Décision

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Martineau c. Ouellet

2016 QCCA 142

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-009223-162

(160-17-000053-146)

 

DATE :

 Le 8 juillet 2016

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

MANON SAVARD, J.C.A.

JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A.

 

 

DOMINIQUE MARTINEAU

REQUÉRANT- Demandeur

c.

 

ÉDITH OUELLET

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

INTIMÉES - Défenderesses

 

 

ARRĂŠT

 

 

[1]           La principale question que pose la demande de permission d’appeler du requĂ©rant, dĂ©fĂ©rĂ©e Ă  la Cour par l’un de ses juges[1], peut ĂŞtre circonscrite ainsi : quel est le point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel d’un jugement autre que celui rendu Ă  l’audience selon l’article 360 du Code de procĂ©dure civile[2], en vigueur depuis le 1er janvier 2016?

[2]           Selon le requĂ©rant, la jurisprudence Ă©laborĂ©e sous l’ancien Code de procĂ©dure civile[3] continue de s’appliquer, de sorte que le point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel demeurerait la date de la prise de connaissance du jugement. La procureure gĂ©nĂ©rale du QuĂ©bec soutient plutĂ´t que le dĂ©lai doit dorĂ©navant ĂŞtre calculĂ© Ă  compter de la date que porte l’avis de jugement, qui correspond, de façon gĂ©nĂ©rale, Ă  celle inscrite au plumitif de la cour compĂ©tente[4]. L’intimĂ©e Ouellet (« l’intimĂ©e Â») souscrit Ă  ce dernier point de vue.

[3]           Pour les motifs qui suivent, la Cour est d’avis que, selon l’article 360 C.p.c., la date que porte l’avis de jugement constitue le point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel. En l’occurrence, la demande pour permission d’appeler du requĂ©rant ayant Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e hors dĂ©lai, le requĂ©rant est autorisĂ© Ă  la prĂ©senter en vertu de l’article 363 C.p.c. Celle-ci doit par ailleurs ĂŞtre rejetĂ©e puisqu’elle ne soulève aucune question d’intĂ©rĂŞt devant ĂŞtre soumise Ă  la Cour, au sens de l’alinĂ©a 3 de l’article 30 C.p.c.

Le contexte

[4]           Le litige entre les parties dĂ©coule de leur relation affective qui, bien que de courte durĂ©e, s’est avĂ©rĂ©e tumultueuse. L’intimĂ©e dĂ©nonce aux autoritĂ©s policières le harcèlement et les menaces dont elle se dit victime de la part du requĂ©rant. De son cĂ´tĂ©, ce dernier lui rĂ©clame le remboursement de prĂŞts qu’il lui aurait consentis, ainsi que le paiement des loyers durant leur cohabitation. Il reproche aussi aux policiers qui sont intervenus Ă  la suite des plaintes de l’intimĂ©e d’avoir abusĂ© de leurs pouvoirs d’enquĂŞte dans le dessein de lui nuire et de porter atteinte Ă  sa rĂ©putation.

[5]           Le 27 novembre 2014, le requĂ©rant, sans l’assistance d’un avocat, institue une demande introductive d’instance contre l’intimĂ©e, la SĂ»retĂ© du QuĂ©bec, sept de ses policiers et la procureure gĂ©nĂ©rale. Après avoir Ă©tĂ© avisĂ© par cette dernière que « son recours ne respecte pas certaines des règles fondamentales de procĂ©dure civile au QuĂ©bec, relativement Ă  l’introduction d’un recours judiciaire Â» et avoir Ă©tĂ© convoquĂ© par le tribunal Ă  une confĂ©rence de gestion, le requĂ©rant dĂ©pose, le 1er octobre 2015, une demande introductive d’instance modifiĂ©e. Son acte de procĂ©dure comporte plus de 150 paragraphes reproduits sur 57 pages, rĂ©digĂ©s sans logique ni structure, auquel sont jointes plus de 100 pièces totalisant près de 300 pages. Il recherche des conclusions de nature criminelle contre l’intimĂ©e - demandant qu’elle soit dĂ©clarĂ©e coupable de harcèlement et d’intimidation Ă  son Ă©gard - et, Ă  l’égard de tous les dĂ©fendeurs, des dommages et intĂ©rĂŞts de plus de 180 000 $.

[6]           Par jugement portant la date du 18 janvier 2016, la Cour supĂ©rieure, district d’Alma (l’honorable Jacques G. Bouchard), accueille les demandes en rejet de l’intimĂ©e et de la procureure gĂ©nĂ©rale en vertu de l’article 54 a.C.p.c. et rejette le recours entrepris[5].

[7]           Le jugement est inscrit le 20 janvier 2016 au plumitif de la Cour supĂ©rieure. L’avis de jugement est Ă©galement inscrit Ă  la mĂŞme date. Le greffe notifie cet avis, auquel est joint le jugement, au requĂ©rant qui en prend connaissance le 29 janvier suivant.

[8]           Le 26 fĂ©vrier 2016, le requĂ©rant, maintenant reprĂ©sentĂ© par avocat, dĂ©pose une dĂ©claration d’appel du jugement de première instance, Ă  laquelle est jointe une demande de permission d’appeler conformĂ©ment au paragraphe 3 de l’alinĂ©a 2 de l’article 30 C.p.c. La procureure gĂ©nĂ©rale et l’intimĂ©e soutiennent que cette demande, en plus d’être tardive puisque dĂ©posĂ©e plus de 30 jours après la date de l’avis de jugement (20 janvier 2016), ne soulève aucune question qui justifierait d’accorder la permission recherchĂ©e.

