Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Baranski c. 2JKL International inc.

2011 QCRDL 48259

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No :          

31 080910 107 G

 

 

Date :

16 novembre 2011

Régisseur :

André Gagnier, juge administratif

 

Gregory Baranski

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

2jkl International Inc.

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Par une demande datée du 10 septembre 2008, le locataire réclame une diminution de loyer rétroactive au mois de février 2008 ainsi que l’émission d’une ordonnance d’exécution en nature des obligations de la locatrice. La procédure indique reposer sur le motif que des bruits émanent constamment du logement 305 et que la locatrice, dûment mise en demeure le 9 juillet 2008, a négligé ou refusé de corriger la situation.

[2]      Les parties étaient liées par un bail du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008 au loyer mensuel de 390 $, haussé à 400 $ au 1er juillet 2008, à 421 $ au 1er juillet 2009, à 429 $ au 1er juillet 2010 et à 435 $ au 1er juillet 2011.

[3]      Le locataire habite le logement depuis 1999 et la locatrice a acquis l’immeuble en décembre 2007. L’immeuble comporte 4 étages et une quarantaine de logements. Il s’agit d’un édifice à ossature de bois et aux planchers de bois datant d’une quarantaine d’années.

[4]      Le logement comporte 1 ½ pièce, le chauffage, l’eau chaude et un stationnement extérieur sont inclus dans le coût du loyer.

[5]      Le locataire précise en début d’audience réclamer une diminution de loyer de 50 % du 1er février 2008 au 31 décembre 2010. Il indique que la demande d’ordonnance d’exécution en nature est caduque puisque le problème serait réglé depuis cette date. Le locataire ne précise pas la part du loyer qui devrait être attribuable aux services de chauffage, d’eau chaude et de stationnement.

[6]      La locatrice précise que lors de l’acquisition de l’immeuble plusieurs problèmes ont dû être adressés et qu’ils furent corrigés dans les 8 mois de l’acquisition. Des travaux importants aux toit, chauffage, portes et fenêtres ont été effectués. De plus, on a dû voir à résilier le bail de quelques locataires bruyants.

[7]      La preuve unanime révèle que des bruits importants, mais dont la fréquence ne fut pas mise en preuve, ont émané du logement 306. La locatrice a obtenu le départ de ces locataires vers juin ou juillet 2008.

[8]      Mais le locataire ne se plaint pas des bruits provenant de ce logement. Dans l’ensemble de ses lettres, tout comme dans sa procédure, il se plaint précisément de bruits provenant du logement 305. Il prétend en la survenance de musique tonitruante et autres bruits importants, ainsi que des jappements incessants d’un chien.


[9]      Le locataire affirme avoir rencontré la mandataire de la locatrice vers février ou mars 2008 pour se plaindre de bruits émanant de l’appartement 305. Il dit que suite à une seconde rencontre, la situation s’améliore. Il ajoute être allé la revoir une semaine plus tard pour la remercier de son intervention fructueuse. Il affirme que le bruit émanant du logement 305 a ensuite recommencé. Sans aller voir la locatrice, il a alors remis une lettre à la locataire du logement 305, lettre qui ne fut pas déposée en preuve. Il a expédié une lettre à la locatrice le 12 juin 2008 (L-1) dont la réception ne fut pas admise ni prouvée. Il se plaint alors de bruits provenant du logement 305. Il a ensuite expédié une autre lettre similaire le 9 juillet 2008 (L-2), dont la réception ne fut pas admise ni prouvée.

[10]   Il a déposé sa procédure et sa signification est admise.

[11]   Il a reçu une lettre de la locatrice datée du 11 septembre 2008 (L-3).

[12]   Le 1er octobre 2009, il a expédié une longue lettre (L-4) à la locatrice. Les deux premières pages concernent des doléances relatives à l’entretien et à l’augmentation du loyer, le tout sans pertinence au présent litige. La page trois concerne des doléances sur le bruit émanant du logement 305 et sur sa décision de verser le loyer en deux versements tant que la situation ne sera pas entièrement corrigée.

[13]   Il a expédié une lettre à la locatrice vers mai 2010 contenant 4 enregistrements effectués en mai 2010 pour des bruits émanant principalement du logement 306. Cependant, il démontre que cette lettre ne fut pas reçue et qu’elle lui fut retournée par Postes Canada (L-5). Malgré cela, il a choisi de ne pas aller la porter directement à la mandataire de la locatrice qui est présente au moins 5 jours par semaine dans l’immeuble.

