Celik c. Bureau des enquêtes independantes |
2021 QCCQ 4921 |
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COUR DU QUÉBEC « Chambre civile » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE MONTRÉAL |
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N°: 500-22-250440-180 |
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DATE : 7 juin 2021 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
LOUIS RIVERIN, J.C.Q. |
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CESUR CELIK |
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JUNE TYLER |
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TYLER CELIK |
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DENIZ CELIK |
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Demandeurs |
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c. |
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BUREAU DES ENQUETES INDEPENDANTES |
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PROCUREUR GENERAL DU QUEBEC |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] Suite au décès de Koray Kevin Celik survenu le 6 mars 2017 lors d’une intervention policière, les demandeurs réclament chacun 10 000 $ en dommages moraux et une somme de 10 000 $ en dommages exemplaires pour la somme totale de 50 000 $ aux défendeurs.
[2] Les demandeurs soutiennent qu’ils ont subi des dommages moraux lors de la publication le 9 août 2018 par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), d’un communiqué de presse concernant l’événement survenu le 6 mars 2017.
[3] Pour les demandeurs, le contenu du communiqué de presse ne représente pas la vérité et leur cause préjudice.
[4] En défense, le procureur général du Québec (PGQ) soutient qu’il y a absence de faute commise puisque le BEI a agi en conformité avec la loi et le règlement pertinent et à l’intérieur de son pouvoir discrétionnaire en fonction de son mandat d’information auprès du public et de sa qualité d’organisme indépendant.
[5] Il plaide aussi l’absence de dommages moraux subis et l’absence d’une atteinte illicite et intentionnelle donnant droit à des dommages exemplaires.
1) Le BEI a-t-il commis une faute en publiant le 9 août 2018 le communiqué de presse relatif à l’événement du 6 mars 2017?
2) Dans l’affirmative, les demandeurs ont-ils droit à des dommages moraux?
3) Dans l’affirmative, le BEI a-t-il commis une faute intentionnelle donnant ouverture à des dommages et intérêts exemplaires?
[6] Cesur Celik et June Tyler (les parents) sont respectivement père et mère de feu Koray Kevin Celik (Koray).
[7] Leur fils est décédé, sous leurs yeux dans leur résidence, lors d’une intervention policière le 6 mars 2017.
[8] Tyler et Deniz Celik, frères de feu Koray sont absents le 6 mars 2017 de sorte qu’ils ne sont pas témoins de l’événement.
[9] Le BEI a comme rôle de mener une enquête indépendante[1] lorsqu’une personne autre qu’un policier en service décède lors d’une intervention policière. Il doit rédiger un rapport qu’il transmet au Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) et au Bureau du coroner en cas de décès.
[10] Ce rapport ne tire aucune conclusion sur la responsabilité et la culpabilité des personnes impliquées. La preuve en défense est à l’effet que le BEI ne se pose pas la question s’il y a faute commise ou pas. Il n’émet pas de conclusion; il n’interprète pas[2].
[11] Le BEI doit aussi informer le public du début d’une enquête, de son déroulement et de la transmission du dossier d’enquête au DPCP et au coroner[3].
[12] Le 6 mars 2017, le BEI est informé par le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) du décès de Koray, ce qui déclenche une enquête du BEI.
[13] Conformément au Règlement sur le déroulement des enquêtes du bureau des enquêtes indépendantes[4] (le Règlement), le BEI émet le jour même un premier communiqué de presse[5].
[14] Le BEI procède donc à une enquête, rencontre différents témoins, dont les demandeurs de même que les policiers du SPVM impliqués lors de cette intervention et il se rend sur la scène de l’événement.
[15] Aux termes de son enquête, le BEI rédige un rapport qui est transmis au DPCP et au Bureau du coroner[6]. Ce rapport, produit lors de l’instruction, fait l’objet d’un jugement de mise sous scellé[7].
[16] Le 7 août 2018, Monsieur Alain Gariepy, représentant du BEI, communique par téléphone avec les parents pour les informer de la fin de l’enquête.
[17] Ils les informent aussi qu’un communiqué de presse sera rendu public et il leur divulgue le contenu de ce communiqué en leur faisant lecture. Immédiatement, les parents expriment leur profond désaccord avec le contenu du communiqué.
[18] Les 8 et 9 août 2018, par le biais de leur procureur, les parents réitèrent leur désaccord avec le contenu du communiqué[8].
[19] Le 9 août 2018, le BEI publie, sans tenir compte de la demande des parents, un second communiqué de presse intitulé : « Enquête indépendante concernant l’événement survenu à Montréal le 6 mars 2017 : le BEI remet son rapport d’enquête au Directeur des poursuites criminelles et pénales »[9].
[20] C’est le contenu de ce communiqué qui fait l’objet du présent litige.
[21] Le 16 août 2018, les parents transmettent une seconde mise en demeure au BEI[10] réitérant leur contestation sur la diffusion du communiqué P-4 et sur son contenu.
[22] Le 2 octobre 2018, le BEI répond à cette mise en demeure[11] soutenant qu’il a agi conformément à la loi et au règlement applicable.
[23] Pour une meilleure compréhension, le Tribunal résume comme suit la preuve reçue par le témoignage des parents rendu à l’audience de cette soirée tragique.
[24] Koray est chez ses parents le 6 mars, veille d’un examen universitaire.
[25] Il prend un médicament prescrit pour soulager un mal de dents et il prend aussi un peu d’alcool. N’arrivant pas à dormir, il veut prendre les clés et conduire la voiture et se rendre à une pharmacie afin de se procurer un médicament pour l’aider à dormir.
[26] Sa mère réalise qu’il n’est pas dans son état normal et une discussion s’ensuit, le ton monte et elle gifle son fils. Celui-ci réagit en frappant dans le mur. Inquiète, Madame Tyler appelle le 911.
[27] Monsieur Celik, son père, arrive, calme son fils et le dirige dans la salle de bain où il prendra le temps de lui laver les mains. À partir de ce moment, Koray est calme et il se dirige ensuite dans sa chambre.
[28] 15 à 20 minutes plus tard, les policiers se présentent sur les lieux. Madame Tyler laisse entrer la constable Bujold par la porte principale et la suit à l’intérieur. Madame Tyler appelle son fils, lequel est demeuré dans sa chambre. La constable Bujold a sa lampe de poche en mains et elle éclaire devant elle lorsque Koray apparaît dans le cadre de la porte de sa chambre.
[29] Ébloui par la lumière dans les yeux, il répète : « Turn it off », il tente d’éviter la lumière plaçant ses mains devant son visage. Il s’avance devant la constable Bujold qui lui ordonne de ne pas avancer.
[30] Koray réagit alors en demandant au constable : « Get out of my house ». La constable Bujold lance sa lampe de poche sur lui, puis prend son bâton télescopique et frappe Koray au torse. Madame Tyler est tout près de son fils lorsque cette séquence se produit.
[31] Deux autres policiers sont alors avec le père dans l’entrée du garage, entendent le bruit et ils se dirigent précipitamment pour prêter main forte à leur collègue.
[32] Monsieur Celik suit les policiers dans le corridor et voit sa femme et Koray côte-à-côte. Il entend son fils crier : « Get out of my house » alors que la constable Bujold répond en criant et que Madame Tyler crie également : « Calm down ».
[33] Les deux constables provenant de l’entrée du garage surgissent et plaquent Koray au sol. Un troisième constable arrive pour aider ses collègues. Koray est alors tenu au sol, un constable à la hauteur de sa tête, un au bas de son dos et les deux autres sur le côté. On force Koray à rester au sol tout en le menottant et en le frappant dans les côtes.
