Décision

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Décision

Chaumont c. Chavez Robaina

2019 QCRDL 34979

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Saint-Jérôme

 

Nos dossiers :

415989 28 20180829 G

437897 28 20190121 G

Nos demandes :

2574430

2670669

 

 

Date :

01 novembre 2019

Régisseur :

Daniel Gilbert, juge administratif

 

Guylaine Chaumont

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Jesse Ernesto Chavez Robaina

 

Monika Anand

 

Locataires - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

Contexte procédural

Demandes de la locatrice

[1]      Le 29 août 2018, la locatrice demande l’émission d’une ordonnance d’exécution afin d’obtenir l’accès au logement.

[2]      Le 19 septembre 2018, la locatrice modifie une première fois sa demande initiale afin d’obtenir essentiellement l’émission de deux ordonnances d’exécution en nature contre les locataires :

1)     Afin que la locatrice soit autorisée à effectuer des visites de vérification régulières au logement;

2)     Afin qu’il soit ordonné aux locataires de garder un seul chien de 10 livres ou moins au logement.

[3]      Le 10 octobre 2018, à la suite d’une première audience à laquelle seule la locatrice assistait, le Tribunal prononçait diverses ordonnances dans le cadre d’une décision interlocutoire. Ces ordonnances visaient à permettre l’accès au logement par la locatrice et la remise à cette dernière d’une copie des clés donnant accès au logement. Vu l’insuffisance de temps pour entendre plus amplement la preuve de la locatrice, l’audience était ajournée afin d’être poursuivie à une date ultérieure.

[4]      Le 7 novembre 2018, la locatrice modifie une seconde fois sa demande initiale afin d’obtenir l’annulation du bail pour vice de consentement. Elle demande aussi la résiliation du bail et réclame des dommages-intérêts aux locataires pour un montant de 950 $.


[5]      Enfin, lors de l’audience tenue le 3 juin 2019, la locatrice modifie verbalement sa demande afin d’obtenir la condamnation solidaire des locataires (dossier 415989).

[6]      Le 21 janvier 2019, la locatrice dépose une autre demande afin d’obtenir l’autorisation de reprendre le logement occupé par les locataires (dossier 437897).

[7]      Le 29 avril 2019, lors d’une audience antérieure, le Tribunal a ordonné d’office la réunion des demandes de la locatrice afin qu’elles soient instruites en même temps et jugées sur la même preuve selon les dispositions de l’article 57 de la Loi sur la Régie du logement[1].

[8]      Les parties sont liées par un bail initial d’une durée de 12 mois, soit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, au loyer mensuel de 1 450 $.

Preuve des parties

Preuve de la locatrice

[9]      Le Tribunal entend d’abord analyser la preuve quant à la première demande de la locatrice, notamment afin de disposer de ses prétentions quant à l’annulation ou la résiliation du bail (dossier 415989). C’est seulement dans la mesure où ces conclusions, liées à la première demande, ne sont pas accordées que le Tribunal disposera de la seconde demande (dossier 437897).

[10]   À la date de l’audience, les parties sont liées par un bail initial concernant une maison unifamiliale avec piscine d’une durée de 12 mois, soit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, au loyer mensuel de 1 450 $.

[11]   Le bail est signé entre les parties le 18 juin 2018. Dans les jours suivant le début du bail, soit vers le 3 juillet 2018, les locataires se plaignent que la serrure donnant accès au logement est brisée. La locatrice fournit alors une nouvelle serrure afin que les locataires l’installent eux-mêmes. Le 23 juillet 2018, la locatrice demande aux locataires de lui fournir une copie des clés de la nouvelle serrure, ce que ces derniers négligent ou refusent de faire jusqu’à la décision interlocutoire.

[12]   Le 3 août 2018, la locatrice se présente au logement afin de remplacer le moustiquaire de la porte-patio et constate que la piscine est à l’abandon, n’étant pas entretenue par les locataires. Elle ajoute qu’il y a un amas de biens sur le terrain et que le gazon n’est pas fait. Il s’ensuit un long échange de messages textes dans lesquels la locatrice exprime son mécontentement à la locataire quant à l’état de la piscine.