L’analyse

[9]           La demande du requĂ©rant soulève deux questions : d’une part, le point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel d’un jugement autre que celui rendu Ă  l’audience et, d’autre part, l’opportunitĂ© ou non d’accorder la permission d’appeler recherchĂ©e.

a) Le point de départ du délai d’appel

[10]        L’article 360 C.p.c. pose que :

360. La partie qui entend porter un jugement en appel est tenue de déposer sa déclaration d'appel avec, s'il y a lieu, sa demande de permission d'appeler, dans les 30 jours de la date de l'avis du jugement ou de la date du jugement si celui-ci a été rendu à l'audience.

Le dépôt et la signification d'un appel incident ont lieu dans les 10 jours de la signification de la déclaration d'appel ou de la date que porte le jugement autorisant l'appel.

[Soulignement ajouté]

360. A party intending to appeal a judgment is required to file a notice of appeal within 30 days after the date of the notice of judgment or after the date of the judgment if it was rendered at the hearing. If leave to appeal is required, the notice of appeal must be filed together with an application for leave to appeal.

A notice of incidental appeal must be filed and served within 10 days after service of the notice of appeal or after the date of the judgment granting leave to appeal

[11]        Le dĂ©lai d’appel est rĂ©duit Ă  5 ou 10 jours, eu Ă©gard Ă  certains jugements (article 361 C.p.c.).

[12]        Sous l’ancien Code de procĂ©dure civile, l’article 494 prĂ©voyait que la requĂŞte pour permission d’appeler, lorsque requise, devait ĂŞtre signifiĂ©e Ă  la partie adverse et produite au greffe de la Cour « […] dans les 30 jours de la date du jugement / […] within 30 days of the date of the judgment Â»[6]. Il en Ă©tait de mĂŞme de l’inscription en appel, l’article 495 a.C.p.c. prĂ©voyant qu’elle devait ĂŞtre signifiĂ©e et dĂ©posĂ©e dans le dĂ©lai prĂ©vu par l’article 494.

[13]        Le libellĂ© retenu par le lĂ©gislateur Ă  l’article 360 C.p.c. distingue donc dorĂ©navant le point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel selon que le jugement est rendu Ă  l’audience ou, pour l’essentiel, après dĂ©libĂ©rĂ©. Dans le premier cas, le point de dĂ©part demeure la date oĂą il est prononcĂ© — « date du jugement / date of the judgment Â» —, alors que dans le second cas, il consiste en « la date de l’avis de jugement / date of the notice of judgment Â». L’article 494 a.C.p.c. ne comportait pas expressĂ©ment une telle distinction.

[14]        L’avis de jugement auquel rĂ©fère l’article 360 C.p.c. est celui dont traite l’article 335 C.p.c. :

335. Dès l’inscription du jugement, autre que celui rendu à l’audience en présence des parties, un avis est notifié à celles-ci et à leur avocat. Le jugement peut être notifié par un moyen technologique aux parties et aux avocats ayant fourni les coordonnées requises.

 

Le greffier peut, sur demande et contre paiement des frais, délivrer copies certifiées conformes du jugement.

[Soulignement ajouté]

 

335. On entry in the court registers of a judgment other than a judgment rendered in open court in the presence of the parties, a notice is notified to the parties and their lawyers. The judgment may be notified by technological means to the parties and lawyers who have provided the necessary contact information.

The court clerk may issue certified copies of a judgment on request and for a fee.

[15]        Cet avis, propre Ă  un « jugement, autre que celui rendu Ă  l’audience en prĂ©sence des parties Â»[7], est distinct du jugement lui-mĂŞme et vise Ă  informer les parties que celui-ci a Ă©tĂ© rendu. Bien que la disposition ne le prĂ©cise pas, l’avis est inscrit au plumitif, tout comme le jugement[8].

[16]        Selon l’article 335 C.p.c., tant l’avis de jugement que le jugement sont notifiĂ©s aux parties et Ă  leur avocat par le greffe du tribunal concernĂ©. Il prĂ©cise que l’avis de jugement est notifiĂ© « dès l’inscription du jugement, autre que celui rendu Ă  l’audience en prĂ©sence des parties / on entry in the court registers of a judgment other than a judgment rendered in open court in the presence of the parties Â» (soulignement ajoutĂ©). Il est cependant silencieux quant au moment de la notification du jugement lui-mĂŞme, prĂ©cisant simplement que celle-ci peut se faire par « un moyen technologique aux parties et avocats ayant fourni les coordonnĂ©es requises / by technological means to the parties and lawyers who have provided the necessary contact information Â».

[17]        On pourrait penser que la notification de l’avis de jugement et celle du jugement devraient se faire au mĂŞme moment. Un avis de jugement, sans le jugement, a une utilitĂ© limitĂ©e[9] pour les parties, surtout aux fins d’étudier l’opportunitĂ© de porter en appel le jugement rendu.

