160] S’ajoute à ces considérations cette détermination du juge selon laquelle les intimées ont démontré une ferme volonté de se conformer à la réglementation dans l’exploitation de leur entreprise, ce qui vient atténuer grandement le besoin de les y contraindre par voie judiciaire, de façon préventive au surplus, alors qu’elles le sont déjà par voie réglementaire.
[161] Finalement, et bien que ce qui précède suffirait à sceller le sort de cet argument, le dossier d’appel ne révèle pas que l’ordonnance d’injonction recherchée par les appelants a été signifiée au procureur général, comme le requiert l’article
[162] Comme déjà mentionné, les appelants ne prétendent pas en appel que la présence de poussières provenant du Port a eu des effets néfastes sur la santé des membres du groupe, une question qui a occupé une large partie des débats dans le cadre de l’action collective portant sur la poussière rouge.
[163] En revanche, en raison des épisodes de poussières vécus dans la Zone durant la période visée par l’action collective, les appelants ont recours au critère de la personne raisonnable pour justifier leur crainte pour leur santé. Ils estiment que cette crainte est en soi un préjudice moral indemnisable.
[164] Les craintes et les inquiétudes liées à la santé peuvent, dans de rares cas, constituer un préjudice moral indemnisable, comme le démontrent par exemple l’arrêt Lafferrière c. Lawson de la Cour suprême et l’arrêt de notre Cour dans l’affaire Spieser[76]. Mais, en cette matière, la barre est plutôt haute et la preuve est particulièrement exigeante lorsqu’elle s’inscrit dans le cadre d’une action collective, en raison notamment de la nature même de ce type de préjudice largement tributaire du niveau de tolérance de chacun des membres du groupe.
[165] Cela dit, l’arrêt Spieser n’est d’aucun secours pour les appelants. Dans cette affaire, les résidents de la ville de Shannon, dont certains étaient atteints d’un cancer, ont tenté d’établir un lien entre cette maladie et la présence de TCE (Trichloroéthylène) dans l’eau de leurs puits. Bien qu’au final, il n’a pas été démontré de lien suffisant entre le TCE et les cancers recensés chez les citoyens de Shannon, le DRSP avait au départ tenu des propos alarmants à l’effet contraire et de l’aide psychologique avait été offerte aux résidents du secteur concerné. Une interdiction de consommer l’eau des puits avait même été décrétée[77].
[166] Les craintes et appréhensions invoquées par les résidents de Shannon étaient donc objectivement vérifiables d’autant qu’elles étaient soutenues par le DRSP. Le caractère commun des craintes partagées entre les résidents de cette municipalité ne faisait aucun doute.
[167] La situation en l’espèce est tout autre. De l’information pertinente et ciblée a rapidement été mise à la disposition des membres, notamment dans le dossier de la poussière rouge. Celle-ci démontrait que cette poussière était sans danger pour la santé[78]. Par la suite, des études commandées par le DRSP spécifiques aux concentrations de nickel dans l’air de Limoilou ont établi que les concentrations en cause étaient insuffisantes pour constituer un risque pour la santé[79]. Cette opinion du DRSP n’est d’ailleurs pas remise en cause en appel.
[168] À ce qui précède s’ajoute cette conclusion d’ordre factuel du juge selon laquelle les témoignages des membres ne démontrent pas de réelle inquiétude. Si le juge a commis une erreur en appliquant le test du « citoyen raisonnablement informé » à la question de l’indemnisation pour les inquiétudes[80], ce que la Cour ne décide pas, cette erreur n’a toutefois pu avoir d’impact sur son appréciation de la crédibilité des témoins[81].
[169] Cela suffit pour rejeter cet autre moyen d’appel.
[170] Les appelants reprochent au juge de ne pas les avoir entendus, ni le Fonds d’aide aux actions collectives, avant de trancher la question des frais de justice, contrevenant ainsi aux prescriptions de l’article
[171] Depuis le dépôt du mémoire des appelants, les intimées se sont désistées d’une partie des conclusions du jugement portant sur les frais de justice[82]. Le Fonds d’aide aux actions collectives s’est également désisté de son intervention en appel[83]. En somme, la conclusion du jugement entrepris portant sur les frais de justice se résume maintenant à sa plus simple expression :
[187] AVEC FRAIS DE JUSTICE, incluant ceux pour la préparation des expertises et le témoignage des experts, la rémunération de l’interprète ainsi que ceux liés à la prise et à la transcription des témoignages avant et pendant le procès.
[Rature ajoutée.]