[13]   De plus, toujours le 3 août 2018, la locataire avise le père de la locatrice qu’il y a une infiltration d’eau apparente au plafond du sous-sol au point où les locataires ont été dans l’obligation de mettre des serviettes sur le plancher pour éponger l’eau qui s’écoulait. Selon la locatrice, il appert que l’infiltration d’eau provient de l’installation déficiente des boyaux d’arrivée d’eau à la laveuse. La locatrice soumet donc qu’il y a eu infiltration d’eau de façon continue depuis l’arrivée des locataires jusqu’au 3 août 2018.

[14]   Le lundi 6 août 2018, la locatrice et son père se rendent au logement afin de remettre en état la piscine. La locatrice constate alors la présence de trois chiens au logement alors que le bail intervenu entre les parties stipule la présence d’un seul « mini-chien » décrit par son nom « Preciosia ».

[15]   Le 7 août 2018, le père de la locatrice retourne au logement afin de terminer la réparation de la piscine et permettre qu’elle soit remise en marche. Le même jour, la locatrice veut ramasser l’amas de biens sur le terrain afin d’en disposer. Il semble qu’une partie de ces biens proviennent des anciens locataires qui demeuraient au logement. Toutefois, la locataire refuse, car elle veut d’abord faire un triage des biens qui se trouvent sur le terrain afin de conserver certains d’entre eux.

[16]   C’est finalement le 11 août 2018 que la locatrice, en compagnie d’une amie, effectue six voyages afin de disposer des biens accumulés sur le terrain du logement.

[17]   Le 12 août 2018, la locatrice avise les locataires que les chiens qui ne sont pas autorisés en vertu du bail doivent quitter le logement.

[18]   Le 13 août 2018, la locatrice retient les services d’un homme à tout faire afin d’effectuer les travaux suivants au logement :

·           Installer une nouvelle serrure d’entrée;


·           Rebrancher une pompe à puisard (« sump pump »);

·           Installer une porte de garde-robe qui a été endommagée;

·           Déboucher une toilette bloquée.

[19]   Le 18 août 2018, l’homme à tout faire avise la locataire qu’il veut retourner sur les lieux loués le 22 août 2018 afin de compléter des travaux. Or, la locataire lui répond qu’il ne pourra revenir effectuer des réparations au logement qu’après le 18 septembre 2018. La locatrice soulève donc le manque de coopération de la part des locataires.

[20]   Le 20 août 2018, la locataire aurait avisé la locatrice que si elle revient au logement, elle fera une plainte à la police. C’est la raison pour laquelle le 29 août 2018 la locatrice dépose une demande à la Régie du logement. Une mise en demeure datée du 29 août 2018 est transmise aux locataires, laquelle est d’ailleurs jointe à sa demande.

[21]   Après plusieurs échanges de messages textes afin d’en venir à une entente quant à une date et une heure pour avoir accès au logement, et ce, à la suite de la décision interlocutoire rendue par le Tribunal le 10 octobre 2018, la locatrice se rend au logement le 17 octobre 2018 accompagnée d’un homme à tout faire, identifié comme étant Érick Joyal, et d’un huissier qui prépare un constat.

[22]   Un serrurier, appelé à la demande de l’huissier, doit couper un câble avec serrure à combinaison (du genre utilisé pour attacher des vélos), lequel retient la porte donnant accès à la cour arrière et à la piscine puisque la locataire n’en connaît pas la combinaison.

[23]   De même, une pièce servant de rangement au sous-sol était barrée et le serrurier a ouvert cette porte qui donnait accès notamment au réservoir à eau chaude.

