Carr c. Guertin

2019 QCRDL 5193

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Gatineau

 

Nos dossiers :

397644 22 20180508 G

411941 22 20180803 G

Nos demandes :

2496442

2558373

 

 

Date :

19 février 2019

Régisseure :

Anne A. Laverdure, juge administrative

 

Annie Carr

 

Locataire - Partie demanderesse

(397644 22 20180508 G)

Partie défenderesse

(411941 22 20180803 G)

c.

Pierre Guertin

 

Locateur - Partie défenderesse

(397644 22 20180508 G)

Partie demanderesse

(411941 22 20180803 G)

 

D É C I S I O N

 

 

CONTEXTE

[1]      La locataire demande une diminution de loyer pour ne pas avoir la pleine jouissance de son stationnement.

[2]      Le locateur demande la résiliation du bail en raison des loyers non payés depuis plus de trois semaines, des retards fréquents à payer le loyer et pour la possession d’un chien contrairement aux termes du bail.

[3]      Les parties sont liées par un bail du 1er mai 2018 au 30 avril 2019 au loyer mensuel de 600 $.

QUESTIONS EN LITIGE

[4]      La locataire fait-elle défaut de payer son loyer depuis plus de trois semaines?

[5]      La locataire paie-t-elle fréquemment son loyer en retard et si oui, le locateur en subit-il un préjudice sérieux?

[6]      La locataire peut-elle garder son chien?

[7]      La locataire a-t-elle la jouissance de sa place de stationnement extérieur et dans la négative, quel est le montant de diminution de loyer approprié?


ANALYSE ET DÉCISION

La locataire fait-elle défaut de payer son loyer depuis plus de trois semaines?

[8]      La preuve démontre que le locataire doit 4 500 $, soit le loyer de juin 2018 (solde de 300 $), celui de juillet, août, septembre, octobre, novembre et décembre 2018 ainsi que celui de janvier 2019.

[9]      La locataire admet devoir cette somme, mais considère qu’elle n’a pas à payer tant que le problème du stationnement n’est pas réglé.

[10]   La locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l'application de l'article 1971 du Code civil du Québec.

[11]   La locataire est avisée que, si elle veut éviter la résiliation du bail, elle doit payer les sommes dues avant la signature de la présente décision en vertu de l’article 1883 du Code civil du Québec.

La locataire paie-t-elle fréquemment son loyer en retard et si oui, le locateur en subit-il un préjudice sérieux?

[12]   Le locateur invoque les retards fréquents de la locataire à payer son loyer comme second motif de résiliation. Il mentionne que le loyer a été payé en retard à de nombreuses reprises au cours des dernières années.

[13]   Il a d’ailleurs déjà obtenu la résiliation du bail en janvier 2018 pour des loyers impayés.

[14]   La locataire continue tout de même de prétendre qu’il y a une entente entre elle et le locateur lui permettant de différer le paiement de son loyer.

[15]   Évidemment, le locateur nie l’existence d’une telle entente et les faits lui donnent raison, du moins à compter de la précédente demande judiciaire.

[16]   Les défauts de la locataire étant réguliers et continuels, la fréquence de ces retards rencontre les critères de l'article 1971 du Code civil du Québec.

[17]   Mais, pour obtenir la résiliation pour ce motif, la loi impose au locateur qu'il fasse également la preuve du préjudice sérieux que ces retards lui occasionnent.

[18]   Or, le fait de devoir procéder par demandes judiciarisées en résiliation de bail pour loyer impayé constitue un préjudice sérieux. L’Honorable André Renaud[1] de la Cour du Québec écrivait à ce propos :

« [31] Sachant ce qu’un recours judiciaire implique comme préoccupation, inquiétude, préparation, déplacements, frais etc, ..., on ne peut que conclure qu’une démarche judiciaire est un préjudice sérieux, à moins qu’on démontre qu’un locateur a abusé de ses recours, qu’il a entrepris ses recours avec une rapidité telle qu’il n’a pas tenté un règlement du problème. Ici, nous pouvons multiplier la démarche judiciaire par quatre. »

[19]   Le locateur ayant démontré le préjudice sérieux occasionné par les fréquents retards de la locataire à payer son loyer, il est en droit d'obtenir la résiliation du bail.

[20]   Par contre, le Tribunal considère qu'il y a lieu de surseoir à la résiliation du bail pour retards fréquents et d'y substituer l'ordonnance prévue à l'article 1973 du Code civil du Québec parce que la locataire veut conserver son logement et le Tribunal croit qu’elle fera dorénavant ses paiements le premier de chaque mois.

La locataire peut-elle garder son chien?