[34] C’est à ce moment qu’un des constables s’aperçoit que Koray ne respire plus. Il écarte ses collègues pour procéder aux manœuvres de réanimation.
[35] L’un des constables entraîne les parents effrayés et inquiets à l’extérieur de la résidence, contre leur gré. Ce sera la dernière fois qu’ils verront leur fils vivant.
[36] Pour les parents, c’est le drame. Leur fils est décédé entre les mains des policiers dans le cadre de cette intervention.
[37] Plus tard dans la nuit, deux enquêteurs du BEI se présentent sur les lieux et rencontrent les parents. Ils leur expliquent leur rôle, lequel consiste en la tenue d’une enquête indépendante entourant les circonstances du décès de leur fils.
[38] Une autre rencontre a lieu le 10 mars et Monsieur Celik donne alors sa version des événements.
[39] Deux mois s’écoulent. Madame Tyler rappelle puisqu’elle est sans nouvelle. Elle laisse plusieurs messages au BEI. Finalement, Madame Nicolas-St-Pierre la rappelle. Il s’en suit une rencontre avec Madame Tyler le 7 juin 2017, deux mois après l’événement pour prendre sa version des faits.
[40] Madame Tyler pose alors des questions sur le travail du BEI et la seule réponse qui lui est donnée est que l’enquête suit son cours.
[41] Une année s’écoule sans que les parents ne reçoivent quelques nouvelles que ce soit, bien qu’ils s’informent régulièrement. À chaque demande, on leur répond : « L’enquête suit son cours. »
[42] En juin 2018, Monsieur Gariepy du BEI les informe que l’enquête est terminée et que le rapport sera transmis à Québec.
[43] Or, cet appel de Monsieur Gariepy découle d’une intervention qu’a effectuée Monsieur Celik auprès de l’ambassade de la Turquie. Bien que citoyen canadien depuis de nombreuses années, Monsieur Celik est d’origine turque.
[44] Le 7 août 2018, Monsieur Gariepy communique par téléphone avec les parents leur expliquant que l’enquête est terminée, que le rapport sera transmis à Québec pour étude par deux procureurs du DPCP, lesquels communiqueront avec eux lorsqu’une décision sera prise quant à d’éventuelles accusations criminelles dans cette affaire.
[45] Monsieur Gariepy les informe également qu’un communiqué de presse sera publié. Dès le départ, les parents font part de leur inquiétude sur cette question. Monsieur Gariepy répond que le texte sera court avec quelques détails seulement.
[46] Il leur en débute la lecture et, pour eux, c’est un choc immédiat, le texte n’est pas conforme à la vérité. Les parents haussent le ton et expriment leur désaccord. Ils sont visiblement choqués, voire outrés de ce qu’ils entendent.
[47] L’écoute de l’enregistrement de cette conversation a été faite lors du procès et elle est troublante. De toute évidence, Monsieur Gariepy ne peut ignorer que les parents sont en état de choc, que rien ne va.
[48] Monsieur Gariepy leur explique que le communiqué de presse n’est pas le rapport et que le BEI n’a pas à y inclure tous les détails. Le Tribunal en conclut que cette affirmation est relative à la version des parents, fort différente de celle des policiers.
[49] La conversation se termine, Monsieur Gariepy doit parler à ses supérieurs et vérifier s’ils peuvent enlever ou modifier certains passages.
[50] La frustration et le désarroi des parents sont évidents. Rien de ce qu’ils ont déclaré n’a été pris en considération, Madame Tyler déclare même lors de l’audition : « why they don’t have empathy ? ».
[51] Les parents réagissent en communiquant avec leur procureur et la mise en demeure[12] est transmise le 8 août 2018. Ils requièrent du BEI que celui-ci modifie le contenu du communiqué puisque, selon eux, il n’est pas conforme à la vérité en ce qu’il ne constitue pas une présentation correcte des faits survenus lors de l’événement du 6 mars 2017.
[52] Le 9 août 2018, le BEI répond aux demandeurs par courriel précisant prendre « notes des préoccupations que vous formulez » tout en confirmant que le communiqué sera émis.
[53] Dans les faits, aucune modification au communiqué lu par Monsieur Gariepy aux parents le 7 août ne sera apportée par le BEI.
Remarques préliminaires
[54] D’entrée de jeu, le Tribunal souligne qu’il n’a pas à se prononcer sur la question de la responsabilité du décès de Koray.
[55] Ce n’est pas la question à résoudre pour régler le sort du litige.
[56] Il convient de spécifier que les parents, témoins de l’événement, sont intimement convaincus que les policiers qui sont intervenus à leur domicile ce soir-là sont directement responsables du décès de leur fils.
[57] C’est cette conviction profonde qui les anime et qui les affecte, conviction dont le BEI a pleinement connaissance et conscience.
1) Le BEI a-t-il commis une faute en publiant le 9 août 2018 le communiqué de presse relatif à l’événement du 6 mars 2017?
[58] Le présent litige porte sur un aspect du rôle du BEI, celui des communications du Directeur du bureau, soit plus précisément sur son devoir d’informer le public et les membres de la famille de la personne décédée du déroulement de l’enquête.
[59] Ce devoir est inscrit aux articles 11 et 12 du Règlement[13]. Il faut donc déterminer si le communiqué de presse est conforme aux dispositions législatives.
[60] Mais avant d’examiner ces dispositions, il y a lieu d’examiner le régime législatif en cause pour lire ces dispositions dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit du Règlement et de la Loi, son objet et l’intention du législateur.
[61] C’est la méthode d’analyse prise par la Cour suprême dans l’arrêt Wood c. Shaeffer[14], où est en cause un organisme ontarien, l’unité des enquêtes spéciales, très similaire au BEI. Le Tribunal procède donc selon la même méthode d’analyse.
[62] Deux notions principales se dégagent de cet arrêt de la Cour suprême :
a) L’objet de la loi « transcende et régit » l’objet du Règlement[15];
b) Il faut privilégier l’interprétation qui va dans le sens de l’objet du régime législatif.
[63] Pour obtenir le contexte nécessaire à l’analyse qui suit, il est utile de rappeler l’origine et la raison d’être du BEI et de son régime législatif.
1.1 La création du BEI
[64] La question de la création d’un organisme indépendant pour effectuer des enquêtes lorsque des événements impliquent des policiers n’est pas nouvelle.
[65] Dès 1988, le rapport Bellemare fait référence à ce concept[16].
[66] De nombreux mémoires furent déposés lorsqu’il fut question de modifier la Loi sur la police (LP) au fil des années[17].
[67] Ce qui ressort de l’ensemble de ces rapports, c’est qu’il y a lieu de changer un système qui laisse entrevoir que les policiers sont juges et parties.
[68] Chacun des rapports et des interventions aux fins de mener à la création du BEI insiste sur les critères d’indépendance, de transparence et d’imputabilité lesquels sont trois principes requis pour constituer les garanties minimales qui doivent être réunies afin d’assurer la crédibilité d’un modèle et de susciter la confiance de la population pour un semblable organisme.
[69] Quant à la transparence, le besoin de communication au public et aux membres de la famille est également souligné, la notion de reddition de compte étant même avancée[18].
[70] Ce qui ressort de l’ensemble des interventions ayant mené à la création du BEI et des modifications à la LP, tel qu’en vigueur au moment des faits de l’espèce, ce sont les notions de : confiance du public, transparence, indépendance.