[14]   Il précise n’avoir eu aucune discussion depuis août 2008 avec la locatrice et ses représentants concernant le bruit.

[15]   Il affirme être un chauffeur de taxi et devoir souvent travailler de nuit, devant dormir le jour. Il dit qu’il n’arrivait plus à dormir à cause des bruits et que cela lui a causé de graves préjudices.

[16]   Il affirme finalement que la situation s’est réglée en décembre 2010.

[17]   Il fait entendre 4 enregistrements vidéos (qui sont ceux reproduits dans la pièce L-5) effectués devant les portes des logements 305 et 306 les 7 mai 2010 à 13 h 30 (musique très forte du logement 306), le 16 mai à 12 h 30 (musique très forte du logement 306) et à 14 h 10 (musique provenant des logements 305 et 306) ainsi que le 24 mai 2010 à 9 h 17 (musique peu audible).

[18]   Devant le caractère très peu audible des bruits émanant du logement 305, le locataire soutient que cela découle du fait que l’appareil d’enregistrement est moins sensible que l’oreille. Cela est surprenant puisque ses enregistrements du bruit provenant du logement 306 sont limpides.

[19]   Aucun enregistrement du niveau sonore des bruits perçus dans le logement du locataire ne fut produit et aucune lecture de décibels entendus dans son logement ne fut effectuée. Aucune preuve ne fut faite concernant le niveau d’insonorisation de l’immeuble.

[20]   Questionné à savoir s’il a dénoncé à la locatrice les problèmes de bruits venant du logement 306, il affirme qu’il n’a pas cru bon de ce faire puisque pour lui le problème relève du bruit et que la source de ce bruit est sans importance.

[21]   Le locataire affirme qu’à la suite de ses lettres des 12 juin et 9 juillet 2008, la locatrice a apposé des affiches sur chaque étage indiquant le droit relatif aux bruits. Il affirme que la locataire du logement 305 a, dès la nuit de l’apposition de ces pancartes, fait jouer de la musique tonitruante, se moquant ainsi de la locatrice et des locataires.

[22]   Cependant, il dépose une lettre émanant de la locatrice datée du 11 septembre 2008 (L-3) qui relate une rencontre entre le locataire et la mandataire de la locatrice survenue dans la première semaine du mois d’août 2008. Cette lettre indique que le locataire aurait alors déclaré à la locatrice que la situation était parfaite, meilleure que jamais et qu’il aurait remis une bouteille de vin à la mandataire afin de la remercier pour ce résultat.

[23]   Le locataire admet le contenu de cette rencontre, tel que décrit à cette lettre.

[24]   Confronté au fait que cette lettre le contredit radicalement quant à ses prétentions, le locataire ne fournit aucune explication permettant d’expliquer adéquatement ces contradictions majeures.

[25]   Le locataire fait entendre un témoin qui vit dans le logement voisin du sien, soit le logement 405, sis directement au-dessus du logement 305. Ce témoin indépendant contredit radicalement le témoignage du locataire quant aux bruits provenant du logement 305. Il indique seulement que le chien jappe 1 à 2 fois par semaine lorsqu’on entend un « pétard » dehors ou encore lorsque les sirènes des pompiers ou des policiers se font entendre. Il témoigne n’entendre aucun autre bruit.

[26]   Les versions de la mandataire de la locatrice et du concierge contredisent également la version du locataire. 

[27]   À la suite des plaintes du locataire, la locatrice a procédé à une enquête auprès des voisins du logement 305 et a interrogé cette locataire. La locatrice a conclu de cette enquête que la locataire du logement 305 ne se livrait à aucun bruit excédant celui qui doit être toléré par le bon voisinage.

[28]   Elle a cependant constaté que la locataire du logement 306 se livrait à des bruits importants et elle a obtenu le départ de cette locataire vers juin ou juillet 2008.

[29]   La mandataire indique travailler dans l’immeuble tous les jours de la semaine et ne jamais avoir constaté les bruits dénoncés par le locataire.

[30]   Le concierge affirme quant à lui qu’il habite l’immeuble depuis 20 ans, au logement 402. Il dit que l’immeuble était beaucoup plus bruyant avant que la présente locatrice ne l’achète et qu’elle a modifié cette situation. Il indique faire 3 rondes par jour, soit une le jour et 2 le soir, et qu’aucun bruit n’est toléré. Les rondes ont été mises en place par l’actuelle locatrice afin de s’assurer que les nombreuses personnes âgées habitant l’immeuble ne soient pas tombées dans l’immeuble.

