Décision

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Coulombe c. Balthazard

2023 QCTAL 15332

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Trois-Rivières

 

No dossier :

659828 15 20221026 G

No demande :

3696146

 

 

Date :

17 mai 2023

Devant la juge administrative :

Brigitte Morin

 

Manon Coulombe

 

Mario Paquin

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Thierry Balthazard

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Les locateurs demandent la résiliation du bail et l’éviction du locataire, l’exécution de la décision malgré l’appel et le paiement des frais.

[2]         Ils allèguent que le locataire trouble la jouissance paisible des lieux, leur causant un préjudice sérieux.

[3]         La preuve démontre que les parties sont liées par un bail verbal ayant débuté le 4 juillet 2022 au loyer mensuel de 375 $. Les locateurs habitent le rez-de-chaussée et le locataire l’étage supérieur.

[4]         Depuis son arrivée dans le logement, le locataire trouble la jouissance paisible des lieux. Les bruits sont excessifs et quotidiens. Ils se produisent à toutes heures du jour ou de la nuit. Il lance des objets lourds et frappe avec un marteau. La locatrice Manon Coulombe souffre de sclérose en plaques, son état nécessite tranquillité et repos, ce qu’elle ne peut avoir depuis l’arrivée du locataire.

[5]         Sept dégâts d’eau ont abimé le logement, le locataire ouvre les robinets et les laissent couler. Ces dégâts ont été constaté les 8, 24 et 28 septembre, le 16 octobre, les 11 et 13 novembre 2022 ainsi que le 13 janvier 2023.

[6]         Toujours le 13 janvier 2023, le locataire a été arrêté pour menaces de mort et depuis ce temps, il est incarcéré. Les locateurs ont dû réparer la porte après que les policiers ont eu à entrer par la force lors d’une intervention.

[7]         Malgré l’envoi de deux mises en demeure, le locataire n’amende pas sa conduite et continue de troubler la jouissance paisible des lieux loués.


Analyse :

[8]         Un bref rappel du droit s’avère utile. Le locataire a l’obligation générale d’user du bien loué avec prudence et diligence, et doit notamment se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance « normale » des autres locataires par son fait ou celui des personnes auxquelles il permet l'accès aux lieux loués.[1] En cas de violation de cette obligation, le locateur peut demander la résiliation du bail.

[9]         Bien que le locataire soit titulaire du droit au maintien dans les lieux loués, lorsque le préjudice sérieux est prouvé, la résiliation du bail et l’éviction des occupants demeurent les remèdes appropriés. Le comportement fautif du locataire doit être évalué objectivement et doit dépasser les bruits et inconvénients raisonnables qui n’excèdent par les limites de la tolérance. À ce sujet, Chantal Bouchard, juge administrative s’exprime ainsi.[2]

« Par ailleurs, il est prescrit à l'article 976 du même Code, relativement aux règles particulières à la propriété immobilière, que les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance qu'ils se doivent, suivant la nature des lieux ou les usages locaux.  Cet article illustre, a contrario, le principe que les droits de l'un et sa liberté de les exercer sont limités notamment par ceux de l'autre, le tout dans la mesure de la normalité. Cette disposition constitue, par analogie, un paramètre important dans l'évaluation des troubles de voisinages en matière de louage résidentiel.

À cet égard, l'appréciation du caractère excessif ou déraisonnable des inconvénients doit se faire objectivement.  Il va de soi que dans un immeuble à logements multiples il faut redoubler de sagesse et faire diligence en ce qui a trait à la tranquillité des autres occupants, notamment, le temps où le bruit est produit peut avoir une incidence. Les heures acceptables sont celles établies par une société qui vit en interactivité et non celles d'une individualité.  Le respect et la bonne foi dans l'exercice de ses droits s'avèrent alors d'autant plus aigus. Chaque résident doit ajuster ses comportements pour tenir compte de la situation et de l'usage des lieux.  Outrepasser ces règles peut faire encourir la responsabilité du contrevenant et celle éventuelle du locateur commun. »

[10]     Dans un ouvrage récent[3], l’auteur Antoine Morneau-Sénéchal s’exprime ainsi :

« On ne peut se conduire de la même façon lorsqu’on vit dans un immeuble à appartements que lorsqu’on vit dans un chalet en pleine forêt. La vie en communauté exige certains sacrifices et certaines concessions. Tout comme il faut accepter une certaine part de dérangement de la part des voisins, il faut également se comporter de manière à ne pas déranger inutilement ces derniers.

(…)

En matière de résiliation de bail pour trouble de voisinage, il convient de citer une décision récente de la Régie du logement, qui vient rappeler les éléments qui doivent être établis pour que le locateur ait gain de cause :

  1. Une série de faits établissant des inconvénients anormaux ou excessifs, qui ont un caractère persistant ou répétitif;
  2. Le locataire en cause a agi de façon fautive ou illégitime;
  3. La situation a été dénoncée au locataire en cause, mais la problématique a persisté par la suite.

Il est important de rappeler que le tout doit être évalué de façon objective et non pas subjective. »

[11]     Les comportements du locataire sont-ils de nature à nuire à la jouissance paisible des locateurs?

[12]     Le Tribunal considère que oui. Les gestes du locataire et les bruits relatés par les locateurs démontrent que les inconvénients sont anormaux et excessifs. Ses comportements sont répétitifs et persistent dans le temps. Malgré l’envoi de deux mises en demeure, la situation ne s’est améliorée qu’au moment où le locataire a été incarcéré. Ce n’est que depuis l’absence du locataire que les locateurs ont pu jouir d’une certaine tranquillité dans leur immeuble.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[13]     ACCUEILLE la demande des locateurs;


[14]     RÉSILIE le bail et ORDONNE l’éviction du locataire et de tous les occupants;

[15]     CONDAMNE le locataire à payer aux locateurs les frais de 93,75 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

Brigitte Morin

 

Présence(s) :

les locateurs

Date de l’audience : 

21 février 2023

 

 

 


 


[1] Art. 1860 C.c.Q.

[2] R.L. 31-070322-067G. r. Chantale Bouchard, 16-11-2010.

[3] Le louage résidentiel, Ed. Wilson Lafleur ltée, Montréal, 2020, p. 48.

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