[18]        On constate cependant que tel n’est pas toujours le cas. Dans certains districts judiciaires, la notification de l’avis de jugement et du jugement se fait par la poste, dans un mĂŞme envoi. Dans d’autres districts, elle est effectuĂ©e de façon distincte, Ă  des dates diffĂ©rentes, la notification de l’avis prĂ©cĂ©dant celle du jugement[10]. Le mode de notification peut ĂŞtre le mĂŞme (par la poste pour l’essentiel) ou encore diffĂ©rent (par exemple, par envoi postal pour l’avis de jugement et par moyen technologique pour le jugement). Par contre, dans tous les cas, il subsiste de fait un dĂ©lai, plus ou moins long selon les districts judiciaires entre, d’une part, l’inscription au plumitif du jugement et de l’avis de jugement et, d’autre part, leur notification respective, si ce n’est qu’en raison du temps requis pour produire l’avis (sous format papier), faire les copies requises de l’avis et du jugement, procĂ©der administrativement Ă  une telle notification et acheminer le tout aux parties selon le mode de notification retenu[11].

[19]        Une pratique s’est Ă©galement dĂ©veloppĂ©e au sein des tribunaux suivant laquelle le juge transmet lui-mĂŞme, gĂ©nĂ©ralement par courriel, aux personnes ayant comparu devant lui (avocats ou parties non reprĂ©sentĂ©es) une copie de son jugement, avant mĂŞme que celui-ci soit inscrit au plumitif et que l’avis de jugement soit Ă©mis. Cet envoi, non systĂ©matique, est par ailleurs volontaire et n’est assujetti Ă  aucune politique ou directive interne. Cette pratique ne peut cependant tenir lieu des modalitĂ©s prescrites par le C.p.c.

[20]        On doit prĂ©sumer que le lĂ©gislateur connaĂ®t les façons de faire au sein des divers greffes judiciaires et conclure qu’en utilisant une terminologie diffĂ©rente - la date de l’avis de jugement par opposition Ă  celle du jugement - il dĂ©sire apporter un changement Ă  la situation prĂ©valant sous l’ancien Code de procĂ©dure civile. Il identifie un point de dĂ©part diffĂ©rent pour le jugement autre que celui rendu Ă  l’audience[12] afin qu’il soit dorĂ©navant Â« la date de l’avis de jugement Â».

[21]        Ceci Ă©tant, demeure la question suivante : la date de l’avis de jugement est-elle la date que porte l’avis de jugement, qui correspond, de façon gĂ©nĂ©rale, Ă  la date oĂą il est inscrit au plumitif de la cour compĂ©tente, ou la date de la rĂ©ception de cet avis (prise de connaissance) ou, encore, la date de l’expĂ©dition de cet avis[13]?

[22]        Sur cette question, les commentaires de la ministre ne sont guère utiles aux fins de connaĂ®tre l’intention du lĂ©gislateur, comme leur lecture permet de le constater[14]. Celle-ci Ă©crit en regard de l’article 360 C.p.c.[15] :

Cet article reprend essentiellement le droit antĂ©rieur, qui prĂ©voit qu’une partie qui dĂ©sire interjeter appel d’un jugement dispose d’un dĂ©lai de 30 jours depuis le jugement de première instance pour dĂ©poser sa dĂ©claration d’appel et, le cas Ă©chĂ©ant, sa demande de permission d’appeler. La notification de la dĂ©claration doit, comme le prĂ©voit l’article 358, ĂŞtre faite dans le mĂŞme dĂ©lai. Le point de dĂ©part pour calculer ce dĂ©lai de 30 jours est soit la date mĂŞme du jugement rendu Ă  l’audience, soit la date de l’avis de jugement prĂ©vu Ă  l’article 335, et non la date de la notification de cet avis.

[…]

[Soulignement ajouté]

[23]        D’une part, la ministre indique que la nouvelle disposition « reprend essentiellement le droit antĂ©rieur Â», qui prĂ©voit « un dĂ©lai de 30 jours depuis le jugement de première instance […] Â». Or, en vertu du droit antĂ©rieur, cette Cour avait fixĂ© le point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel Â« […] Ă  la date Ă  laquelle les parties prennent connaissance du jugement ou sont prĂ©sumĂ©es en avoir pris connaissance Â»[16]. La date du dĂ©pĂ´t de la minute du jugement au greffe de la cour compĂ©tente Ă©tait retenue lorsque la date de la connaissance du jugement la prĂ©cĂ©dait[17].

[24]        D’autre part, la ministre, Ă  la fin de son commentaire, prĂ©cise que le point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel consiste en « […] la date de l’avis de jugement prĂ©vu Ă  l’article 335, et non la date de la notification de cet avis Â».

[25]        Or, outre les situations oĂą le juge transmet une copie de son jugement aux parties avant son inscription au plumitif, ces deux propositions de la ministre ne peuvent se concilier, comme le dĂ©montrent d’ailleurs les faits de l’espèce. La date de l’avis de jugement - 20 janvier 2016 - est antĂ©rieure Ă  la date de prise de connaissance de cet avis ou encore du jugement - 29 janvier 2016. En retenant la date de l’avis de jugement par opposition Ă  celle de sa connaissance, comme semble le proposer la ministre in fine, le justiciable bĂ©nĂ©ficierait d’un dĂ©lai d’appel moindre que le dĂ©lai de 30 jours autrement voulu, ce qui se distinguerait du droit antĂ©rieur, tel qu’établi par la jurisprudence.

[26]        Les dĂ©bats devant la Commission permanente des institutions entourant l’article 360 C.p.c. entretiennent la mĂŞme ambiguĂŻtĂ©[18]. On y prĂ©cise par contre que la date de l’avis de jugement constitue un Ă©lĂ©ment objectif, une date aisĂ©ment identifiable, permettant d’éviter toute ambiguĂŻtĂ© factuelle quant au point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel.