[71] Le journal des débats montre clairement l’intention du législateur lors de l’adoption des modifications à la LP et la création du BEI. L’intention est d’établir une communication avec le public, la population, sur les gestes posés par le BEI, et de se montrer le plus transparent possible, d’où l’adoption du Règlement pour « intégrer une obligation de communiquer plus activement son travail » (notre soulignement)[19].
1.2 Buts et objet du BEI
[72] Le législateur a donc créé un organisme d’enquête indépendant et transparent dans le but de maintenir la confiance du public à l’égard de l’ensemble des corps policiers et, dans une plus large mesure, du système de justice.
[73] La création du BEI et l’adoption du Règlement ont pour objet de faciliter la réalisation de cet objectif[20].
[74] L’article 289.6 LP se lit ainsi :
« Le bureau a pour mission de mener toute enquête relative à un événement ou à une allégation visé à l’article 289.1 où dont il est chargé par le ministre en vertu de l’un ou l’autre des articles 289 et 289.3. »
(Notre soulignement)
[75] L’article 289.1 LP se lit ainsi :
« Une enquête indépendante doit être tenue lorsqu’une personne, autre qu’un policier en devoir, décède, subit une blessure grave ou elle est blessée par une arme à feu utilisée par un policier, lors d’une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. »
(Notre soulignement)
[76] Le contexte global se dégage aussi du fait que les policiers ont dans notre société des pouvoirs légaux importants dont celui de recourir, dans certaines circonstances, à une force létale contre la population. De tels pouvoirs reposent nécessairement sur une confiance inébranlable envers les policiers lesquels travaillent assidûment pour mériter cette confiance, parfois au risque de leur propre vie.
[77] Cette confiance du public peut parfois être mise en doute lorsqu’un citoyen est tué par un policier ou lors d’une intervention policière. C’est pour cette raison que le BEI a été créé comme organisme afin de déterminer, de façon indépendante et transparente par une enquête, les faits de l’événement et de transmettre un rapport complet et détaillé au DPCP, tout en publiant des communiqués pour le public.
[78] Lorsqu’un citoyen est tué lors d’une intervention policière, il est essentiel non seulement de se demander, mais de déterminer si les policiers impliqués ont agi légalement. En ce sens, le BEI joue un rôle fondamental visant à maintenir la justice et l’équité au sein de la société québécoise. Soulignons que c’est le rapport de son enquête qui est transmis au DPCP pour étude aux fins de déterminer si des accusations seront déposées.
[79] Dans un tel contexte, les apparences sont essentielles. Un précepte dans notre système de justice souvent répété et jalousement protégé est à l’effet que :
« Il est essentiel que, non seulement justice soit rendue, mais qu’il y a aussi apparence manifeste et indubitable que justice a été rendue[21]. »
[80] Un tel principe est d’autant plus important dans le contexte du BEI où il y va de la confiance du public à l’égard de la police. Pour établir et maintenir cette confiance, les communications sont essentielles, d’où l’adoption des articles 11 et 12 du Règlement.
[81] Il y a lieu de procéder à l’analyse des articles du Règlement pour déterminer si le communiqué de presse est conforme, tout en conservant à l’esprit ces buts, objets et contexte lesquels sont : transparence, information, indépendance et confiance du public.
1.3 Sens du mot déroulement prévu au Règlement
[82] Le sens du mot « déroulement » se définit d’abord par son contexte législatif. L’article 289.4 LP prévoit :
« Un règlement du gouvernement établit des règles concernant le déroulement des enquêtes tenu par le bureau relativement à un événement visant le premier aliéna de l’article 289.1. Le règlement prévoit notamment les obligations auxquelles sont tenus les policiers impliqués dans l’événement, les policiers qui ont été témoins de cet événement ainsi que le directeur du corps de police impliqué. »
(Notre soulignement)
[83] Le Règlement est lui-même intitulé « Règlement sur le déroulement des enquêtes » et son analyse démontre ce qu’est le déroulement d’une enquête. Il prévoit d’abord les obligations auxquelles sont tenues les policiers impliqués et les policiers témoins de l’événement de même que le directeur du corps de police impliqué. Ensuite, il prévoit certaines obligations du BEI dont l’identification de l’enquêteur principal et que ce dernier doit déterminer son statut avant de rencontrer les policiers.
[84] Ensuite l’article 9 du Règlement prévoit que les enquêteurs assignés à une enquête doivent rencontrer tous les policiers impliqués et tous les policiers-témoins dans un laps de temps déterminé.
[85] Il se dégage également de la lecture du Règlement que les enquêteurs doivent recevoir le compte-rendu des policiers impliqués et témoins. Le BEI a accès aux éléments de preuve, aux témoignages et au contrôle de la scène de l’événement. Il doit recevoir du Directeur de bureau l’identité de la personne décédée, l’identité des personnes présentes lors de l’événement, les paramètres et les limites de la scène, les éléments de la preuve recueillie pour en assurer la conservation et tout document en lien avec l’événement. Il procède à la rédaction du rapport d’enquête qui contient le contenu de tout ce qui précède. Finalement, il doit assurer les communications relatives à l’enquête indépendante avec les membres de la famille de la personne décédée[22].
[86] C’est là le déroulement d’une enquête, tel que ce Règlement le définit lui-même.
[87] La preuve révèle qu’il n’existe pas au sein du BEI de directives ou de politiques internes écrites concernant la rédaction des communiqués de presse.
[88] Ainsi, seul l’article 11 du Règlement sur le déroulement des enquêtes constitue le guide.
[89] Conservant ces notions à l’esprit, regardons le texte de l’article 11 du Règlement :
« Dans la mesure où cela ne nuit pas à son enquête ou à une enquête parallèle, le directeur du bureau informe le public, notamment du début d’une enquête, de son déroulement et de la transmission du dossier d’enquête au directeur des poursuites criminelles et pénales et s’il y a lieu, au coroner. »
(Notre soulignement)
[90] Le sens ordinaire du mot « déroulement » réfère aux notions d’enchaînement et de succession, de séries, d’un ensemble de choses qui se suivent, de l’enchaînement des événements dans le temps, la succession des étapes, d’un processus[23].
[91] Le sens ordinaire et grammatical du mot « déroulement » ne souffre d’aucune réelle ambiguïté et ne se prête qu’à une seule interprétation valable dans le contexte global de la loi.
[92] Le communiqué de presse que doit émettre le Directeur du bureau pour informer le public du déroulement de l’enquête doit nécessairement expliquer la succession des étapes du processus suivies, l’enchaînement ou la succession des actes posés dans le cadre de l’enquête.
[93] À titre d’exemple, constitue le déroulement de l’enquête, le fait d’informer le public que les enquêteurs ont rencontré les policiers impliqués, les policiers-témoins, qu’ils ont reçu les éléments de preuve, qu’ils ont contrôlé la scène de l’événement, qu’ils ont eu accès aux différents témoins de même qu’à tout document en lien avec l’événement.
[94] Sur son site Web, le BEI publie ceci :
« Lorsqu’il est chargé d’une enquête, le BEI met tout en œuvre pour faire la lumière sur l’événement et les circonstances qui l’entourent. Par exemple, pour chaque enquête qu'il mène, qu'il s'agisse d'une enquête indépendante ou criminelle, il recueille des témoignages, des faits et des éléments lui permettant de reconstituer l’événement dans ses moindres détails et les consigne fidèlement dans un dossier. L’équipe d’enquêteurs affectés à l’enquête mène donc celle-ci selon un processus cohérent, empreint de rigueur et d’impartialité. L’examen minutieux, l’analyse, la recherche, les entretiens structurés avec les personnes impliquées et les témoins sont au cœur du travail des enquêteurs qui ont pour tâche de produire ultimement un rapport détaillé et complet, sans influence externe.