[172] Tout d’abord, le dossier fait voir que les appelants ont été entendus sur cette question et, manifestement, le juge n’a pas retenu leur position.
[173] Ensuite, le Fonds d’aide aux actions collectives a admis judiciairement qu’il « défrayera lesdits frais de justice, pour et au nom des appelants »[84]. Au regard de cet engagement et du désistement des intimées concernant notamment les frais liés aux expertises, aux services de l’interprète et à la transcription des témoignages, les appelants sont à l’abri de toute conséquence pécuniaire significative liée à la condamnation au paiement des frais de justice en première instance.
[174] Par ailleurs, les appelants ne font voir aucun motif, tant en première instance qu’en appel, de nature à convaincre la Cour d’intervenir pour tempérer l’application de la règle prévue à l’article
[175] Étant donné le sort réservé au pourvoi, le reliquat de la requête des intimées qui n’a pas été tranchée par l’arrêt de la Cour rendu le 13 septembre 2022[85] est devenu sans objet.
[176] Ce pourvoi soulève essentiellement trois questions principales qui renvoient toutes à l’appréciation de la preuve administrée en première instance.
[177] La première a trait à la force probante accordée par le juge à la preuve d’experts des appelants. Ses déterminations sur cette question sont tout simplement hors de portée. Au surplus, elles sont appuyées par la preuve d’experts des intimées qu’il a choisi de croire. Cette seule conclusion est suffisante pour sceller le sort de ce pourvoi.
[178] La deuxième question a trait à l’appréciation de la preuve profane. Cette preuve ne pouvait venir à bout des lacunes fondamentales de la preuve d’experts des appelants. De plus, en dépit de la sincérité des témoins idoines entendus en première instance pour le compte des appelants, leur témoignage ne permettait pas d’établir un lien de causalité entre l’apport dit excédentaire de poussières provenant des activités du Port et les préjudices ou les inconvénients allégués.
[179] Finalement, tout l’argumentaire des appelants construit autour de la question de la preuve circonstancielle repose essentiellement sur une preuve insuffisamment probante, voire contredite, ou autrement rejetée par le juge. L’agrégat d’éléments épars invoqués par les appelants constitue au mieux une chaîne dont la solidité ne tient qu’à son maillon le plus faible, en l’espèce nettement insuffisant pour établir un lien de causalité adéquat, comme l’a retenu le juge.
[180] Aucun des autres moyens soulevés par les appelants ne permet de remettre en question le dispositif du jugement entrepris.
[181] En somme, la conclusion du juge selon laquelle les appelants échouent à démontrer un lien de causalité adéquat entre leurs reproches faits aux intimées et les dommages allégués est à l’abri de toute intervention. Par le fait même, l’insuffisance de la preuve portant sur la causalité suffit pour rejeter l’argument subsidiaire des appelants fondé sur les troubles de voisinage.
POUR CES MOTIFS, LA COUR;
[182] DÉCLARE sans objet le reliquat encore en litige de la requête modifiée pour correction d’irrégularités dans le mémoire des appelants;
[183] REJETTE l’appel avec les frais de justice.
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| GUY GAGNON, J.C.A. | ||||||||||||
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| MICHEL BEAUPRÉ, J.C.A. | ||||||||||||
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| FRÉDÉRIC BACHAND, J.C.A. | ||||||||||||
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Dates d’audience : | 26, 27 et 28 septembre 2022 | ||||||||||||
[1] Lalande c. Compagnie d’arrimage de Québec ltée,
[2] Lalande c. Compagnie d’arrimage de Québec ltée,
[3] Lalande c. Compagnie d'arrimage de Québec ltée,
[4] Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10, art. 2(1), 6, 8(1) et annexe, Partie I.
[5] Aux fins de cet arrêt, à moins que le sens ne l’indique autrement, la référence à CAQ comprend également ASL.
[6] La Zone initiale correspond à la zone délimitée en noir.
[7] Il s’agit d’un terme régulièrement utilisé par les appelants lors de l’audition du pourvoi.
[8] Jugement entrepris, paragr. 45.
[9] Id., paragr. 47, 63-64.
[10] Pièce D-97, MELCC, Rapport intitulé « L’incinérateur et la qualité de l’air dans l’arrondissement La Cité - Limoilou à Québec » (2018), p. 43.
[11] Jugement entrepris, paragr. 144-155.
[12] Id., paragr. 178.
[13] Id., paragr. 167.
[14] A.A., paragr. 5 et 12 (question 1).
[15] Id., paragr. 13.
[16] Id., paragr. 57.