[24]   L’huissier instrumentant mentionne notamment les éléments suivants sur le procès-verbal de constat préparé le 17 octobre 2018 :

·           La locataire mentionne que le coupe-froid de la porte avant est endommagé ou absent sous la porte et demande à la locatrice qu’il soit réparé ou remplacé, ce que cette dernière accepte;

·           La locataire mentionne qu’elle est asthmatique chronique et, par conséquent, nettoie le filtre de ventilation de plafond toutes les semaines. Or, selon ce que l’huissier a constaté, le filtre était saturé de poussière;

·           Lors de la visite des lieux, la locataire indique qu’il n’est pas possible d’avoir accès à la chambre à coucher principale parce que son mari y dormait. L’huissier a alors demandé que la locataire ouvre la porte (qui était barrée à clé), ce qui a été accepté. Lorsque la porte s’est ouverte, un chien est sorti en aboyant, et ce, assez fort pour que la locataire ait à le retenir afin de le tirer dans une autre pièce du logement;

·           La piscine n’était pas fermée et la locatrice a dû procéder à la fermeture de celle-ci avec l’aide d’Erick Joyal;

·           Il y avait présence d’excréments de chiens à plusieurs endroits à l’extérieur;

·           Une tuile de plafond au sous-sol montre des dommages liés à l’eau. La locataire a mentionné ne pas avoir été en mesure de remplacer ces tuiles en raison des découpes qui devaient être faites.

[25]   La locatrice réclame les frais suivants aux locataires :

·           Frais de constat par huissier :                                                                       400,00 $

·           Frais de serrurier :                                                                                         178,16

·           Frais pour fermeture de la piscine et inspection du bâtiment :                     149,47

·           Frais pour réparation au moteur de la pompe de piscine :                              31,04

Total :                                                                                                             758,67 $


[26]   La locatrice soumet que les locataires sont de mauvaise foi puisqu’ils ont barré à clé une pièce de rangement au sous-sol et qu’ils refusaient qu’elle puisse accéder à la chambre à coucher principale lors de sa visite des lieux effectuée le 17 octobre 2018. Comme autre élément, la locatrice produit une photo démontrant que juste avant l’heure prévue pour l’accès au logement, le chien prénommé « Preciosa » a été emmené.

[27]   Le 13 novembre 2018, le changement du coupe-froid de la porte d’entrée avant est effectué.

[28]   La locatrice soulève comme autre élément que le 30 septembre 2018, les locataires ont changé un luminaire au logement sans la permission de la locatrice. À cet égard, la locataire témoigne qu’un électricien professionnel aurait effectué le changement sans en fournir la preuve.

[29]   La locatrice reproche aux locataires leur incapacité de l’aviser s’il y a des bris au logement et leur incapacité d’entretenir les lieux loués. Elle se dit menacée et intimidée par la locataire qui n’est pas polie à son égard.

[30]   La locatrice ajoute que la sœur de la locataire a emménagé avec elle alors que ce fait n’avait pas été déclaré au moment de louer le logement. De plus, elle soulève que la locataire n’est pas infirmière comme déclaré au moment de remplir la demande de location, et ce, selon des recherches effectuées par la locatrice après le début du bail. La locatrice indique qu’elle a accepté de louer aux locataires sans jamais vérifier l’emploi de la locataire auprès de son employeur.

[31]    Enfin, la locatrice produit une décision antérieure du Tribunal concernant les locataires et un autre locateur. Ainsi, le 13 novembre 2018, les locataires sont condamnés au paiement d’une somme de 2 037 $, plus les intérêts et les frais à la suite de leur départ d’un logement précédent en cours de bail.

[32]   En contre-interrogatoire, la locatrice admet qu’il n’y a pas eu d’inspection de l’état du logement lorsque le bail précédent a pris fin. Les locataires ont même emménagé au logement le 25 juin 2018 alors que les anciens locataires y habitaient toujours. Ainsi, en vertu d’une entente intervenue entre les anciens et les nouveaux locataires, il y a eu cohabitation pendant une période de cinq ou six jours.

[33]   Questionnée à savoir si elle savait que la pièce sous verrou au sous-sol (où se situe le réservoir d’eau chaude) était utilisée par le locataire pour jouer aux dards, la locatrice répond par la négative.

[34]   La locatrice a constaté pour la première fois l’infiltration d’eau au plafond du sous-sol le 3 août 2018, et ce, au même moment où elle se rendait au logement pour remplacer le moustiquaire de la porte-patio. Elle estime la superficie endommagée du plafond à environ 100 pieds carrés.

[35]   La locatrice admet que le tuyau qui permettait d’effectuer le drainage de la piscine (backwash) était brisé. Elle nie cependant avoir été avisée par les locataires qu’ils n’entretenaient pas et n’utilisaient pas la piscine.