[27]        Par contre, l’historique lĂ©gislatif de l’article 360 C.p.c. « fournit un indice plus clair de l’intention lĂ©gislative […] Â»[19]. Afin d’allĂ©ger le texte, celui-ci est reproduit intĂ©gralement en annexe.

[28]        On constate que l’avant-projet de loi, dĂ©posĂ© en 2011, prĂ©voyait expressĂ©ment, Ă  ce qui Ă©tait alors l’article 357, que le dĂ©lai d’appel devait se calculer Â« […] dans les 30 jours de la date du jugement rendu Ă  l’audience ou de la rĂ©ception de l’avis de l’inscription du jugement qui lui a Ă©tĂ© notifiĂ© / within 30 days after the judgment is given in open court or after a notice that the judgment has been entered in the court registers is notified to the party Â» (soulignement ajoutĂ©)[20]. Ce libellĂ© a Ă©tĂ© Ă©cartĂ© dans le Projet de loi 28, dĂ©posĂ© en 2012, qui, Ă  l’article 360, reprenait sur cette question le libellĂ© de l’article 494 a.C.p.c., c’est-Ă -dire « dans les 30 jours de la date du jugement / within 30 days of the judgment»)[21]. Finalement, celui-ci a de nouveau Ă©tĂ© amendĂ© pour prĂ©voir le libellĂ© actuel « dans les 30 jours de la date de l'avis du jugement ou de la date du jugement si celui-ci a Ă©tĂ© rendu Ă  l'audience / within 30 days after the date of the notice of judgment or after the date of the judgment if it was rendered at the hearing Â».

[29]        En d’autres mots, en retenant le libellĂ© actuel (date de l’avis de jugement), le lĂ©gislateur s’écarte du droit antĂ©rieur tel qu’interprĂ©tĂ© par la jurisprudence et proposĂ© dans le Projet de loi 28, tout en refusant Ă©galement de revenir Ă  la proposition initiale suivant laquelle le point de dĂ©part correspondait Ă  la date de la rĂ©ception de l’avis de jugement.

[30]        Lu de concert avec les commentaires in fine de la ministre et les dĂ©bats parlementaires, l’historique lĂ©gislatif atteste du bien-fondĂ© de la thèse avancĂ©e par la procureure gĂ©nĂ©rale. Ainsi, la Cour est d’avis qu’en vertu de l’article 360 C.p.c., le point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel d’un jugement autre que celui rendu Ă  l’audience correspond Ă  la date que porte l’avis de jugement[22], et non Ă  la date de sa connaissance ni Ă  celle de son envoi. Le lĂ©gislateur privilĂ©gie ainsi un point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel unique pour toutes les parties d’un mĂŞme dossier, peu importe leur nombre, et qui, au surplus, fait abstraction de toutes ambiguĂŻtĂ©s factuelles entourant l’identification de la date rĂ©elle de connaissance de l’avis de jugement. Le calcul du dĂ©lai d’appel, que ce soit aux fins de l’émission d’un certificat de non-appel (article 3073 C.c.Q.) ou de l’exĂ©cution d’un jugement, s’en trouve ainsi simplifiĂ©, Ă  tout le moins en thĂ©orie.

[31]        Ceci Ă©tant, il demeure qu’en s’écartant ainsi du droit antĂ©rieur, le lĂ©gislateur fait un choix qui peut en Ă©tonner plusieurs, notamment Ă  la lumière des principes dĂ©jĂ  Ă©noncĂ©s par la Cour.

[32]        Rappelons que, selon l’article 363 C.p.c., les dĂ©lais d’appel sont de rigueur et emportent dĂ©chĂ©ance du droit d’appel. En pareilles circonstances, la Cour reconnaissait, sous l’égide de l’ancien Code de procĂ©dure civile, que les dispositions de la loi doivent ĂŞtre interprĂ©tĂ©es de manière Ă  protĂ©ger les droits des justiciables[23]. Dans Protection de la jeunesse - 09151[24], la Cour explique, en discutant de l’article 494 a.C.p.c. :

[14] Or, la règle de procĂ©dure civile a Ă©tĂ© examinĂ©e Ă  maintes reprises par la Cour et la jurisprudence maintenant bien Ă©tablie fixe le point de dĂ©part du dĂ©lai non pas Ă  la date du jugement, mais au jour oĂą les parties en prennent connaissance : […]

[15] Cette interprétation est fondée sur l’importance du droit d’appel, un droit substantiel et non une simple question de procédure, et sur l’importance d’accorder pleinement à toute partie condamnée le plein délai de 30 jours voulu par le législateur pour réfléchir et prendre sa décision.

[Soulignement ajouté]

[33]        On aurait pu penser qu’il devait en ĂŞtre de mĂŞme en vertu du nouveau Code de procĂ©dure civile oĂą le droit d’appel, de mĂŞme que le temps de rĂ©flexion, demeurent tout aussi importants.