[17] Lalande c. Compagnie d'arrimage de Québec ltée,
[18] Jugement entrepris, paragr. 76.
[19] St-Jean c. Mercier,
[20] Hydro-Québec c. Matta,
[21] Construction Blenda inc. c. Office municipal d’habitation de Rosemère,
[22] Id., paragr. 38.
[23] Pour quelques exemples récents, voir : Vincent c. Vincent,
[24] Berthiaume c. Réno-Dépôt Inc.,
[25] Benhaim c. St‑Germain,
[26] Voir par ex. : Entreprises d’électricité Rial inc. c. Lumen, division de Sonepar Canada inc.,
[27] Ponce c. Société d’investissements Rhéaume ltée,
[28] Garcia Lorenzo c. Migas (Migas Home Inspections),
[29] Construction Blenda inc. c. Office municipal d’habitation de Rosemère,
[30] Au départ, la position des appelants était que les activités portuaires étaient à l’origine de la quantité anormalement élevée de poussières qui retombaient dans la Zone. Autrement dit, ces activités étaient, aux dires des appelants, à l’origine de l’ensemble du préjudice subi par les résidents de la Zone en raison des retombées de poussières. Les appelants ont changé leur position une première fois lors des plaidoiries en première instance. Ils ont alors soutenu que toute contribution des activités portuaires aux retombées de poussières — quelle qu’en soit l’ampleur (5 %, 10 %, ou 60 %, peu importe) — engageait la responsabilité des intimées pour l’ensemble du préjudice subi par les résidents de la Zone. Puis, dans le cadre du présent pourvoi, tout en se gardant de quantifier précisément la contribution des activités portuaires, les appelants ont soutenu que ces activités étaient responsables d’une quantité de poussières à la fois anormale et suffisamment importante pour engager la responsabilité des intimées à l’égard de l’ensemble du préjudice subi par les résidents de la Zone.
[31] Art.
[32] Jugement entrepris, paragr. 88.
[33] Témoignage de Jean-François Wilhelmy, 2 décembre 2019.
[34] Infra, note 71.
[35] Jugement entrepris, paragr. 76.
[36] Art.
[37] White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co.,
[38] Art.
[39] Longpré c. Thériault,
[40] Ex : témoignages de Chloé Barabé et Gemma Bourgeault, 16 septembre 2019, et de Sébastien Thibodeau, 17 septembre 2019.
[41] Ex : témoignages de Claudette Asselin et Raphaël Goupil, 24 septembre 2019; et de Gabrielle Côté, 19 septembre 2019.
[42] Ex : témoignages préalables de Patrick Cloutier, 13 décembre 2017, de Roger Robitaille, 14 décembre 2017, et de Philippe Bourque lors de l’instruction, 25 septembre 2019.
[43] Ex : témoignages préalables de Claudia Gaudreault et Richard Viger, 13 décembre 2017.
[44] Ex : témoignages préalables de Clarence Marshall, 14 décembre 2017, de Régent Bell, 13 décembre 2018, et de Martin Lapierre, 13 février 2018.
[45] Témoignage de Jean-Laurence Seaborn, 17 septembre 2019.
[46] Témoignage préalable de Régent Bell, 13 février 2018.
[47] Témoignage préalable de Suzanne Rioux, 12 décembre 2017.
[48] Témoignage de Guy Gagnon, 19 septembre 2019 [aucun lien de parenté avec le juge Guy Gagnon].
[49] Voir notamment la rose des vents pour la période de 2010 à 2016 : Pièce D-249, Allard, Jean-Luc, Rose des vents à Beauport 2010-2016 et direction des vents dominants.
[50] Pièce P-771, Extrait du site Web d’Environnement et Changement climatique Canada en date du 23 octobre 2019 concernant la recherche de données sur l’INRP et plus précisément la recherche des particules totales pour la communauté de Québec.
[51] Pièce ED-1, Allard, Jean-Luc, Boulé, Vital et Wilhelmy, Jean-François, Rapport du Groupe d’experts Corem, Norda Stelo et SNC-Lavalin du 7 septembre 2017 révisé le 28 février 2019 [Rapport initial] et annexes (2017-09-07), p. 128 et s.
[52] Pièce D-146, Annexe 2 - Réponses de Denis Dionne et Richard Saint-Louis au sommaire exécutif des conclusions du rapport du 7 septembre 2017, point 7.
[53] Témoignage de Richard Saint-Louis, 21 novembre 2019 et 14 janvier 2020.
[54] Athey c. Leonati,
[55] Kirschenbaum-Green c. Surchin (1997),
[56] A.A., paragr. 49.
