Décision

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2JKL International inc. c. Mwamba

2011 QCRDL 8610

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No :          

31 101203 026 G

 

 

Date :

02 mars 2011

Régisseure :

Linda Boucher, juge administratif

 

2jkl International Inc.

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Generose Mwamba

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Il s’agit d’une demande de résiliation de bail et éviction de la locataire et de tous les occupants du logement, exécution provisoire de la décision nonobstant l’appel et condamnation de la défenderesse aux frais judiciaires.

[2]      La preuve admise démontre que les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011 au loyer mensuel de 617 $. Il s’agit d’un logement subventionné dont la part payable mensuellement par la locataire est de 275 $.

[3]      Mme Manjarres, la mandataire du locateur, fait valoir que la locataire et son époux ne respectent pas leurs obligations au bail et que ce dernier lui a tenu des propos violents et l’a menacée de mort.

[4]      Plus amplement, elle explique qu’aux termes du bail, les locataires n’ont pas le droit de peindre les murs de leur logement de couleur foncée.

[5]      Mais, faisant fi de cette interdiction, ils ont peint leurs murs de couleur foncée.

[6]      Au soutien de son témoignage à ce sujet, elle exhibe une série de photographies démontrant l’état du logement au moment de la prise de possession de la locataire et de sa famille et une autre sur laquelle on peut voir une porte de garde-robe peinte en rouge.

[7]      La mandataire ajoute que l’époux de la locataire a, à son égard, un comportement violent, lequel a culminé lors d’un affrontement le 15 octobre dernier.

[8]      À cette occasion elle s’était rendue chez la locataire pour constater un dégât d’eau d’origine inconnue. Après observation des lieux, elle en a déduit que les occupants du logement avaient dû laisser une fenêtre ouverte durant l’orage qui sévissait.

[9]      L’époux de la locataire ne partageant pas son opinion, une joute verbale s’est engagée entre eux.

[10]   Mme Manjarres affirme qu’au court de cette altercation, l’époux de la locataire a tenu des propos dérogatoires envers l’immeuble, ce qui l'affecte personnellement puisque dit-elle, elle prend grand soin de l’immeuble qui lui a été confié.


[11]   L’époux l’a aussi insultée et lui a crié de sortir en déclarant qu’il la haïssait. Répondant à l’invitation qu’elle lui fit de quitter le logement s’il n'en était pas content, il a alors répondu que c’est elle qui quitterait cette vie. Mme Manjarres y a vu une menace de mort qu’elle prend très au sérieux.

[12]   Elle a alors quitté les lieux en pleurant et a croisé sur son chemin un employé du locateur M. Gilbert Ouellett.

[13]   Celui-ci est venu témoigner avoir vu sortir Mme Manjarres de chez la locataire en pleurs ce jour là. Il précise cependant qu’il n’a pas été témoin de l’altercation entre Mme Manjarres et l’époux de la locataire.

[14]   Mme Manjarres dit craindre l’époux de la locataire.

[15]   Elle ajoute que ce dernier a fait circuler une pétition, produite sous la cote P-3, dans l’immeuble afin de recueillir les signatures des autres occupants dans une plainte dénonçant le mauvais état de l’immeuble. Mme Manjarres y voit une accusation dirigée vers elle et sa compétence de gestionnaire.

[16]   En défense, la locataire affirme sa conviction que son époux ne harcèle pas Mme Manjarres, ni ne peut l’avoir menacée de mort. Elle confesse ne pas avoir été témoin de l’altercation du 15 octobre dernier.

[17]   Elle admet cependant que son époux et la mandataire du locateur ne s’entendent pas et c’est pourquoi elle va elle-même porter le loyer au bureau de l’administration.

[18]   Appelé à témoigner pour la défense, l’époux de la locataire, M Maxwell Phillips, conteste vigoureusement les accusations de Mme Manjarres à son égard.

[19]   Il nie avec vigueur avoir menacé celle-ci de mort.

[20]   Il admet cependant avoir eu des mots avec elle et que leur relation n’est pas harmonieuse. Il est convaincu que la gestionnaire cherche à l’évincer avec sa famille.

[21]   Il conteste être à l’origine de la pétition, mais ne voit aucun mal à se plaindre de l’entretien de l’immeuble et plus particulièrement du logement qu’il occupe puisque, déplore-t-il, Mme Manjarres ne répond pas à ses demandes de réparations.

[22]   Il explique qu’à chacune de ses plaintes, Mme Manjarres lui répond de quitter s’il n’est pas content. Cette réponse le fâche et l’indigne car, comme il explique, il n’a pas le choix de profiter de ce logement subventionné pendant que son épouse est aux études et qu’il doit demeurer à la maison pour s’occuper de leurs deux fils durant ce temps.

[23]   Il admet lever le ton parfois sous l’emprise de la colère, mais déclare que c’est uniquement afin de faire valoir ses droits et jamais par manque de respect envers son interlocuteur.

[24]   Ainsi peut-on résumer l’essentiel de la preuve.

[25]   Le locateur fonde sa demande sur les articles 1855 et 1863 du Code civil du Québec, lesquels stipulent ce qui suit :

« 1855.      Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence.»

«1863.       L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de deman­der, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent.  Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agis­sant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résilia­tion du bail.

                 L'inexécution confère, en outre, au loca­taire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablis­sement du loyer pour l'avenir.»

[26]   Ainsi, pour réussir dans son recours, le locateur doit démontrer que la locataire ou une personne à qui elle permet l’accès au logement ne respecte pas ses obligations au bail ou a eu les comportements condamnables qu’on lui reproche, de telle sorte que le locateur en éprouve un préjudice sérieux.

[27]   Au chapitre de la preuve, le locateur a le fardeau de démontrer (article 2803 C.c.Q.) au moyen d’une preuve probante (article 2804 C.c.Q.) les motifs qu’il allègue.


[28]   Or, après analyse et délibération, la soussignée constate que le locateur ne s’est pas déchargé du fardeau de preuve qui lui incombait.

[29]   Au sujet de la peinture du logement, aucune preuve n’a été produite à l’effet que les locataires n’avaient pas le droit de peindre leur logement à leur guise.

[30]   Mais, peu importe, la preuve ne démontre pas un préjudice sérieux du fait d’avoir repeint une porte en rouge.

[31]   Soulignons également que suivant l’article 1890 du Code civil du Québec, c’est à la fin du bail que les locataires sont tenus de remettre les lieux dans l’état dans lequel ils les ont reçus. Toute demande relative à la décoration des lieux nous apparaît donc prématurée avant la fin du bail.

[32]   Quant aux accusations de menaces de mort, la preuve contredite ne permet pas de conclure que de tels propos ont été tenus.

[33]   Finalement, pour ce qui est de la préparation d’une pétition, nous constatons qu’il s’agit là tout au plus de l’exercice par quelques locataires de leur droit légitime à la dénonciation de l’état de leur logement et des services qui leurs sont rendus. Que leurs opinions soient ou non partagées par le locateur et sa mandataire n’est pas pertinent. De plus, force est de constater que la pétition en question ne contient aucun propos dérogatoire adressé personnellement à Mme Manjarres. L’interprétation qu’elle fait de ce document lui est personnelle et ne transparaît pas dans le texte lui-même.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[34]   REJETTE la demande. 

 

 

 

 

 

Linda Boucher

 

Présence(s) :

la mandataire du locateur

la locataire

Date de l’audience :  

4 février 2011

 


 

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