[34]        On aurait Ă©galement pu croire que les parties devaient bĂ©nĂ©ficier « […] du [mĂŞme] plein dĂ©lai de 30 jours voulu par le lĂ©gislateur […] Â»[25], peu importe que le jugement soit rendu Ă  l’audience ou après dĂ©libĂ©rĂ©. Or, vu le choix du lĂ©gislateur, tel ne pourra en toutes circonstances ĂŞtre le cas si ce n’est qu’en raison du seul dĂ©lai administratif inhĂ©rent Ă  l’émission de l’avis de jugement après son inscription et Ă  sa notification aux parties[26]. Le dĂ©lai d’appel se trouve ainsi Ă  courir avant mĂŞme que les parties soient informĂ©es que le jugement a Ă©tĂ© rendu. On peut donc s’interroger sur la raison d’être d’un dĂ©lai moindre que les 30 jours prĂ©vu par le lĂ©gislateur, qui sera fonction, un, de la dĂ©cision du juge de mettre le dossier en dĂ©libĂ©rĂ© par opposition Ă  sa dĂ©cision de le prononcer Ă  l’audience et, deux, des procĂ©dures administratives au sein du district judiciaire concernĂ©.

[35]        Finalement, l’existence du droit pour la partie lĂ©sĂ©e de demander la permission d’appeler hors dĂ©lai selon l’article 363 C.p.c., Ă  laquelle le reprĂ©sentant du ministère rĂ©fère lors des dĂ©bats parlementaires pour rĂ©pondre Ă  la rĂ©alitĂ© d’un dĂ©lai d’appel potentiellement plus court, ne permet pas de pallier de façon Ă©quitable la diffĂ©rence de traitement rĂ©sultant du choix du lĂ©gislateur. Cette disposition, qui reprend pour l’essentiel les critères jurisprudentiels dĂ©veloppĂ©s sous l’article 523 a.C.p.c.[27], impose un fardeau additionnel Ă  la partie qui doit Ă©tablir non seulement son impossibilitĂ© d’agir, ce qui ne devrait gĂ©nĂ©ralement pas constituer une difficultĂ©, mais Ă©galement que son appel prĂ©sente des chances raisonnables de succès. Il est d’ailleurs incongru de parler d’une impossibilitĂ© d’agir en pareille circonstance alors que les parties n’ont mĂŞme pas encore Ă©tĂ© avisĂ©es que le jugement a Ă©tĂ© rendu. Imposer une telle Ă©tape additionnelle cadre difficilement avec la disposition prĂ©liminaire du nouveau Code de procĂ©dure civile qui Ă©dicte sa philosophie sous-jacente, notamment au second alinĂ©a qui Ă©nonce :

[…] [Le Code] vise également à assurer l'accessibilité, la qualité et la célérité de la justice civile, l'application juste, simple, proportionnée et économique de la procédure et l'exercice des droits des parties dans un esprit de coopération et d'équilibre, ainsi que le respect des personnes qui apportent leur concours à la justice.

[Soulignement ajouté]

[…][This Code] is also designed to ensure the accessibility, quality and promptness of civil justice, the fair, simple, proportionate and economical application of procedural rules, the exercise of the parties' rights in a spirit of co-operation and balance, and respect for those involved in the administration of justice.

 

[36]        Mais il demeure que le lĂ©gislateur s’est exprimĂ© et qu’il lui Ă©tait loisible de s’écarter des principes Ă©noncĂ©s par la Cour sous l’ancien Code de procĂ©dure civile. Il ne revient pas aux tribunaux de lĂ©gifĂ©rer Ă  sa place. Le point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel d’un jugement autre que celui rendu Ă  l’audience correspond donc dorĂ©navant Ă  la date que porte l’avis de jugement.

[37]        Par ailleurs, pour rendre le tout cohĂ©rent et pallier les difficultĂ©s potentielles rĂ©sultant du choix du lĂ©gislateur, il importe que les greffes soient en mesure de faire le travail que celui-ci leur a confiĂ© et que les moyens nĂ©cessaires Ă  cette fin soient mis Ă  leur disposition. Il ne revient pas aux juges d’assumer ce rĂ´le en transmettant aux parties une copie de leurs jugements dès leur signature, avant mĂŞme que ceux-ci ne soient inscrits au plumitif et que l’avis de jugement ne soit Ă©mis. La pratique est certes commode, mais, comme l’indique le paragraphe [19], elle ne remplace pas les formalitĂ©s Ă©dictĂ©es par le C.p.c. et ne peut remĂ©dier aux insuffisances du système.

[38]        En l’occurrence, Ă  la lumière de cette analyse, la demande pour permission d’appeler du requĂ©rant a Ă©tĂ© dĂ©posĂ©e Ă  l’extĂ©rieur du dĂ©lai de 30 jours et est donc tardive. Pour pallier Ă  ce dĂ©faut, Ă  l’audience devant la Cour, le requĂ©rant demande la permission d’appeler hors dĂ©lai, en vertu de l’article 363 C.p.c. Dans les circonstances du prĂ©sent dossier, la Cour estime qu’il a Ă©tabli avoir Ă©tĂ© dans l’impossibilitĂ© d’interjeter appel Ă  l’intĂ©rieur du dĂ©lai prescrit par la loi et a fait preuve de diligence, comme le reconnaissent d’ailleurs la procureure gĂ©nĂ©rale et l’intimĂ©e. Il ne reste donc qu’à envisager la permission d’appeler recherchĂ©e.

b) Le bien-fondé de la demande pour permission d’appeler

[39]        Selon le requĂ©rant, le juge de première instance aurait errĂ© en rejetant son recours. Tout en concĂ©dant le caractère informe de sa procĂ©dure, il plaide que le juge aurait dĂ» lui permettre d’amender sa procĂ©dure au lieu de procĂ©der Ă  son rejet puisque, malgrĂ© sa rĂ©daction inappropriĂ©e, il pouvait y dĂ©celer une cause d’action. Il invite la Cour Ă  accueillir la permission d’appeler recherchĂ©e afin qu’elle puisse se prononcer sur la notion d’abus au sens de l’article 54 a.C.p.c. (art. 51 C.p.c.) dans un contexte oĂą celui-ci dĂ©coule des lacunes rĂ©dactionnelles, de forme et de fond, de la procĂ©dure.

