Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Desrosiers c. Société immobilière Bélair

2025 QCTAL 8514

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Québec

 

No dossier :

823753 18 20240927 T

No demande :

4588902

 

 

Date :

10 mars 2025

Devant la juge administrative :

Chantale Trahan

 

Ashley Desrosiers

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Société Immobilière Bélair

 

Locatrice - Partie défenderesse

et

Boissy Natacha

 

Partie intéressée

 

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          La demanderesse locataire requiert la rétractation de la décision rendue par le 20 décembre 2024, par le juge administratif Stéphan Samson, accueillant la demande de la partie locatrice, en la condamnant à payer le loyer dû de 2 220 $ et les frais et qu'à défaut de paiement, le bail serait résilié.
  2.          À l'audience, sur la rétractation, la locataire est absente. La représentante de la locatrice est présente, mais le Tribunal n’a pas de preuve de notification de la demande.
  3.          La représentante de la locatrice témoigne que la locataire est toujours dans le logement et que non seulement les sommes mentionnées dans la décision du 20 décembre 2024 demeurent impayées, mais qu’au surplus, le montant dû en loyer impayé est actuellement de 4 680 $. La représentante demande au Tribunal de déclarer la locataire forclose de faire toute autre demande subséquente au Tribunal.
  4.          De plus, la demande de rétractation ne contient pas de motif valable ni aucun moyen de défense sérieux. Elle inscrit dans sa demande qu’elle a payée 1 400 $ de loyer, mais cette somme a été payée en octobre 2024, bien avant l’audience du 22 novembre 2024. Au contraire, elle persiste à ne pas rencontrer son obligation principale, soit de payer le loyer.
  5.          La présente demande se fonde sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] (LTAL) qui prévoit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.


Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d'aviser de son changement d'adresse conformément à l'article 60.1 ne peut demander la rétractation d'une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu'elle n'a pas reçu l'avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

  1.          À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[2]

  1.          L'absence d'une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les autrices Rousseau-Houle et De Billy[3]:

« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »

  1.          À la lumière de ces principes, le Tribunal est d'avis que la locataire n'a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.
  2.          Enfin, concernant la demande de limitation procédurale, il apparaît clair que la locataire n'a pas de motif ni de moyen de défense sérieux à faire valoir. Elle ne fait que retarder l'exécution de la décision en faveur de la locatrice. L'article 63.2 LTAL prévoit ce qui suit :

« 63.2. Le Tribunal peut, sur demande ou d'office après avoir permis aux parties intéressées de se faire entendre, rejeter un recours qu'il juge abusif ou dilatoire ou l'assujettir à certaines conditions.

Lorsque le Tribunal constate qu'une partie utilise de façon abusive un recours dans le but d'empêcher l'exécution d'une de ses décisions, il peut en outre interdire à cette partie d'introduire une demande devant lui à moins d'obtenir l'autorisation du président ou de toute autre personne qu'il désigne et de respecter les conditions que celui-ci ou toute autre personne qu'il désigne détermine.

Le Tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif ou dilatoire d'un recours, condamner une partie à payer, outre les frais visés à l'article 79.1, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les autres frais que celle-ci a engagés, ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs. Si le montant des dommages-intérêts n'est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d'abus, le Tribunal peut en décider sommairement dans le délai et aux conditions qu'il détermine. »

  1.      La locataire adopte une conduite désinvolte envers la locatrice depuis le début, en ne respectant pas ses obligations, tout en utilisant le processus judiciaire à la légère.
  2.      Dans ce contexte, le Tribunal considère qu'il est opportun que la locataire ait à justifier la recevabilité d'une éventuelle demande de rétractation. En effet, il apparaît flagrant que cette dernière utilise de façon abusive le présent recours dans le but d'empêcher l'exécution de la décision.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande de rétractation;
  2.      MAINTIENT la décision rendue le 20 décembre 2024;
  3.      INTERDIT à la demanderesse de produire une nouvelle demande dans le présent dossier, à moins d'autorisation préalable du président ou de toute personne désignée par lui.

 

 

 

 

 

 

 

 

Chantale Trahan

 

Présence(s) :

la mandataire de la locatrice

Date de l’audience : 

26 février 2025

 

 

 


 


[1] RLRQ, chapitre T-15.01.

[2] Entreprises Roger Pilon Inc et al. c. Atlantis Real Estate Co., (1980) C.A. 218.

[3] Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée (1989) Montréal, p. 307.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.