Au terme de l’enquête, le BEI remet son rapport final au Directeur des poursuites criminelles et pénales. C’est sur la base de ce rapport que le DPCP décidera s’il y a lieu ou non de porter des accusations au criminel. Dans le cas d’un décès, le BEI remettra le même rapport au Bureau du coroner. Le BEI n’a aucunement le pouvoir de déposer des accusations contre un policier.»[24].
[95] La lecture de la table des matières du rapport d’enquête[25] est aussi la démonstration du déroulement de l’enquête :
1- Identification du corps de police, des policiers et personnes impliqués visés par l’enquête;
2- Les démarches préliminaires;
3- Colliger les faits ayant mené à l’intervention policière;
4- Identification du défunt, avis au coroner, avis à la famille, surveillance du corps, autopsie;
5- Recherche, récupération et expertise des éléments d’enquête;
6- Prise des dépositions des témoins civils liés à l’enquête, des policiers impliqués, des policiers autres reliés à l’intervention et des témoins civils non reliés à l’intervention;
7- Collection du guide de pratiques policières relatives à l’intervention et des procédures du SPVM relatives à l’intervention;
8- Identification des policiers qui ont participé à l’application du Règlement;
9- Vérification relative à des pages manquantes d’un calepin de notes d’un policier.
[96] La lecture de la table des matières répond au devoir d’information sur le déroulement de l’enquête à l’égard du public. Voilà la volonté du législateur lors de l’adoption du projet de loi et du Règlement.
[97] Puisqu’il revient au DPCP de déterminer s’il y a lieu de porter des accusations, le communiqué ne doit pas laisser entrevoir une prise de position. Il doit être impartial, indépendant et transparent. Le BEI informe le public car c’est son obligation prévue au règlement. Le communiqué est publié dans un but de transparence[26].
1.4 Le premier communiqué
[98] L’article 11 du Règlement prévoit que le BEI informe le public « du début de son enquête ».
[99] C’est ce qu’il a fait en publiant dès le 6 mars 2017 le texte suivant :
« 2017-03-06
BEI-2017-008
Le Bureau des enquêtes indépendantes enquête sur les circonstances entourant un événement survenu ce matin à l’Île-Bizard au cours duquel un homme de 28 ans est décédé.
Les renseignements préliminaires communiqués au BEI suggèrent ce qui suit :
- Les policiers auraient répondu à un appel concernant un homme en crise;
- Ils se seraient présentés sur les lieux et se seraient trouvés face à un individu agressif;
- Pendant qu’ils tentaient de le maîtriser, l’homme aurait fait un arrêt cardiaque;
- Il aurait été transporté à l’hôpital où son décès aurait été constaté un peu plus tard.
L’enquête du BEI permettra notamment de déterminer si ces informations sont exactes.
8 enquêteurs du BEI ont été chargés d’enquêter sur cet événement et l’heure d’arrivée prévue (HAP) à la publication de ce communiqué est 9h30.
Conformément au Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes, le BEI a fait appel à la Sûreté du Québec pour agir comme corps de police de soutien dans cette enquête. Le SQ fournira 2 techniciens en identité judiciaire qui travailleront sous la supervision des enquêteurs du BEI.
Le BEI demande à quiconque aurait été témoin de cet événement de communiquer avec lui via son site web au www.bei.gouv.qc.ca.».
[100] Ce texte donne des informations sur l’événement et il emploie le conditionnel. Il informe le public que les enquêteurs du BEI vont se rendre sur les lieux, que le BEI aura l’assistance de la Sureté du Québec pour deux techniciens en identité judiciaire et l’on demande à tout témoin de l’événement de communiquer avec le BEI. Déjà, les balises de ce que sera le déroulement d’une enquête sont posées.
1.5 Le communiqué en litige versus le Règlement
[101] Examinons maintenant le communiqué de presse en litige :
« Le BEI a complété son enquête indépendante sur les circonstances entourant un événement survenu à Montréal le 6 mars au cours duquel un civil de 28 ans est décédé lors d’une intervention policière du service de police de la ville de Montréal.
L’enquête démontre les faits suivants :
Le 6 mars vers 02h05, un appel est logé au 911 concernant un homme en crise et agressif dans une résidence de l’Île-Bizard.
Quatre policiers se rendent sur les lieux.
À l’intérieur de la résidence, Koray Kevin Celik, un homme de 28 ans, est agressif envers les policiers et n’obtempère pas à leurs ordres. Une policière tente de le maîtriser, notamment avec son bâton télescopique, en vain. 3 autres policiers amènent au sol l’homme qui résiste. Une fois par terre, ils réalisent rapidement que le sujet est maintenant inconscient et ne constatent aucun pouls.
Les policiers tentent des manœuvres de réanimation alors que l’ambulance est appelée. Les ambulanciers prennent la relève. Koray Kevin Celik est transporté à l’hôpital où son décès est constaté.
Conformément à la loi sur la police, le BEI a transmis son rapport au directeur des poursuites criminelles et pénales et au bureau du coroner le 7 août 2018. C’est sur la base de ce rapport, que le DPCP déterminera s’il y a lieu de porter des accusations contre les policiers impliqués. [… ] »
(Notre soulignement)
[102] En quoi ce communiqué de presse informe le public sur le déroulement de l’enquête, c’est-à-dire sur la succession, l’enchaînement ou la série d’événements dans le temps relatif à l’enquête?
[103] Ce que ce communiqué de presse rapporte, c’est la description de l’événement du 6 mars. Il n’informe pas le public sur le déroulement de l’enquête. Le public ignore totalement ce que le BEI a fait durant l’année écoulée depuis le 6 mars 2017. Le communiqué ne fait pas état de la recherche des faits et des éléments de preuve, que des entretiens structurés ont eu lieu, qu’une analyse en a été faite.
[104] De l’avis du Tribunal, si l’on veut satisfaire aux critères de transparence et d’information dans le but de conserver la confiance du public, on doit l’informer de ce qui a été effectué comme enquête. Ce n’est pas le cas.
[105] Pour le BEI, ce communiqué lui permet de clarifier certains faits communiqués initialement au public, et ce, à la lumière des éléments recueillis lors de son enquête. De l’avis du Tribunal, il s’agit d’une mauvaise application de l’article 11 du Règlement. De plus, si l’on compare avec le premier communiqué, on a la nette impression que le second est le résultat de l’enquête. Le conditionnel du premier communiqué n’est plus utilisé.
[106] Le Tribunal ne retient pas l’argument du BEI que celui-ci peut relater ce qu’il veut, en autant qu’il relate une version du rapport. Faire cela revient à contrecarrer l’objet principal du régime législatif qui est d’informer le public du déroulement de l’enquête. En agissant ainsi, le risque de miner la confiance du public, que le BEI est sensé favoriser, est réel.
[107] Le communiqué contient la narration de l’événement du 6 mars selon un seul point de vue, celui des policiers. À la lecture, une personne raisonnable du public peut avoir l’impression que ce texte est écrit pour justifier l’intervention policière et qu’il est une conclusion.
