Décision

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Gabarit EDJ

Uber Canada inc. c. Agence du revenu du Québec

2016 QCCS 2158

JC00B1

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUEBEC

DISTRICT DE

 MONTRÉAL

 

No:

500-36-007668-158

 

 

 

DATE:

11 MAI 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

GUY COURNOYER, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

UBER CANADA INC.

Requérante

c.

AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC

et

CLAUDINE DUVAL

et

MAXIME ÉTHIER, SYLVIE ROBICHAUD, SYLVAIN BRASSARD, RENÉ LEVESQUE, ADIL CHENNAOUI, CONRAD CANIZALEZ, CLAUDE HÉBERT, ALEXANDRA-MAUDE VALADE ET MARC ANDRÉ PELLETIER

et

HONORABLE JEAN-PAUL BRAUN, J.C.Q.

            Intimés

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

Table des matières

Page

I - Aperçu....................................................................................................................................... 4

II - Le cadre du débat: la contestation d'un mandat de perquisition............................. 6

A - Introduction............................................................................................................................... 6

B - Les obligations de l'enquêteur............................................................................................... 7

C- Le rôle du juge réviseur........................................................................................................... 8

D - La contestation de l'exécution du mandat de perquisition.................................................. 9

III - Les infractions alléguées................................................................................................. 10

IV - La position des parties.................................................................................................... 11

A - Uber Canada......................................................................................................................... 11

1) La première infraction alléguée................................................................................. 11

2) La deuxième infraction alléguée............................................................................... 11

B - L’Agence du revenu du Québec.......................................................................................... 12

1) La première infraction alléguée................................................................................. 12

2) La deuxième infraction alléguée............................................................................... 12

V - Les dispositions législatives pertinentes.................................................................... 13

A - L'autorisation d'une perquisition.......................................................................................... 13

B - Le transport rémunéré de personnes par automobile....................................................... 14

C - La perception et le versement des taxes payables dans l'industrie du taxi.................... 16

D - Les infractions fiscales alléguées....................................................................................... 16

VI - La demande de mandat de perquisition: les faits établis et les conclusions qu'on peut en tirer....................................................................................................................................................... 17

A - Introduction............................................................................................................................. 17

B - Un résumé des faits contenus dans les dénonciations..................................................... 18

1) L'infraction d'aide à éluder la perception de la TPS et de la TVQ........................ 18

2) L'infraction au sujet des déclarations de taxes ....................................................... 25

C- Conclusions de l'enquêteuse................................................................................................ 25

VII - Les objections formulées par Uber............................................................................. 27

A - Introduction............................................................................................................................. 27

B - L’omission de décrire le régime fiscal applicable aux chauffeurs UberX....................... 30

1) Les obligations de perception de la TPS et de la TVQ et leur remise aux autorités fiscales 33

2) Les déclarations fiscales d'Uber............................................................................... 37

3) Conclusion................................................................................................................... 38

C - Les mandats de perquisitions avaient-ils une portée excessive?................................... 38

1) Introduction................................................................................................................... 38

2) La protection de l'article 8 de la Charte et les ordinateurs ou autres appareils numériques  40

3) Les difficultés posées par les fouilles d'un ordinateur ou d'un appareil numérique 44

4) L'arrêt Vu et les protocoles de perquisition............................................................. 48

 


I - Aperçu

[1]           L'Agence du revenu du Québec (« ARQ ») allègue qu'Uber Canada (« Uber ») aide les chauffeurs qui participent à son service UberX à éluder le paiement de la TPS et de la TVQ[1]. Uber utiliserait un subterfuge qui consiste à décrire les services qu'elle offre comme un système de covoiturage citoyen alors qu'il s'agit dans les faits de transport rémunéré de personnes par automobile tel que défini par la Loi concernant les services de transport par taxi[2].

[2]           L’ARQ soutient aussi qu’Uber effectue une fourniture taxable auprès des chauffeurs UberX. En effet, Uber conserve une commission de 20 % pour chaque course effectuée. Selon l'ARQ, cette fourniture ayant lieu au Québec, Uber avait l’obligation de percevoir les taxes applicables et de remettre la taxe nette à l’État.

[3]           Le 13 mai 2015, un juge délivre deux mandats de perquisition et une ordonnance de communication[3]

[4]           Le lendemain, durant l'exécution d'un mandat de perquisition chez Uber, les enquêteurs de l'ARQ constatent que les ordinateurs, les téléphones intelligents et les tablettes ont été redémarrés à distance. Ils sont informés que les données ont fait l’objet d’un encryptage à distance par les ingénieurs d’Uber Technologie-San Francisco.

[5]           L'enquêteuse se présente alors à nouveau devant le même juge et lui demande que les choses saisies sans mandat la veille soient apportées au bureau de l'ARQ[4].

[6]           Le juge délivre d'autres mandats de perquisition[5].

[7]           Uber conteste la légalité de ces autorisations.

[8]           La question qui se pose est de savoir si l'information contenue dans les demandes de mandat de perquisition était suffisante pour justifier l’autorisation des perquisitions.

[9]           Il importe de préciser que la question de la légalité du service UberX n'est pas directement en cause dans la présente affaire. 

[10]        Cependant, dans la mesure où la pierre d'assise de la mise en œuvre du régime de perceptions de la TPS et de la TVQ dans l'industrie du taxi est précisément fondée sur la définition du transport par taxi, c'est-à-dire le transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile, cette question devient incontournable et cela, de l'aveu même d'Uber[6].

[11]        La présente affaire soulève aussi des questions nouvelles et délicates au sujet de la fouille d’appareils numériques, y compris les ordinateurs, tant à l'égard des conditions qui l’encadre que des contraintes qui entourent leur exécution.

[12]        De plus, fait aussi l'objet du débat, la question de la protection des informations personnelles qui peuvent se trouver sur ces appareils numériques qui sont utilisés dans le contexte du travail ou de l'exploitation d'une entreprise[7]

[13]        Les décisions judiciaires canadiennes n'apportent pas, jusqu'à maintenant, une réponse complète et définitive à ces questions[8].

[14]        Au sujet de la principale question en litige, soit celle qui concerne la validité des perquisitions autorisées, le Tribunal, pour les motifs qui suivent, est d'avis que, selon le droit présentement en vigueur, l'information présentée au juge qui a autorisé les perquisitions était suffisante pour établir qu'Uber ne respecte pas les lois fiscales québécoise et canadienne, ce qui justifiait les perquisitions autorisées.

[15]        La preuve présentée au juge qui a délivré les mandats lui permettait de conclure qu'Uber n'a pas perçu les taxes applicables à la commission qu'elle prélève des chauffeurs UberX et que celles-ci n'ont pas été remises aux autorités fiscales.

[16]        De plus, la preuve justifiait la conclusion qu'Uber aide les chauffeurs UberX utilisant l'application Uber à éluder l'observation d'une loi fiscale, notamment le paiement, la remise ou un versement requis relatif à la TPS et la TVQ.


[17]        Dans ce jugement, le Tribunal aborde son analyse dans l'ordre suivant. 

[18]        Le Tribunal décrit d'abord les principes entourant la contestation d'un mandat de perquisition.

[19]        Il identifie ensuite les infractions qui auraient été commises par Uber Canada selon l'ARQ et il expose la position des parties à l'égard des questions en litige.

[20]        Après avoir reproduit les dispositions législatives pertinentes, le Tribunal résume les faits présentés dans les dénonciations et les conclusions qu'on peut en tirer.

[21]        Le Tribunal examine ensuite l'ensemble des motifs de contestation présentés par Uber. 

[22]        Finalement, le Tribunal aborde la question de la portée excessive des mandats de perquisition.

II - Le cadre du débat: la contestation d'un mandat de perquisition

A - Introduction

[23]        Des règles bien définies encadrent la contestation d'un mandat de perquisition. 

[24]        Un mandat de perquisition constitue une autorisation judiciaire[9]

[25]        Cette autorisation est délivrée par un juge qui signe le mandat après avoir évalué si la demande présentée par un enquêteur contient des informations suffisantes pour la justifier. Pour se conformer à l’art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, un enquêteur doit, avant d’effectuer une perquisition, fournir des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise et que des éléments de preuve se trouvent à l’endroit de la perquisition[10]. L’existence de ces motifs est établie sous serment.

[26]        Normalement, le juge qui délivre un mandat de perquisition ne rend aucun motif pour expliquer sa décision, bien qu’il puisse le faire[11]

[27]        En l'absence d'un jugement formel expliquant les raisons justifiant la délivrance du mandat de perquisition, le juge saisi de la demande de révision doit vérifier si l'information présentée au juge qui a accordé le mandat de perquisition permettait de l'accorder. Ainsi, le juge réviseur évalue notamment les inférences raisonnables que le juge qui a accordé le mandat pouvait tirer de l'information présentée dans la demande de mandat de perquisition[12].

[28]        À cet égard, le rôle du juge réviseur s'apparente, en partie, à celui d'une Cour d'appel confrontée à une motivation insuffisante de la part d'un juge d'instance[13].

[29]        Dans son jugement, le juge réviseur explique à la partie qui conteste le mandat de perquisition les raisons pour lesquelles le juge qui l'a délivré pouvait le faire.

B - Les obligations de l'enquêteur

[30]        L'enquêteur qui demande un mandat de perquisition doit présenter les faits d'une manière complète, sincère, claire et concise[14]

[31]        Il doit rédiger sa demande avec soin. Elle doit être lisible et compréhensible pour le juge à qui elle est présentée. Elle doit être organisée logiquement pour en favoriser la lecture[15]. Elle peut comprendre une table des matières, une introduction ou un aperçu qui trace un portrait général de la demande présentée, des rubriques ou des sous-rubriques, une ou plusieurs conclusions[16].

[32]        La demande pour obtenir un mandat de perquisition constitue un document qui décrit les informations qui sont en possession de l'enquêteur, la manière dont il les a obtenues et leur importance[17]

[33]        Les faits doivent être décrits d'une manière objective[18] qui permet au juge d’en faire une évaluation indépendante[19]. Le juge doit connaître tous les faits nécessaires pour rendre une décision éclairée. L'enquêteur peut néanmoins décrire les conclusions ou les inférences qu'il tire des informations qu’il possède[20]. La demande énonce les infractions qui font l'objet de l'enquête, les choses recherchées et le lieu où on pense les trouver[21].

[34]        L'enquêteur ne doit pas chercher à tromper le juge en utilisant un libellé qui peut amener celui-ci à penser que la demande a un sens qu'elle n'a pas ou tenter d’induire le juge en erreur en utilisant certaines formules génériques ou en omettant stratégiquement certains éléments pertinents[22].


C- Le rôle du juge réviseur

[35]        Pour déterminer s’il existait des renseignements fiables à partir desquels il pouvait accorder l’autorisation, le juge réviseur doit simplement se demander s’il y avait au moins quelque élément de preuve auquel auquel il pouvait raisonnablement ajouter foi pour faire droit à la demande[23].

[36]        Il s'agit d'évaluer la validité apparente de l'autorisation[24]: est-ce que les faits énoncés dans la demande suffisaient pour en justifier l’octroi?[25]

[37]        À cet égard, le juge réviseur doit se rappeler que le juge saisi de la demande d’autorisation peut tirer des inférences raisonnables de la preuve présentée dans la demande, mais l'enquêteur n’est pas tenu de souligner à grands traits ce qui est, par ailleurs, évident[26].

[38]        Lors de la contestation, le juge considère l'autorisation comme apparemment valide et il appartient au requérant en révision d’anéantir cette apparence[27]. Si cette tentative échoue, l'autorisation sera confirmée[28].

[39]        La demande d'autorisation doit être évaluée selon le bon sens, globalement et non d'une manière parcellaire, microscopique, compartimentée ou tatillonne[29].

[40]        Le juge siégeant en révision ne se substitue pas au juge saisi de la demande d’autorisation. Il ne procède pas à une nouvelle audition de la demande[30].

[41]        Le juge siégeant en révision n’a pas à se demander s’il aurait lui-même délivré le mandat, mais s’il existait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour permettre au juge de le délivrer[31]. Si le juge siégeant en révision conclut que le juge qui a accordé l’autorisation pouvait le faire, il ne doit pas intervenir[32].

[42]        Si l'enquêteur présente des faits inexacts ou erronés ou qu'il omet des informations pertinentes, le juge qui révise doit faire abstraction des renseignements erronés et déterminer si l’autorisation pouvait être accordée même en l’absence d'un fait important. 

[43]        Afin de protéger l’intégrité du processus d’autorisation, le juge qui révise peut annuler le mandat de perquisition si l’enquêteur a tenté délibérément d’induire en erreur le juge qui a accordé l’autorisation, même si les faits sont fiables et suffisants[33].

[44]        Il est important de souligner que la véracité des allégations relatives aux éléments essentiels de l’infraction contenues dans la demande pour obtenir un mandat de perquisition reste à être prouvée par la poursuite lors du procès si des accusations sont déposées[34]

[45]        Pour cette raison, bien que la demande doive alléguer la commission d'une infraction connue en droit[35], le juge n'a pas à résoudre, à cette étape, la question de savoir si les faits présentés dans la demande constituent une infraction criminelle.

[46]        Cette question n'est pas pertinente, elle le sera lors du procès, le cas échéant. Elle ne peut être tranchée tant que la poursuite n’a pas rassemblé ces éléments de preuve et qu’elle n’est pas en mesure d’engager des poursuites[36].

D - La contestation de l'exécution du mandat de perquisition

[47]        Une fouille ou une perquisition n'est pas abusive au sens de l’art. 8 de la Charte, si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même n'est pas abusive, et si la fouille ou perquisition n'a pas été effectuée d’une manière abusive[37].

[48]        L'exigence selon laquelle la perquisition ne doit pas être effectuée d’une manière abusive vise à éviter que la perquisition revête un caractère plus envahissant que ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre ses objectifs[38]

[49]        Toutefois, lors de la contestation d'un mandat de perquisition par le biais d'un recours en contrôle judiciaire[39], la manière d'effectuer une fouille ou une perquisition n'est pas en cause, car le pouvoir d'intervention de la Cour supérieure se limite à la délivrance du mandat et non à l'exécution de celui-ci[40].

[50]        Pour cette raison, la preuve relative à l’exécution de la perquisition présentée par celui qui conteste l’autorisation est sans pertinence lors de la contestation. Le juge réviseur évalue uniquement la validité de l’autorisation à la lumière des motifs raisonnables contenus dans la dénonciation présentée au juge qui a accordé le mandat de perquisition[41] et non à la lumière d'informations qui ne s'y trouvent pas.

III - Les infractions alléguées

[51]        Dans ses demandes pour obtenir un mandat de perquisition, l'ARQ allègue la commission de deux infractions par Uber: 1) la production de déclarations fausses ou trompeuses dans ses propres déclarations de taxes; 2) le fait d’aider les chauffeurs utilisant l'application Uber à éluder l'observation d'une loi fiscale, notamment le paiement, la remise ou un versement requis relatif à la TPS et la TVQ.

[52]        Voici le texte des infractions alléguées:

À Montréal, district de Montréal et ailleurs au Québec, pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er janvier 2014 et le 31 mars 2015, Uber Canada inc. a participé, consenti ou acquiescé à la production de déclarations fausses ou trompeuses, dans des déclarations, rapports, certificats, états, réponses, demandes de remboursement ou autres documents produits ou faits en vertu de la Loi sur la taxe de vente au Québec (RLRQ, c. T-0.1) ou d’un règlement adopté en vertu de cette loi, à savoir des déclarations de taxe ou taxe nette, produites en vertu de l’article 422 de cette loi, pour un montant indéterminé, commettant ainsi l’infraction prévue au paragraphe a) de l’article 62 de la Loi sur l’administration fiscale (RLRQ, c. A-6.002).

À Montréal, district judiciaire de Montréal ou ailleurs au Québec, a accompli ou omis d’accomplir, quelque chose en vue d’aider les chauffeurs utilisant l’application Uber à commettre l’infraction suivante : À Montréal, district judiciaire de Montréal et ailleurs au Québec, pour les périodes de déclaration comprises entre le 1er janvier 2014 et le 31 mars 2015, a volontairement ou de quelque manière que ce soit, éludé ou tenté d’éluder l’observation d’une loi fiscale ou le paiement, la remise ou le versement d’un droit établi en vertu de la Loi sur la taxe de vente du Québec (RLRQ, c. T-0.1) commettant ainsi l’infraction prévue au paragraphe d) de l’article 62 de la Loi sur l’administration fiscale (RLRQ, c. A-6.002). Uber Canada inc., étant partie à l’infraction en vertu de l’article 68.0.1 de la Loi sur l’administration fiscale (RLRQ, c. A-6.002).

[53]        Ayant à l'esprit la nature des infractions alléguées par l'ARQ, il convient maintenant de présenter la position des parties. 

[54]        Il sera ainsi plus facile de comprendre les motifs de contestation des mandats de perquisition que présente Uber.


IV - La position des parties

[55]        Voici le résumé de la position respective des parties[42].

A - Uber Canada

1) La première infraction alléguée

[56]        Uber soutient que la première infraction alléguée indique qu’Uber Canada Inc. aurait participé, consenti ou acquiescé à des déclarations fausses ou trompeuses produites en vertu de l’article 422 de la Loi sur la taxe de vente au Québec (« LTVQ »).

[57]        Or, ajoute-t-elle, cet article ne prévoit pas la production de déclarations de taxes. Il traite seulement de perception.

[58]        L’infraction alléguée n’existe donc pas en droit.

[59]        L’omission du mot « fait » dans le texte de l'infraction alléguée implique que celle-ci vise les déclarations des chauffeurs : Uber aurait « fait » ses propres déclarations et aurait « participé, consenti ou acquiescé » aux déclarations des chauffeurs. D’ailleurs, un tableau produit par l’ARQ lors de l’audition de la contestation fait état d’« infraction » des chauffeurs et de « complicité » d’Uber. Or, la dénonciation n’identifie pas : (1) de déclarations produites par les chauffeurs; (2) de motifs raisonnables de croire que de telles déclarations seraient fausses ou trompeuses - la dénonciation traite seulement des factures, sans distinguer la règle des 30,000 $; et surtout (3) de motifs raisonnables de croire qu’Uber aurait participé, consenti ou acquiescé à de telles déclarations, et de quelle façon.