[36]   Enfin, l’avocat des locataires questionne la locatrice à savoir pourquoi elle n’a pas accédé à la piscine en passant par la porte-patio du logement le 17 octobre 2018, étant d’avis qu’il n’était nullement nécessaire de demander au serrurier de couper le câble à combinaison qui barrait la porte d’accès extérieur.

Preuve des locataires

[37]   La locataire témoigne que parmi les biens accumulés sur le terrain à l’arrière du logement, elle a gardé des vélos pour les enfants.

[38]   Elle considère que la locatrice a manqué de respect à son égard. Elle lui disait toujours ce qu’elle devait faire ou ne pas faire.

[39]   La raison pour laquelle elle demandait à la locatrice d’attendre jusqu’au 18 septembre avant que des travaux puissent être faits au logement, c’est que son conjoint était à l’extérieur pendant deux mois et elle était seule à ce moment. Comme elle travaillait à l’extérieur, elle exigeait d’être présente parce que la locatrice avait la manie de vérifier partout.

[40]   Elle explique qu’il y a eu temporairement trois chiens au logement, soit un chien appartenant à son beau-père qu’elle a gardé pour un mois, un petit chien appartenant à sa tante et enfin le chien prénommé « Preciosa ».


[41]   Elle témoigne que la locatrice se plaint aujourd’hui qu’elle ait changé un luminaire au logement sans retenir les services d’un maître électricien alors qu’à l’époque elle lui a transmis un message texte montrant un pouce en l’air de manière à approuver le changement. Elle ajoute que la piscine avait des problèmes de fonctionnement dès le lendemain de leur prise de possession du logement, l’eau ayant tourné rapidement à une couleur verdâtre. Il y avait aussi un problème avec la pompe de la piscine.

[42]   En ce qui concerne la pompe de puisard (« sump pump ») au sous-sol, la locataire n’y a pas touché de sorte que si elle était débranchée, cela pouvait être le fait des locataires précédents. Elle précise qu’elle a des difficultés d’audition.

[43]   La locataire témoigne qu’elle a pris connaissance de la décision interlocutoire rendue par le Tribunal le 10 octobre 2018 dès le vendredi 12 octobre 2018.

[44]   Elle témoigne avoir accueilli adéquatement la locatrice et ne l’avoir jamais menacée de quelque façon que ce soit. Au contraire, c’est plutôt la locatrice qui prenait des photos au logement. Elle réitère qu’elle souffre d’asthme chronique.

[45]   La locataire nie qu’il y avait des excréments de chien sur le terrain à l’extérieur.

[46]   Ils sont actuellement quatre à vivre au logement : outre elle-même, il y a son mari et deux enfants. Elle admet que sa sœur est demeurée sur une base irrégulière au logement pendant une période de trois semaines, mais elle n’y a jamais emménagé de façon permanente.

[47]   En ce qui concerne son emploi, elle était infirmière diplômée au moment où elle a effectué la demande de location, mais ce n’est plus le cas au jour de l’audition.

[48]   La locataire et son conjoint occupent un emploi actuellement et sont en mesure d’acquitter le loyer mensuel.

[49]   Lors de l’audition tenue le 3 juin 2019, le Tribunal entend Erick Joyal comme témoin. Il précise avoir été présent au logement environ 30 minutes le 17 octobre 2019. La fuite d’eau provenant de la laveuse est réglée. Les tuiles du plafond suspendu du sous-sol sont toutes changées sauf une seule. Les toilettes, lavabo et douche sont vérifiés et tout est conforme. L’électricité est vérifiée et, encore là, tout est conforme. Le plancher du sous-sol n’est pas endommagé et, après avoir eu accès à la salle mécanique (pièce verrouillée au sous-sol), il constate que tout est conforme. Il note cependant que des lits étaient proches des plinthes électriques et ils ont donc été éloignés pour une question de sécurité.

[50]   En ce qui concerne la piscine, il y avait une légère fuite provenant de la pompe. Il ajoute qu’il y avait des excréments de chiens dans la cour. De plus, il a constaté la présence de sept vélos dans le cabanon et deux dans la cour.