[108] À titre d’exemple, indiquer au communiqué « agressif envers les policiers » pointe dans une seule direction : « justifier l’action policière ». Le critère de l’indépendance est ici non rencontré aux yeux du Tribunal.
[109] Or, rappelons-le, la mission du BEI n’est pas de justifier l’action policière bien au contraire. Que cette intervention soit justifiée ou non, telle n’est pas la question. Le BEI doit informer le public du déroulement de son enquête, ce qu’il n’a pas fait en publiant ce communiqué. Il s’agit d’une erreur grossière contraire à la finalité propre du BEI et poursuivie par le législateur lors de l’adoption du Règlement et de son article 11[27].
[110] Le Tribunal constate donc que le contenu du communiqué de presse émis par le BEI le 9 août 2018 est non-conforme à l’article 11 du Règlement car il ne se concilie pas avec l’obligation d’informer le public du déroulement de l’enquête. Il n’informe pas le public de ce que le BEI a fait comme enquête.
[111] Or, si l’on veut que le public ait confiance dans un organisme chargé de faire une enquête indépendante sur les circonstances entourant le décès d’une personne lors d’une intervention policière, il faut que le public soit informé de son déroulement. C’est l’essence même de l’article 11 du Règlement.
1.6 Le régime de responsabilité - la faute
[112] Le BEI est une personne morale de droit public assujettie au même régime juridique que l’État[28], étant régie par sa loi constitutive et de façon supplétive par le droit civil québécois.
[113] Le Code civil s’applique à l’État et ses organismes, sous réserve des autres règles qui leur sont applicables[29].
[114] Il résulte de ces principes que le BEI est soumis aux règles de droit commun contenues à l’article 1457 C.c.Q., à moins qu’un principe de droit public ne prime sur les règles de droit civil[30]. Aucune disposition législative ne vient restreindre sa responsabilité. Le BEI ne bénéficie pas d’une quelconque immunité.
[115] Le Tribunal doit tenir compte du contexte législatif dans lequel œuvre le BEI pour déterminer sa responsabilité civile.. C’est l’approche retenue par la Cour suprême dans les arrêts Finney c. Barreau du Québec, Hinse c. Canada (Procureur général) et Montréal (Ville de) c. Octane Stratégie inc.[31].
[116] Cette approche est ainsi résumée dans l’arrêt Ernst c. Alberta Energy Regulator[32].
« [39] (…) Hinse et Henry démontrent tous deux que les concours de la responsabilité doivent être examinés eu égard notamment à l’acteur étatique en cause, à la nature des fonctions, à la possibilité d’intenter d’autres recours et aux principes généraux de la responsabilité. »
[117] Pour déterminer si le BEI a commis une faute, la question qui se pose est donc celle-ci : « considérant ses buts et objets, lesquels sont : transparence, information, indépendance et confiance du public, le BEI a-t-il agi comme un organisme raisonnable, prudent et diligent en publiant le communiqué du 9 août 2018 ? ».
[118] Le BEI a comme mission d’être transparent, d’où le pouvoir d’informer le public prévu à l’article 11 du Règlement. Ce pouvoir implique un certain degré de discrétion que le BEI se doit d’exercer. Le problème demeure clairement celui de la responsabilité civile du BEI pour un acte commis dans l’exécution de ses fonctions, soit d’informer le public et de communiquer toute information pertinente aux membres de la famille de la personne décédée.
[119] Le contenu du communiqué découle du pouvoir discrétionnaire du directeur du BEI dans l’exercice de ses communications au public[33], sous réserve de rester à l’intérieur des balises de la loi et du règlement, ce qui n’est pas le cas.
[120] En l’espèce, le Tribunal est convaincu que le BEI a excédé sa compétence, qu’il a poursuivi une finalité impropre et agi de façon déraisonnable dans l’exercice de sa discrétion par la publication d’un communiqué de presse non conforme au Règlement, aux buts et à l’essence même de ce que doit être cet organisme.
[121] Ce n’est pas un texte neutre. Il n’en ressort aucune indépendance, ni même impartialité. La cour d’appel[34] a statué que la police a l’obligation de préserver la présomption d’innocence lorsqu’elle procède à la publication d’une arrestation. Un tel devoir s’impose d’emblée au BEI qui doit exercer sa discrétion de façon impartiale et neutre. En ne publiant qu’une version, celle des policiers impliqués, ne court-on pas le risque de publier des demi-vérités, de déformer la réalité et de miner la confiance du public ?
[122] L’usage des mots « L’enquête démontre » avant le début de la narration laisse croire que le BEI prend position et cette position est uniquement basée sur la version policière. Or, c’est le DPCP qui tire les conclusions puisque c’est lui qui détermine si des accusations criminelles sont portées ou non.
[123] Le communiqué tire une conclusion en excluant totalement la version des parents. Ce faisant, le BEI prend position. Que la version policière soit réelle et prenne assise dans le rapport ne change rien dans l’affaire[35]. Il existe une autre version tout aussi crédible par des témoins oculaires, laquelle est oblitérée.
[124] Ces témoins, ce sont les parents qui ont vu leur fils mourir sous leurs yeux. Ne pas tenir compte de leur version ou même leur impression sous prétexte que l’organisme est indépendant est un mauvais usage du pouvoir discrétionnaire et une mauvaise interprétation du Règlement, si l’on tient compte de la mission de l’organisme, de ce pourquoi il a été créé et des faits particuliers de ce dossier.
[125] Bien plus, alors que les parents expriment clairement leur désaccord et que leur procureur met le BEI en demeure, la publication du communiqué sans changement dans un tel contexte s’apparente à de l’insouciance grave. La position dès lors adoptée par le BEI et la publication telle quelle du communiqué apparaissent dictées par le désir de maintenir son indépendance face aux parents plutôt que de respecter sa mission et raison d’être.
[126] Pour le Tribunal, le communiqué de presse publié en espèce est : « l’antipode de la transparence même que le régime législatif vise à favoriser, en clair, les apparences comptent, et lorsqu’il y va de la confiance du public envers la police, il est impératif que le processus d’enquête soit transparent, et aussi qu’il ait toutes les apparences de la transparence[36]. »
[127] Cette transparence doit être complète non seulement envers le public, mais encore envers les membres de la famille de la personne décédée.
[128] Pour évaluer la norme du comportement d’un organisme raisonnable placer dans les mêmes circonstances, le Tribunal souligne deux faits importants : la conversation téléphonique entre M. Gariepy et les parents de même que les deux mises en demeure transmises avant la publication du communiqué. Le BEI sait pertinemment que le texte du communiqué est contesté, qu’il choque les parents et qu’une seule version de l’évènement y est, en apparence, privilégiée.
[129] En pareilles circonstances, le BEI a-t-il agi comme un organisme raisonnable, prudent et diligent ? Le Tribunal croit que non.
[130] Outre le fait que l’on soit motivé par l’indépendance de l’organisation, peu de chose explique le maintien de la position du BEI suite à la réception de la mise en demeure. Il semble que l’indépendance l’a remporté sur la transparence, la confiance du public et le respect du Règlement.
[131] Chaque décision s’inscrit dans son contexte factuel particulier. Or, pour le Tribunal, le contenu du communiqué est contraire à la nature des fonctions du BEI et il laisse croire que l’intervention policière est justifiée. Le critère de l’indépendance est, en apparence, non rencontré. La transparence et le devoir d’information ne sont pas rencontrés.
[132] Le Tribunal est d’opinion que le BEI commet une faute en publiant ce communiqué qui relate un seul point de vue, qui laisse croire qu’il prend position en faveur de la version policière. Il porte ainsi une atteinte directe aux demandeurs quant à leur réputation et honneur.