[60]        Quant aux déclarations faites par Uber, aucune TVQ n’a été perçue durant la période visée.

[61]        On ne peut pas logiquement en tirer l’inférence de déclarations fausses ou trompeuses puisque la dénonciation: (1) n’indique pas que la « technologie Uber » serait offerte par Uber Canada Inc. - au contraire, elle a plutôt été développée par Uber Technologies Inc.; (2) ne contient pas de motifs raisonnables de croire que les 20% seraient la contrepartie de fournitures taxables effectuées par Uber - au contraire, la dénonciation fait état d’« un compte bancaire non-identifié » par Revenu Québec; et surtout (3) ne contient aucun indice d’intention coupable d’Uber, tel que l’impose la loi et la jurisprudence.

2) La deuxième infraction alléguée

[62]        À l'égard de la deuxième infraction alléguée, Uber soutient que la dénonciation ne contient aucun motif raisonnable de croire que : (1) les chauffeurs avaient l’obligation de remettre la TVQ, à la lumière du régime fiscal applicable; (2) les chauffeurs auraient volontairement éludé cette obligation; (3) Uber aurait participé de quelque manière à cette évasion; et surtout (4) Uber avait la connaissance de cette évasion et l’intention d’aider les chauffeurs à la commettre.

[63]        Selon Uber, la dénonciation est incomplète.

[64]        Enfin, Uber prétend que les mandats doivent être annulés pour trois autres motifs: 1) la dénonciation n’était pas complète et sincère car elle taisait le régime fiscal applicable. Si le juge autorisateur l’avait connu, il aurait refusé d’émettre les mandats puisque la dénonciation ne contenait aucun motif de croire que les chauffeurs utilisant UberX avaient excédé le seuil de 30,000 $; 2) ils autorisaient la saisie de documents imprimés alors que la dénonciation ne fait état d’aucun motif de croire qu’ils pouvaient faire la preuve des infractions alléguées; et 3) leur portée était excessive en autorisant la saisie de tout le contenu de tous les ordinateurs et téléphones d’Uber Canada Inc., ce qui excédait nécessairement les seules choses pouvant faire la preuve des infractions alléguées.

B - L’Agence du revenu du Québec

[65]        Selon l'ARQ, les dénonciations présentées contiennent des motifs raisonnables de croire que les infractions alléguées ont été commises. Dans ce contexte, le juge pouvait délivrer les mandats et le juge réviseur ne devrait pas intervenir.

1) La première infraction alléguée

[66]        À l'égard de la première infraction, l'ARQ fait valoir qu'Uber, étant inscrite auprès des autorités fiscales, a produit à l’ARQ des déclarations de taxes pour les périodes sous enquête.

[67]        Ces déclarations démontrent cependant qu’Uber prétend n’avoir perçu aucune taxe de vente du Québec (TVQ) durant ces périodes.

[68]        Or, puisque l’ARQ n’est qu'à l'étape de l’enquête, la dénonciation établit des motifs raisonnables qu’Uber effectuait une fourniture taxable auprès des chauffeurs UberX.

[69]        Uber conserve une commission de 20 % pour chaque course effectuée. Cette fourniture étant effectuée au Québec, Uber devait percevoir les taxes applicables et remettre la taxe nette à l’État.

2) La deuxième infraction alléguée

[70]        Quant à la deuxième infraction, l'ARQ estime avoir des motifs raisonnables de croire que les chauffeurs éludent ou tentent d’éluder l’observation d’une loi fiscale ou le paiement, la remise ou le versement d’un droit établi en vertu de la LTVQ. La dénonciation au soutien des mandats de perquisition attaqués démontre qu’un chauffeur UberX ne s’est pas inscrit à la TVQ et à la TPS.

[71]        Le défaut d’inscription permet aux chauffeurs de dissimuler leurs fournitures taxables et l’existence d’activités commerciales aux autorités fiscales ce qui rend toute vérification ou enquête quasi impossible. Sans inscription, les chauffeurs demeurent invisibles aux yeux des autorités fiscales. Ce manquement donne des motifs raisonnables de croire qu’il ne s’agit pas d’une simple inobservance de la loi de leur part mais plutôt d’une volonté d’éluder ou de tenter d’éluder l’application de la LTVQ et la remise des taxes qu’ils ont à verser.

[72]        L’ARQ estime avoir des motifs raisonnables de croire qu’Uber a accompli des gestes en vue d’aider les chauffeurs à éluder le paiement des taxes.

[73]        Uber fournit l’application mobile nécessaire au transport, elle gère le paiement des courses et émet des factures qui ne mentionnent aucun numéro de taxe ni même le montant des taxes.

[74]        Uber possède la connaissance que les chauffeurs avec qui elle fait affaires ne sont pas inscrits aux registres de la TPS et de la TVQ.

[75]        Également, elle ne demande pas les numéros de taxes des futurs chauffeurs lors de l’inscription de ces derniers. Connaissant le défaut d’inscription des chauffeurs et en ne leur fournissant pas les outils nécessaires pour se conformer à leurs obligations fiscales, Uber a volontairement ignoré ou ne s’est pas souciée de la commission de l’infraction par les chauffeurs.

V - Les dispositions législatives pertinentes

[76]        La nature des questions en litige requiert la reproduction des dispositions législatives pertinentes. 

[77]        Celles-ci concernent les dispositions pertinentes relatives aux sujets suivants: 1) l'autorisation d'une perquisition; 2) le transport rémunéré de personnes par automobile; 3) la perception et le versement des taxes payables dans l'industrie du taxi; 4) le texte des infractions alléguées.

A - L'autorisation d'une perquisition

[78]        Les articles 40 et 40.1.3 de la Loi sur l’administration fiscale[43] prévoient:

40. Un juge de la Cour du Québec peut, sur demande ex parte à la suite d’une dénonciation faite par écrit et sous serment par un employé de l'Agence, pour toutes fins relatives à l’application d’une loi fiscale, autoriser par écrit tout employé de l'Agence, ou toute autre personne qu’il désigne, à s’introduire et à perquisitionner, par la force au besoin, dans un endroit pour y rechercher toutes choses pouvant servir de preuve d’une infraction à une loi fiscale ou à un règlement pris par le gouvernement pour son application ou qui sont ou ont été utilisées pour sa perpétration, à saisir et emporter ces choses; l'employé ou la personne ainsi autorisé peut se faire assister par un agent de la paix.

L'employé qui fait la dénonciation doit avoir des motifs raisonnables de croire que ladite infraction est ou a été commise et qu’il y a dans cet endroit des choses pouvant servir de preuve de l’infraction ou qui sont ou ont été utilisées pour sa perpétration.

Le juge peut accorder son autorisation aux conditions qu’il indique, s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que telle infraction est ou a été commise et que de telles choses pouvant servir de preuve de l’infraction ou qui sont ou ont été utilisées pour sa perpétration se trouvent dans cet endroit.

La perquisition ne peut être commencée avant 7 h ni après 20 h, non plus qu'un jour férié, si ce n'est en vertu d'une autorisation écrite du juge qui l'a autorisée. Elle ne peut non plus être commencée plus de 15 jours après avoir été autorisée.

40.1.3. Lors d'une enquête relative à une infraction à une loi fiscale ou à un règlement pris par le gouvernement pour son application, un juge de la Cour du Québec peut, sur demande ex parte à la suite d'une dénonciation faite par écrit et sous serment d'un employé de l'Agence, ordonner à une personne, à l'exception de la personne faisant l'objet de l'enquête:

 a) de communiquer des documents originaux ou des copies certifiées conformes par déclaration sous serment ou des renseignements;

 b) de préparer un document à partir de documents ou renseignements existants et de le communiquer.

L'ordonnance précise le lieu, la forme de la communication, le nom de l'employé à qui elle est effectuée ainsi que le délai dans lequel elle doit être effectuée.

Le juge peut rendre cette ordonnance s'il est convaincu qu'il existe des motifs raisonnables de croire, à la fois:

 a) qu'une infraction à une loi fiscale ou à un règlement pris par le gouvernement pour son application est ou a été commise;

 b) que les documents ou renseignements fourniront une preuve touchant la perpétration de l'infraction;

 c) que les documents ou renseignements sont en la possession de la personne en cause ou à sa disposition.

L'ordonnance peut être assortie des modalités que le juge estime appropriées, notamment pour protéger le secret professionnel de l'avocat ou du notaire.

Le juge qui rend l'ordonnance ou un juge compétent pour rendre une telle ordonnance peut la modifier, la révoquer ou accorder un nouveau délai qu'il fixe, s'il est convaincu, sur demande ex parte à la suite d'une déclaration sous serment d'un employé de l'Agence appuyant la demande, que les intérêts de la justice le justifient.

La copie d'un document communiquée en vertu du présent article est, à la condition d'être certifiée conforme à l'original par déclaration sous serment, admissible en preuve dans toute procédure et a la même valeur probante que l'original aurait eue s'il avait été déposé en preuve de façon normale.

B - Le transport rémunéré de personnes par automobile

[79]        La Loi concernant les services de transport par taxi[44] définit comme suit les règles applicables au transport rémunéré de personnes par automobile:

1. La présente loi établit les règles applicables au transport rémunéré de personnes par automobile et encadre plus particulièrement les services de transport par taxi, y compris ceux de limousine et de limousine de grand luxe, afin d'accroître la sécurité des usagers, d'améliorer la qualité des services offerts et d'établir certaines règles particulières applicables aux activités des intermédiaires en services de transport par taxi.

Interprétation:

2. Pour l'application de la présente loi, on entend par:

«automobile»;

 1° «automobile», tout véhicule automobile au sens du Code de la sécurité routière (chapitre C-24.2), à l'exception d'un autobus ou d'un minibus

[…]

4. Pour offrir ou effectuer un transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile, une personne doit y être autorisée par un permis de propriétaire de taxi.

Présomption.

4.1. Tout titulaire de permis de propriétaire de taxi est réputé exercer une activité économique organisée de prestation de services à caractère commercial. Sont du capital affecté à l'exploitation de son entreprise, son permis de propriétaire de taxi et l'automobile qui y est attachée.

Droits conférés.

5. Un permis de propriétaire de taxi autorise son titulaire à posséder un seul taxi, une seule limousine ou une seule limousine de grand luxe et, soit à exploiter personnellement cette automobile, s'il est par ailleurs titulaire d'un permis de chauffeur de taxi, soit à en confier l'exploitation ou la garde à un titulaire de permis de chauffeur de taxi par suite d'un contrat de location ou d'un contrat de travail prévoyant une rémunération par salaire ou par commission.

Nombre maximal.

Une même personne ne peut être directement ou indirectement titulaire de plus de permis de propriétaire de taxi que le nombre autorisé par règlement.

Transport privé des personnes.

Le permis de propriétaire de taxi n'autorise que le transport privé des personnes sauf dans la mesure prévue à l'article 7. Par «transport privé», on entend un transport dont l'exclusivité de la course est réservée à un client et aux personnes qu'il désigne.

Automobile attachée au permis.

Un permis ne peut être délivré ou maintenu si un taxi, une limousine ou une limousine de grand luxe n'y est attaché. Le titulaire d'un permis de propriétaire de taxi qui remplace son automobile doit faire enregistrer cette substitution à la Commission des transports du Québec avant d'utiliser l'automobile en vertu de son permis.

[Le soulignement est ajouté]


C - La perception et le versement des taxes payables dans l'industrie du taxi

[80]        La Loi sur la taxe de vente[45] définit l'entreprise de taxi en ces termes à son article 1 :

« entreprise de taxis » signifie une entreprise exploitée au Québec qui consiste à transporter des passagers par taxi à des prix réglementés par la Loi concernant les services de transport par taxi (chapitre S-6.01);

[81]        Les articles 407 et 407.1 de cette loi prévoient:

407. Toute personne qui effectue une fourniture taxable au Québec dans le cadre d'une activité commerciale qu'elle exerce au Québec est tenue d'être inscrite sauf dans le cas où, selon le cas:

 1° la personne est un petit fournisseur;

 2° la seule activité commerciale de la personne consiste à effectuer la fourniture d'un immeuble par vente, autrement que dans le cadre d'une entreprise;

 3° la personne ne réside pas au Québec et n'y exploite pas d'entreprise;

 4° (paragraphe abrogé).

Entreprise de taxis.

407.1. Malgré l'article 407, le petit fournisseur qui exploite une entreprise de taxis est tenu d'être inscrit à l'égard de cette entreprise.

[Le soulignement est ajouté]

D - Les infractions fiscales alléguées

[82]        Les infractions alléguées par l'ARQ sont les suivantes: l'art. 422 LTVQ et les articles 62 et 68.01.01 de la Loi sur l'administration fiscale[46]

Loi sur la taxe de vente du Québec, RLRQ c. T-0.1

422. Toute personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire du ministre, percevoir la taxe payable par l'acquéreur en vertu de l'article 16 à l'égard de cette fourniture.

Le présent article ne s'applique pas dans le cas où:

1° la fourniture est visée à l'article 20.1;

2° la personne est un petit fournisseur qui n'est pas un inscrit et qui effectue, dans le cadre d'une activité commerciale, la fourniture d'un véhicule routier qui doit être immatriculé en vertu du Code de la sécurité routière (chapitre C-24.2) à la suite d'une demande de son acquéreur;

3° la fourniture constitue une fourniture par vente au détail d'un véhicule automobile autre que celle effectuée par suite de l'exercice par l'acquéreur d'un droit d'acquérir celui-ci qui lui est conféré en vertu d'une convention écrite de louage du véhicule qu'il a conclue avec le fournisseur.


Loi sur l'administration fiscale, LRQ c. A-6.002

62. Commet une infraction et, en outre de toute pénalité prévue par ailleurs, est passible d'une amende d'au moins 2 000 $ et d'au plus 1 000 000 $ ou, malgré les articles 231 et 348 du Code de procédure pénale (chapitre C-25.1), à la fois de cette amende et d'un emprisonnement d'au plus cinq ans moins un jour, toute personne qui:

a) fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou participe, consent ou acquiesce à leur énonciation dans une déclaration, rapport, certificat, état, réponse, demande de remboursement ou autre document produits ou faits en vertu d'une loi fiscale ou d'un règlement adopté en vertu d'une telle loi;

[...]

d) volontairement, de quelque manière, élude ou tente d'éluder l'observation d'une loi fiscale ou le paiement, la remise ou le versement d'un droit établi en vertu d'une telle loi;

[…]

f) de quelque manière, sachant qu'elle ou une autre personne n'y a pas droit, obtient ou tente d'obtenir un remboursement ou un crédit en vertu d'une loi fiscale; ou

g) conspire avec une personne pour commettre une infraction visée aux paragraphes a, d ou f.

Le présent article ne s'applique pas à l'égard du chapitre III.1 de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1) ni de la section II du chapitre II de la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre (chapitre D-8.3).

68.0.1. Toute personne qui accomplit ou omet d'accomplir quelque chose en vue d'aider quelqu'un à commettre une infraction à une loi fiscale ou à un règlement adopté en vertu d'une telle loi est partie à l'infraction et est passible de la peine prévue pour cette infraction que la personne qui a reçu l'aide ait été ou non poursuivie ou déclarée coupable.

[83]        Le Tribunal doit maintenant évaluer l'information contenue dans les dénonciations présentées au juge qui a accordé les mandats de perquisition. 

[84]        Le Tribunal procèdera dans un premier temps à cette évaluation et il expliquera ensuite pourquoi les objections formulées par Uber sont sans fondement.

VI - La demande de mandat de perquisition: les faits établis et les conclusions qu'on peut en tirer

A - Introduction

[85]        Les demandes de mandat de perquisition sont appuyées par les dénonciations de Mme Claudine Duval, une employée de l'ARQ.

[86]        Les dénonciations de Mme Duval fournissent les informations suivantes: l'origine du dossier; les renseignements fichiers et documents consultés; une description de l'application mobile Uber; un portrait de la société Uber Canada et de son directeur général à Montréal, M. Jean-Nicolas Guillemette; les résultats d'une vérification fiscale effectuée par l'Agence du Revenu du Canada visant Uber Canada; les vérifications en cours à l'ARQ; l'information recueillie et les filatures effectuées; l'information recueillie auprès de sources publiques d'informations: reportages télé diffusés; les vérifications d'adresses.

[87]        À la fin des dénonciations, on trouve un résumé utile des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise[47].

[88]        Il est important de souligner que la lecture des dénonciations de Mme Duval n'est pas toujours facile.

[89]        Le choix de présenter de manière chronologique et parfois répétitive certaines informations n'en favorise pas toujours la lecture. Les motifs appuyant la demande de mandat de perquisition ne sont pas exposés avec la clarté souhaitée[48].

[90]        Ce manque de clarté fonde l’observation suivante d’Uber au sujet de l’intelligibilité des dénonciations :

The sworn information is an investigative narrative and a hodgepodge of disjointed tax and non-tax material. It contains nothing to properly support the alleged offences. By its lack of organization, its lack of reasonable grounds properly related to the alleged offences and its lack of facts and evidence of such grounds, if any, the sworn information falls short of the minimum constitutional standard.

[Le soulignement est ajouté]

[91]        L'ARQ reconnait en partie l'existence d'un problème d’intelligibilité de la portée des dénonciations, car elle présente à l’audience, lors de la contestation, un tableau qui vise à en simplifier la lecture.

[92]        Pour l'essentiel toutefois, quelles que soient les déficiences ou insuffisances rédactionnelles des dénonciations présentées, ce qui importe c'est la suffisance des motifs présentés et non la manière dont ils sont présentés.

[93]        Or, le Tribunal estime que malgré toutes les carences rédactionnelles, les faits révélés justifient l’autorisation des perquisitions. 

