Décision

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Malayeri c. 9446-8303 Québec inc.

2022 QCTAL 34393

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

650025 31 20220830 T

No demande :

3700320

 

 

Date :

30 novembre 2022

Devant le juge administratif :

Robin-Martial Guay

 

Ashkan Malayeri

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

9446-8303 Québec inc.

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par un recours introduit le 31 octobre 2022, le locataire demande la rétractation de la décision rendue le 13 octobre 2022 à la suite d'une audience qui s’est tenue en son absence, le 5 octobre 2022.

[2]         La demande de rétractation vise une décision dont le dispositif accueille la demande du locateur en résiliation de bail au motif que le locataire a manqué à ses obligations, essentiellement, en lien avec la malpropreté généralisée du logement (insalubrité : coquerelles), le bruit excessif incessant et l’attitude agressive du locataire causant ainsi un préjudice sérieux au locateur.

[3]         Le locataire déclare avoir pris connaissance de la décision attaquée en date du 28 octobre 2022 et avoir déposé sa demande en rétractation le 31 octobre 2022, soit dans le délai prévu par l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

[4]         Au soutien de sa demande, le locataire allègue qu’il a été empêché de se présenter à l’audience du 5 octobre 2022 sans qu’il y ait eu faute de sa part en ce qu’il n’a jamais reçu l’avis d’audience.

[5]         Quant aux moyens sommaires de défense, il allègue ce qui suit :

« Fabrication of lies about me and the state of my apartment. False accusations about me while I was in Europe. »  

Preuve et analyse

[6]         Questionné à propos de son absence à l’audience du 5 octobre 2022, le locataire explique qu’il était à l’extérieur du pays et qu’à son retour, il n’a constaté aucun avis d’audience du Tribunal administratif du logement dans son courrier.

[7]         Invité à soumettre les moyens sommaires de défense dont il entend faire valoir l’encontre de la demande originaire du locateur, le locataire affirme que son logement est en bon état de propreté et d’entretien et que les déclarations du locateur sont un tissu de mensonges.


[8]         Il souligne qu’il était en Europe pendant la période du 2 juillet au 7 septembre 2022, soit pendant la période où on lui reproche d’avoir contrevenu au bail en faisant du bruit excessif, en étant agressif et en ayant un logement insalubre, ce qui est par conséquent impossible.

[9]         Contre-interrogé, le locataire ne cache pas qu’il n’ouvre pas toujours tout son courrier encore que celui qui contenait l’avis d’audience du 5 octobre 2022 ne lui aurait pas été livré.

[10]     Pour autant, il reconnait avoir reçu celui qui contenait une invitation à une séance de conciliation devant le Tribunal de même que celui qui contenait la décision du 13 octobre 2022. Il en va de même de l’avis d’audience de sa propre requête en rétractation.

[11]     Questionné, il ne s’explique pas qu’il ait reçu tous ces avis, sauf celui qui concerne l’audience du 5 octobre 2022 qui portait sur la demande du locateur que le Tribunal lui a fait parvenir le 1er septembre 2022.

[12]     Présente à l’audience, la représentante du locateur conteste la demande en rétractation du locataire au motif que celuici a fait montre de négligence dans l’exercice de ses droits; raison pour laquelle il était d’ailleurs absent à l’audience du 5 octobre 2022.

[13]     La représentante du locateur insiste pour dire que le locataire n’était pas sans savoir qu’une demande en résiliation de bail avait été déposée à son encontre devant le Tribunal et qu’un avis d’audience lui parviendrait.

[14]     En aucun temps, le locataire n’a avisé le Tribunal de sa non-disponibilité aux dates où il serait à l’extérieur du pays comme il aurait dû le faire en complétant le formulaire à cet effet.

[15]     De plus, l’avis d’audience du 5 octobre 2022 lui a été transmis par le Tribunal en date du 1er septembre 2022. C’est là dire que cet avis d’audience l’attendait dans sa boite aux lettres à son retour au pays, le 7 septembre 2022, tout comme l’avis d’audience de sa requête en rétractation insiste-t-elle.

[16]     La représentante souligne que le locataire qui admet ne pas toujours ouvrir son courrier a reçu l’avis d’audience du 5 octobre qu’il n’a pas ouvert ou qu’il a ignoré.

[17]     De plus, la représentante du locateur estime que le locataire est sans moyens sommaires de défense sérieux à l’encontre de la demande originaire du locateur.

[18]     La représentante du locateur est catégorique pour dire que le logement concerné était dans l’état que celui que la preuve a révélé lors de l’audience devant la juge administrative Marilyne Trudeau qui a conclu, après avoir entendu le témoignage de l’exterminateur, que le logement était insalubre et infesté de coquerelles; infestation qui s’est par ailleurs étendue à d’autres logements voisins.

[19]     À l’opposé, la représentante du locateur réitère que le logement concerné était, au jour de l’audience, insalubre selon l’exterminateur qui a témoigné de la chose, mais aussi selon le rapport des autorités de la ville.