1.7 Communication de l’information aux membres de la famille pendant le processus d’enquête
[133] L’article 12 du Règlement prévoit ce qui suit :
« 12. Le directeur du bureau assure les communications avec la personne blessée gravement ou blessée par une arme à feu utilisée par un policier, lors d’une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police, et avec les membres de la famille de celle-ci ou d’une personne décédée lors d’un tel événement. Le directeur leur communique toute information pertinente relative au processus d’enquête indépendante dans la mesure où cela ne nuit pas à l’enquête. »
(Notre soulignement)
[134] Le BEI a donc l’obligation de communiquer avec les membres de la famille de Koray toute information pertinente relative au processus d’enquête. Appliqué et interprété conformément à la mission du BEI, cet article se comprend parfaitement.
[135] Or, la preuve révèle que cette communication n’a pas existé. Le BEI n’a pas répondu à une question plus que légitime des parents : « Enquêtez-vous aussi sur ceux qui ont fait l’intervention lors de laquelle notre fils est mort? »
[136] Tant Monsieur Celik que Madame Tyler ne comprennent pas ce qui se passe, parce qu’on ne leur dit rien.
[137] Cette absence de communication atteint un paroxysme incompréhensible. D’origine turque, citoyen canadien habitant au pays depuis 1982, scientifique et homme d’affaires participant à l’essor du pays, il doit faire appel à l’ambassade de Turquie laquelle réussit à ce que Monsieur Celik obtienne un nom et un numéro de téléphone, le tout une année après l’événement du 6 mars 2017.
[138] Le BEI a cruellement manqué à ses obligations envers les membres de la famille d’une personne décédée puisqu’il n’a pas communiqué toute information pertinente relative au processus d’enquête indépendante.
2) Le lien de causalité
[139] Sur cette question, il convient de répondre à l’un des arguments relatifs à l’absence de lien causal entre la publication du communiqué et les dommages subis par les demandeurs. Les dommages moraux subis ne pas sont liés à la couverture médiatique subséquente ou à l’ampleur de cette couverture qui a pu être initiée, ou non, par la famille dans ses interventions avec les médias traditionnels ou sociaux. Aucun de ces éléments ne ressort clairement de la preuve et, surtout, des témoignages des demandeurs quant aux dommages subis et réclamés.
[140] Le Tribunal demeure convaincu qu’il existe ici un lien causal direct entre la publication par le BEI du communiqué de presse et les dommages subis par les demandeurs. Rappelons simplement la réaction des parents lors de la lecture par M. Gariepy du communiqué pour s’en convaincre[37].
3) Dans l’affirmative, les demandeurs ont-ils droit à des dommages moraux?
[141] Suite à la publication du communiqué de presse[38], les parents constatent alors qu’ils sont seuls, le doute s’installe et ils comprennent que les membres du BEI croient qu’ils ne disent pas la vérité. Seule la police est écoutée et appuyée. Ils en sont grandement affectés.
[142] Pour eux, le texte qui est publié n’est pas neutre, ni impartial. Selon les parents et les deux frères, le contenu du communiqué de presse publié par le BEI leur cause des dommages moraux en ce qu’il décrit Koray comme étant agressif lors de l’intervention policière, ce qui la justifie.
[143] Or, pour les demandeurs, le BEI est supposé être impartial. L’information publiée n’est pas neutre et, à leurs yeux, fausse. À la lecture du communiqué, le public ne connaît que la version policière de l’événement. Il ne connaît pas le déroulement de l’enquête.
[144] Pour les parents et les deux frères, il s’agit d’une question d’honneur à la mémoire d’un fils, d’un frère disparu. Honorer la mémoire d’un fils, d’un frère fait partie des « éléments moraux » donnant droit à des dommages lorsqu’une personne y porte atteinte, comme c’est le cas en l’instance. Perdre son honneur, c’est perdre la considération de nos semblables, même si ce n’est que dans notre propre regard.
[145] Les dommages moraux à compenser en l’instance sont donc l’honneur, la détresse psychologique, l’anxiété, la perte de jouissance de la vie et l’humiliation ressentie par les demandeurs suite à la publication du communiqué. Il s’agit d’éléments subjectifs liés à la souffrance subie par les demandeurs que le Tribunal doit maintenant évaluer.
3.1 Critères d’analyse
[146] La quantification des dommages moraux est un exercice délicat, parfois complexe et forcément discrétionnaire. À cet égard, la Cour d’appel dans l’affaire Larose c. Fleury[39] écrit ceci :
« Les dommages-intérêts compensatoires, qu'ils soient d'ordre moral ou économique, visent à rétablir la victime dans sa position n'eût été de la faute commise à son égard (art. 1611 C.c.Q.). Leur quantification repose sur un exercice certes parfois complexe, mais qui vise essentiellement à comparer la situation de la victime à la suite de la faute par rapport à celle qu'elle aurait été n'eût été de la faute. Il s'agit ensuite de compenser cette nouvelle situation par l'octroi d'un montant d'argent approprié (art. 1616 C.c.Q.). Si pour le dommage économique l'exercice se fait selon une certaine rigueur, il faut reconnaître que la compensation des dommages moraux comporte, souvent, une évaluation approximative qui fait appel, jusqu'à un certain point, à une discrétion judiciaire. ».
(Notre soulignement)
[147] Relativement à l’évaluation des dommages non pécuniaires, la Cour suprême recommande dans l’arrêt Cinar, l’approche suivante :
« [105] Les tribunaux québécois établissent généralement le montant des dommages-intérêts non pécuniaires en combinant les approches conceptuelle, personnelle et fonctionnelle : St-Ferdinand, par. 72-73, 75 et 77; Gauthier c. Beaumont, 1998 CanLII 788 (CSC), [1998] 2 R.C.S. 3, par. 101. L’approche conceptuelle mesure la perte [traduction] « en fonction de la gravité objective du préjudice » : Stations de la Vallée de Saint-Sauveur inc. c. M.A., 2010 QCCA 1509, [2010] R.J.Q. 1872, par. 83, le juge Kasirer. L’approche personnelle « s’attache plutôt à évaluer, d’un point de vue subjectif, la douleur et les inconvénients découlant des blessures subies par la victime » : St-Ferdinand, par. 75, citant A. Wéry, « L’évaluation judiciaire des dommages non pécuniaires résultant de blessures corporelles : du pragmatisme de l’arbitraire? », [1986] R.R.A. 355. Enfin, l’approche fonctionnelle vise à fixer une indemnité pour fournir à la victime une consolation : Andrews, p. 262. Ces approches « s’appliquent conjointement, favorisant ainsi l’évaluation personnalisée » des dommages-intérêts non pécuniaires : St-Ferdinand, par. 80.
[106] En plus d’appliquer ces approches, les tribunaux appelés à fixer le montant des dommages-intérêts non pécuniaires devraient comparer l’affaire dont ils sont saisis à d’autres affaires analogues où des dommages-intérêts non pécuniaires ont été octroyés : Stations de la Vallée, par. 83. Ils doivent tenter de traiter [traduction] « les cas semblables de semblable façon » (ibid.), en accordant des indemnités à peu près équivalentes aux victimes dont les préjudices sont semblables du point de vue des approches combinées dont il a été question précédemment. (…) ».