[40]        Bien que, Ă  première vue, la question telle que formulĂ©e par le requĂ©rant puisse sembler intĂ©ressante, la permission d’appeler recherchĂ©e doit ĂŞtre refusĂ©e en ce qu’elle ne satisfait pas les critères de l’alinĂ©a 3 de l’article 30 C.p.c.

[41]        Le juge de première instance qualifie l’acte de procĂ©dure du requĂ©rant « [d’]incohĂ©rent, imprĂ©cis et exagĂ©rĂ©ment long Â», qui « participe davantage du commentaire partisan et tendancieux, au travers duquel les faits apparaissent pĂŞle-mĂŞle et sans liens apparents avec les conclusions recherchĂ©es Â» (paragr. 8), dont certaines, au surplus, ne peuvent s’inscrire dans le cadre d’un recours civil. Somme toute, le juge y voit lĂ  « un recours tĂ©mĂ©raire et dĂ©mesurĂ© auquel une saine administration de la justice commande de mettre fin dès Ă  prĂ©sent, puisqu’aucun autre remède ne serait appropriĂ© Â» (paragr. 10).

[42]        Le requĂ©rant ne dĂ©montre pas, prima facie, le caractère dĂ©raisonnable de la conclusion du juge et du remède choisi. Celui-ci avait Ă©tĂ© informĂ© des importantes lacunes de sa procĂ©dure dès le dĂ©pĂ´t de sa demande en justice en novembre 2014. En raison de celles-ci et des difficultĂ©s de gestion en rĂ©sultant, les parties ont dĂ» se prĂ©senter Ă  plusieurs reprises devant le tribunal sans que le dossier progresse. La demande en justice amendĂ©e, en octobre 2015, prĂ©sentait les mĂŞmes lacunes de forme et de fond, et mĂŞme plus encore. Bien que les requĂŞtes en rejet de la procureure gĂ©nĂ©rale et de l’intimĂ©e identifiaient clairement ces lacunes, le requĂ©rant n’a pas cherchĂ© Ă  corriger sa procĂ©dure. Il ne revient pas au tribunal de rĂ©diger la procĂ©dure d’une partie, que celle-ci soit ou non assistĂ©e par un avocat.

[43]        Dans El-Hachem c. DĂ©cary[28], la Cour Ă©crit :

[10]      Déposer un acte de procédure devant un tribunal judiciaire est un geste grave et empreint de solennité, qui engage l’intégrité de celui qui en prend l’initiative. On ne peut tolérer qu’un tel geste soit fait à la légère, dans le but de chercher à tâtons une quelconque cause d’action dont on ignore pour le moment la raison d’être, mais qu’on s’emploiera à découvrir en alléguant divers torts hypothétiques et en usant de la procédure à des fins purement exploratoires. L’avocat qui verse un acte de procédure au dossier de la cour doit respecter certaines règles de forme et de fond. Parmi ces règles se trouvent les articles 76 et 77 du Code de procédure civile, deux dispositions dont il convient de rappeler à la fois l’importance et la portée dans le déroulement d’une procédure judiciaire.

[…]

[12]      Aussi y a-t-il lieu de sĂ©vir en prĂ©sence d’un acte rĂ©digĂ© comme si quelques vagues imprĂ©cations, Ă  la fois vindicatives et inconsistances, suivies d’une affirmation d’autosatisfaction sous la forme de conclusions grossièrement outrancières, remplissaient ces exigences de fond et de forme. Ce genre de procĂ©dĂ© ne saurait justifier que l’on surcharge le système judiciaire et qu’on lui impose de dĂ©ployer encore plus de ressources pour tenter de tirer au clair ce que la partie elle-mĂŞme ou son avocat se montre incapable d’expliquer avec un degrĂ© raisonnable d’intelligibilitĂ©. Donner le bĂ©nĂ©fice du doute Ă  cette mĂŞme partie, Ă  la manière dont on « donne la chance au coureur Â», implique en fin de compte que l’on tolère n’importe quoi de n’importe qui n’importe quand. Ce n’est assurĂ©ment pas ce que la justice exige de la part de l’institution judiciaire.

[Soulignement ajouté]

[44]        Dans ce contexte, la demande pour permission d’appeler ne soulève aucune question qui doit ĂŞtre soumise Ă  la Cour, au sens de l’article 30, alinĂ©a 3 C.p.c.

[45]        Enfin, vu la question d’interprĂ©tation soulevĂ©e par la demande pour permission d’appeler dĂ©fĂ©rĂ©e Ă  une formation de la Cour, il n’y aura pas lieu d’attribuer de frais de justice.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[46]        REJETTE la demande pour permission d’appeler;

[47]        REJETTE la demande verbale pour permission d’appeler hors dĂ©lai;

[48]        Sans frais de justice.

 

 

 

 

NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q.

 

 

 

 

 

MANON SAVARD, J.C.A.

 

 

 

 

 

JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A.