[94]        Voici un résumé de l'essentiel des faits contenus dans les dénonciations présentées par Mme Duval.

B - Un résumé des faits contenus dans les dénonciations

1) L'infraction d'aide à éluder la perception de la TPS et de la TVQ

[95]        Uber est une application mobile qui a vu le jour en 2009. 

[96]        Elle met en relation les utilisateurs et les chauffeurs inscrits à Uber dans le but d’effectuer un transport de passager. L’application Uber est utilisée dans plus de 200 villes et 54 pays.

[97]        Elle a été développée par Uber Technologies inc. dont le cofondateur et président-directeur général est monsieur Travis Kalanick.

[98]        Au Canada, Uber Canada inc. est présente dans les villes suivantes : Vancouver, Edmonton, Toronto, Ottawa, Gatineau, Montréal, Québec et Halifax.

[99]        Le fonctionnement général de l’application d’Uber peut s’expliquer ainsi.

[100]     L'utilisateur des services d’Uber installe l’application sur son téléphone intelligent.

[101]     Parallèlement, après avoir complété l’approbation préalable ainsi que tous les formulaires et démarches nécessaires, le chauffeur d’Uber installe l’application Uber sur son téléphone intelligent.

[102]     En ouvrant l’application, le client peut voir les voitures (chauffeurs) à proximité ainsi que le délai d’attente pour chacune d’entre elles, grâce au système de géolocalisation des téléphones cellulaires respectifs des clients et des chauffeurs.

[103]     Il choisit une voiture avec l’application Uber et inscrit sa destination qui sera donc déjà connue du chauffeur.

[104]     Quatre types de services sont offerts au Québec à l’aide de l’application Uber soit UberX, UberXL, UberSelect et UberTaxi.

UberX 

[105]     Le tarif de base est de 2,75 $ plus 0,25 $ par minute plus 0,90 $ par kilomètre parcouru. La course minimum est de 3,75 $ et des frais d’annulation de 5,00 $ seront facturés si le client annule son service de transport. On retrouve dans cette catégorie des véhicules tels : Mazda 3, Volkswagen Jetta ou Dodge Caravan. Ils peuvent être conduits par un particulier âgé de 21 ans ou plus, titulaire d’un permis de conduire et d’une assurance personnelle pour un véhicule. Le véhicule doit être une voiture de quatre portes de moins de 10 ans, en excellent état.

UberXL

[106]     Le tarif de base est de 5,00 $ plus 0,35 $ par minute plus 1,45 $ par kilomètre parcouru. La course minimum est de 6,00 $ et des frais d’annulation de 5,00 $ seront facturés si le client annule son service de transport. On retrouve dans cette catégorie des véhicules plus luxueux tels : Dodge Caravan, Toyota Sienna ou Mitsubishi Outlander. Ils peuvent être conduits par un particulier âgé de 21 ans ou plus, titulaire d’un permis de conduire et d’une assurance personnelle pour un véhicule. Le véhicule doit être une voiture de quatre portes de moins de 10 ans, en excellent état.

UberSelect 

[107]     Le tarif de base est de 5,00 $ plus 0,40 $ par minute plus 2,40 $ par kilomètre parcouru. La course minimum est de 6,00 $ et des frais d’annulation de 5,00 $ seront chargés si le client annule son service de transport. On retrouve dans cette catégorie des véhicules de grand luxe tels : Mercedes, BMW ou Audi. Ils peuvent être conduits par un particulier âgé de 21 ans ou plus, titulaire d’un permis de conduire et d’une assurance personnelle pour un véhicule. Le véhicule doit être une voiture de quatre portes de moins de 10 ans, en excellent état.

UberTaxi 

[108]     Les tarifs sont les mêmes que ceux d’un taxi donc le tarif de base est de 3,45 $[49] plus 0,63 $ par minute plus 1,70 $ par kilomètre parcouru. Le véhicule peut seulement être conduit par un chauffeur de taxi détenteur d’un permis. Le service d’UberTaxi est basé sur un taximètre dont les prix sont les mêmes que ceux de l’industrie du taxi.

[109]     Grâce à l’application Uber, le client possède le nom du chauffeur, sa photo, son évaluation générale en tant que chauffeur, ainsi que le modèle de la voiture. Il peut suivre en temps réel le déplacement de la voiture et sera avisé par messagerie texte de l’arrivée de la voiture pour éviter l’attente à l’extérieur;

[110]     À destination, le montant est automatiquement débité sur la carte de crédit qui a été inscrite dans le compte du client pour être encaissé par un tiers non identifiable qui agit à titre d’entreprise de paiement. Il n’y a donc aucun échange d’espèces entre le client et le chauffeur.

[111]     Les clients peuvent évaluer le chauffeur sur un système de pointage à cinq étoiles lors de leur arrivée à destination. Le chauffeur doit maintenir une certaine cote pour pouvoir continuer à être « partenaire d’Uber ».

[112]     Un reçu électronique est envoyé directement au client lors du paiement à l’adresse de courriel enregistrée en lien avec la carte de crédit. Le client peut consulter ce reçu via le site internet d’Uber.

[113]     L’argent prélevé par le tiers à titre d’entreprise de paiement pour la course effectuée sur le territoire québécois est ensuite versé par paiement électronique à raison de 80 % du montant facturé au client pour les chauffeurs et la différence, soit les 20 %, est retenue à titre de commission.

[114]     Les chauffeurs sont rémunérés une fois par semaine par dépôt direct dans leur compte bancaire.

[115]     Les services rendus en utilisant la technologie Uber au Québec constituent des services taxables.

[116]     Les enquêteurs effectuent une visite afin d'identifier la place d'affaires d'Uber. Ils se présentent au 303-368 Notre-Dame ouest en prétendant vouloir s'inscrire comme chauffeurs. Ils sont alors informés qu'il s'agit des bureaux administratifs d'Uber mais qu’ils doivent se rendre au 1751, rue Richardson, bureau 6.118 pour s’inscrire.

[117]     Ils obtiennent néanmoins les informations suivantes.

[118]     Pour être chauffeur UberX[50], il faut compléter un processus d’inscription ainsi qu’un profil en ligne. Il est toutefois possible de le faire sur place avec l’assistance d’une personne-ressource.

[119]     L’approbation d'un chauffeur UberX est assujettie aux conditions suivantes: 1) détenir un permis de conduire valide pour être chauffeur; 2) avoir commis moins de deux infractions au Code de la route dans les deux dernières années; 3) ne pas avoir de dossier criminel; 4) utiliser une voiture dont l’année de fabrication la plus récente est 2005; 5) présenter une confirmation que le véhicule est assuré; 6) fournir trois photos établissant le bon état des véhicules (max. 2).

[120]     Lorsque l’inscription est complétée et les documents fournis, le dossier est analysé et si tout est conforme, le compte est activé dans un délai d’une semaine. Dès cette activation, le chauffeur peut commencer à effectuer le transport de passagers.

[121]     Le paiement ne s'effectue pas en argent comptant. Les clients doivent payer avec une carte de crédit seulement. L’installation de l’application électronique « Uber » sur un téléphone intelligent est nécessaire puisque toutes les transactions sont effectuées au moyen de cette application.

[122]     UberX jumèle un conducteur avec des clients via cette application. Une connexion internet est nécessaire au fonctionnement de l’application « Uber ».

[123]     Uber Canada inc. loue un téléphone intelligent à certains chauffeurs pour une somme de 10 $ par semaine.

[124]     Sur les montants facturés, Uber retient 20 % à titre de commissions tandis que 80 % sont remis aux chauffeurs. Les chauffeurs sont payés une fois par semaine par dépôt bancaire. Uber considère que les chauffeurs sont des travailleurs autonomes. Selon Uber, il appartient aux chauffeurs d’effectuer les déclarations requises auprès des autorités fiscales.

[125]     Une visite subséquente au 1751 Richardson permet aux enquêteurs, qui camouflent leur identité et se présentent alors comme des comptables dont certains clients sont des chauffeurs Uber, de faire certaines observations.

[126]     Les équipements informatiques suivants sont utilisés par des personnes qui se trouvent sur les lieux: ordinateurs de marque Apple Thunderbolt; quatre tablettes iPad mises à la disposition des personnes qui se présentent pour s’enregistrer à titre de chauffeurs; une trentaine de cellulaires de marque iPhone noirs se trouvent dans un panier sur le bureau de la réception; des ordinateurs portables de type MacBook.

[127]     Lors de cette visite, Uber est décrite aux enquêteurs d'une manière qui corrobore les informations obtenues antérieurement.

[128]     L’application Uber s’installe sur des téléphones intelligents et jumèle des chauffeurs avec des personnes qui cherchent du transport.

[129]     Les chauffeurs sont des « independent workers » (travailleurs autonomes) qui utilisent l’application d’Uber pour générer des revenus.

[130]     Il n’y a pas de transfert d’espèces entre les chauffeurs et les clients après la course. Toutes les ventes effectuées avec l’application Uber sont payées par carte de crédit et prélevées directement sur la carte des clients après la course.

[131]     Les chauffeurs reçoivent uniquement ce qui leur est dû par un versement hebdomadaire directement dans leur compte bancaire.

[132]     Des vérifications sont faites avant le versement aux chauffeurs pour s’assurer qu’aucune fraude n’est commise.

[133]     Bien que les chauffeurs de taxi se doivent d’être inscrits aux taxes pour remplir leurs obligations fiscales, Uber n’exige pas que les chauffeurs présentent des numéros de taxes valides lors de leur inscription.

[134]     Les chauffeurs peuvent consulter l'état des services rendus (de leurs ventes) en se connectant à leur profil sur un site Internet.

[135]     Toutes les questions concernant Uber doivent s’effectuer par courriel. Uber n’a pas de service à la clientèle téléphonique.

[136]     Par ailleurs, durant leur enquête, les enquêteurs font appel aux services d'Uber ce qui leur permet d'obtenir les informations suivantes du chauffeur qui répond à leur appel.

[137]     Ce dernier utilise son automobile personnelle. Il est chauffeur pour UberX depuis un mois. Il affirme qu’il souhaitait acheter une licence de taxi, mais que c’était trop dispendieux. Il loue des voitures de taxi avec licence.

[138]     Il affirme qu'il est plus payant de conduire une voiture taxi plutôt que de conduire pour Uber. Selon son calcul, pour un même trajet, UberX chargerait 20 à 30 % de moins qu’une voiture de taxi et en plus, Uber conserve 20 % des revenus en commission.

[139]     Les informations fiscales de ce chauffeur sont vérifiées par les enquêteurs. 

[140]     À la suite de ce transport, un enquêteur fait une demande d'information à l'adresse courriel support@uber.com au sujet de la facture reçue.

[141]     Il obtient la réponse suivante:

Joel (Uber)

11 mars à 13h43

Bonjour Luc,

Merci pour votre message. Vous avez effectué le trajet en UberX, et nous ne délivrons pas de facture pour ces trajets.

En effet, UberX est une solution de transport entre particuliers, d’où son coût attractif. Le conducteur qui vous a rendu ce service est un particulier, conducteur occasionnel, qui donc ne dispose pas de numéro de TPS ou de TVQ. La prestation vous est facturée en son nom, et Uber n’agit que comme plateforme d’intermédiation, prélevant une commission sur la somme reversée au conducteur.

Comme vous l’indiquez, nous délivrons néanmoins un reçu par email, sur lequel figurent toutes les mentions nécessaires. Vous pouvez retrouver ce reçu dans votre espace personnel sur http://rider.uber.com et vous le faire réexpédier. Ce reçu peut être utilisé pour des remboursements et pour une comptabilité interne.

Si vous désirez une facture pro forma pour chaque trajet il vous faut utiliser les services uberTaxi.

Je suis à votre disposition pour toute question complémentaire.

Bien à vous,

Joel

Uber Canada

[142]     Mme Duval en tire la conclusion qu'il n'est pas possible d'avoir le détail des taxes sur une facture générée par l'utilisation des services d'UberX.

[143]     Des enquêteurs obtiennent d'autres informations au sujet du service UberX de chauffeurs qui conduisent pour le service UberTaxi. Selon ces derniers, les chauffeurs d’UberX sont des chauffeurs illégaux. Une facture détaillée peut être transmise par Uber. 

[144]     Le relevé de carte de crédit de l'enquêteur ayant payé ces courses révèlent que le tout a été payé à Uber - support.uber.NL. Selon l'enquêteur, NL identifie les Pays-Bas.

[145]     Les enquêteurs effectuent aussi un processus d'inscription pour le service UberX sans le compléter.

[146]     Ils constatent qu’Uber n’exige pas les numéros de TPS/TVQ durant le processus d'inscription.

[147]     Deux reportages diffusés par Radio-Canada sont résumés dans les dénonciations de Mme Duval. 

[148]     L'un de ces reportages confirme la présence d'ordinateurs dans le local où est effectué le reportage. De plus, le directeur-général d'Uber, M. Guillemette, y affirme que plusieurs dizaines de milliers de Montréalais utilisent UberX et que plusieurs centaines de conducteurs se transforme en taxi quand bon leur semble.

[149]     Lors de la saisie des automobiles de deux chauffeurs d'Uber, les amendes ont été payées par Uber qui a fourni une voiture de location aux chauffeurs.

[150]     Le deuxième reportage est une entrevue de M. Guillemette avec le journaliste Gérald Fillion lors d'un reportage intitulé « La désobéissance civile d'UberX ». 


[151]     Voici l'extrait pertinent de la dénonciation de Mme Duval:

17.1     Concernant le service d’UberX :

M. Fillion : « UberX c’est du transport? »

M. Guillemette : « En effet! »

M. Fillion : « C’est une auto. Rémunérées, les personnes sont rémunérées? »

M. Guillemette : « D’une certaine façon oui »

M. Filion : « Bien, oui, ils sont payés. Je veux dire, les personnes qui transportent une personne avec UberX sont rémunérées par le client qui est assis dans l’automobile? »

M. Guillemette : « En effet! »

M. Fillion : « Transport rémunéré de personne à l’aide d’une automobile, il y a une loi, il y a une loi pour ça. ».

17.2     Concernant le service offert :

M. Fillion : « On fonce dans le cadre légal et on verra ce que ça va donner. Est ce que c’est normal de faire ça? »

M. Guillemette : « La réponse que je vous donne est il y a des dizaines de milliers de montréalais qui utilisent notre service à toutes les semaines. Il y a plus de 15 000 personnes qui ont signé la pétition qu’on a mise en ligne. Et la raison est fort simple, les gens veulent plus d’options dans les transports. Si on n’amenait pas quelque chose de nouveau, les gens n’utiliseraient pas notre service. Les gens l’utilisent parce qu’on amène quelque chose et qu’on comble un besoin qui est présent. ».

17.3     De plus, monsieur Guillemette a rajouté lors de cette entrevue que :

17.3.1   « Ce que la population désire c’est plus d’options dans les transports et pour ça, il faut quelque chose, non mais il faut faire quelque chose, faut faire quelque chose de différent. C’est nouveau. La loi dans l’industrie du taxi date d’il y a 10 ans…

La règlementation suit rarement la technologie et c’est ce qu’on affirme. Nous, on n’est pas ici pour dire on veut opérer n’importe comment! Créez un nouveau cadre règlementaire pour encadrer les services qu’on offre…

Nous on dit créer une nouvelle règlementation qui va encadrer un nouveau service qui n’existait pas et que personne ne connaissait… »

17.3.2   « Nous c’est ce que l’on cherche à combattre. Les gens qui le matin se lèvent et prennent leur auto personnelle parce qu’on offre un service fiable, sécuritaire et abordable. »;

17.3.3   « Nous ce que l’on dit c’est qu’on offre un nouveau service à la population. On peut continuer de regarder ce qui se passe dans l’industrie du taxi ou on peut se retrouver à se dire pourquoi il y a des dizaines de milliers de personnes qui utilisent notre service. C’est parce que l’on comble un besoin… ».


2) L'infraction au sujet des déclarations de taxes

[152]     L'information au sujet de cette infraction peut être résumée succinctement. Uber ne déclare aucune fourniture taxable au Québec et elle ne perçoit pas la TVQ[51] bien qu'elle perçoive une commission de 20% sur les montants facturés pour le service UberX, dont les chauffeurs fournissent des services de transport au Québec.

[153]     De l'avis de l'enquêteuse, les services rendus au Québec par Uber Canada sont des fournitures taxables au Québec[52].

C- Conclusions de l'enquêteuse

[154]     De l'ensemble des faits présentés dans ses dénonciations, Mme Duval affirme avoir des motifs raisonnables pour justifier une demande de mandat de perquisition et tire les conclusions suivantes[53] :

- Les services de transport rendus par des chauffeurs utilisant l’application Uber sont sur le territoire québécois;

- L’application Uber permet de mettre en contact des utilisateurs et des chauffeurs;

- L’application mobile fonctionne grâce à un système de géolocalisation pour mettre en contact direct chauffeurs et utilisateurs sans l’aide d’un intermédiaire. Un téléphone intelligent est nécessaire pour son fonctionnement. Uber Canada inc. fait la location de téléphone aux chauffeurs pour 10 $ par semaine;

- Dans le cas d’UberTaxi, chaque chauffeur doit fournir une série de documents : permis de conduire, licence de taxi, convention de garde, immatriculation du véhicule, assurances du véhicule, et spécimen de chèque pour le dépôt direct. Pour les autres services, les numéros de TPS et TVQ ne sont pas exigés;

- Ces documents sont numérisés et transmis électroniquement ou remis en personne au local situé au 1751, rue Richardson;

- La lecture de différents documents disponibles sur Internet permet de croire qu’Uber utilise aussi un serveur à l’extérieur de Montréal afin de conserver toutes les données relatives aux transactions d’utilisation de l’application Uber;

- Uber ne s’adjoint pas que des chauffeurs dûment autorisés par le Bureau du taxi de Montréal pour le service UberTaxi;

- Toute personne âgée de 21 ans et plus, possédant un permis de conduire valide, une voiture répondant aux critères d’Uber et une assurance personnelle pour le véhicule, peut conduire une voiture pour Uber pour le service UberX après avoir rempli les formalités requises;

- À la fin de la course, la carte de crédit de l’utilisateur est automatiquement facturée;

- L’argent est déposé dans un compte non identifié. Les chauffeurs reçoivent 80 % du montant facturé au client et Uber conserve 20 % du montant à titre de commission selon le type de services rendus.

