Décision

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Leblanc c. St-Amant

2021 QCTAL 29197

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Joliette

 

No dossier :

534477 29 20200827 T

No demande :

3348045

 

 

Date :

12 novembre 2021

Devant la juge administrative :

Linda Boucher

 

Pierre Leblanc

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Michel St-Amant

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par cette demande, le locateur demande au tribunal de rétracter sa décision rendue le 24 août 2021 sur sa demande déposée le 27 août 2020 et amendée le 13 mai 2021.

[2]         Cette décision rejette la demande du locateur.

[3]         Après vérification, il appert que les deux parties étaient présentes à l’audition de la demande du locateur qui s’est tenue le 10 août 2021.

[4]         Aux motifs de sa demande, le locateur reproche au locataire d’avoir fourni des photographies d’un autre logement que le sien en soutien de sa défense et de ne pas lui avoir donné accès aux lieux loués au lendemain de l’audience tel qu’il avait été convenu devant le juge administratif.

[5]         Il réclame la rétractation de la décision afin qu’il puisse obtenir la preuve qui contredirait la défense du locataire.

[6]         Le locateur fonde sa demande sur l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, lequel se lit comme suit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »


[7]         Tout d’abord le tribunal constate que le locateur a pris connaissance de la décision visée le 13 septembre 2021 pour déposer sa demande de rétractation le 27 septembre suivant soit plus de 10 jours après sa connaissance de la décision.

[8]         Ce défaut de respecter le délai de 10 jours qui lui était imposé pour déposer sa demande justifie à lui seul le rejet de la demande.

[9]         Mais il y a plus.

[10]     Le locateur demande la rétractation de la décision rendue par le tribunal afin de pouvoir bonifier sa preuve.  Or, il s’agit là d’un motif d’appel et non pas de rétractation et la soussignée ne possède pas le pouvoir de rétracter la décision d’un confrère.  Ce pouvoir appartient à un tribunal supérieur.

[11]     Ainsi que l'écrivaient les auteurs Thérèse Rousseau Houle et Martine de Billy:

« L'article 89 ne peut être utilisé à titre d'appel déguisé. Si une partie n'est pas satisfaite de la décision rendue, elle ne peut en demander la rétractation afin de présenter une meilleure preuve.

On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence : celle de juger de la justesse de la décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la Cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logement qu'à la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet est la fixation, la révision ou le réajustement de loyer »([1]).

[12]     La juge administrative Francine Jodoin reprend ces principes dans la décision Yasser Eskandar c. 4241525 Canada Inc. ([2]) lorsqu'elle écrit :

« [6] Pour obtenir la rétractation de la décision, le locataire doit établir avoir été empêché de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante.

[7] L'empêchement de présenter une preuve ne doit pas émaner de la partie elle-même ou être lié au déroulement de l'audience puisque les décisions prises par le Tribunal dans le cadre de la gestion de l'instance ou de l'administration de la preuve ne peuvent, le cas échéant, être remises en cause que devant un Tribunal d'appel.

[8] De plus, l'empêchement d'une partie ne doit pas découler de sa négligence(2) dans la préparation de l'audience ou de sa preuve, car cela contrevient au principe visant la stabilité juridique et l'irrévocabilité des jugements(3).

[9] De toute évidence, le recours en rétractation ne doit pas servir de prétexte à une partie pour recommencer une audition, soit parce qu'elle est insatisfaite de la décision ou parce qu'elle est insatisfaite de la façon dont elle a présenté sa preuve.

[10] À cela, le Tribunal ajoute que les parties convoquées à une audience doivent s'y préparer adéquatement. Elles doivent réviser leur dossier, les procédures, les éléments de preuve qu'elles entendent invoquer et les règles applicables au déroulement de l'audience. Elles doivent comprendre les questions en litige ou s'en informer correctement et faire valoir au moment opportun les lacunes dans leur preuve.

[11] Elles doivent être prêtes à présenter tous leurs moyens au Tribunal. Si elles constatent une lacune dans la preuve ou la procédure, elles doivent y remédier en temps utile. Elles doivent aviser le Tribunal de tout élément de surprise qui justifierait une preuve additionnelle.

[12] Une fois la décision rendue, il est trop tard pour contredire, expliquer ou circonstancier les faits.

[13] En l'occurrence, le locataire fait surtout valoir qu'il a été pris par surprise par la décision. Il voudrait maintenant combler les lacunes dans la présentation de sa preuve. Il n'est pas en accord avec les conclusions rendues et croit que les preuves additionnelles qu'il veut présenter permettraient de les corriger.

[14] Or, la « preuve nouvelle » qu'il souhaite présenter était connue au moment de l'audience et seule une renonciation à la présenter ou une préparation déficiente de l'audience peuvent expliquer qu'elle n'a pu être soumise. Dans les deux cas, cela ne donne pas ouverture à la rétractation de la décision.

[15] En effet, tel que mentionné ci-haut, le locataire ne peut tenter, par la rétractation , d'obtenir une nouvelle audience lui permettant de bonifier sa preuve. Cette preuve, le cas échéant, était disponible. Si elle lui semblait utile et pertinente, il devait en faire part au Tribunal lequel pouvait prendre les mesures adéquates y compris ajourner l'audience à une date ultérieure. Son silence dénote une renonciation de sa part, ou un risque mal calculé.


[16] L'impossibilité de présenter une preuve doit résulter au moins d'un effort de la présenter ou l'ignorance de son existence. »

(références omises)

[13]     La soussignée partage cet avis et, en l'occurrence, constate que le locateur, insatisfait de la décision du tribunal et convaincu que le locataire a fourni une preuve fausse dont il n’a pas été en mesure de se défendre efficacement, veut en appeler de celle-ci afin de pouvoir bonifier sa preuve à l'occasion de la reprise des débats et, peut-être enfin obtenir une nouvelle décision qui lui serait favorable.

[14]     Puisqu’il avait négocié une visite des lieux, il aurait mieux fait de demander l’ajournement de l’audience jusqu’après cette visite ou, à défaut, de demander la réouverture de l’enquête avant que la décision soit rendue.

[15]     Pour ces motifs, le tribunal juge qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du locateur.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]     REJETTE la demande;

[17]     MAINTIENT la décision rendue le 24 août 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

Linda Boucher

 

Présence(s) :

le locateur

Date de l’audience : 

4 novembre 2021

 

 

 


 


[1] Le bail du logement, Montréal, Wilson et Lafleur, 1989, p. 310.

[2] 31-130501-168, le 21 octobre 2015.

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