Analyse

[31]   L’article  1854 du Code civil du Québec indique :

« 1854.      Le locateur est tenu de délivrer au loca­taire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouis­sance paisible pendant toute la durée du bail.

                 […].»

[32]   Les manquements de la locatrice aux obligations découlant du bail donnent ouverture à la diminution de loyer prévue à l’alinéa 2 de l’article  1863 du Code civil du Québec

[33]   Sans même considérer la prépondérance de la preuve, il appert que la locatrice a réagi avec grande célérité et avec résultat dès juillet 2008 au problème de bruits émanant du logement 305 dénoncé par le locataire. Quant aux problèmes découlant du bruit qui aurait émané de l’appartement 306, le locataire n’a jamais dénoncé cela à la locatrice, mais la locatrice y a remédié dès juillet 2008.

[34]   La célérité de la solution relativement à l’appartement 305 et l’absence de dénonciation des problèmes émanant de l’appartement 306 constituent deux motifs qui doivent mener au rejet de la demande.

[35]   Au surplus, l’article  2803 du Code civil du Québec indique que :

« 2803.      Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

                […]. »

[36]   Les auteurs Nadeau et Ducharme décrivent ainsi les conséquences de l’absence de preuve ou de son insuffisance :

« Celui sur qui repose l’obligation de convaincre le juge supporte le risque de l’absence de preuve, c'est-à-dire qu’il perdra définitivement son procès si la preuve qu’il a offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire et que le juge est dans l’impossibilité de déterminer où se trouve la vérité…  »[1]

[37]   La preuve du locataire est non seulement fort ténue, mais également contredite par les autres témoins, dont son propre témoin.

[38]   L’article  976 du Code civil indique ceci :

     « 976.   Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leur fonds, ou suivant les usages locaux.»

[39]   Aucune preuve n’a été faite concernant le niveau des bruits par une lecture des décibels dans le logement concerné et aucune preuve n’a été faite de l’insonorisation de l’immeuble qui aurait permis de déterminer s’il s’agit de bruits normaux qui parviennent directement aux oreilles du locataire à cause d’une absence d’insonorisation ou s’il s’agit de bruits anormalement élevés.


[40]   Au surplus de l’absence de corroboration et de l’absence de preuve quant au niveau sonore des bruits entendus dans le logement du locataire, il appert surprenant que le locataire se plaigne formellement de ces bruits à la locatrice par des mises en demeure expédiées en juin et juillet 2008, qu’il se dise pleinement satisfait de la situation en août 2008, qu’il dépose un recours en septembre 2008 et qu’il ne fasse parvenir qu’une seule autre lettre à la locatrice le 1er octobre 2009, le tout sans s’adresser à la mandataire de la locatrice durant tout ce temps, malgré que l’intervention de celle-ci en juillet 2008 ait donné lieu à remédier au problème. Ce comportement n’apparaît pas logique et conforme au témoignage du locataire qui affirme être grandement dérangé quotidiennement par les bruits.

[41]   Le dur métier exercé par le locataire ne saurait permettre de modifier la norme objective applicable à la tolérance aux bruits émanant des voisins.

[42]   Comme le stipule l'article  976 du Code civil du Québec, les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage. Rien dans la preuve ne permet de qualifier les bruits entendus à partir de juillet 2008 comme excédant cette norme.

[43]   Il y a absence de preuve que l'immeuble ne respecte pas la réglementation en vigueur quant aux normes d'insonorisation.

[44]   L'on ne saurait exiger de la locatrice que cet immeuble soit rénové afin de répondre aux normes d'insonorisation actuelles les plus exigeantes. Au surplus, le montant modique du loyer révèle clairement que l'on serait mal fondé de réclamer que l'insonorisation de ce logement corresponde à celle des logements récemment construits répondant aux normes de qualité les plus élevées en matière d'insonorisation. 

[45]   Conformément à l’article  2803 du Code civil du Québec, le locataire avait le fardeau de prouver les faits soutenant sa demande de diminution de loyer fondée sur la présence de bruits anormalement élevés. Étant donné l’absence de preuve prépondérante sur cet aspect, il s’agit d’un troisième motif devant mener au rejet de la demande.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[46]   REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

André Gagnier

 

Présence(s) :

le locataire

la mandataire de la locatrice

Date de l’audience :  

3 novembre 2011

 


 



[1] Nadeau, André et Ducharme, Léo, Traité de droit civil du Québec, Volume 9, 1965, Montréal, Wilson & Lafleur, pages 98-99.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.