[57] Pièce ED-4, Allard, Jean-Luc et Wilhelmy, Jean-François, Rapport de Corem et SNC-Lavalin intitulé « Analyse critique des rapports de Dionne et de Saint-Louis (décembre 2018) » et annexes (2019-02-28), p. 11.
[58] Longpré c. Thériault,
[59] Ibid.
[60] Videotron c. Titus,
[61] Règlement sur l’assainissement de l’atmosphère, RLRQ, c. Q-2, r. 4.1.
[62] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12.
[63] Procès-verbal d’audience corrigé du 31 janvier 2018.
[64] Ibid.
[65] Pièce EXP-DD-2, Denis Dionne, rapport intitulé « Complément aux analyses des principaux contributeurs aux nuisances associées à la poussière dans les secteurs résidentiels à proximité des activités de manutention et d’entreposage de vrac solide au secteur Beauport du Port de Québec », daté du 28 décembre 2018 (rév. 21 janvier 2019), tableau 4-3.
[66] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l'hôpital St-Ferdinand,
[67] Jugement entrepris, paragr. 174.
[68] St-Jean c. Mercier,
[69] Voir notamment Pièce ED-1, Allard, Jean-Luc, Boulé, Vital et Wilhelmy, Jean-François, Rapport du Groupe d’experts Corem, Norda Stelo et SNC-Lavalin du 7 septembre 2017 révisé le 28 février 2019 [Rapport initial] et annexes (2017-09-07), p. 77 (en ce qui concerne les particules fines PM2.5), 115 et suiv. (section 7.3.5 « Appréciation qualitative des différentes sources d’émissions »); Pièce ED-2, Allard, Jean-Luc et Wilhelmy, Jean-François, Rapport de Corem et SNC-Lavalin intitulé « Étude minéralogique des particules récoltées sur filtres provenant d’échantillonneurs Hi-Vol exploités par le MELCC » et annexes (2019-02-28), p. 19, 27-29, 32, 33; Pièce ED-4, Allard, Jean-Luc et Wilhelmy, Jean-François, Rapport de Corem et SNC-Lavalin intitulé « Analyse critique des rapports de Dionne et de Saint-Louis (décembre 2018) ».
[70] Les appelants admettent d’ailleurs cette réalité (A.A., paragr. 11, référant à la pièce EXP-DD-1). Voir aussi Pièce EXP-DD-1, Denis Dionne, rapport intitulé « Analyses des principaux contributeurs aux nuisances associées à la poussière dans les secteurs résidentiels à proximité des activités de manutention et d’entreposage de vrac solide au secteur Beauport du Port de Québec », daté du 28 juin 2017. Voir sur la même question le témoignage de Denis Dionne, 18 novembre 2019.
[71] Pièce ED-3, Allard, Jean-Luc et Wilhelmy, Jean-François, Rapport de Corem et SNC-Lavalin intitulé « Étude minéralogique et gravimétrique des retombées de poussières échantillonnées à l’aide d’un réseau de jauges » et annexes (2019-02-28).
[72] Jugement entrepris, paragr. 180.
[73] Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ, c. Q-2, art. 19.1 à 19.3.
[74] 9218-2435 Québec inc. c. Ville de Laval,
[75] Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ, c. Q-2.
[76] Spieser c. Procureur général du Canada,
[77] Ibid.
[78] Pièce P-32, Rapport de la Direction régionale de la santé publique concernant le nickel de 2013.
[79] Pièce P-33, Avis complémentaire de santé publique sur la contamination environnementale dans le quartier Limoilou, daté de septembre 2015.
[80] A.A., paragr. 129, note 305, référant au jugement entrepris, paragr. 149.
[81] Il est acquis qu’une erreur de droit ne justifiera une intervention en appel « que si la partie appelante parvient à démontrer l’existence d’une telle erreur et que cette erreur a influé sur l’issue du litige » : Gercotech inc. c. Kruger inc. Master Trust (CIBC Mellon Trust Company),
[82] Plumitif n° 200-06-000169-139, entrée 230.
[83] Plumitif n° 200-09-0010224-209, entrée 31. Voir aussi le procès-verbal de la conférence de gestion, Bélanger, j.c.a., 2 décembre 2020.
[84] Requête en intervention volontaire à titre conservatoire du Fonds d’aide aux actions collectives du 29 octobre 2020, modifiant l’acte d’intervention déposé le 26 octobre 2020 (200-09-010224-209).
[85] Lalande c. Compagnie d'arrimage de Québec ltée,
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