- Les chauffeurs sont rémunérés une fois par semaine par dépôt direct dans leur compte bancaire;

- Un reçu détaillé de la course est également envoyé par courriel, mais ce reçu ne contient aucun détail sur les taxes;

- Uber Canada inc. s’occupe autant de l’aspect administratif que de l’aspect conformité de ses chauffeurs qui comprend:

·               une vérification des dossiers criminels pour ses futurs partenaires;

·               un accompagnement aux chauffeurs lors de leur inscription;

·               la fourniture de téléphones intelligents aux chauffeurs sur demande;

·               le représentant officiel d'Uber fait référence aux chauffeurs d’Uber comme étant « ses partenaires » et voire même, les qualifie de « nos chauffeurs »;

·               lors de la saisie des véhicules, Uber paie les amendes et fournit aussi un véhicule de location;

·               des inspections des véhicules obligatoires effectuées par des garagistes dûment autorisés par Uber pour son service UberX.

- Uber n’agit donc pas uniquement à titre d’intermédiaire entre le chauffeur et le client;

- L’Agence du revenu du Canada considère qu’Uber Canada inc. effectue des fournitures taxables pour l’ensemble de ses services dans l’ensemble du Canada (principalement à Toronto avec un taux de taxation de 13 % à titre de TVH). L’ARC a donc cotisé un montant supplémentaire de fournitures qu’Uber n’avait pas déclarées comme telles;

- Compte tenu de l’utilisation d’une plateforme unique au Canada, les services rendus au Québec par Uber Canada inc. constituent des fournitures taxables au Québec;

- Les éléments de preuve recherchés se trouvent sur un ou des supports informatiques, tels que cellulaire, tablette et ordinateur, aux endroits visés par les mandats de perquisition et une fouille de leur contenu sera nécessaire pour la saisie des données qu’ils contiennent;

- Les documents ou renseignements énumérés sont nécessaires pour prouver, hors de tout doute raisonnable, les infractions alléguées dans la dénonciation;

- Une ordonnance de communication aux termes de l’article 40.1.3 de la Loi sur l’administration fiscale doit être accordée afin d’obtenir les documents ou renseignements recherchés.

[155]     De l'avis du Tribunal, ces faits étaient suffisants pour justifier les mandats de perquisitions qui ont été délivrés. 

[156]     Une lecture globale et non parcellaire de l'ensemble de ces informations supporte la conclusion selon laquelle il existait quelque élément de preuve auquel le juge pouvait raisonnablement ajouter foi pour faire droit aux demandes de mandat de perquisition qui lui était présentées.

VII - Les objections formulées par Uber

A - Introduction

[157]     Il convient maintenant d'examiner les objections formulées par Uber.

[158]     Il importe tout d'abord de préciser que la contestation d'Uber souffre d'un problème d'approche dans la manière d'aborder les questions soulevées.

[159]     Le premier problème est qu'Uber aborde la contestation des mandats de perquisition comme s'il s'agissait d'une défense présentée lors d'un procès pénal au fond. 

[160]     Ceci entraîne plusieurs conséquences dans l'analyse qu'elle propose. 

[161]     D'une part, Uber adopte une perspective d'analyse microscopique alors que la jurisprudence établit clairement que l'évaluation du juge à qui on demande de délivrer un mandat de perquisition doit, certes déterminer si les exigences spécifiques de la loi et de la Charte sont respectées, mais il doit procéder à cette évaluation en considérant l'ensemble de l'information qui est présentée dans la dénonciation[54]

[162]     D'autre part, il faut avoir à l'esprit ce que faisait observer le juge Major dans CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général)[55]. Un mandat de perquisition est un outil d’enquête et il faut rejeter toute interprétation restrictive de ces pouvoirs.

[163]     Il écrit ce qui suit :

Le Code criminel, et les dispositions pénales en général, visent principalement, mais non exclusivement, à favoriser une société pacifique et intègre qui soit sûre. En vue de réaliser cet objectif, des lignes directrices interdisent les agissements inacceptables et prescrivent la poursuite et le châtiment justes de ceux qui transgressent ces normes. S’il y a possibilité d’infraction, une enquête prompte et approfondie est essentielle pour atteindre ce but. L’enquête vise à rassembler tous les éléments de preuve pertinents de manière à permettre une prise de décision judicieuse et éclairée sur l’opportunité de porter des accusations.

Au stade de l’enquête, il incombe aux autorités de trancher les points suivants: Que s’est-il passé? Qui est responsable? La conduite reprochée est-elle un comportement susceptible d’engager la responsabilité criminelle? Le mandat de perquisition est un instrument d’enquête de base qui permet de répondre à ces questions, et la disposition qui en autorise la délivrance doit être interprétée sous cet angle.

Le paragraphe 487(1) vise à permettre aux enquêteurs de découvrir et de conserver le plus d’éléments de preuve pertinents possible. Pour être en mesure d’exercer convenablement les fonctions qui leur ont été confiées, les autorités doivent pouvoir découvrir, examiner et conserver tous les éléments de preuve se rapportant à des événements susceptibles de donner lieu à une responsabilité criminelle. Il n’appartient pas aux policiers de mener une enquête pour décider si les éléments essentiels d’une infraction sont établis - cette décision relève des tribunaux. Le rôle des policiers et autres agents de la paix consiste à enquêter sur des incidents qui pourraient être criminels, à prendre une décision consciencieuse et éclairée sur l’opportunité de porter des accusations, puis à soumettre l’ensemble des faits sans les dénaturer aux autorités chargées des poursuites. À cette fin, une interprétation du par. 487(1) qui est restrictive et qui ne s’impose pas va à l’encontre du but recherchéVoir Re Church of Scientology and the Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449, à la p. 475:

[TRADUCTION] Le travail des policiers ne devrait pas être gêné par l’examen minutieux des faits et du droit, exercice qui est pertinent dans le cadre d’un procès [. . .] La question de savoir si les faits déclarés constituent une infraction criminelle peut soulever d’importantes questions de droit [. . .] Toutefois, ces questions ne peuvent guère être tranchées tant que le ministère public n’a pas rassemblé ses éléments de preuve et qu’il n’est pas en mesure d’engager des poursuites.

[Le soulignement est ajouté]

[164]     Le juge Lamer soulignait déjà cette caractéristique du mandat de perquisition dans l'arrêt Descôteaux c. Mierzwinski[56]. Voici ce qu'il écrit:

[L]a perquisition, tout en étant un véhicule de preuve, est aussi un instrument d'enquête. Il sera souvent difficile de déterminer péremptoirement la valeur probante d'une chose avant la fin de l'enquête policière[57].

[165]     Lors de la contestation d'un mandat de perquisition, le juge réviseur ne doit donc pas évaluer si la preuve présentée justifie une déclaration de culpabilité mais bien si l’État a démontré « la supériorité de son droit par rapport à celui du particulier »[58] en présentant une preuve qui respecte « la norme de la « probabilité fondée sur la crédibilité »[59] ce qui justifie, le cas échéant, l’octroi d’un mandat de perquisition.

[166]     Ainsi, lorsqu’une telle preuve est présentée « le droit d'un particulier à la protection de sa vie privée est subordonné aux besoins en matière d'application de la loi »[60]

[167]     À cet égard, l’exigence que l’on trouve à l'article 40.1 la Loi sur l’administration fiscale[61] qui autorise la recherche de toutes choses pouvant servir de preuve d’une infraction à une loi fiscale, « reflète simplement l'une des réalités élémentaires de la procédure d'enquête relative aux infractions. Il est impossible de savoir avec certitude au début d'une enquête quels articles particuliers constitueront des éléments de preuve lors d'un procès »[62].

[168]     Par ailleurs, à plusieurs reprises lors de leurs observations, les avocats d'Uber évoquent le fait que la présente affaire concerne le domaine de la fiscalité. 

[169]     Le Tribunal retient de ces observations qu'ils lui suggèrent d'aborder la contestation des mandats de perquisition et l'interprétation des dispositions fiscales en cause à l'aide d'une approche littérale et restrictive et d’adopter ainsi l'interprétation qui soit la plus favorable à Uber.

[170]     Or, dans Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), la Cour suprême a confirmé le rejet de l’approche restrictive en matière d’interprétation des lois fiscales. Le juge LeBel écrit:

21        Dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, notre Cour a rejeté l’approche restrictive en matière d’interprétation des lois fiscales et a statué que la méthode d’interprétation moderne s’applique autant à ces lois qu’aux autres lois. En d’autres termes, « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (p. 578) : voir l’arrêt 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. Toutefois, le caractère détaillé et précis de nombreuses dispositions fiscales a souvent incité à mettre davantage l’accent sur l’interprétation textuelle : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, par. 11.  Les contribuables ont le droit de s’en remettre au sens clair des dispositions fiscales pour organiser leurs affaires. Lorsqu’il est précis et non équivoque, le texte d’une loi joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.[63]

[171]     Comme on le verra plus loin, à l'étape de l'octroi des mandats de perquisition, le juge qui les a délivrés pouvait conclure que le droit était clair et que les textes de lois pertinents ne souffraient d'aucune ambiguïté.


B - L’omission de décrire le régime fiscal applicable aux chauffeurs UberX

[172]     Uber formule un reproche général à l'endroit des dénonciations présentées. 

[173]     Elle affirme que l'ARQ a omis délibérément de décrire d'une manière objective le régime fiscal applicable aux chauffeurs UberX qui, à son avis, est différent de celui applicable aux chauffeurs de taxi.

[174]     De l'avis d'Uber, les dénonciations ne précisent pas que la règle d'exception « des petits fournisseurs », c'est-à-dire ceux dont les fournitures taxables ne dépassent pas 30 000 $ sur une période de douze mois, s'applique aux chauffeurs UberX et non aux chauffeurs de taxi qui eux doivent être inscrits aux fins de la perception et de la remise de la TPS et de la TVQ.

[175]     Voici comment Uber énonce son argumentation:

70.       Strategic and material non-disclosure of important information and facts will invalidate warrants. Here, in addition to being insufficient, the sworn information was misleading in a matter of such significance that the issuing judge was unable to properly exercise his role.

(i)         The Non-Disclosure of the “Small Suppliers’ Exemption”

71.       The alleged offences do not distinguish between the drivers using uberX and those using uberTAXI. This is plainly wrong. The legislation is clear: drivers using uberTAXI were liable to be registered for QST, to charge, collect and remit QST, to file QST returns and to issue QST-compliant invoices. Drivers using uberX were not.

72.       The liability of drivers for QST will be central to the outcome of this case on the merits, if and when the Applicant is charged. This is a motion in certiorari. The issue is not whether the drivers using uberX were liable for QST or not. It is whether Revenu Québec has failed its duty of full and frank disclosure by not informing the issuing judge of the “small suppliers’ exemption”, of the QST regime applicable to taxi and non-taxi transportation businesses and, ultimately, that drivers using uberX and not receiving consideration in excess of $30,000 were not subject to the QSTA.

73.       This is not a case of alleged unreported cash transactions, unsupported deductions or fake invoices. The purported offenses are technical. Understanding them requires a solid command of the QSTA, the TAA, as well as of a number of specific legislative provisions about transportation services. Revenu Québec’s chose to leave the issuing judge in the dark.

[…]

90.       By omitting any information or explanation on the “small suppliers’ exemption”, the sworn information was unquestionably incomplete. It risked misleading the issuing judge into thinking that drivers using uberX were not complying with their obligations under the QSTA when, in fact, they were exempt from any such obligations by effect of the law.

[...]

95.       In short, in light of the technical interpretation as well as paragraph 20 of the sworn information, it is clear that Revenu Québec knew that uberX drivers were not subject to the QSTA if they remained below the $30,000 threshold. That conclusion is inescapable.

96.       A question remains: why was that crucial information not disclosed to the issuing judge? The most likely answer is also the most troubling. Revenu Québec did not have any information to claim that uberX drivers had exceeded the $30,000 threshold. There is nothing about it in the sworn information. Revenu Québec’s case was missing its lynchpin. Without solid data about the amounts received by the drivers, any reference to the potential application of the “small suppliers’ exemption” to drivers using uberX would have significantly undermined Revenu Québec’s case: the issuing judge would have known that drivers using uberX were not automatically subject to the QSTA. In that context, Revenu Québec decided to hide its wobbly wheel.

[176]     Afin d'étayer sa proposition selon laquelle la dénonciation devait décrire le régime fiscal applicable aux chauffeurs UberX par opposition aux chauffeurs de taxi, Uber se fonde sur la décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. Branton[64].

[177]     Dans cette affaire, le policier avait omis d'informer le juge auquel il demandait un mandat de perquisition que la jurisprudence était contradictoire au sujet de l'interprétation de l'infraction à l'égard de laquelle il sollicitait un mandat de perquisition.

[178]     On comprend sans mal, dans une telle circonstance, que la Cour d'appel de l'Ontario ait confirmé la décision du juge réviseur qui avait conclu que l'enquêteur avait omis de divulguer des informations pertinentes, à savoir l'existence d'une controverse jurisprudentielle au sujet de la question juridique en litige.

[179]     Cependant, l’arrêt Branton ne justifie pas la conclusion qu'un enquêteur a toujours l'obligation de décrire le régime légal applicable à la perquisition qu'il souhaite effectuer ou que l'omission de le faire constitue nécessairement une violation de son obligation juridique d’exposer les faits d'une manière complète et sincère[65].

[180]     La thèse développée par Uber exige inévitablement l'analyse de l'interaction entre la Loi concernant les services de transport par taxi et la législation fiscale applicable.

[181]     Il faut d'abord tenir compte du fait qu'un juge est censé connaître le droit[66]. Ce principe s'applique au juge qui octroi un mandat de perquisition.

[182]     Certes, il est vrai, comme l'explique la juge Arbour dans l'arrêt Ruby c. Canada (Solliciteur général)[67], que « la partie qui plaide ex parte devant un tribunal », comme un dénonciateur, « a l’obligation de présenter ses arguments avec la bonne foi la plus absolue. Elle doit offrir une preuve complète et détaillée, et n’omettre aucune donnée pertinente qui soit défavorable à son intérêt »[68].

[183]     Cela dit, la question consiste à savoir si l'omission de décrire le régime fiscal applicable est une omission fautive dans les circonstances de la présente affaire. De l'avis d’Uber, il s'agissait ici d'une tentative délibérée d'induire le juge en erreur au sujet de l'existence d'une infraction.

[184]     Or, le moins que l’on puisse dire est que l'interprétation proposée[69] par Uber selon laquelle les chauffeurs UberX sont soumis à la règle des petits fournisseurs contrairement aux chauffeurs de taxi, s’avère difficile à retenir en raison du texte clair de la loi[70] qui prévoit que le transport rémunéré de personnes par automobile exige un permis de taxi.

[185]     Voici à nouveau, les articles pertinents: les articles 4 et 4.1 de la Loi concernant les services de transport par taxi et l'article 407.1 de la Loi sur la taxe de vente:

Loi concernant les services de transport par taxi

4. Pour offrir ou effectuer un transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile, une personne doit y être autorisée par un permis de propriétaire de taxi.

Présomption.

4.1. Tout titulaire de permis de propriétaire de taxi est réputé exercer une activité économique organisée de prestation de services à caractère commercial. Sont du capital affecté à l'exploitation de son entreprise, son permis de propriétaire de taxi et l'automobile qui y est attachée.

Loi sur la taxe de vente

407.1. Malgré l'article 407, le petit fournisseur qui exploite une entreprise de taxis est tenu d'être inscrit à l'égard de cette entreprise.

[186]     À la lumière de ces définitions, il est, à tout le moins, raisonnable de penser que le juge qui a accordé les mandats de perquisitions pouvait tirer la conclusion que les chauffeurs UberX doivent être inscrits auprès des autorités fiscales, percevoir la TPS et la TVQ et les remettre à celles-ci.

[187]     Il pouvait aussi conclure de la conduite d’Uber, qui ne demandait pas à ses chauffeurs offrant son service UberX de lui fournir les numéros de TPS et de TVQ, qu’elle est pleinement consciente que cela aide ses chauffeurs UberX à éluder le paiement de ces taxes. De la même manière, le fait que le tarif établi pour le service UberX ne prévoit pas les montants de la TPS et de la TVQ justifie la même conclusion.

[188]     L'enquêteuse n'avait pas à expliquer de manière détaillée le régime fiscal applicable et l'omission de le faire n'a pas induit le juge en erreur.

[189]     L'eut-elle fait que les infractions fiscales alléguées contre Uber n'en auraient été que plus clairement établies, car les chauffeurs UberX se livrent à du transport rémunéré de personnes par automobile ce qui exige à la fois un permis de taxi et leur inscription selon les lois fiscales en vigueur. 

[190]     Voici pourquoi.

1) Les obligations de perception de la TPS et de la TVQ et leur remise aux autorités fiscales

[191]     La perception des taxes et des impôts est fondée sur un régime d'auto-déclaration et d'autocotisation qui s'appuie sur l'honnêteté et l'intégrité des contribuables[71]. En général, toute personne ou entreprise qui se livre à une activité commerciale doit percevoir la TPS et la TVQ.

[192]     Dans le domaine de l'industrie du taxi, la perception et le versement de la TPS et de la TVQ est mise en œuvre par un arrimage entre la Loi concernant les services de transport par taxi et les lois fiscales pertinentes.

[193]     La personne qui souhaite offrir ou effectuer du transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile doit y être autorisée par un permis de taxi[72]. Le titulaire d'un tel permis est réputé exercer une activité économique organisée de prestation de services à caractère commercial[73]

[194]     Ainsi, le titulaire d'un permis de taxi est tenu de s'inscrire aux fins de la TPS et de la TVQ, car il offre une prestation de services à caractère commercial ce qui est considéré comme une fourniture taxable au sens des lois fiscales québécoise et canadienne[74].

