Décision

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Décision

Egorova c. Singer

2020 QCRDL 2323

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

476558 31 20190819 G

No demande :

2828896

 

 

Date :

20 janvier 2020

Régisseure :

Claudine Novello, juge administrative

 

Ludmila Egorova

 

Oleg De-Vreeze

 

Locateurs - Partie demanderesse

c.

Lori Singer

 

Sarah Sultan

 

Locataires - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par un recours produit le 19 août 2019, les locateurs demandent au tribunal l’autorisation de reprendre le logement concerné, à compter du 1er février 2020 pour y loger le co-locateur Oleg De-Vreeze, suivant les termes de l’article 1963 du Code civil du Québec.

[2]      Les parties sont liées par un bail du 1er février 2019 au 31 janvier 2020 au loyer mensuel de 1 630 $.

[3]      La preuve démontre que le 18 juin 2019, les locateurs faisaient tenir aux locataires un avis de reprise de logement les informant de leur intention de reprendre le logement à compter du 1er février 2020. Les locataires n’ont pas répondu à cet avis, laissant présumer qu’ils s’y opposent.

[4]      L’immeuble concerné comporte quatre logements répartis sur quatre étages.

[5]      La locatrice habite avec son nouveau conjoint et son fils le logement situé au sous-sol de l’immeuble, tandis que les locataires louent deux logements situés aux derniers étages.

[6]      Il est admis que les locataires utilisent le logement au dernier étage pour s’y loger, alors que le logement, situé directement en dessous de celui-ci, est partiellement utilisé comme bureau de consultation par les locataires dont l’une est psychologue et l’autre psychiatre.

[7]      Le bail pour le logement convoité précise que celui-ci est loué pour des fins résidentielles et comme « home office ». Les locataires affirment que seul un tiers du logement est utilisé pour des fins professionnelles.


[8]      Il est également établi que l’immeuble est propriété des locateurs à parts égales lesquels sont divorcés depuis le 14 mai 2018.

[9]      Le locateur Oleg De-Vreeze explique qu’il souhaite se rapprocher de son fils qui a 14 ans et qui habite avec sa mère la co-locatrice en l’instance. Dans cette optique, il souhaite reprendre le logement que les locataires utilisent à des fins professionnelles. C’est par ailleurs, dit-il, le logement qui convient le mieux à ses goût et besoins.

[10]   Les locataires s’opposent à la reprise de leur logement.

[11]   Tout d’abord, elles invoquent que les locateurs ne peuvent se pourvoir du droit à la reprise puisqu’ils ne satisfont pas aux exigences et conditions prévues à l’article 1958 du Code civil du Québec.

[12]   En second lieu, elles font valoir que le logement situé au rez-de-chaussée, est actuellement utilisé par les locateurs pour faire de la location à court terme sur la plate-forme Airbnb. Ce logement est comparable à celui convoité de sorte qu’en vertu de l’article 1964 du Code civil du Québec, la reprise de leur logement ne saurait être accordée.

[13]   Relativement à cette allégation, les locateurs affirment qu’ils ont cessé de faire de la location à court terme et ne s’expliquent pas que le logement apparaisse encore dans les annonces publiées sur la plate-forme Airbnb. De plus, ils expliquent que l’immeuble n’est pas bien insonorisé, et qu’ils ne sont pas à l’aise de vivre directement au-dessus de l’autre et d’entendre les bruits quotidiens et/ou intimes pouvant provenir de chez l’un ou l’autre.

[14]   Finalement, les locataires mentionnent que non seulement elles doutent des intentions réelles du locateur, mais ajoutent qu’il est essentiel pour elles de conserver ce logement dont le retrait les obligerait à déménager entraînant des conséquences professionnelles et personnelles catastrophiques.

[15]   Ainsi se résume l’essentiel de la preuve.

[16]   En ce qui a trait aux conditions nécessaires à l’exercice du droit à la reprise, il convient de rappeler les articles 1936, 1957 et 1958 du Code civil du Québec :

1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi.

1957. Le locateur d'un logement, s'il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l'habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien.

Il peut aussi le reprendre pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l'union civile.

1958. Le propriétaire d'une part indivise d'un immeuble ne peut reprendre aucun logement s'y trouvant, à moins qu'il n'y ait qu'un seul autre propriétaire et que ce dernier soit son conjoint.

[17]   La jurisprudence établie est à l’effet qu’il n’est pas possible pour des propriétaires indivis de reprendre un logement ([1]).

[18]   À ce sujet, le professeur Pierre-Gabriel Jobin dans son traité sur le louage s’exprime comme suit :

« (...) pour que le propriétaire d'une part indivise puisse reprendre un logement, le nombre des copropriétaires ne doit pas excéder deux et ils doivent être conjoints l'un de l'autre, de droit ou de fait. L'achat en copropriété indivise pour des fins d'habitation par les propriétaires devient ainsi restreint aux couples, quand l'immeuble abrite des locataires qui devraient être délogés. »([2])

[19]   Force est de constater que les locateurs ne respectent pas les conditions d’exercice du droit de reprise puisqu’ils sont copropriétaires indivis de l’immeuble et ne sont plus conjoints depuis le prononcé de leur divorce en mai 2018.  Dès lors, la demande de reprise ne peut être reçue.


[20]   Considérant la conclusion à laquelle en arrive le tribunal, il n’est pas utile de se prononcer sur les autres motifs d’opposition soulevés par les locataires.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21]   REJETTE la demande des locateurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

Claudine Novello

 

Présence(s) :

les locateurs

les locataires

Me Ryan Mark Sanft, avocat des locataires

Date de l’audience :  

6 janvier 2020

 

 

 


 



[1] Par exemple, le juge administratif Moffatt rejetait une demande de reprise de copropriétaires divorcés dans Dumas c. Mainville, SOQUIJ AZ-50108347, [2001] J.L. 230; Bienvenue c. Hamel, 2014 QCRDL 12252; Tondoh c. Lepage, 2015 QCRDL 21060 ; Lawira c. Gauthier, 2010 QCRDL 5245.

[2] Pierre-Gabriel JOBIN, Traité de droit civil : Le louage, 2e édition, Les Éditions Yvon Blais, 1996, page 569, no 236.

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