[148] Les affaires citées autant par les demandeurs que par les défendeurs sont tous des cas d’espèce tirés de la jurisprudence et la plupart touchent des dommages moraux pour atteinte à la réputation. Tel n’est pas exactement le cas sous étude, mais l’analogie constitue une bonne base d’analyse.
3.2 Les dommages moraux de June Tyler
[149] Mme Tyler réclame 10 000 $ à titre de dommages moraux. Il y a atteinte à son honneur, sa dignité et elle invoque des souffrances émotionnelles et pertes de jouissance de la vie découlant de la publication du communiqué.
[150] Du témoignage entendu, il ne fait pas de doute pour le Tribunal que Mme Tyler a souffert moralement, qu’elle s’est sentie humiliée, son honneur et sa dignité ont été affectés et sa confiance dans l’un des organes de l’État, gravement atteinte. Compte tenu de ce qu’elle a vécu, on la comprend aisément.
[151] L’approche suggérée par la Cour suprême mène à l’analyse objective suivante quant à la situation de Mme Tyler : elle ne travaille pas et sa vie sociale est réduite à une peau de chagrin. Elle est plus isolée, renfermée et elle dort très peu. L’ensemble de ses relations et particulièrement les relations familiales qui étaient très liées, sont directement affectées par la situation.
[152] De façon subjective, Mme Tyler est triste, elle a l’impression que personne ne la croit. Son cri du cœur lors de son témoignage : « why they don’t have empathy ? » confirme une détresse et une perte de confiance dans l’État qui est censé protéger ses citoyens.
[153] Depuis les années qui ont suivi l’événement, elle demeure anxieuse lorsqu’elle croise les policiers. Une gêne auprès des voisins lesquels pensent qu’elle a menti sur la conduite de son fils le soir de l’événement la hante continuellement. Elle est profondément triste, troublée et déprimée ce que le Tribunal a pu constater lors de son témoignage.
[154] Il n’y pas de réponse scientifique ou judiciaire au fait que chaque personne atteinte de dommages réagisse avec plus ou moins de gravité. Même si, en l’instance, il n’y a pas ici de témoignage concret sur l’impact négatif réel, provenant de tiers, il demeure que le communiqué de presse est, objectivement, contraire aux buts et objets poursuivis par le BEI, qu’il est à sens unique ne relatant l’événement que selon la vision policière. Le Tribunal constate que cette publication a eu des effets concrets chez Mme Tyler, engendrant des souffrances qu’il convient d’indemniser.
[155] Évaluer l’indemnité appropriée n’est pas chose aisée, mais eu égard au caractère particulier de cette affaire et considérant les sommes octroyées par les tribunaux dans d’autres affaires, telles que celles analysées par la Cour d’appel[40], le Tribunal est d’avis que la compensation de 10 000 $ réclamée est plus que raisonnable et même symbolique.
3.3 Les dommages moraux de Cesur Celik
[156] M. Celik réclame 10 000 $ à titre de dommages moraux pour atteinte à l’honneur, la dignité, les souffrances émotionnelles et la perte de jouissance de la vie.
[157] À charge de redite, ici aussi il ne fait pas doute que M. Celyk a souffert moralement de la publication du communiqué de presse par le BEI. Il s’est senti humilié, son honneur et sa dignité ont été atteints et, suite à son témoignage, on le comprend.
[158] Le recours auprès de l’ambassade de la Turquie afin d’obtenir de l’information alors que l’article 12 du Règlement prévoit spécifiquement que le BEI doit communiquer toute information pertinente relative au processus d’enquête indépendante, ce qui n’a manifestement pas été fait, est un élément important dans la perte de confiance à l’égard d’une institution censée être indépendante et devant exercer ce pouvoir que la loi lui impose de façon spécifique.
[159] Suivant toujours l’approche suggérée par la Cour suprême, le Tribunal constate que, objectivement, depuis la publication du communiqué de presse par le BEI, M. Celyk ne travaille presque plus, ayant vendu ses parts dans son entreprise. Sa vie sociale est réduite, il est plus isolé et lui aussi dort très peu. Ses relations familiales sont directement affectées par cet événement. Il tente de rétablir la réputation de son défunt fils et celle de sa famille.
[160] Subjectivement, M. Celyk est constamment triste, il a une perte de confiance à l’égard des institutions et sent que les gens ne le croient plus. Le cri du cœur qu’il a poussé lors de son témoignage quant à l’absence totale d’écoute du BEI est éloquent.
[161] M. Celyk est anxieux, il est obsédé par la situation qui s’est produite et de toute évidence incapable de profiter des bons moments qu’il vivait avec sa famille depuis cet événement. M. Celyk témoigne que les gens qu’il connaît, croient que son fils était « sur le crack » ou quelque drogue similaire.
[162] Ici, encore, il n’y a pas de réponse scientifique ou judiciaire au fait que chaque personne atteinte de dommages moraux réagisse avec plus ou moins de gravité.
[163] Le Tribunal considère de l’ensemble de la preuve entendue et des sommes octroyées par les tribunaux que la compensation demandée de 10 000 $ est dans les circonstances, plus que raisonnable et même symbolique.
3.4 Les dommages moraux de Tyler Celik et Deniz Celik
[164] Tyler et Deniz Celik sont les frères de feu Koray. Ceux-ci réclament chacun 10 000 $ en raison des dommages moraux, troubles, souffrances émotionnelles et pertes de jouissance de la vie résultant de la publication par le BEI du communiqué de presse.
[165] À l’audience, chacun a témoigné décrivant les conséquences qu’ils ont vécues suite à la publication dudit communiqué. Ils sont bouleversés et ont développé une anxiété physique et une perte de confiance à l’égard de l’État québécois. Ils témoignent de la grande fraternité qui les liait à feu Koray. Ils ont tous deux le sentiment que le travail fait par le BEI n’est pas impartial, que leur frère a été tué et que personne ne s’en soucie. Tyler Celik a quitté le Québec pour vivre en Ontario alors que Deniz Celik a lui aussi quitté le Québec pour vivre en Turquie. Tous deux témoignent que ce choix découle de la perte de confiance dans l’État québécois suivant la publication par le BEI du communiqué de presse. Aucune preuve contraire n’a été administrée devant le Tribunal sur ces questions.
[166] La preuve administrée démontre que les deux frères sont perturbés par la situation et qu’ils se sentent humiliés et incompris.
[167] Le Tribunal réitère qu’il est difficile de déterminer avec précision un montant approprié pour compenser les frères pour les dommages subis. Considérant les circonstances particulières de ce dossier et les balises établies par la jurisprudence, telle que précédemment mentionnée[41], le Tribunal, usant de sa discrétion, fixe l’indemnité à 5 000 $ pour chacun des frères.
4) Dans l’affirmative, le BEI a-t-il commis une faute intentionnelle donnant ouverture à des dommages et intérêts exemplaires?
[168] L’article 1621 C.c.Q. prévoit ce qui suit pour les dommages punitifs :
« 1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers. ».
[169] Les quatre demandeurs réclament en l’instance une somme de 10 000 $ à titre de dommages exemplaires. Ils invoquent la violation des articles 1 et 4 de la Charte[42].
[170] Il est acquis que pour pouvoir obtenir des dommages punitifs ou exemplaires sur la base d’une conduite intentionnelle, les demandeurs doivent démontrer l’existence d’une telle conduite illicite et l’intention de causer des dommages qui découlent de la conduite fautive. Le critère dépasse la simple négligence déréglée ou téméraire[43].