[51]   Le Tribunal a aussi entendu monsieur Ron Fortin, homme à tout faire, comme témoin. Il affirme qu’il n’y avait aucun entretien fait par les locataires pour la piscine. La tuyauterie de la piscine a été complètement changée, ce qui a nécessité une journée de travail. Il est retourné au début du mois de novembre afin d’installer un coupe-froid à la porte d’entrée avant.

[52]   Lorsqu’il est allé au logement la première fois, il a constaté la présence de deux chiens. À la seconde occasion, il en a vu trois. Il témoigne que l’état général du logement, à l’intérieur, était correct. Il précise cependant que la cour arrière laissait à désirer.

[53]   Le père de la locatrice, monsieur Denis Chaumont, est entendu comme témoin. Il est allé deux fois au logement pour la piscine, soit les 6 et 7 août 2018. À la première date, il a remarqué que les tuiles du plafond du sous-sol étaient imbibées d’eau.

[54]   En argumentation, la locatrice demande de tenir compte des pertes qu’elle a subies vu la présence des locataires au logement. Elle demande au Tribunal d’émettre une ordonnance afin que les locataires se départissent des autres chiens qu’ils gardent au logement et qu’ils puissent garder un seul chien de moins de 10 livres. Elle demande aussi l’émission d’une ordonnance afin de les obliger à entretenir adéquatement le logement.

[55]   De plus, la locatrice demande l’annulation du bail vu les déclarations frauduleuses des locataires quant à leurs emplois et leurs revenus respectifs au moment de louer le logement.


[56]   La locatrice demande la résiliation du bail vu la négligence marquée des locataires quant aux éléments suivants :

a)     Mauvais entretien de la piscine;

b)     Installation négligente de la laveuse;

c)     Négligence des locataires à dénoncer l’infiltration d’eau provenant de la laveuse alors que celle-ci se produit du début du bail jusqu’au 3 août 2018;

d)     Nécessité de l’émission d’une ordonnance par le Tribunal afin de pouvoir accéder au logement pour y faire une réparation;

e)     Nécessité d’une ordonnance du Tribunal pour obtenir une copie des clés du logement;

f)       Non-respect de la clause au bail autorisant les locataires à garder uniquement un « mini-chien » (chien de moins de 10 livres).

[57]   En conséquence de tous ces éléments, le lien de confiance entre la locatrice et les locataires est définitivement brisé et elle demande l’expulsion dans un court délai.

[58]   De leur côté, les locataires demandent de rejeter la demande d’annulation de bail formulée par la locatrice. D’une part, le Tribunal ne peut annuler le bail pour ce motif après la prise de possession par les locataires du logement et, d’autre part, les informations données par les locataires étaient fondées à la date où ils ont complété la demande de location. De plus, il ne s’agit nullement d’un cas où les locataires ont donné de fausses identités.

[59]   Ils soumettent que le remplacement d’un luminaire au logement a été fait à la connaissance et avec l’approbation de la locatrice.

[60]   En ce qui concerne l’entretien de la piscine, rien au bail n’indique que cela relève des obligations des locataires. Et même si c’était le cas, l’avocat des locataires soumet que la locatrice n’a pas établi qu’une faute a été commise. Il soutient plutôt que les difficultés vécues avec le fonctionnement de la piscine résultent plutôt de sa vétusté.

[61]   Le constat par huissier n’était pas nécessaire et donc les frais réclamés sont superflus et prématurés. Il fallait d’abord donner la chance aux locataires de permettre l’exécution sans huissier ni serrurier de sorte que les frais de ces derniers ne devraient pas être accordés.

[62]   Il est possible que des débris, dont les locataires sont en partie responsables, aient été laissés sur le terrain arrière, mais cela ne justifie en rien la résiliation du bail. Enfin, les locataires soumettent que la locatrice n’a soumis aucune preuve par expertise quant à l’infiltration d’eau survenue au plafond du logement au sous-sol.