[195]     La personne qui offre un transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile sans posséder un permis de taxi est donc en mesure de contourner plus facilement l'obligation d'inscription aux fins de la TPS et de la TVQ tout en évitant de percevoir ces taxes. De plus, elle peut éviter ainsi les obligations contenues à la Loi concernant les services de transport par taxi[75], tout en offrant illégalement un service de transport dont l'exercice est encadré par la loi.

[196]     Uber fait valoir que les chauffeurs UberX ne sont pas des fournisseurs qui exploitent une entreprise de taxis selon la définition de l'article 1 de la Loi sur la taxe de vente qui prévoit :

« entreprise de taxis » signifie une entreprise exploitée au Québec qui consiste à transporter des passagers par taxi à des prix réglementés par la Loi concernant les services de transport par taxi (chapitre S-6.01);

[197]     Selon Uber, cette définition comporte deux éléments: 1) le transport de passagers par taxi et 2) à des prix règlementés par la Loi concernant les services de transport par taxi.

[198]     La Loi concernant les services de transport par taxi ou la Loi sur la taxe de vente au Québec ne définit pas le terme « taxi » mais le Code de la sécurité routière le fait à son article 4:

« taxi »: un véhicule automobile exploité en vertu d'un permis délivré en application de la Loi concernant les services de transport par taxi (chapitre S-6.01);

[199]     Uber plaide que, puisque les chauffeurs UberX n’exploitent pas leur véhicule automobile en vertu d'un tel permis, ces véhicules ne constituent pas des taxis. De plus, les tarifs des chauffeurs UberX ne sont pas établis selon les prix réglementés par la Loi concernant les services de transport par taxi.

[200]     Ces arguments sont erronés et le juge qui a accordé les mandats de perquisition pouvait conclure qu'Uber voulait aider les chauffeurs UberX à éviter de percevoir et de remettre les taxes conformément à la loi.

[201]     En effet, la Loi concernant les services de transport par taxi définit clairement le transport par taxi lorsqu'elle prévoit que le transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile doit être autorisée par un permis.

[202]     Nul ne peut offrir un service de transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile sans détenir un permis de taxi.

[203]     L'argument d’Uber est circulaire lorsqu’elle prétend que, puisque les chauffeurs UberX transportent des personnes à l'aide d'une automobile sans détenir de permis de taxi, ils n’opèrent pas une entreprise de taxi. 

[204]     Or, l'activité qui requiert la détention d’un permis de taxi est le transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile. On ne peut prétendre que l'activité à laquelle on se livre échappe à l'application de la loi parce qu'on ne respecte pas les termes clairs et non ambigus de cette loi. 

[205]     Il en va de même des obligations fiscales.

[206]     Les chauffeurs UberX ne peuvent être considérés comme des petits fournisseurs qui n'ont pas l'obligation de s'inscrire pour les fins de la perception et de la remise des taxes en considérant qu'ils n'exploitent pas une entreprise de taxi, car ils contreviennent à la Loi en ne détenant pas de permis de taxi.

[207]     On ne peut affirmer que l'on échappe à l'application d'une loi en se fondant sur sa propre délinquance.

[208]     Uber affirme que les obligations de respecter les lois fiscales incombent aux chauffeurs UberX et non pas à elle. 

[209]     La mise en œuvre du service de transport rendu accessible par l'application Uber fait en sorte qu'Uber ne peut être considérée comme le tiers et l'intermédiaire neutre qu'elle prétend être, car elle assure la gestion et le contrôle du service. Sans l'intervention d'Uber et son application, les chauffeurs ne peuvent offrir le service UberX.

[210]     Selon les faits révélés par les dénonciations, Uber agit comme « intermédiaire en services de transport par taxi » sans détenir un tel permis. 

[211]     En effet, elle fournit notamment aux chauffeurs UberX un service de répartition d'appels ou d'autres services de même nature, comme la centralisation du paiement des services de transport selon la définition contenue dans la Loi concernant les services de transport par taxi (« la Loi »)[76].

[212]     L'application Uber se révèle être la version moderne et technologiquement avancée d'un service de répartition d'appels. Uber n'agit pas comme un intermédiaire neutre et passif. Son intervention met en cause sa responsabilité pénale potentielle.

[213]     Selon l'article 117 de la Loi, la personne qui offre ou effectue un transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile sans être titulaire d'un permis de propriétaire de taxi commet une infraction.

[214]     De plus, l'article 120 de la Loi prévoit ce qui suit:

120. Une personne qui accomplit ou omet d'accomplir quelque chose en vue d'aider une personne à commettre une infraction à la présente loi ou à l'un de ses règlements, ou qui conseille à une personne de la commettre, l'y encourage ou l'y incite est partie à l'infraction et est passible de la peine prévue pour cette infraction.

[215]     La responsabilité pénale secondaire d'Uber à l’égard de la commission d'une infraction à l'article 117 de la Loi par les chauffeurs UberX est une conclusion que pouvait tirer le juge ayant octroyé les mandats de perquisition. Il pouvait aussi conclure que les dénonciations établissaient une preuve suffisante de la complicité d’Uber aux infractions fiscales de ses chauffeurs UberX.

[216]     Comme l'établit clairement la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R. c. Fitzpatrick[77], une entité réglementée est présumée accepter les conditions qui encadrent le secteur d'activités dans lequel elle choisit d'œuvrer:

[I]l faut présumer que les personnes assujetties à [une] réglementation, lorsqu'elles se lancent dans un secteur assujetti à l'obtention de permis, connaissent et ont accepté les modalités pertinentes du domaine d'activité réglementé, et qu'elles doivent donc être tenues responsables de toute violation de ces modalités »[78].

[217]     Il s'agit là de l'une des conclusions cruciales que pouvait tirer le juge ayant délivré les mandats de perquisition.

[218]     Uber ne peut prétendre ignorer les modalités applicables au transport rémunéré de personnes à l'aide d'une automobile au Québec et les responsabilités fiscales qui en découlent, car l'un des services qu'elle offre est UberTaxi. 

[219]     Pour le service UberTaxi, Uber exige que lui soit communiqué les numéros de TPS et de TVQ de ses chauffeurs. L'omission de ne pas poser la même exigence pour les chauffeurs UberX n'est pas sans conséquence.  

[220]     À cet égard, Uber fait valoir que les dénonciations ne révèlent que seulement un seul chauffeur UberX n'est pas inscrit auprès des autorités fiscales. Cependant, l'ARQ n'est pas en mesure à cette étape de son enquête d'identifier les chauffeurs québécois UberX faisant affaire avec Uber, d'où la nécessité de procéder aux perquisitions.

[221]     De plus, les faits présentés au juge ayant délivré les mandats pouvait lui permette de conclure que la nature même du service de transport de personnes UberX et son succès commercial repose notamment sur le fait que ce service ne respecte pas les exigences posées par la Loi[79] et sur l'avantage potentiellement concurrentiel que procure la non perception de la TPS et de la TVQ[80]. Cela découle logiquement des faits contenus dans les dénonciations[81].

[222]     L'entrevue du directeur général d'Uber, M. Guillemette, avec Gérald Fillion de Radio-Canada qui est résumée dans les dénonciations est d'ailleurs très révélatrice. 

[223]     La lecture des extraits contenus dans les dénonciations de Mme Duval pouvait certainement amener le juge qui a accordé les mandats de perquisition à la conclusion que M. Guillemette, l'une des âmes dirigeantes d'Uber[82], est parfaitement conscient de l'illégalité du service UberX et qu'Uber fait preuve d'ignorance volontaire dans le seul but de susciter l'établissement d'un nouveau cadre règlementaire, car la réglementation suit rarement la technologie[83].

[224]     Il faut rappeler que le droit reconnaît l'existence d'une déduction conforme au bon sens suivant laquelle une personne ou une entité corporative a voulu les conséquences naturelles et probables de ses actes[84].

[225]     De l'avis du Tribunal, ce principe s’applique à l'évaluation des motifs présentés au juge qui a accordé les mandats de perquisitions.

[226]     Non seulement Uber est-elle une entité règlementée qui est présumée accepter les conditions qui encadrent l’activité à laquelle elle choisit de se livrer, mais il était loisible au juge ayant délivré les mandats de perquisition de déduire qu'Uber voulait les conséquences naturelles et probables de son intervention, c'est-à-dire, que la TPS et la TVQ ne soit pas perçu ou remise aux autorités fiscales, en raison de l'avantage que cela procure au service UberX.

[227]     Enfin, le Tribunal partage l'observation suivante de l'ARQ:

Le défaut d’inscription permet aux chauffeurs de dissimuler leurs fournitures taxables et l’existence d’activités commerciales aux autorités fiscales ce qui rend toute vérification ou enquête quasi impossible. Sans inscription, les chauffeurs demeurent invisibles aux yeux des autorités fiscales[85].

[228]     Par ailleurs, le redémarrage à distance des ordinateurs pendant l'exécution des mandats de perquisition constitue un facteur non négligeable. Lors de la délivrance des nouveaux mandats de perquisition, cette conduite, qui revêt toutes les caractéristiques d'une tentative d'entrave à la justice, permettait au juge émetteur de conclure qu'Uber voulait soustraire la preuve de sa conduite illégale à l'attention des autorités fiscales[86]

[229]     Qu'Uber mette en doute ou non cette information est sans importance à l'étape de la contestation des mandats de perquisition, car il s'agit de l'information qui a été présentée au juge autorisateur. 

[230]     La nature du service UberX offert de même que le contrôle exercé par Uber est tel qu'il n'était pas déraisonnable, pour le juge qui a accordé les mandats de perquisition, de penser qu'Uber est pleinement consciente qu'elle aide les chauffeurs UberX à éluder le paiement de la TPS et de la TVQ et qu'elle se soustrait à ses propres obligations fiscales à l'égard de la commission perçue des chauffeurs UberX. 

2) Les déclarations fiscales d'Uber

[231]     Un dernier mot au sujet des multiples objections qu'Uber présente à l'égard de l'infraction alléguée au sujet de ses propres fournitures taxables (voir les paragraphes 56 à 61 du présent jugement).    

[232]     De l'avis du Tribunal, les dénonciations contenaient des informations visant les déclarations fausses et trompeuses d'Uber et non celles de ses chauffeurs UberX. 

[233]     Ces déclarations concernent la commission perçue par Uber des chauffeurs UberX à l'égard du service de transport de personnes offert au Québec. La commission étant un accessoire à cette fourniture taxable des chauffeurs UberX, elle devait donner lieu à une perception fiscale ce qui, selon les dénonciations, n'a pas été le cas. 

[234]     Toutes les questions concernant l'identité de différentes entités corporatives d'Uber et leur rôle à l'égard de la commission perçue et des services offerts aux chauffeurs UberX devront être résolues à la lumière de l'enquête. Cependant, il suffit qu'il y ait un « lien réel et important » entre les infractions alléguées et le Québec pour que la compétence des tribunaux québécois soit établie[87].

[235]     Cela dit, pour les fins de l'octroi des mandats de perquisition, les motifs présentés à l'égard de l'infraction d'Uber aux dispositions de l'article 62 de la Loi sur l'administration fiscale étaient suffisants pour justifier la conclusion qu'Uber a fait une déclaration fausse et trompeuse en ne révélant pas les fournitures taxables, soit la commission prélevée de 20%.

3) Conclusion

[236]     De l'ensemble des faits qui lui étaient présentés le juge ayant délivré les mandats de perquisition pouvait donc conclure qu'il existait des éléments de preuve pouvant justifier la conclusion qu’Uber avait commis les infractions fiscales alléguées. 

[237]     Il ne s'agit pas de déterminer si Uber a commis les infractions alléguées mais si les informations présentées étaient suffisantes pour justifier la délivrance des mandats de perquisition et permettre ainsi la poursuite de l'enquête afin de déterminer si les infractions fiscales ont été commises.

[238]     Il va sans dire que le Tribunal n'affirme pas que les dénonciations étaient un modèle de rédaction ou qu'elles n'auraient pas pu être plus précises, mais la question est celle de leur suffisance.

[239]     À la lumière du principe selon lequel on considère les mandats de perquisition comme « apparemment valide »[88] et du corridor restreint justifiant l'intervention du juge réviseur, le Tribunal estime qu'il ne doit pas annuler les mandats de perquisition en raison de l'insuffisance des motifs présentés.

[240]     Ainsi, la seule question qui demeure est celle de la portée excessive des mandats de perquisition.

C - Les mandats de perquisitions avaient-ils une portée excessive?

1) Introduction

[241]     Uber fait valoir que les perquisitions avaient une portée excessive et que le juge qui a octroyé les mandats devait imposer des conditions préalables entourant leur exécution tel un protocole de perquisition, selon l'expression consacrée par la jurisprudence, notamment pour protéger les informations personnelles par opposition aux informations de nature commerciale.

[242]     Uber formule sa position de la manière suivante:

101.     In the present instance, Revenu Québec has not only seized relevant tax and commercial documents. On the basis of the warrants, Revenu Québec has seized personal information of the Applicant’s employees, including Mr. Guillemette, as well as other information that could not afford evidence of the alleged offences because of its:

a)         Nature (for example, pictures, music, “Internet favorites” and browsing history, social media postings, etc.);

b)         Contents (for example, non-tax documents or information or, more specifically, all documents or information outside the scope of “Schedule II” of the warrants); or

c)         Date of creation (all the information or documents created outside the time period of the alleged infractions, which started on January 1st, 2014 and ended on March 31st, 2015).

102.     Thus, the warrants were intrinsically incoherent. A valid search warrant cannot authorize, on the one hand, the making of “mirror images” or the taking of computers and smartphones in order to, on the other hand, seize only information that may afford evidence of technical tax offences.

103.     In other words, by authorizing Revenu Québec to take the Applicant’s computers and smartphone without contents limitations, the warrants simply disregarded the constitutional requirement to authorize only the seizures of things that may afford evidence of alleged offences.

104.     In the physical world, warrants allowing the seizure of things that cannot afford evidence would never be authorized. In this instance, the warrants did not allow Revenu Québec to seize all of the Applicant’s printed documents. Revenu Québec could only take those containing relevant information. The rules are the same in the digital world.

105.     Computer forensics technologies provide investigators with a range of effective methods for targeting their search for electronic evidence and protecting private information, such as by limiting searches by date ranges, file types and sizes, keywords, phrases and expressions, etc.

106.     In order to avoid authorizing a sweeping search including a wide array of irrelevant information and becoming, in effect, a digital fishing expedition, the warrants should have included a computer search protocol, proposed by Revenu Québec and assessed and sanctioned by the issuing judge.

107.     For example, the alleged offences would have been committed between March 31st, 2014 and January 1st, 2015. Accordingly, the search protocol could have excluded all files created after that later date. Similarly, the search protocol could have identified certain file types and certain words or expressions in the files, including: tax, taxes, TPS, TVQ, GST, QST, reçus, receipts, factures, invoices, bills, Revenu Québec, Revenu Canada, Agence du Revenu du Canada, ARC, CRA, RQ, ARQ, QRA, etc.

108.     This is not to say that computer search protocols will, as a general rule, always be required. In the present instance, however, imposing a computer search protocol was the only way to strike a proper balance between Revenu Québec’s alleged interests and the constitutionally-protected privacy rights at play.

[243]     Les observations d'Uber soulèvent clairement les défis que pose la fouille d'un ordinateur ou d'un appareil numérique comme un téléphone intelligent, car les fichiers numériques que ces appareils contiennent peuvent être accidentellement mal désignés, intentionnellement camouflés ou encore tout simplement cachés[89].

[244]     Avant d’aborder la question de savoir si le juge devait imposer des conditions encadrant l’exécution des mandats de perquisition, il est essentiel de décrire la protection qu'offre l'article 8 de la Charte et tout aussi important de comprendre les défis créés lors de l’exécution des mandats de perquisitions qui visent la saisie d’ordinateurs et d’autres appareils numériques comme les téléphones intelligents.

2) La protection de l'article 8 de la Charte et les ordinateurs ou autres appareils numériques

[245]     Nul ne doute que la Charte protège les informations personnelles sauvegardées sur un ordinateur ou tout autre appareil numérique.

[246]     Les décisions de la Cour suprême dans les affaires R. c. Cole[90], R. c. Vu[91] et R. c. Fearon[92] l'établissent clairement.

[247]     Le juge Fish en note toute l'importance dans l’arrêt R. c. Cole où la Cour suprême aborde la question de la protection des renseignements personnels sur un ordinateur de travail :

[1]        Dans l’arrêt R. c. Morelli, 2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253, la Cour n’a laissé aucun doute que les Canadiens peuvent raisonnablement s’attendre à la protection de leur vie privée à l’égard des renseignements contenus dans leurs propres ordinateurs personnels. À mon avis, le même principe s’applique aux renseignements contenus dans les ordinateurs de travail, du moins lorsque leur utilisation à des fins personnelles est permise ou raisonnablement prévue.

[2]        Les ordinateurs qui sont utilisés d’une manière raisonnable à des fins personnelles — qu’ils se trouvent au travail ou à la maison — contiennent des renseignements qui sont significatifs, intimes et qui ont trait à l’ensemble des renseignements biographiques de l’utilisateur.  Au Canada, la Constitution accorde à chaque personne le droit de s’attendre à ce que l’État respecte sa vie privée à l’égard des renseignements personnels de ce genre.

[47]      Les ordinateurs qui sont utilisés à des fins personnelles, indépendamment de l’endroit où ils se trouvent ou de la personne à qui ils appartiennent, « renferment les détails de notre situation financière, médicale et personnelle » (Morelli, par. 105).  Cela est particulièrement vrai lorsque, comme en l’espèce, l’ordinateur sert à naviguer sur le Web. Les appareils connectés à Internet « révèlent [. . .] nos intérêts particuliers, préférences et propensions, enregistrant dans l’historique et la mémoire cache tout ce que nous recherchons, lisons, regardons ou écoutons dans l’Internet » (ibid.).