[20]     Il en va de même de la preuve qui a été retenue quant au fait que le locataire avait manqué à ses obligations en faisant du bruit excessif et dérangeant selon la preuve testimoniale d’une voisine et de l’agent de location des logements de l’immeuble.

[21]     Tel est l’essentiel de la preuve pertinente administrée à l’audience.

Discussion

[22]     Le recours du locataire se fonde sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement qui édicte ce qui suit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.


Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

[23]     Il est bien établi par la jurisprudence que le recours en rétractation est un recours de nature exceptionnelle et le principe de la stabilité des décisions est essentiel à une saine administration de la justice.

[24]     En effet, en raison du principe de la stabilité des jugements, les motifs soumis au soutien de la rétractation doivent être sérieux[1], sincères et véridiques[2].

[25]     Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[3]

[26]     De plus, l'absence d'une partie ne donne pas une ouverture systématique à la rétractation de jugement, tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy :

« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »[4]

[27]     À cet égard, le Tribunal partage l'opinion de la juge administrative Francine Jodoin, tel qu'elle l'exprime dans l'affaire Tacci c. Mitchell :

« Suivant la Loi, le Tribunal transmet aux parties un avis de la tenue de l'audience. L'attestation d'expédition de l'avis fait preuve prima facie de sa réception par le destinataire.

Il y a donc une présomption simple de la réception de cet avis à partir de l'attestation d'expédition. Il appartient à celui qui invoque ne pas avoir reçu son avis d'audition de renverser cette présomption.

Lorsque le motif de rétractation repose sur le fait qu'une partie n'a pas reçu l'avis d'audience, cela ne permet pas d'accueillir d'emblée la demande sans autre vérification. Il faut quand même s'assurer de la véracité d'une telle affirmation et vérifier que la négligence n'est pas en cause.

En effet, le droit d'être entendu n'est pas absolu et il est balisé par l'obligation des parties de prendre les moyens nécessaires pour recevoir les avis de convocation qui leur sont adressés. »[5]

[28]     Il vaut aussi de souligner les propos de l'honorable juge Louis Rochette de la Cour supérieure, dans l'affaire, Mondex Import inc.c. Victorian Bottle inc.[6] :

« Par ailleurs, en ce qui a trait à la partie elle-même, il n'y a pas d'ambiguïté, elle ne doit pas adopter un comportement négligent dans la défense de ses droits, sans quoi le principe de l'irrévocabilité des jugements pourra lui être opposé. Cela n'est que logique et en conséquence, une partie ne peut laisser cheminer une affaire judiciaire qui la concerne directement sans s'en préoccuper. Elle doit être empressée de faire valoir sa prétention et de préserver ses droits. Les règles de procédure ne peuvent être modulées pour tenir compte du laxisme d'une partie. »

[29]     Le Tribunal conclut qu’en l’espèce le locataire, qui est venu avouer qu’il n’ouvre pas toujours son courrier, n’a pas convaincu le Tribunal qu’il n’a pas reçu l’avis d’audition du 5 octobre 2022 que le Tribunal lui a fait parvenir en date du 1er septembre 2022. 

[30]     Autant dire qu’il nous apparait invraisemblable que le locataire n’ait pas reçu l’avis du 5 octobre 2022, mais qu’il ait reçu l’avis d’audience de sa propre requête en rétractation de même que la décision du 13 octobre 2022 nécessaire au dépôt de sa demande.

[31]     À cela vient s’ajouter la faiblesse des moyens sommaires de défense qu’il entend faire valoir à l’encontre de la demande en résiliation de bail du locateur eu égard à l’état d’insalubrité du logement et de ses manquements à ses obligations, dont celui de ne pas troubler la jouissance paisible des autres locataires.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]     REJETTE la demande de rétractation du locataire qui en supporte les frais;

[33]     MAINTIENT la décision rendue le 13 octobre 2022.

 

 

 

 

 

 

 

 

Robin-Martial Guay

 

Présence(s) :

le locataire

la mandataire du locateur

Me Robert Tobgi, avocat du locateur

Date de l’audience : 

16 novembre 2022

 

 

 


 


[1]  C.N.T. c. Les Entreprises C.J.S. inc., 1992 CanLII 2911 (QCCA).

[2]  Haque c. Corporation d'habitation Jeanne-Mance (C.Q., 2019-05-30), 2019 QCCQ 3498, SOQUIJ AZ51603580.

[3]  Entreprises Roger Pilon inc. c. Atlantis Real Estate Co., (1980) C.A. 218.

[4]  ROUSSEAU-HOULE Thérèse et DE BILLY Martine, Le bail du logement: analyse de la jurisprudence, Les éditions Wilson et Lafleur Ltée (1989), Montréal, p. 307.

[5]  Tacci c. Mitchell, Régie du logement, Montréal, #31-100305-120, le 10 mai 2013.

[6]  Cour supérieure 200-17-001038-983, REJB 1999-12482.

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