Analyse et décision

[63]   La demande d’annulation de bail de la locatrice n’est pas fondée. Si, comme le prétend la locatrice, elle a fait l’objet de représentations dolosives de la part de la locataire qui a indiqué sur la demande de location qu’elle était infirmière diplômée, elle aurait vérifié cette affirmation. Or, la locatrice, dans une déclaration écrite transmise au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale, indique n’avoir pas vérifié l’emploi occupé par la locataire auprès de son employeur. Dans ce cas, la locatrice ne peut affirmer maintenant qu’il s’agit aujourd’hui d’une considération essentielle sans laquelle elle n’aurait pas signé le bail.

[64]   Toutefois, le Code civil du Québec prévoit ce qui suit en ce qui concerne l’accès au logement :

« § 6. —  De l'accès et de la visite du logement

1931. Le locateur est tenu, à moins d'une urgence, de donner au locataire un préavis de 24 heures de son intention de vérifier l'état du logement, d'y effectuer des travaux ou de le faire visiter par un acquéreur éventuel.

[…]

1933. Le locataire ne peut refuser l'accès du logement au locateur, lorsque celui-ci doit y effectuer des travaux.

Il peut, néanmoins, en refuser l'accès avant 7 heures et après 19 heures, à moins que le locateur ne doive y effectuer des travaux urgents.

1934. Aucune serrure ou autre mécanisme restreignant l'accès à un logement ne peut être posé ou changé sans le consentement du locateur et du locataire.

Le tribunal peut ordonner à la partie qui ne se conforme pas à cette obligation de permettre à l'autre l'accès au logement. »

[65]   La locatrice demande la résiliation du bail en se fondant sur les dispositions de l'article 1863 du Code civil du Québec qui édictent :

« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »

[66]   Ainsi, deux conditions sont nécessaires pour conclure à la résiliation de bail :

1)     L'inexécution par les locataires de leurs obligations; et

2)     Un préjudice sérieux causé à la locatrice du fait de cette inexécution par les locataires.

[67]   Les locataires doivent notamment aviser la locatrice de défectuosités ou détériorations au logement en vertu de l'article 1866 du Code civil du Québec et supporter l'examen et la visite du logement et certains travaux, selon les articles 1857, 1865 et 1933 du Code civil du Québec.

[68]   Selon les articles 6, 7 et 1375 du Code civil du Québec, la bonne foi doit gouverner les relations entre les parties :

« 6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. »

« 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi. »

« 1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction. »

[69]   Les professeurs Jobin et Vézina exposent le fondement de la bonne foi « objective »[2] :

« 132 - Bonne foi. Notion. Caractère impératif [...] Cette bonne foi, dite objective, a un sens beaucoup plus large, soit celui de norme de comportement acceptable. Selon le contexte, de telles normes ont une dimension morale, sociale, ou encore elles renvoient simplement au « bon sens » ou au « raisonnable ». La bonne foi est donc devenue l'éthique de comportement exigée en matière contractuelle (comme d'ailleurs dans bien d'autres matières). Elle suppose un comportement loyal et honnête. On parle alors d'agir selon les exigences de la bonne foi. Ainsi, une personne peut être de bonne foi (au sens subjectif), c'est-à-dire ne pas agir de façon malicieuse ou agir dans l'ignorance de certains faits, et aller tout de même à l'encontre des exigences de la bonne foi, soit en violant des normes de comportement objectives et généralement admises dans la société. »

[nos soulignements]

[70]   Pour sa part, la locatrice est tenue d'effectuer les réparations majeures au logement, et ce, en vertu des dispositions de l'article 1864 du Code civil du Québec qui prévoient ce qui suit :

« 1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l'exception des menues réparations d'entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure. »

[71]   Le Tribunal estime que les locataires ont contrevenu à leurs obligations.

[72]   La preuve démontre que la locataire impose à la locatrice son horaire pour l'exécution de travaux qui sont pourtant nécessaires au logement alors qu’elle ne fait aucun effort pour permettre leur réalisation dans un délai raisonnable. Ainsi, lorsque la locataire refuse de permettre l’accès au logement à un mandataire de la locatrice (Ron Fortin) à compter du 22 août 2018, en indiquant qu’elle ne sera pas disponible avant le 18 septembre 2018, le Tribunal est d’avis que la locataire n’est pas de bonne foi.


[73]   La locataire ne peut forcer la locatrice à effectuer une réparation uniquement à l'heure et au jour où cela lui plaît.