[48]      Les renseignements personnels de ce genre se situent au cœur même de l’« ensemble de renseignements biographiques » protégés par l’art. 8  de la Charte.

[…]

[54]      En l’espèce, les réalités opérationnelles du milieu de travail de M. Cole militent à la fois pour et contre l’existence d’une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée.  Pour, car les politiques écrites et la pratique proprement dite permettaient à M. Cole d’utiliser à des fins personnelles l’ordinateur portatif fourni pour son travail.  Contre, car les politiques et la réalité technologique l’empêchaient d’exercer un contrôle exclusif sur les renseignements personnels qu’il choisissait d’y enregistrer, et sur l’accès à ceux-ci.

[58]      La nature des renseignements en cause favorise nettement la reconnaissance d’un droit au respect de la vie privée protégé par la Constitution.  L’utilisation à des fins personnelles par M. Cole de l’ordinateur portatif fourni pour son travail engendrait des renseignements qui sont significatifs, intimes et reliés organiquement à l’ensemble de ses renseignements biographiques.  Bien entendu, à l’opposé on trouve le droit de propriété sur l’ordinateur portatif détenu par le conseil scolaire, les politiques et les pratiques en vigueur dans le milieu de travail, ainsi que la technologie en place à l’école.  Ces considérations réduisaient le droit de M. Cole au respect de sa vie privée à l’égard de son ordinateur portatif, du moins par comparaison avec l’ordinateur personnel en cause dans l’arrêt Morelli, mais elles ne l’éliminaient pas complètement.

[248]     Dans l'affaire R. c. Vu[93], la Cour suprême devait décider si la fouille d’un ordinateur devait faire l’objet d’une autorisation expresse préalable. La Cour estime que c'est le cas.

[249]     Le juge Cromwell décrit ainsi les attentes de vie privée d'une personne à l'égard de son ordinateur personnel:

[40]      Il est difficile d’imaginer une atteinte plus grave à la vie privée d’une personne que la fouille de son ordinateur personnel : Morelli, par. 105; R. c. Cole, 2012 CSC 53, [2012] 3 R.C.S. 34, par. 3. L’ordinateur constitue [traduction] « un instrument aux multiples facettes sans précédent dans notre société » : A. D. Gold, « Applying Section 8 in the Digital World : Seizures and Searches », document préparé pour le 7th Annual Six-Minute Criminal Defence Lawyer (9 juin 2007), par. 3 (je souligne).  Considérons maintenant certaines des distinctions qui existent entre les ordinateurs et les autres contenants.

[41]      Premièrement, les ordinateurs stockent d’immenses quantités de données, dont certaines, dans le cas des ordinateurs personnels, touchent à l’« ensemble de renseignements biographiques d’ordre personnel » qu’a mentionné notre Cour dans R. c. Plant, [1993] 3 R.C.S. 281, p. 293.  L’ampleur et la variété de cette information rendent irréalistes les comparaisons avec les contenants traditionnels de stockage.  On nous dit que, en avril 2009, les lecteurs de disque dur commerciaux dotés de la plus importante capacité de mémoire pouvaient stocker deux téraoctets de données.  Or, un seul téraoctet peut contenir à peu près 1 000 000 de livres de 500 pages chacun, 1 000 heures de vidéo ou 250 000 chansons de quatre minutes.  Même le disque dur de 80 gigaoctets d’un ordinateur de bureau peut stocker l’équivalent de 40 millions de pages de texte : L. R. Robinton, « Courting Chaos : Conflicting Guidance from Courts Highlights the Need for Clearer Rules to Govern the Search and Seizure of Digital Evidence » (2010), 12 Yale J.L. & Tech. 311, p. 321-322. Compte tenu de cette capacité phénoménale de stockage, la Cour d’appel de l’Ontario a certainement eu raison de conclure qu’il existe une différence importante entre la fouille d’un ordinateur et celle d’une mallette trouvée au même endroit.  Comme l’a exprimé la Cour d’appel, un ordinateur [traduction] « peut abriter un univers presque illimité d’informations » : R. c. Mohamad (2004), 69 O.R. (3d) 481, par. 43.

[250]     Finalement, dans l’arrêt R. c. Fearon[94], la Cour suprême doit déterminer le droit applicable aux fouilles accessoires à l’arrestation à l’égard des téléphones cellulaires.

[251]     Dans ce contexte, le juge Cromwell met de nouveau en relief l'importance de la protection des informations de nature personnelle :

[51]      Il est bien établi que la fouille de téléphones cellulaires, comme la fouille d’ordinateurs, met en cause d’importants intérêts en matière de vie privée qui sont différents, de par leur nature et leur étendue, de ceux en cause lors de la fouille d’autres « lieux » : R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 38 et 40-45. Il n’est pas réaliste d’assimiler un téléphone cellulaire à une mallette ou à un document trouvé en la possession du suspect au moment de l’arrestation.  Comme on l’a indiqué dans l’arrêt Vu, les ordinateurs — et j’ajouterais les téléphones cellulaires — peuvent avoir une immense capacité de stockage, peuvent générer des données concernant la vie intime de l’utilisateur, comme ses intérêts, ses habitudes et son identité; ils peuvent conserver à l’insu de l’utilisateur ou sans son intention des données même lorsque l’utilisateur croit les avoir supprimées, et peuvent donner accès à des renseignements qui ne se trouvent pas concrètement « à l’endroit » où la fouille est effectuée : par. 41-44.

[52]      Au moment d’établir le cadre général du pouvoir de procéder à une fouille, il ne faut pas distinguer différents appareils cellulaires en fonction de leurs capacités particulières. Ainsi, par exemple, le même cadre général permettant de déterminer la légalité de la fouille accessoire à l’arrestation devrait s’appliquer au téléphone cellulaire relativement peu sophistiqué en cause en l’espèce comme il devrait s’appliquer aux autres appareils assimilables à des ordinateurs : voir Vu, par. 38.

[252]     Ces préoccupations au sujet de la protection de la vie privée sont d'ailleurs au cœur de la décision de la Cour d'appel[95] dans la présente affaire qui ordonne la mise sous scellé des choses saisies lors de l'exécution des mandats pendant leur contestation devant la Cour supérieure.

[253]     La Cour d’appel écrit :

[33]      La requérante plaide, à bon droit, qu’il serait impossible de la remettre dans la situation où elle aurait été si les intimés ne s’étaient pas vu accorder l’accès aux choses et aux documents saisis. L’atteinte à la vie privée, s’il en est une, serait ainsi irréversible, rendant du coup en grande partie inefficace la demande de certiorari : « Once lost », dit la requérante dans sa requête pour permission, « privacy cannot be regained ». Le refus de la mise sous scellés des objets saisis est un obstacle à la protection des droits de la requérante ainsi que de ceux des tiers concernés. On peut estimer que l’article 29 C.p.c. est ainsi satisfait.

[…]

[42]      En l’espèce, selon la preuve produite, plusieurs éléments visés par la saisie, comme les ordinateurs et les téléphones portables « intelligents », risquent fortement de contenir des informations autres que strictement commerciales, auxquelles l’intimée pourrait ne pas avoir droit en vertu des mandats : historique de recherche, contacts de messagerie, documents en dehors de la période couverte par les infractions et autres. Dans Louisbourg, l’attente en matière de vie privée était relativement faible en raison de l’activité commerciale réglementée dont il était question. Or, le juge a eu tort de ne pas noter que le même cadre d’analyse ne pouvait s’appliquer ici, notamment en raison de la portée de la saisie et de l’emplacement visé par les perquisitions.

[43]      En l’espèce, le juge a considéré « [qu’]aucun préjudice spécifique autre que la prise de connaissance par l’ARQ du contenu des données et des documents saisis » n’avait été démontré (paragr. [21]). Par contre, la requête en entiercement de la requérante énonce clairement un préjudice spécifique affectant non seulement la requérante, mais aussi des tiers, dont le juge n’a vraisemblablement pas tenu compte :

27.   The following things were seized by Revenu Québec […] : approximately 74 phones, including iPhones, cellphones and cellphones with a note indicating “BAD”; 14 computers; 2014 invoices; a number of “partnership” agreements; a list of individuals with phones and emails; information as to payments to drivers; SAAQ information on drivers; MS-Excel spreadsheets; image of contents of a USB key; a number of vehicle inspection forms, as well as other various paperwork.

28.   Revenu Québec seized the personal computer of a student working for the Applicant. Despite repeated requests, Revenu Québec refused to make a mirror copy of the contents of that student’s computer instead of seizing it. Revenu Québec accepted to copy certain files on a USB key for the student. […]

86.1   The electronic equipment seized by Revenu Québec also contains significant personal information of the Applicant’s employees, including their personal pictures, their Internet browsing history, their contacts and all the other personal files that are commonly found on one’s laptop. […]

86.4   The harm that would be suffered by the Applicant if Revenu Québec was granted access to the seized intangible and things is irreparable by nature and, as such, cannot be remedied if the eventual decisions of this Court on the quashing of the warrants does not accord with the result of this motion. Again, information cannot be unlearned and documents cannot be unread.

[…]

87.   If privacy is to be safeguarded by the protection against unreasonable searches and seizures, it cannot be vindicated after it has been violated. Without an order from this Court impounding the seized intangibles and things, the serious grounds alleged by the Applicant in support of their attack on the searches and seizures will become academic, as Revenu Québec will have the time to review the information before this Court can rule on the serious legal grounds raised by the Applicant.

[Soulignements ajoutés.]

[44]      De l’avis de la Cour, ces allégations précises, lues en conjonction avec les procès-verbaux de saisie, suffisaient à démontrer l’existence d’un préjudice irréparable au sens de l’arrêt Tabah.

[45]      Le juge s’est donc mépris dans son appréciation du critère du préjudice irréparable et n’a pas exercé sa discrétion de manière judiciaire.

[46]      Qu’en est-il maintenant de la prépondérance des inconvénients?

[47]      Notons d’abord que le juge a raison de souligner l’importance de l’intérêt public dans l’évaluation des inconvénients, et notamment de considérer « le droit des contribuables au respect des lois fiscales » comme facteur qui milite en faveur du point de vue des intimés (voir le paragr. [24] du jugement).

[48]      Toutefois, l’erreur du juge dans l’évaluation des considérations relatives à la protection de la vie privée l’a amené à banaliser le tort que causerait le refus du redressement demandé. Il est certes possible que le remède de l’exclusion de la preuve pourrait effectivement servir à protéger la requérante de l’utilisation par les autorités d’éléments obtenus illégalement, dans l’éventualité où des accusations seraient portées contre elle - ce qui n’est pas encore le cas ici. Cependant, cette « réparation » ne pourrait être qu’imparfaite puisque, pour reprendre les mots de la requérante « [i]nformation cannot be unlearned and documents cannot be unread ». Ainsi, pour qu’une protection du droit à la vie privée soit efficace, et qu’elle ne soit pas vidée de son sens, il faut envisager une mise en œuvre préventive, et non strictement réactive. Comme l’a écrit le juge Baudouin dans R. c. Zeppetelli[ : « l'entiercement est une mesure préventive inhérente à la protection constitutionnelle de la vie privée à l'encontre d'une saisie qui pourrait être éventuellement déclarée abusive ».

[254]     La manière d'éviter la consultation de renseignements personnels qui ne sont pas visés par un mandat de perquisition lors de l'exécution d'une fouille numérique requiert une analyse sensible de la protection qui doit être accordée à ce type d’informations.

3) Les difficultés posées par les fouilles d'un ordinateur ou d'un appareil numérique

[255]     Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute, compte tenu des observations des enquêteurs durant leur enquête, qu'il était raisonnable de croire que l'information pouvant servir de preuve d’une infraction à une loi fiscale serait découverte sur des ordinateurs ou un autre support numérique. 

[256]     Compte tenu de l'organisation du service de transport UberX et des modalités de sa mise en œuvre, cette conclusion était tout à fait raisonnable et conforme aux observations du juge Cromwell dans l'arrêt Vu: « [à] quel autre endroit pourrait-on s’attendre à trouver de tels documents »[96]?

[257]     Dans son article Executing Warrants for Digital Evidence: The Case for Use Restrictions on Nonresponsive Data, le professeur américain Kerr compare les défis posés par la fouille d'un ordinateur ou d'autre appareil numérique à la recherche d'une aiguille dans une botte de foin:

The relevant technological facts are easy to grasp. A typical person today owns many electronic storage devices. Each device can store hundreds of thousands or even millions of pages worth of information. It is impossible to know if specific information is contained on a device without searching it. And behind the scenes, it turns out that electronic information can be stored anywhere on a device. Putting these facts together, a law enforcement search for digital evidence requires searching for a needle in an enormous electronic haystack. And because computers get better and better every year, storing more and more information, the haystack is becoming exponentially larger over time[97].

[258]     L'information contenue dans un ordinateur ou un téléphone intelligent est si vaste que l'identification des informations visées par un mandat de perquisition ne peut se faire qu'en procédant à une fouille minutieuse a posteriori.

[259]     Dans l'article intitulé Placing Proper Restraints on the General Warrant — Searching of Data Storage Devices Following Lawful Seizure[98], les auteurs décrivent le type de fouilles d'appareils numériques qui peuvent être accomplies lors de l'exécution d'un mandat de perquisition visant un ordinateur ou un appareil numérique:

In a forensic search, investigators from specialized police departments make an exact copy, called an “image” or “mirror image,” of the entire DSD[[99]] and conduct all subsequent analysis based on that image utilizing specialized software programs.

Searching a DSD with the assistance of software can occur at different levels. Professor Kerr, an American scholar who researches computer crime, has noted, “digital evidence searches generally occur both at a ‘logical’ or “virtual' level and a ‘physical’ level.” The distinction between physical searches and a logical search is fundamental because a physical search requires an officer to look at each and every file on the system. This physical search has a significant impact on the plain view doctrine. A logical search is based on the file systems found on the hard drive as presented by the operating system. A physical search identifies and recovers data across the entire physical drive without regard to the file system. A logical search may begin when an investigator searches for a photograph or image. He or she could direct the forensic examination software to search for files with an extension known to be used for images such as “.jpg” or “.gif”. EnCase has a feature called “Gallery View”; this feature can perform the search described above with a single command. As such, this type of search can occur quickly.

As it is easy to hide an image by simply changing its extension, a physical level search is often required. This entails using software to locate an image by searching file headers. A file header is a segment of data that informs the operating system about the associated file. This header does not change even if the extension placed on the file does. Additionally, file header characteristics can be located in slack space or in partially deleted files.

Searching for text files typically involves a similar search process for image files. Professor Kerr states, “A search for text files resembles a search for image files. The basic idea is to use any known characteristics of the file to search for data on the hard drive that matches those characteristics, and to conduct the search both at the logical and physical level.”

Much like a crime scene investigation where ultraviolet lights and chemicals may be used to search for invisible evidence such as blood and bodily fluids, in searching a DSD the forensic software acts as an assisting agent to uncover evidence not otherwise visible to the naked eye. Notwithstanding the use of devices and technology to assist in the search, the nature of the search remains the same. Just as a standard search uses external devices to facilitate the search, a forensic examination relies on other devices and should be viewed as a standard search, and not as a special or unique type of investigative technique necessitating a general warrant[100].

[Le soulignement est ajouté et les appels de notes sont omis]

[260]     Le droit américain autorise les policiers à saisir les ordinateurs et à les retirer du lieu où la perquisition a été effectuée afin de procéder à la fouille numérique de ceux-ci.

[261]     Selon le professeur Kerr, les tribunaux américains font preuve de déférence à l'égard des fouilles numériques qui visent à identifier les choses visées par un mandat de perquisition:

Current law on the physical search stage is simple and deferential to law enforcement. When officers execute a warrant for digital evidence, courts have held that the officers can remove any computers that might contain the digital evidence described in the warrant. They can then take the computers off site for a subsequent search. Rule 41 of the Federal Rules of Criminal Procedure now expressly recognizes the need for two-step computer seizures. The Committee Notes to the 2009 rule change state:

Computers and other electronic storage media commonly contain such large amounts of information that it is often impractical for law enforcement to review all of the information during execution of the warrant at the search location. This rule acknowledges the need for a two-step process: officers may seize or copy the entire storage medium and review it later to determine what electronically stored information falls within the scope of the warrant.

The execution of warrants for digital evidence ordinarily divides into two stages. First, during the physical search stage, agents search for and seize electronic storage devices such as computers and any storage disks that may contain the evidence sought. Second, during the electronic search stage, agents make copies of the data contained in the seized storage devices and then use forensic software to search the copied data for the evidence described in the warrant[101].

[262]     La saisie d'un ordinateur et la fouille électronique ou numérique qui en découle sont ainsi décrites par le professeur Kerr:

The next step is the electronic search stage. In the typical case, agents will bring the devices off site and make a perfect electronic copy of the device. The perfect copy, known as an “image,” exactly replicates what is on the original. Agents will then run forensic software on the image in a search for digital evidence. The goal of the electronic search is to identify the data that is responsive to the warrant — that is, the data that falls within the particular description of the property to be seized. The responsive data can then be separated out from the nonresponsive data outside the scope of the warrant.

Courts are generally deferential in allowing agents the discretion to find adequate ways to identify the responsive data. As long as agents search in a reasonable fashion, most courts say the search is proper. There is no clear case law, at least yet, on the outer bounds of when a search for responsive data at the electronic search stage becomes “unreasonable.” Some courts have indicated that a search becomes unreasonable when an agent subjectively ceases to look for the responsive data and instead begins looking for other data. But other courts reject the subjective approach, instead finding searches reasonable even if they may result in highly invasive forensic searches through the hard drive for evidence outside the scope of the warrant[102].

[263]     Bien entendu, la portée excessive d'une fouille numérique soulève la question de l'encadrement qui devrait être mis en place avant leur exécution.