[21]   Lorsque la locataire a signé son bail, elle a accepté de ne pas posséder d’animaux.

[22]   Même si le chien qu’elle a acquis est petit et mignon, cela contrevient aux termes de son bail.

[23]   Le locateur explique que, lorsqu’il a fait des travaux à l’immeuble, il entendait japper le chien toute la journée.


[24]   Le préjudice découlant de cette situation est sérieux. Toutefois, le Tribunal considère qu'il y a lieu de surseoir à la résiliation du bail et d'y substituer une ordonnance pour les raisons déjà indiquées.

La locataire a-t-elle la jouissance de sa place de stationnement extérieur et dans la négative, quel est le montant de diminution de loyer approprié?

[25]   La locataire se plaint qu’à de nombreuses occasions, elle constate que sa place de stationnement est occupée par une voiture.

[26]   La preuve démontre en effet qu’à certaines occasions, c’est même l’homme à tout faire du locateur qui s’y stationne. À d’autres occasions, il s’agit des employés d’un commerce voisin.

[27]   Il faut dire que les places de stationnement au centre de Hull sont prisées.

[28]   Le locateur explique comment il décourage les squatters. Il refoule la neige derrière leur véhicule.

[29]   Il dit que la situation est corrigée et que la locataire peut utiliser sa place de stationnement pour son usage personnel.

[30]   Ceci dit, chaque partie soupçonne l‘autre de louer l’espace dans un but mercantile, mais chacun nie se livrer à une telle pratique.

[31]   Quoi qu’il en soit, le locateur a donné l’assurance au Tribunal que la place de stationnement de la locataire lui était réservée.

[32]   Le Tribunal doit évaluer la problématique sous l’angle offert par l’article 1859 du Code civil du Québec :

« Le locateur n’est pas tenu de réparer le préjudice qui résulte du trouble de fait qu’un tiers apporte à la jouissance du bien; il peut l’être lorsque le tiers est aussi locataire de ce bien ou est une personne à laquelle le locataire permet l’usage ou l’accès à celui-ci.

Toutefois, si la jouissance du bien en est diminuée, le locataire conserve ses autres recours contre le locateur. »

[33]   La locataire a donc droit à une diminution de loyer. Dans son calcul, le Tribunal tient compte des éléments suivants.

[34]   La locataire n’a pas de véhicule. Sa place de stationnement ne lui sert que pour les gens qui la visitent.

[35]   Les occasions où un tiers occupe le stationnement au moment où elle en a besoin pour un visiteur ne sont pas dénombrées, mais ne peuvent être fréquentes.

[36]   La locataire demande une diminution équivalente à la valeur marchande de cet espace. Le Tribunal ne partage pas cet avis.

[37]   La diminution de loyer vise strictement la diminution de jouissance et a pour but de rétablir l'équilibre entre les prestations respectives des parties.

[38]   En raison de ce qui précède, le Tribunal considère que la locataire a droit à 10 $ par mois sur une période de 13 mois pour un total de 130 $.

[39]   L’exécution provisoire demandée par le locateur est justifiée par l’urgence de la situation.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[40]   CONDAMNE la locataire à payer au locateur 4 500 $, avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 2 juin 2018 sur 300 $, et sur le solde à compter de l'échéance de chaque loyer, plus les frais judiciaires de 84 $;


À défaut de paiement du loyer, des intérêts et des frais avant la signature du jugement[2] :

[41]   RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;

[42]   ORDONNE l'exécution provisoire, malgré l'appel, de l'ordonnance d'expulsion à compter du 11e jour de la date de signature de la décision;

[43]   Advenant que le paiement du loyer, des intérêts et des frais avant la signature du jugement[3];

[44]   SURSOIT à la résiliation et ORDONNE à la locataire de payer son loyer le 1er de chaque mois à compter du 1er mars 2019, et ce, pour toute la durée du bail en cours et pour sa période de reconduction subséquente, le cas échéant;

[45]   ORDONNE à la locataire de se départir de son chien et de tout animal dans les 30 jours de la présente décision;

[46]   CONDAMNE le locateur à payer à la locataire 130 $, avec les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 28 janvier 2019, plus les frais judiciaires de 58 $;

[47]   AUTORISE les parties à faire compensation.

 

 

 

 

 

 

 

 

Anne A. Laverdure

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Date de l’audience :  

28 janvier 2019

 

 

 


 



[1]    Montréal (Office municipal d’habitation de) c. Nantel, 500-80-004705-050.

[2]     En vertu de l’article 1883 du Code civil du Québec.

[3]     En vertu de l’article 1883 du Code civil du Québec.

AVIS :
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