[74]   Les locataires ont contrevenu, de manière répétée, à leur obligation de collaborer avec la locatrice pour qu’elle puisse accéder au logement, et ce, l'encontre des exigences de la bonne foi.

[75]   Par ailleurs, la preuve est à l'effet que la locatrice a répondu avec diligence aux demandes des locataires en procédant aux réparations requises par ces derniers.

[76]   Les locataires ont aussi des obligations. Ils doivent permettre à la locatrice d'effectuer certains travaux de réparation, tel que mentionné précédemment. Ces obligations sont notamment énoncées aux articles 1857 et 1932 du Code civil du Québec qui se lisent ainsi :

« 1857. Le locateur a le droit de vérifier l'état du bien loué, d'y effectuer des travaux et, s'il s'agit d'un immeuble, de le faire visiter à un locataire ou à un acquéreur éventuel; il est toutefois tenu d'user de son droit de façon raisonnable. »

« 1932. Le locataire peut, à moins d'une urgence, refuser que le logement soit visité par un locataire ou un acquéreur éventuel, si la visite doit avoir lieu avant 9 heures et après 21 heures; il en est de même dans le cas où le locateur désire en vérifier l'état.

Il peut, dans tous les cas, refuser la visite si le locateur ne peut être présent. »

[77]   De plus, la locatrice a établi le préjudice sérieux qu’elle a subi du fait du comportement des locataires puisqu’elle a été dans l’obligation de s’adresser au Tribunal pour obtenir une ordonnance d’accès au logement et un double de la clé à la suite du changement de serrure.

[78]   Ainsi, le Tribunal fait droit à la demande de résiliation de bail de la locatrice.

[79]   Cependant, le préjudice causé à la locatrice ne justifie pas l’exécution provisoire de la décision comme cela est prévu à l’article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement.

[80]   De plus, le Tribunal rejette la réclamation monétaire de la locatrice aux locataires puisqu’il souscrit aux arguments de ces derniers :

·           Rien au bail n’indique que l’entretien de la piscine relève des obligations des locataires. Et même si c’était le cas, la locatrice n’a pas soumis une preuve prépondérante démontrant qu’ils sont responsables du mauvais fonctionnement de la piscine;

·           Le constat par huissier n’était pas nécessaire et donc les frais réclamés sont superflus et prématurés. Il fallait d’abord donner la chance aux locataires de permettre l’exécution sans huissier ni serrurier de sorte que les frais de ces derniers ne devraient pas être accordés.

[81]   Enfin, le Tribunal fait aussi droit aux frais judiciaires de la locatrice, soit un montant de 54 $ pour les frais de signification ou de notification selon les dispositions de l’article 7 du Tarif des frais exigibles par la Régie du logement[3], plus les frais de la demande de 75 $ pour un montant total de 129 $.

[82]   Les autres demandes de la locatrice n’ont plus d’objet, le bail étant résilié.

[83]   Il n’est pas nécessaire de disposer de la demande de reprise de logement de la locatrice (dossier 437897), laquelle devient aussi sans objet. La locatrice doit donc assumer les frais de sa demande.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Dans le dossier 415989 :

[84]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion des locataires et de tous les occupants du logement;

[85]   CONDAMNE les locataires à payer à la locatrice les frais judiciaires de 129 $.


Dans le dossier 437897 :

[86]   DÉCLARE la demande de reprise de logement de la locatrice sans objet vu la décision dans le dossier no 415989, la locatrice supportant alors les frais de sa demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Daniel Gilbert

 

Présence(s) :

la locatrice

les locataires

Me Daniel Atudorei, avocat des locataires

Dates des audiences :

29 avril et 3 juin 2019

 

 

 


 



[1] Loi sur la Régie du logement, RLRQ c R-8.1

[2] Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 7e éd., par Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, nº 132, p. 220-223. La trilogie des arrêts de la Cour suprême à laquelle les auteurs font référence est composée de Banque Nationale du Canada c. Soucisse et autres, [1981] 2 R.C.S. 339; Banque Nationale du Canada c. Houle, [1990] 3 R.C.S. 122 et Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554.

[3] RLRQ c. R-8.1, r. 6.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.