Li c. MacDonald | 2022 QCTAL 16251 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Salaberry-de-Valleyfield | ||||||
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No dossier : | 577705 27 20210702 T | No demande : | 3468061 | |||
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Date : | 31 mai 2022 | |||||
Devant la juge administrative : | Isabelle Guiral | |||||
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Jiao Li |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Catherine Macdonald
Jacob Davies
Samuel Davies |
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Locataires - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Par un recours déposé le 22 février 2022, la locatrice demande la rétractation d’une décision rendue le 1er février 2022 par le juge administratif Michel Huot. Cette décision rejette la réclamation en dommages de la locatrice à l’égard des locataires à la suite d’un débat contradictoire.
[2] Au soutien de sa demande en rétractation, la locatrice souhaite déposer en preuve des photographies et faire entendre un témoin. Elle ne croyait pas cette preuve nécessaire au moment de l’audition.
[3] Au surplus, elle est en désaccord avec la décision puisque la preuve n’aurait pas été évaluée correctement, soutient-elle.
ANALYSE ET DÉCISION
[4] La présente demande se fonde sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement qui prévoit :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.
La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d'aviser de son changement d'adresse conformément à l'article 60.1 ne peut demander la rétractation d'une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu'elle n'a pas reçu l'avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »
Les tribunaux supérieurs ont déjà décidé qu'« il ne faut pas confondre formalisme et procédure : celle-ci est essentielle à la marche ordonnée des instances. Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle[1]. »
[5] Ainsi, la demande de rétractation permet à une partie qui a été empêchée de fournir une preuve par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante d'obtenir l'annulation de la décision rendue.
[6] Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que le recours en rétractation ne doit pas servir à compléter la preuve insuffisante faite au procès ni à mettre de côté une décision qui a été défavorable à une partie, en raison de son manque de préparation pour l'audience.
[7] À cet égard, le Tribunal adhère aux principes établis dans l'affaire Lefebvre c. Chartier par la juge administrative Francine Jodoin :
« [23] Le locataire doit établir avoir été empêché de fournir une preuve par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante.
[24] Lorsque cet empêchement résulte du déroulement de l'audience ou les décisions prises dans l'administration de la preuve, cela ne peut être contesté par un recours en rétractation.
[25] De plus, cet empêchement ne doit pas découler d'une négligence de la partie dans la préparation de l'audience, car la demande en rétractation ne doit pas servir de prétexte à une partie pour recommencer une audition soit parce qu'elle est insatisfaite de la décision ou parce qu'elle est insatisfaite de la façon dont elle a présenté sa preuve.
[...]
[27] À cela, le tribunal ajoute que les parties convoquées à une audience devant le tribunal de la Régie du logement doivent s'y préparer adéquatement. Elles doivent réviser leur dossier, les procédures, les éléments de preuve qu'elles entendent invoquer et les règles applicables au déroulement de l'audience.
[28] Elles doivent être prêtes à présenter tous leurs moyens au tribunal. Si elles constatent une lacune dans la preuve ou la procédure, elles doivent y remédier en temps utile. Elles doivent aviser le tribunal de tout élément de surprise qui justifierait une preuve additionnelle.
[29] Il est possible qu'en lisant les motifs du tribunal, le locataire réalise l'importance qui est accordée à certains faits. Une fois la décision rendue, il est, cependant, trop tard pour les contredire, les expliquer ou les circonstancier. Il va de soi qu'ayant connu d'avance les conclusions auxquelles le tribunal est parvenu, il se serait préparé davantage ou différemment.
[30] En l'instance, le locataire cherche, essentiellement, à présenter une meilleure preuve ou à bonifier celle qu'il a originalement présentée[2]. »
[Références omises]
[8] Au surplus, les motifs de rétractation ne doivent pas être confondus avec l'appel de la décision. À cet effet, le Tribunal fait siens les propos de la juge administrative Francine Jodoin dans la cause O'Callagan c. Fattal :
« Tel qu'expliqué lors de l'audience, la demande en rétractation ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision rendue. Le tribunal n'a pas à juger de la justesse de celle-ci ni s'interroger sur les erreurs de faits ou de droit commises puisqu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision rendue. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'application de l'article 89 précité et chercher à déterminer si la partie qui en fait la demande a pu démontrer un des motifs prévus à cette disposition)[3]. »
[9] En l'instance, il apparaît clair au Tribunal que la locatrice remet en cause la preuve soumise à l'audience en raison des conclusions de la décision. Elle a plutôt été prise par surprise par la décision et il appert qu'ayant connu d'avance ses conclusions, elle se serait préparée différemment. Elle demande d'ailleurs la possibilité d'avoir une nouvelle audience pour lui permettre d'apporter des preuves additionnelles.
[10] La locatrice n'a démontré aucun fait qui établit qu'elle a été empêchée de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, tel que prévu par l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
[11] En conséquence de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que la locatrice n'a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[12] REJETTE la demande en rétractation de la locatrice qui en assume les frais;
[13] MAINTIENT la décision rendue le 1er février 2022.
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Isabelle Guiral | ||
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Présence(s) : | la locatrice la locataire Catherine Macdonald | ||
Date de l’audience : | 11 mai 2022 | ||
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[1] Entreprises Roger Pilon inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co.,
[2] Lefebvre c. Chartier,
[3] O'Callagan c. Fattal
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