 

Me Pierre Daignault

Pour l’appelant

 

Édith Ouellet, intimée

Personnellement

 

Me Alex Pothier

Lavoie Rousseau

Pour l’intimée Procureure générale du Québec

 

Date d’audience :

2 mai 2016

 


 

ANNEXE

 

QuĂ©bec, Avant-projet de loi, Loi instituant le nouveau Code de procĂ©dure civile, 39e lĂ©g., 2ième sess. 2011, art. 357 :

 

357.  La partie qui entend porter un jugement en appel est tenue de déposer sa déclaration d’appel avec, s’il y a lieu, sa demande de permission d’appeler, dans les 30 jours de la date du jugement rendu à l’audience ou de la réception de l’avis de l’inscription du jugement qui lui a été notifié. Elle est également tenue de la notifier dans ce même délai.

 

Dans le cas d’un appel incident, le dépôt et la notification ont lieu dans les 10 jours de la signification de la déclaration d’appel ou de la date que porte le jugement autorisant l’appel.

 

[Soulignement ajouté]

357. A party intending to appeal a judgment must file a notice of appeal and, if applicable, a request for leave to appeal within 30 days after the judgment is given in open court or after a notice that the judgment has been entered in the court registers is notified to the party. The party must also notify the notice of appeal within the same time.

 

A notice of incidental appeal must be filed and notified within 10 days after service of the notice of appeal or after the date of the judgment granting leave to appeal.

 

QuĂ©bec, Projet de loi no 28, Loi instituant le nouveau Code de procĂ©dure civile, 40e lĂ©g., 1ère sess. 2013, art. 360 :

 

360. La partie qui entend porter un jugement en appel est tenue de déposer sa déclaration d’appel avec, s’il y a lieu, sa demande de permission d’appeler, dans les 30 jours de la date du jugement.

 

Le dépôt et la signification d’un appel incident ont lieu dans les 10 jours de la signification de la déclaration d’appel ou de la date que porte le jugement autorisant l’appel.

 

[Soulignement ajouté]

360. A party intending to appeal a judgment is required to file, within 30 days after the date of the judgment, a notice of appeal together with an application for leave to appeal, if applicable.

 

A notice of incidental appeal must be filed and served within 10 days after service of the notice of appeal or after the date of the judgment granting leave to appeal.

 

 

 

 

 

 

Code de procĂ©dure civile, RLRQ, c. C-25.01, art. 360 :

 

360. La partie qui entend porter un jugement en appel est tenue de déposer sa déclaration d'appel avec, s'il y a lieu, sa demande de permission d'appeler, dans les 30 jours de la date de l'avis du jugement ou de la date du jugement si celui-ci a été rendu à l'audience.

 

 

Le dépôt et la signification d'un appel incident ont lieu dans les 10 jours de la signification de la déclaration d'appel ou de la date que porte le jugement autorisant l'appel.

 

[Soulignement ajouté]

 

360. A party intending to appeal a judgment is required to file a notice of appeal within 30 days after the date of the notice of judgment or after the date of the judgment if it was rendered at the hearing. If leave to appeal is required, the notice of appeal must be filed together with an application for leave to appeal.

 

A notice of incidental appeal must be filed and served within 10 days after service of the notice of appeal or after the date of the judgment granting leave to appeal

 



[1]     Martineau c. Ouellet et al., 2016 QCCA 459 (j.a).

[2]     RLRQ, c. C-25.01 [« C.p.c. Â»].

[3]     RLRQ, c. C-25 [« a.C.p.c. Â», pour ancien Code de procĂ©dure civile].

[4]     Registre de la Cour supĂ©rieure tenu en vertu de l’article 7 du Règlement de la Cour supĂ©rieure du QuĂ©bec en matière civile, ((2016) G.O. II, 2763 ou celui de la Cour du QuĂ©bec tenu conformĂ©ment Ă  l’article 6 du Règlement de la Cour du QuĂ©bec (RLRQ, c. C-25.01, r. 9).

[5]     Martineau c. Ouellet, 2016 QCCS 1113.

[6]     Le délai d’appel était de 10 jours en ce qui avait trait à la requête pour permission d’appeler d’un jugement se prononçant sur une requête en annulation d’une saisie avant jugement.

[7]     L’article 334 C.p.c. Ă©nonce que le jugement rendu Ă  l’audience « est constatĂ© par l’inscription de la dĂ©cision et de ses principaux considĂ©rants au procès-verbal attestĂ© par celui qui l’a rendu Â».

[8]     La question se pose aux termes de l’article 334 C.p.c. quant Ă  savoir quelle est la date d’un jugement rendu après dĂ©libĂ©rĂ© : s’agit-il de la date inscrite sur celui-ci et qui correspond habituellement Ă  la date de sa signature par le juge? Ou s’agit-il de la date de son inscription au plumitif de la cour compĂ©tente? Ou encore, s’agit-il de la date de son envoi aux parties? Voir Ă  ce sujet Norsah c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2016 QCCA 700 (j.a), demande pour permission d’appeler dĂ©fĂ©rĂ©e Ă  une formation de la Cour. Compte tenu du libellĂ© de l’article 360 C.p.c., il n’est pas nĂ©cessaire ici de se prononcer sur cette question.

[9]     Ainsi avisĂ©es, les parties peuvent cependant faire les dĂ©marches nĂ©cessaires pour obtenir auprès du greffe des copies certifiĂ©es conformes du jugement (alinĂ©a 2 de l’article 335 C.p.c.). Elles sont Ă©galement informĂ©es du dĂ©lai dont elles disposent pour rĂ©cupĂ©rer les documents dĂ©posĂ©s au dossier (article 108 C.p.c.).