[171] La raison d’être des dommages exemplaires est un objectif de punition à l’égard de l’auteur d’un acte illicite en raison du caractère intentionnel de sa conduite. Il vise à dissuader l’auteur d’un tel acte de même que les membres de la société de répéter ce genre d’acte en faisant de sa condamnation un exemple[44].
[172] Bien plus, la Cour Suprême dans l’arrêt Finney[45] dit ceci :
« Il faut même vouloir les conséquences de l’acte fautif. La démonstration de l’insouciance (recklessness) ne suffit pas. Cette orientation s’est confirmée par la suite dans les arrêts de notre Cour[46]. »
[173] Le Tribunal eu égard à l’ensemble des circonstances de cette affaire conclut que les défendeurs n’ont pas posé un geste intentionnel ou fait preuve d’une mauvaise foi qui mérite d’être dénoncée et sanctionnée par des dommages-intérêts exemplaires.
[174] La preuve n’indique pas que le BEI était motivé par le désir spécifique de nuire à la famille Celik et la preuve ne révèle aucune intention malicieuse arrêtée et calculée. Le Tribunal ne peut donc conclure au caractère voulu, conscient et délibéré de l’acte posé et il n’y a pas lieu d’accorder une indemnité pour des dommages exemplaires.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
ACCUEILLE en partie la Demande introductive d’instance des demandeurs;
CONDAMNE le Procureur général du Québec et le Bureau des enquêtes indépendantes à payer à Cesur Celik, la somme de 10 000 $, avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2018 de même que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;
CONDAMNE le Procureur général du Québec et le Bureau des enquêtes indépendantes à payer à June Tyler, la somme de 10 000 $, avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2018 et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;
CONDAMNE le Procureur général du Québec et le Bureau des enquêtes indépendantes à payer à Tyler Celik, la somme de 5 000 $, avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2018 et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;
CONDAMNE le Procureur général du Québec et le Bureau des enquêtes indépendantes à payer à Deniz Celik, la somme de 5 000 $, avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2018 et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec;
LE TOUT, AVEC FRAIS DE JUSTICE.
________________________
LOUIS RIVERIN, J.C.Q. |
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Me François Mainguy |
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Langlois avocats |
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Procureur de la partie demanderesse |
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francois.mainguy@langlois.ca
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Me Marie-Hélène Hébert |
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Procureur de la partie défenderesse |
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marie-helene.hebert@justice.gouv.qc.ca
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Dates d’audience : |
Les 9, 10 et 11 décembre 2020 |
[1] Art. 289.1 et 289.6, Loi sur la police, RLRQ c. P-13.1.
[2] Témoignage de Me Sylvain Ayotte.
[3] Art. 11, Règlement sur le déroulement des enquêtes du Bureau des enquêtes indépendantes, RLRQ c. P-13.1, r. 1.1.
[4] RLRQ c. P-13.1, r. 1.1.
[5] Pièce P-9, Communiqué du 6 mars 2017.
[6] Art. 289.21, Loi sur la police. Opus citée note 1.
[7] Pièce P-8, Jugement de mise sous scellé du 9 décembre 2020.
[8] Pièce P-2, Mise en demeure du 8 août 2018.
[9] Pièce P-4.
[10] Pièce P-5.
[11] Pièce P-6.
[12] Pièce P-2.
[13] Préc., note 3.
[14] [2013] 3 RCS 1053.
[15] Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 26.
[16] Comité d’enquête sur les relations entre les corps policiers et les minorités visibles et ethniques, rapport final du comité d’enquête à la Commission des droits de la personne du Québec, 1988, p. 34.
[17] Mémoire à la Commission des institutions de l’Assemblée nationale, projet de loi n° 12 de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, février 2013; Commentaires sur le projet de règlement sur le déroulement des enquêtes dont est chargé le bureau des enquêtes indépendantes, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, le 27 août 2015; Lettre du Bâtonnier Nicolas Plourde, Barreau du Québec, du 11 mars 2013 sur le projet de loi n° 12; Mémoire du protecteur du citoyen présenté à la Commission des institutions dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 12, du 12 mars 2013.
[18] Lettre du Bâtonnier Nicolas Plourde, Barreau du Québec, du 11 mars 2013 sur le projet de loi n° 12.
[19] Pièce D-9 : Journal des débats de commission permanente des institutions, 18 avril 2013, vol. 43, no 36, Assemblée nationale du Québec, 1e session, 40e législature (pp. 21 et 22). Tenir compte d’une telle information a reçu l’aval de la Cour suprême dans R. c. Safarzadeh-Markhali, [2016] 1 RCS 180, par. 36.
[20] Art. 289.6 de la Loi sur la police, c. P-13.1.
[21] Préc. note 12, par. 48.
[22] Règlement, art. 12.
[23] Voir notamment: Paul ROBERT, Le Nouveau Petit Robert de la langue française 2007, p. 694; Dictionnaire Le Robert, en ligne : ˂https://dictionnaire.lerobert.com/definition/deroulement˃; Recherche Google, en ligne
˂google.com/search?q=déroulement&sxsrf=ALeKk02JG5hXa2EiFS_v5NbOaCd1N1ctNg%3A1620410992361&source=hp&ei=cIKVYLGyE5bJtQaO1KrgBg&iflsig=AINFCbYAAAAAYJWQgMb3hDh-9MdkkIkG6BfhHO1JLb0U&oq=dér&gs_lcp=Cgdnd3Mtd2l6EAEYADIJCCMQJxBGEPkBMgQIABBDMgQIABBDMgQIABBDMgQIABBD˃; Dictionnaire synonymes français, Reverso, en ligne:
˂https://dictionnaire.reverso.net/francais-synonymes/déroulement˃; Recherche L’Internaute, en ligne: ˂https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/deroulement/#definition.
[24] Pièce P-1
[25] Préc., note 7.
[26] Témoignage de Me Sylvain Ayotte
[27] Québec (Procureur général) c. Gendron, 2012 QCCA 1723, par. 9, citant 65302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 RCS 804.
[28] Art. 30 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »).
[29] Art. 1376 C.c.Q., Montréal (Ville de) c. Octane Stratégie inc., préc. note 31; Finney c. Barreau du Québec, préc. note 31, par. 26 et 27.
[30] Prudhomme c. Prudhomme, 2002 CSC 85, par. 31.
[31] Finney c. Barreau du Québec, [2004] 2 RCS 17, Hinse c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 35 et Montréal (Ville de) c. Octane Stratégie inc., 2019 CSC 57.
[32] 2017 CSC 1.
[33] Déclaration sous serment de Me Sylvain Ayotte du 26 avril 2019, p. 2.
[34] PGC c. Manoukian, 2020 QCCA 1486
[35] Témoignage de Me Sylvain Ayotte. L’emploi du mot « agressif » provient du service téléphonique 911 et du rapport des policiers. D’autres exemples sont cités, tous ont comme source les rapports des policiers.
[36] Préc., note 21, par. 6.
[37] Voir les paragraphes 45 à 50 du présent jugement.
[38] Préc., note 9.
[39] 2006 QCCA 1050, par. 69.
[40] PGC c. Manoukian, 2020 QCCA 1486.
[41] Id. note 40.
[42] Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12.
[43] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 RCS 211.
[44] De Montigny c. Brossard (Succession), [2010] 3 RCS 64, par. 49.
[45] Finney c. Barreau du Québec, préc., note 31, par. 37.
[46] Voir notamment : Augustus c. Gosset, [1996] 3 RCS 268, par. 77-78; Gauthier c. Beaumont, [1998] 2 RCS 3, par. 105.
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