[264]     Dans son ouvrage Hutchison's Search Warrant Manual 2015, l’auteur Hutchison décrit la problématique de la portée excessive d’un mandat de perquisition ainsi :

One challenge peculiar to electronic media is that of overseizure. A warrant authorizes the seizure of certain identifiable things. The seizure of those things is justified by the grounds in the Information to Obtain. The warrant will he properly challenged if it authorizes the seizure of things beyond those justified by the grounds.

Computers, however, condense onto a single physical medium a wide range of information about a person. A warrant to seize a computer hard drive authorizes the seizure of a mass of information about the target. For example, a perfectly valid warrant might authorize the seizure of a hard drive of a child pornographer to permit the police to have the best evidence for court and to ensure that the contraband images are not left with the accused (for to do so would be to permit a continuing offence). However, that hard drive may well have on it other information not related to the accused’s pornographic effort, but related to, for example, a credit card fraud otherwise unknown to the police.

In R. v. Jones, the Ontario Court of Appeal held that a warrant to search a computer did not include an open ended search of every file for any offence. The grounds and offences under investigation implicitly limit the scope of the search and any review of material outside the original investigation would be subject to judicial review later[103].

[Le soulignement est ajouté]

[265]     Le professeur Kerr admet que l'absence de conditions à l'étape de la délivrance d'un mandat de perquisition permet dans les faits une fouille d'une portée excessive, car la saisie d'un ordinateur ou d'un téléphone intelligent comprendra nécessairement des informations qui ne sont pas visées par le mandat.

[266]     Cependant, il exprime l'avis qu'il s'agit de la solution qui est préférable :

First, courts should not impose limits at the physical search stage. It is true that allowing a full seizure at the physical search stage technically permits an overseizure. The government seizes not just the evidence described in the warrant, for which a judge found probable cause, but also the nonresponsive data that happens to be stored alongside it and any physical devices that might contain it. But there is no reasonable alternative given the time-consuming nature of electronic searches.

The massive storage capacity of computers, combined with the ease of hiding evidence inside them, ensures that computer searches usually take a lot of time. If the government must find a needle in the haystack, and searching the haystack may take weeks or longer, the government must choose among three unhappy choices. First, they can seize the entire haystack for subsequent searching off-site. Second, they can bring a few officers to the haystack and have them stay there for a few weeks as they search through it. Or third, they can simply accept that haystack warrants cannot be executed because haystack searches are too time-consuming. Among these three choices, the first is the least bad option[104].

[Le soulignement est ajouté]

[267]     Selon le professeur Kerr, la solution au problème inévitable de la portée excessive réside dans l'adoption d'une règle qui interdit l'utilisation de la preuve qui n'est pas visée par les termes d'un mandat de perquisition[105]:

On the other hand, to make sure computer warrants do not resemble general warrants in their execution, the agents should only be allowed to use the evidence that is actually described in the warrant. Nonresponsive data found in the course of the search for responsive data should generally be walled off from further use[106].

[268]     Cette question déborde le cadre de la présente contestation et il ne convient pas d'y répondre[107]. Cela dit, cette problématique illustre la complexité de l'exécution des fouilles numériques.

4) L'arrêt Vu et les protocoles de perquisition

[269]     Les difficultés que posent les fouilles numériques étant mieux circonscrites, il faut maintenant examiner les conclusions de la Cour suprême dans l'arrêt Vu afin de déterminer si les conditions exigées par Uber devaient être imposées par le juge ayant octroyé les mandats de perquisition afin d'éviter que la fouille des ordinateurs et autres appareils numériques ne devienne abusive en raison de leur portée excessive.

[270]     Dans l’arrêt R. c. Vu[108], la Cour suprême a conclu que la fouille d'un ordinateur exige une autorisation préalable expresse, mais que les protocoles de perquisition ne sont pas, en règle générale, requis par la Charte

[271]     Le juge Cromwell formule plusieurs observations au sujet des exigences posées par l'article 8 de la Charte dans ce contexte. Elles peuvent être ainsi résumées:

-       Les « conditions préalables » ou « protocoles de perquisition » ne sont pas, en règle générale, requis par la Constitution[109];

-       L’art. 8 de la Charte ne requiert pas que la manière de fouiller un ordinateur soit toujours précisée à l’avance[110];

-       La manière dont la perquisition a été exécutée fait généralement l’objet d’un contrôle a posteriori[111];

-       Le contrôle minutieux a posteriori, où les deux parties présentent des éléments de preuve et des arguments, est plus propice à l’élaboration de nouvelles règles sur la façon d’effectuer les fouilles que ne l’est la procédure ex parte de délivrance des mandats[112];

-       Le fait d’exiger que soient, en règle générale, imposés des protocoles de perquisition avant l’exécution de la fouille rendrait vraisemblablement l’étape de l’autorisation beaucoup plus complexe, en plus de créer des difficultés d’ordre pratique, car, à cette étape le juge de paix saisi de la demande d’autorisation n’est probablement pas capable de prédire le genre de techniques d’enquête que les policiers pourront et devront utiliser dans le cadre d’une perquisition donnée, ou encore de prévoir les défis qui surgiront une fois que les policiers commenceront leur perquisition[113]

-       Il est souvent difficile de prédire l’endroit où les policiers devront fouiller pour trouver la preuve recherchée[114] et où les dossiers pertinents peuvent se trouver dans un ordinateur[115];

-       Les tentatives en vue d’imposer des protocoles de perquisition à l’étape de l’autorisation risquent de créer des angles morts dans une enquête et de contrecarrer les objectifs légitimes de l’application de la loi dont tient compte le processus d’autorisation préalable[116]

-       Toutefois, les policiers ne sont pas autorisés à passer sans discernement les appareils au peigne fin. La manière de procéder à la perquisition ne doit pas être abusive et doit être en lien avec les motifs au soutien de la dénonciation[117].

[272]     La Cour d'appel a suivi les enseignements de l'arrêt Vu dans l'affaire Cohen c. Québec (Procureur générale)[118] au sujet de la mise en place d'un protocole de fouille préalable.

[273]     La Cour écrit:

[17]      Le mandat autorise la recherche et la saisie de "toute preuve, fichiers images, écrits et vidéos concernant la possession de pornographie juvénile". Cette description est suffisante dans les circonstances.

[18]      Dans R. c. Jones, 2011 ONCA 632, le mandat prévoyait la recherche de "data relating to certain e-mail transactions, images relating to counterfeit items, and "[a]ny electronic data processing and storage devices, personal computer and computer systems". Le juge Blair écrit que les termes du mandat ne sont pas vagues ou trop larges ("too broad") :

[33] [...] it permits a search in the respondent's residence for, and the seizure of: (i) any personal computers and related equipment or devices ("the computers"), (ii) data stored within a computer system relating to email transmissions between the respondent and the seller of the motorcycle, and (iii) any documents, images or digital representations of counterfeit tokens of value including, but not limited to, counterfeit Western Union money orders. In effect, the warrant contemplated a two-staged search: first, for the computer and related devices, and secondly a search of the contents of the computer for evidence relating to the email transmissions and the counterfeit images in question. This is not too broad.

[43] Here, that focus has been accomplished not by limiting access to the contents of the computer but - as described above - by framing the type of evidence that may be sought (evidence relating to the email transmissions and to counterfeit images) and the crimes to which that evidence relates (possession of stolen property and forgery). The focus on the type of evidence being sought, as opposed to the type of files that may be examined is helpful, it seems to me, particularly in cases where it may be necessary for the police to do a wide-ranging inspection of the contents of the computer in order to ensure that evidence has not been concealed or its resting place in the bowels of the computer cleverly camouflaged.

[19]      En l'espèce, la précision selon laquelle les éléments recherchés concernent la possession de pornographie juvénile suffit pour limiter légalement la recherche. Autrement dit, si, en cours de fouille, les policiers constatent que le fichier qu'ils comptent ouvrir, ou qu'ils ont ouvert, tout comme tout autre document auxquels ils ont accès, n'est pas en lien avec de la pornographie juvénile, ils doivent cesser immédiatement de l'examiner et le refermer aussitôt, ce qui suffit, étant donné la nature des éléments de preuve recherchés. Cela permet de conclure que le mandat était suffisamment précis, à tout le moins en rapport avec un recours en certiorari.

[20]      Par ailleurs, l'appelant reconnaît que des conditions d'exécution (des "directives spéciales", comme l'écrit le juge Cromwell dans R. c. Vu, [2013] 3 R.C.S. 657) ne sont pas obligatoires. Il n'y a pas ici excès de compétence ou erreur de droit à la lecture du dossier uniquement parce que le juge de paix n'a pas émis de telles directives[119].

[274]     Pour les mêmes motifs, le Tribunal estime que les mandats de perquisition en l'espèce ne doivent pas être annulés. Dans la présente affaire, la description des choses visées est suffisante pour circonscrire adéquatement la portée de la perquisition[120]. De plus, il ne s’agit pas ici « de renseignements concernant des droits de propriété intellectuelle confidentiels ou encore des renseignements susceptibles d’être protégés par un privilège »[121].

[275]     Les faits colligés par l’enquêteuse ne permettaient pas de croire que les ordinateurs ou autres appareils numériques saisis contenaient des informations personnelles à moins d'en présumer leur présence en tout temps.

[276]     Or, dans l'arrêt Vu, le juge Cromwell évoque ce problème lorsqu'il souligne que les policiers savent rarement à l'avance si un ordinateur contiendra des renseignements personnels.

[277]     Il écrit :

[64]      Bien que la portée des présents motifs se limite aux perquisitions visant un lieu et autorisées par un mandat, les motifs s’appliquent également à tous les ordinateurs découverts dans le lieu à l’égard duquel un mandat de perquisition a été décerné.  Autrement dit, chaque fois que les policiers ont l’intention de fouiller les données stockées dans un ordinateur découvert dans le lieu où une perquisition a été autorisée, ils ont besoin d’une autorisation expresse pour le faire. Je ne vois aucune raison, pour les besoins du processus d’autorisation préalable, de traiter les ordinateurs différemment les uns des autres selon l’utilisation particulière qui est faite de chacun. Par exemple, relativement à la délivrance de l’autorisation préalable, je ne fais aucune distinction en l’espèce entre l’ordinateur « personnel » et l’ordinateur de « sécurité », puisque les deux permettaient de stocker des renseignements personnels. Les ordinateurs ne distinguent pas les données qui sont personnelles de celles qui ne le sont pas; si des renseignements peuvent être réduits à une série de un et de zéros, ils peuvent être stockés dans n’importe quel ordinateur. Qui plus est, la décision de fouiller ou non les données se trouvant dans un appareil est nécessairement prise avant que les policiers sachent exactement ce que contient celui-ci. Il arrive rarement que les policiers sachent, à l’étape de l’autorisation précédant la fouille d’un ordinateur, si cet appareil est utilisé à des fins personnelles ou non. Par conséquent, pour ce qui concerne l’autorisation, je traiterais tous les ordinateurs de la même façon.

[278]     Un dernier commentaire s'impose au sujet de la nature de la fouille numérique à laquelle les enquêteurs de l'ARQ se proposent de procéder.

[279]     Dans l'affaire Vu, le juge Cromwell note que les policiers ne voulaient pas utiliser des techniques d’investigation criminalistique perfectionnées pour passer l’appareil saisi au peigne fin:

[60]      En l’espèce, la fouille des ordinateurs visait des éléments de preuve confirmant l’identité des propriétaires et occupants d’une habitation. Il n’y a rien au dossier qui puisse nous aider à formuler un protocole de perquisition qui soit à la fois pratique et approprié, et qui aurait pu être imposé dans la présente affaire. Selon la façon dont les ordinateurs étaient utilisés — facteur que les policiers ne pouvaient connaître avant d’examiner les appareils — la preuve recherchée aurait pu être découverte à peu près n’importe où dans ceux-ci. Par exemple, l’adresse de l’occupant ou une photo de celui-ci aurait pu figurer dans un document Word, un fichier Excel, un logiciel de production de déclarations de revenus, des fichiers images ou vidéos, divers comptes en ligne, etc. En outre, la fouille de l’un ou l’autre de ces types de logiciels ou de fichiers n’aurait pas nécessairement permis de trouver l’information recherchée. Enfin, les policiers n’avaient d’aucune façon indiqué qu’ils entendaient recourir à des techniques d’investigation criminalistique perfectionnées pour passer l’appareil au peigne fin, et ils n’ont d’ailleurs fait aucune tentative de la sorte. À mon avis, aucune circonstance ne tendait à indiquer qu’il était nécessaire d’inclure un protocole de perquisition dans un mandat autorisant la fouille d’ordinateurs, au cas où de tels appareils seraient découverts dans la résidence.

[Le soulignement est ajouté]

[280]     On peut imaginer sans difficulté dans le présent dossier que la situation est différente.

[281]     En effet, il est raisonnable de penser que les enquêteurs de l'ARQ devront se livrer à une fouille numérique minutieuse des choses saisies en utilisant des techniques perfectionnées de fouille.

[282]     Cela dit, le Tribunal partage l'analyse du professeur Kerr qu'il n'existe aucune alternative réaliste à la saisie complète des supports numériques et à leur fouille subséquente ce qui entraînera inévitablement l'accès à des informations qui ne sont pas visées par un mandat de perquisition. 

[283]     Dans l'arrêt Vu, la Cour suprême paraît avoir reconnu cette conséquence inévitable d'une fouille numérique lorsque le juge Cromwell réfère au droit américain:

[58]      Aux États-Unis, les tribunaux ont reconnu la difficulté de prédire où les dossiers pertinents peuvent se trouver dans un ordinateur. Bien que la Tenth Circuit Court ait déjà suggéré que les policiers ne devraient être autorisés à fouiller les ordinateurs que par types de fichier, par titres ou par mots clés (voir United States c. Carey, 172 F.3d 1268 (10th Cir. 1999), p. 1276), des décisions postérieures se sont éloignées de cette approche : W. R. LaFave, Search and Seizure : A Treatise on the Fourth Amendment (5e éd. 2012), vol. 2, p. 968-969. À titre d’exemple, dans United States c. Burgess, 576 F.3d 1078 (10th Cir. 2009), affaire décidée 10 ans après Carey, le même tribunal a tiré la conclusion qu’[traduction] « [i]l est irréaliste de s’attendre à ce qu’un mandat limite de façon prospective l’étendue d’une fouille par répertoires, noms de fichier ou extensions, ou tente de structurer des méthodes de fouille [. . .] [D]e telles limites restreindraient indûment les objectifs légitimes des fouilles » (p. 1093-1094).  Plus récemment, dans United States c. Christie, 717 F.3d 1156 (10th Cir. 2013), la Tenth Circuit Court a conclu qu’[traduction] « [i]l peut arriver que des fichiers informatiques soient accidentellement mal désignés, intentionnellement camouflés ou encore tout simplement cachés, autant de situations qui empêchent les enquêteurs de savoir d’avance quel genre de fouille leur permettra de dénicher les preuves qu’ils recherchent légitimement » : p. 1166; voir, en général, O. S. Kerr, « Ex Ante Regulation of Computer Search and Seizure » (2010), 96 Va. L. Rev. 1241, p. 1277.

[284]     Il est bien possible que la seule solution à ce problème soit la création d'une règle qui interdit l'utilisation de la preuve qui n'est pas visée par un mandat de perquisition, car cette utilisation serait susceptible de rendre la manière d'effectuer la fouille abusive.

[285]     Cette question ne se pose pas en l'espèce, car la contestation d'un mandat ne concerne que la délivrance de l'autorisation et non son exécution[122].

[286]     Il semble approprié de souligner qu'il est toujours possible qu'une personne demande la remise d'une chose saisie selon l'article 138 du Code de procédure pénale.

[287]     Puisque l’enquêteuse ne pouvait pas savoir que les ordinateurs ou téléphones numériques pouvaient contenir des informations personnelles, il n'était pas justifié d'imposer une condition préalable à cet égard.

[288]     Par ailleurs, le Tribunal rappelle en conclusion, l'observation suivante du juge Cromwell dans l'arrêt Vu:

[61] Il est sans doute évident, à ce point-ci, que ma conclusion selon laquelle aucun protocole de perquisition n’était requis par la Constitution en l’espèce ne signifie pas que, une fois munis d’un mandat, les policiers étaient pour autant autorisés à passer sans discernement les appareils au peigne fin. En effet, ils demeuraient quand même tenus de se conformer à la règle requérant que la manière de procéder à la perquisition ne soit pas abusive. Par conséquent, s’ils s’étaient rendu compte durant la perquisition qu’il n’existait en fait aucune raison de fouiller un logiciel ou un fichier spécifique dans l’appareil, le droit relatif aux fouilles, perquisitions et saisies exigeait qu’ils s’abstiennent de le faire.

[289]     L'ARQ devra avoir à l'esprit ces commentaires afin d’éviter que l’exécution des fouilles numériques ne soit abusive.

[290]     POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[291]     REJETTE la demande de contrôle judiciaire;

[292]     ORDONNE que les choses saisies soient remises à l'Agence du Revenu du Québec;

[293]     AVEC FRAIS DE JUSTICE.

 

 

__________________________________

GUY COURNOYER, J.C.S.


 

 

Me Nicolas Cloutier

Me Nicolas Chaput

Procureurs pour la requérante

 

Me Éric Bernatchez

Me Valérie Ouellet

Procureurs pour l’Agence du revenu du Québec

 

 

Date d’audience :

30 novembre 2015

 


ANNEXE (Annexe II de la dénonciation)

 

Description des choses qui pourront servir de preuve de l’infraction décrite à l’annexe III ou qui sont ou ont été utilisées pour sa perpétration

Toutes les choses et tous les documents énumérés ci-après concernant Uber Canada inc.