[10]    Il existerait même des situations où le jugement ne serait pas transmis aux parties par le greffe.

[11]    À ce délai, on peut également ajouter le délai entre la date inscrite sur le jugement par le juge et la date de son inscription au plumitif, dont la durée varie également selon les districts judiciaires. En l’occurrence, la date inscrite sur le jugement est le 18 janvier 2016 alors que l’inscription au plumitif porte la date du 20 janvier 2016.

[12]    Il est intĂ©ressant de noter le libellĂ© diffĂ©rent utilisĂ© par le lĂ©gislateur Ă  l’article 360 C.p.c. et Ă  l’article 335 C.p.c. Dans le premier cas, on rĂ©fère Ă  un « jugement rendu Ă  l’audience Â», alors que dans le second cas, on parle d’un jugement « rendu Ă  l’audience en prĂ©sence des parties Â». Il n’est pas nĂ©cessaire ici de dĂ©terminer la portĂ©e, le cas Ă©chĂ©ant, de cette nuance.

[13]    Dans Le Grand Collectif- Code de procĂ©dure civile, commentaires et annotations, (sous la direction de Me Luc Chamberland, vol.1, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 1609), les auteurs AndrĂ© Rochon et Juliette Vani soulignent que « la nuance importante Â» apportĂ©e par le lĂ©gislateur en choisissant les termes « date de l’avis de jugement Â» devra faire l’objet d’une interprĂ©tation par la Cour d’appel. Ces auteurs ne semblent pas dĂ©celer, dans ce changement, une intention claire du lĂ©gislateur.

[14]    Au contraire de ce qu’était la situation dans l’affaire DorĂ© c. Verdun (Ville de), [1997] 2 R.C.S. 862, p. 873.

[15]    Commentaires de la ministre de la Justice : Code de procĂ©dure civile chapitre C-25.01, MontrĂ©al, SOQUIJ/Wilson & Lafleur, 2015, p. 286.

[16]    Wang c. Huang, 2006 QCCA 1334 (j.a.), paragr. 4, que la Cour reprend avec approbation dans Protection de la jeunesse - 09151, 2009 QCCA 748, paragr. 14. Voir Ă©galement : Benisty c. Kloda2015 QCCA 1851, paragr. 2; Daoust c. Filion, J.E. 95-2099 (C.A.), 1995 CanLII 4895 (QCCA); Tambosso c. MontrĂ©al Briques et pierres inc., 2009 QCCA 581 (j.a.).

[17]    Richcraft Homes Ltd/Maisons Richcraft LtĂ©e c. Gatineau (Ville de), 2008 QCCA 2024, paragr. 4; Tsatas c. 2944715 Canada inc. (Thomas Grossiste en fruits et lĂ©gumes), 2010 QCCA 1314, paragr. 3.

[18]    AssemblĂ©e nationale, Commission des institutions, Journal des dĂ©bats, 40e lĂ©g., 1ère sess., vol. 43, no 92, 20 novembre 2013, 17 h 40. Le reprĂ©sentant du ministre indique vouloir retenir la date inscrite au plumitif afin de se « coller Ă  la pratique actuelle Â», alors que cette pratique rattachait plutĂ´t le point de dĂ©part Ă  la date de connaissance du jugement lorsque celle-ci Ă©tait postĂ©rieure Ă  sa minute.

[19]    Pierre-AndrĂ© CĂ´tĂ©, InterprĂ©tation des lois, 4e Ă©d. MontrĂ©al, Les Éditions ThĂ©mis, 2009, no 1594, p. 507.

[20]    Québec, Avant-projet de loi, Loi instituant le nouveau Code de procédure civile, 39e lég., 2ième sess. 2011, art. 357.

[21]    Québec, Projet de loi no 28, Loi instituant le nouveau Code de procédure civile, 40e lég., 1ère sess. 2013, art. 360. La lecture des mémoires déposés lors de l’étude de l’avant-projet de loi et du Projet de loi 28 ne permet pas d’identifier la motivation du législateur derrière un tel changement.

[22]    La question pourrait se poser de ce qu’il advient du point de dĂ©part du dĂ©lai d’appel si le greffe, bien que requis de le faire, n’émet pas l’avis de jugement prescrit par l’article 335 C.p.c. dans un dossier donnant lieu Ă  un jugement sujet Ă  appel devant la Cour. Cette question n’étant pas soulevĂ©e dans le prĂ©sent pourvoi, il serait inopportun d’y rĂ©pondre.

[23]    Denis FERLAND et BenoĂ®t EMERY, PrĂ©cis de procĂ©dure civile du QuĂ©bec, Éditions Yvon Blais, 5e Ă©dition, MontrĂ©al, vol. 2, 2015, no 2-180, p. 69.

[24]    Protection de la jeunesse - 09151, supra, note 16. Voir également N.A. crédits services inc. c. 153226 Canda Inc., [1988] R.D.J. 83 (C.A.), 1988 CanLII 485 (QC CA) (j.a.).

[25]    Protection de la jeunesse - 09151, supra, note 16, paragr. 15.

[26]    Telle n’est pas la situation lorsque le juge d’instance transmet aux parties une copie de son jugement par courriel une fois ce dernier signé.

[27]    N.C. c. Institut universitaire de santĂ© mentale, 2016 QCCA 368, paragr. 5.

[28]    El-Hachem c. DĂ©cary, 2012 QCCA 2071.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.