Pour la période du 1er janvier 2014 au 31 mars 2015 :

1          Tous les livres et registres comptables démontrant les revenus, encaissements, achats, dépenses, déboursés, salaires, la perception et la remise des taxes;

2          Toutes les pièces justificatives à l’appui des revenus, encaissements, achats dépenses, déboursés, de la perception et de la remise des taxes;

3          Le registre des procès-verbaux ainsi que tous les documents y afférents,

4          Tous les documents bancaires incluant les relevés de banque, chèques, talons de chèque et bordereaux de dépôt;

5          Tout autre document contenant des informations sur l’identification, les affaires, les communications et l’administration de la société;

6          Toutes les pièces justificatives contenant des informations sur les chauffeurs, fiches d’identification, relevés de paiement, chèques, talons de chèques, communications ou tout autre document y afférent;

7          Toute autre chose pouvant démontrer la commission des infractions décrites à l’annexe III;

8          Tout ordinateur et tout type de support de données, y compris disques, disquettes, clés USB, cartes mémoire, disques amovibles, téléphones intelligents et tablettes PC, pouvant contenir des données informatiques concernant les éléments mentionnés aux points 1 à 6, y compris les données qu’ils contiennent;

9          Tout type de support pouvant contenir les logiciels d’exploitation et d’application, ta documentation afférente qui en explique le fonctionnement, y compris la documentation des programmes et des systèmes, les manuels, les instructions d’exploitation, requis pour exploiter, pour reproduire les données contenues sur les supports de données mentionnées au paragraphe précédent et pour s’assurer de leur intégralité.

 



[1]     En conformité avec le Protocole d’entente fédéral-provincial sur l’administration de la taxe sur les produits et services par le Québec, le Canada et le Québec ont conclu, le 26 avril 1991, l’Entente relative à l’administration par le Québec de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise concernant la taxe sur les produits et services. En vertu de cette entente, le Québec a la responsabilité d’administrer toutes matières concernant la TPS prévue par l’entente: voir les paragraphes 5 et 6 des dénonciations.

[2]     RLRQ, c. S-6.01.

[3]     500-26-089313-153 (ordonnance de communication); 500-26-089314-151; 500-26-089315-158.

[4]     Le premier mandat de perquisition autorisait l’obtention de copies miroirs du matériel informatique, mais il n'autorisait pas le déplacement de ce matériel hors des lieux perquisitionnés.

[5]     500-26-089372-159; 500-26-089373-157; 500-26-089374-155.

[6]     Litigation plan, Will-Say, Notes and Authorities, 14 août 2015, voir les paragraphes 71 à 96.

[7]     La Cour d'appel a ordonné la mise sous scellé des choses saisies lors de l'exécution des mandats de perquisition en raison de la nécessité de protéger les attentes de vie privée de particuliers: Uber Canada inc. c. Agence du revenu du Québec, 2016 QCCA 1.

[8]     R. c. Morelli, 2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253; R. c. Cole, 2012 CSC 53, [2012] 3 R.C.S. 34; R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, R. c. Fearon, 2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621; R. c. Spencer, 2014 CSC 43, [2014] 2 R.C.S. 212. Voir par exemple: G. Chan, “Life after Vu: Manner of Computer Searches and Search Protocols” (2014), 67 S.C.L.R. (2d) 433; S. Penney, “The Digitization of Section 8 of the Charter: Reform or Revolution?” (2014), 67 S.C.L.R. (2d) 505; J. Williamson et K. L. Sitar, “Placing Proper Restraints on the General Warrant -- Searching of Data Storage Devices Following Lawful Seizure” (2014), 18 Can. Crim. L. Rev. 57; R. M. Pomerance, “Flirting with Frankenstein: The Battle between Privacy and Our Technological Monsters” (2016), 20 Can. Crim. L. Rev. 149; C. Fehr et J. Biden, “Divorced from (Technological) Reality: A Response to the Supreme Court of Canada's Reasons in R. v. Fearon” (2016), 20 Can. Crim. L. Rev. 93; T. Quigley, “R. v. Fearon: A Problematic Decision” (2015), 15 C.R. (7th) 281; P.-C. Collins Hoffman, G. Pinsonnault et J. Chad, “Warrantless searches of cell phones upon arrest are lawful in Canada: but strict safeguards apply” (2015), 12 Can. Privacy L. Rev. 25; G. Mayeda, “My Neighbour's Kid Just Bought a Drone ... New Paradigms for Privacy Law in Canada” (2015), 35 Nat'l J. Const. L. 59; J. Fine, “Leaving Dumb Phones Behind: A Commentary on the Warrantless Searches of Smartphone Data Granted in R. v. Fearon” (2015), 13 Can. J. L. & Tech. 171.  Voir aussi l’article récent de O. Kerr, “Executing Warrants For Digital Evidence: The Case For Use Restrictions On Nonresponsive Data” (2015), 48 Texas Tech L. Rev. 1.

[9]     A.G. (Nova Scotia) c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175, à la p. 179; Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, aux pp. 160-161.

[10]    R. c. Campbell, 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549, par. 14.

[11]    Criminal Code (Re), [1997] O.J. No. 4393, par. 13; S. Hutchison, Hutchison's Search Warrant Manual 2015, Carswell, 2014, aux pp. 85-91.

[12]    R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 16.

[13]    R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869, par. 55.

[14]    R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 46.

[15]    Criminal Code (Re), [1997] O.J. No. 4393, par. 13; Demande visant l'interception de communications privées présentée en vertu de la partie VI du Code criminel et d'une demande en vertu du paragraphe 487.01(4) du Code criminel (Re), 2010 QCCQ 4570; S. Hutchison, Hutchison's Search Warrant Manual 2015, Carswell, 2014, à la p. 75.

[16]    S. Hutchison, Hutchison's Search Warrant Manual 2015, Carswell, 2014, aux pp. 85-91; R. c. Sanchez (1994), 93 C.C.C. (3d) 357 (C.J. Ont. Div. Gén.).

[17]    S. Hutchison, Hutchison's Search Warrant Manual 2015, Carswell, 2014, aux pp. 86-87.

[18]    CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général), [1999] 1 R.C.S. 743, les paragraphes 20 à 25.

[19]    S. Hutchison, Hutchison's Search Warrant Manual 2015, Carswell, 2014, à la p. 52; Restaurant Le Clémenceau Inc. c. Drouin, [1987] 1 R.C.S. 706, aux p. 709-710; Construction T.G. Beco ltée c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2009 QCCS 5271, par. 44-48.

[20]    S. Hutchison, Hutchison's Search Warrant Manual 2015, Carswell, 2014, à la p. 88.

[21]    R. c. Campbell, 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549, par. 14.

[22]    R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 47.

[23]    R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 52; R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 16.

[24]    Ibid., Araujo, par. 19, 44; R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, 330 C.C.C. (3d) 305 (C.A. Ont.), par. 73.

[25]    R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 40.

[26]    R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 16.

[27]    R. c. Campbell, 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549, par. 14; R. v. Sadikov, (2014), 305 C.C.C. (3d) 421 (C.A. Ont.), par. 83.

[28]    Québec (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, [2002] 3 R.C.S. 708, par. 68; R. c. Carrier, 2015 QCCA 2076, par. 6; R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, 330 C.C.C. (3d) 305 (C.A. Ont.), par. 73.

[29]    R. v. Sadikov (2014), 305 C.C.C. (3d) 421 (Ont. C.A.), par. 82; R. v. Wilson (2011), 272 C.C.C. (3d) 269 (C.A. C.-B.), par. 52; R. c. Cossette, 2011 QCCA 2368, par. 23; Amyot c. Cour du Québec, 2012 QCCS 4186, par. 20; R. v. N.N.M. (2007), 223 C.C.C. (3d) 417 (Ont. S.C.J.), par. 316; R. v. Ford (2008), 229 C.C.C. (3d) 443, par. 38 (C.A. C.-B.); Voir aussi S. Hutchison, Hutchison's Search Warrant Manual 2015, Carswell, 2014, aux pp. 28-29.

[30]    R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 51.

[31]    R. c. Campbell, 2011 CSC 32, [2011] 2 R.C.S. 549, par. 14.

[32]    R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421, à la p. 1452; R. c. Pires; R. c. Lising, 2005 CSC 66, [2005] 3 R.C.S. 343, par. 8.

[33]    R. c. Colbourne (2001), 157 C.C.C. (3d) 273 (C.A. Ont.), par. 40; R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 54; R. c. Guimont, 2015 QCCS 4028, par. 27.

[34]    Groupe de la Banque mondiale c. Wallace, 2016 CSC 15, par. 119; R. c. Pires; R. c. Lising, 2005 CSC 66, [2005] 3 R.C.S. 343, par. 30.

[35]    R. v. Branton (2001), 154 C.C.C. (3d) 139 (C.A. Ont.), par. 16.

[36]    CanadianOxy Chemicals Ltd. c. Canada (Procureur général), [1999] 1 R.C.S. 743, par. 22. La Cour suprême adopte à cet égard la position formulée par la Cour d'appel de l'Ontario dans Re Church of Scientology and the Queen (No. 6) (1987), 31 C.C.C. (3d) 449, à la p. 475.

[37]    Wakeling c. États-Unis d’Amérique, 2014 CSC 72, [2014] 3 R.C.S. 549, par. 41; R. c. Fearon, 2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621, par. 12.

[38]    R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 22.

[39]    Art. 265 C.p.p.; Voir les articles 529 à 531 C.p.c.

[40]    Cohen c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCA 122, par. 7; St-Pierre c. Sûreté du Québec, 2014 QCCA 2378, par. 24; R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 55.

[41]    R. c. Morelli, 2010 CSC 8, [2010] 1 R.C.S. 253, par. 43.

[42]    Les parties ont préparé un résumé de leur position à la demande du Tribunal. Elles sont incorporées au présent jugement.

[43]    RLRQ, c. A-6.002.

[44]    RLRQ, c. S-6.01.

[45]    RLRQ, c. T-0.1.

[46]    LRQ, c. A-6.002.

[47]    Annexe IV, les paragraphes 25 à 28.

[48]    Voir Demande visant l'interception de communications privées présentée en vertu de la partie VI du Code criminel et d'une demande en vertu du paragraphe 487.01(4) du Code criminel (Re), 2010 QCCQ 4570.

[49]    Les tarifs applicables sont établis par le Recueil des tarifs du transport privé par taxi, RLRQ, c. S-6.01, r.6.  Ces tarifs prévoient le prix de base, le montant de la TPS et celui de la TVQ.

[50]    Tel que le note Uber, la rédaction des dénonciations rend parfois difficile de déterminer si l'enquêteuse résume des faits concernant les chauffeurs UberTaxi ou UberX. Cependant, lorsqu'on lit les dénonciations d'une manière globale, il est alors possible de déterminer les faits qui se rattachent à l'un ou l'autre de ces catégories de chauffeurs.

[51]    Voir les paragraphes 8 et 10 en général, mais plus particulièrement les paragraphes 8.1.2 et 10.2.18.

[52]    Les paragraphes 9.11 et 25.11.

[53]    Les paragraphes 25 à 28.

[54]    R. v. Sadikov (2014), 305 C.C.C. (3d) 421 (Ont. C.A.), par. 82; R. v. Wilson (2011), 272 C.C.C. (3d) 269 (C.A. C.-B.), par. 52; R. v. N.N.M. (2007), 223 C.C.C. (3d) 417 (Ont. S.C.J.), par. 316; Amyot c. Cour du Québec, 2012 QCCS 4186, par. 20; S. Hutchison, Hutchison's Search Warrant Manual 2015, Carswell, 2014, aux pp. 28-29; R. v. Ford (2008), 229 C.C.C. (3d) 443, par. 38 (C.A. C.-B.); R. c. Cossette, 2011 QCCA 2368, par. 23.

[55]    [1999] 1 R.C.S. 743.

[56]    [1982] 1 RCS 860.

[57]    Ibid., à la p. 889.

[58]    Hunter c. Southam, [1984] 2 RCS 145, à la p. 160.

[59]    Baron c. Canada, [1993] 1 R.C.S. 416, à la p. 420.

[60]    Baron c. Canada, [1993] 1 R.C.S. 416, à la p. 420.

[61]    RLRQ, c. A-6.002.

[62]    Baron c. Canada, [1993] 1 R.C.S. 416, à la p. 420, le soulignement est celui du juge Sopinka.

[63]    [2006] 1 R.C.S. 715, par. 21-24; voir l'arrêt récent de la Cour d'appel dans Agence du revenu du Québec c. Larocque, 2016 QCCA 556.

[64]    (2001), 154 C.C.C. (3d) 139 (C.A. Ont.).

[65]    R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992, par. 47.

[66]    R. c. Sheppard, 2002 CSC 26, [2002] 1 R.C.S. 869, par. 55; R. c. Teskey, [2007] 2 R.C.S. 267, 2007 CSC 25, par. 33; F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41, par. 54;

[67]    [2002] 4 R.C.S. 3.

[68]    [2002] 4 R.C.S. 3, par. 27.

[69]    Litigation plan, Will-Say, Notes and Authorities, 14 août 2015, les paragraphes 71 à 96.

[70]    R. c. McIntosh, [1995] 1 R.C.S. 686, par. 18.

[71]    R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, aux pages 636-637.

[72]    Article 4 de la Loi concernant les services de transport par taxi.

[73]    Article 4.1 de la Loi.

[74]    David M. Sherman, The lawyer's guide to income tax and GST/HST, 2015 ed., Toronto, Carswell, 2015, §7.6.1, aux p. 177-178, §13.2.4, aux p. 301-302 et §13.4.5 aux p. 314-315; Jacques Roberge et Peter Tomlinson, A practical guide to the GST/HST, 7th ed., Toronto, Wolters Kluwer, 2015, ¶2040, aux p. 15-17; Ryan Ulc, Value-Added Taxation in Canada: GST,HST, and QST, 3rd ed., Toronto, CCH Wolters Kluwer, 2009, ¶2060, aux p. 40-41, ¶2095, à la p. 47 et ¶2115, à la p. 49. Voir les articles les articles 1, 294(1) et 407, 407.1 de la Loi sur la taxe de vente du Québec, L.R.Q., c. T-0-1 et les articles 123(1), 148(1) et 240(1) de la Loi sur la taxe d’accise, LRC (1985) ch. E-15.

[75]    Voir le paragraphe 19 des dénonciations.

[76]    Voir les articles 2, 34, 50, 113 et 118 de la Loi.

[77]    [1995] 4 R.C.S. 154.

[78]    Ibid., à la p. 176.

[79]    Voir le paragraphe 19 des dénonciations.

[80]    Le Tribunal a déjà analysé ces questions dans un autre contexte dans le jugement rendu dans R. c. Perrier, 2013 QCCS 1658, par. 9.

[81]    R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 13.

[82]    R. c. Canadian Dredge & Dock Co., [1985] 1 R.C.S. 662.

[83]    Voir le paragraphe 151 du présent jugement.

[84]    Henry c. Colombie-Britannique (Procureur général), 2015 CSC 24, [2015] 2 R.C.S. 214, par. 86 ; R. c. Tatton, 2015 CSC 33, [2015] 2 R.C.S. 574, par. 27

[85]    Voir le paragraphe 71 du présent jugement.

[86]    David Watt, Watt’s Manual of Criminal Evidence, Scarborough (Ontario), Carswell, 2015, §9.05, à la p. 66.

[87]    Libman c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 178; R. c. Larche, [2006] 2 R.C.S. 762, par. 59.

[88]    Québec (Procureur général) c. Laroche, 2002 CSC 72, [2002] 3 R.C.S. 708, par. 68; R. c. Carrier, 2015 QCCA 2076, par. 6; R. c. Crevier, 2015 ONCA 619, 330 C.C.C. (3d) 305 (C.A. Ont.), par. 73.

[89]    R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 58.

[90]    2012 CSC 53, [2012] 3 R.C.S. 34.

[91]    2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657.

[92]    2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621.

[93]    2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657.

[94]    2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621.

[95]    Uber Canada inc. c. Agence du revenu du Québec, 2016 QCCA 1.

[96]    2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 17.

[97]    (2015), 48 Texas Tech L. Rev. 1, à la p. 3.

[98]    J. Williamson et K. L. Sitar, “Placing Proper Restraints on the General Warrant - Searching of Data Storage Devices Following Lawful Seizure”, (2014), 18 Can. Crim. L. Rev. 57.

[99]    Data Storage Device.

[100]   J. Williamson et K. L. Sitar, “Placing Proper Restraints on the General Warrant - Searching of Data Storage Devices Following Lawful Seizure”, (2014), 18 Can. Crim. L. Rev. 57, aux pp. 59-60.

[101]   O. Kerr, “Executing Warrants for Digital Evidence: The Case for Use Restrictions on Nonresponsive Data”, (2015), 48 Texas Tech L. Rev. 1, à la p. 3.

[102]   O. Kerr, “Executing Warrants for Digital Evidence: The Case for Use Restrictions on Nonresponsive Data”, (2015), 48 Texas Tech L. Rev. 1, aux pp. 7-8.

[103]   S. Hutchison, Hutchison's Search Warrant Manual 2015, Carswell, 2014, à la p. 123.

[104]   O. Kerr, “Executing Warrants for Digital Evidence: The Case for Use Restrictions on Nonresponsive Data”, (2015), 48 Texas Tech L. Rev. 1, à la p. 11 et p. 26.

[105]   Ibid., aux pp. 26-27.

[106]   Ibid., à la p. 18.

[107]   Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, par. 9.

[108]   R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657.

[109]   R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 53.

[110]   Ibid., par. 54.

[111]   Ibid., par. 55.

[112]   Ibid.

[113]   Ibid., par. 57.

[114]   Ibid.

[115]   Ibid., par. 58.

[116]   Ibid., par. 57.

[117]   Ibid., par. 61.

[118]   2015 QCCA 122.

[119]   2015 QCCA 122, par. 17-20.

[120]   Voir l'annexe I du présent jugement.

[121]   R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 62; G. Chan, “Life after Vu: Manner of Computer Searches and Search Protocols” (2014), 67 S.C.L.R. (2d) 433, à la p. 452.

[122]   Cohen c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCA 122, par. 7; St-Pierre c. Sûreté du Québec, 2014 QCCA 2378, par. 24; R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 55.

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