Morris c. Ahrens |
2012 QCRDL 23926 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Montréal |
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No : |
31 120405 038 G |
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Date : |
11 juillet 2012 |
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Régisseure : |
Claudine Novello, juge administratif |
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Brock Morris |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Thomas Ahrenslane
Jamie Deschamps
William Frappier
Angeline Vecchiarelli |
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Locataires - Partie défenderesse |
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et |
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Barbara EplettLANE |
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Caution
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D É C I S I O N
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[1] Par un recours introduit le 5 avril 2012, le locateur demande la résiliation du bail et l’éviction des locataires, des dommages au montant de 8 300 $, l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel, plus les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue au Code civil du Québec et les frais.
[2] Les parties étaient liées par un bail du 1er juin 2011 au 30 mai 2012 au loyer mensuel de 895 $.
[3] Le bail prévoit que les locataires et la caution étaient solidairement responsables envers le locateur.
[4] Le locateur témoigne que lors d’une visite au logement le 15 janvier 2012, il constatait que les locataires avaient fait des dessins de couleurs sur les murs, les planchers et les plafonds du logement, apposé des graffitis sur les portes et peint la cuvette de la toilette de couleur or.
[5] Il soumet également que lors de cette visite, les lieux étaient sales et à la traîne.
[6] Stupéfait de l’état du logement, il faisait tenir une lettre aux locataires les sommant de remettre les lieux propres et dans leur état original.
« Dear T. Ahrens & J. Deschamps & A. Vecchiarelli & W. Frappier,
As per my visit on Sunday, January 15, 2012, we agreed that you would clean the refrigerator, washer, dryer and stove. Once done, you are to contact me at 514-[...] and I will call in a service repairman.
The kitchen is to be totally cleaned and except for one wall which is to remain purple, the rest is to be painted white. The window and floor are to be brought back to their original clean condition.
It was also agreed that the bathroom is to be cleaned and painted white. The toilet and window are to be brought back to their original clean condition.
All work in the kitchen and bathroom are to be completed no later than January 25, 2012.
As for the rest of the premises, it was agreed that you would keep the bedroom, hallways and living room in their current tidy condition.
It is essential that 3 months before vacating the premises, whether this year of following years, the place must be re-painted white and all floors windows and appliances brought back to their original clean condition.
If these conditions are not met, then we will have no alternative than to file for damages at the Rental Board.
Note that by law, If moving, a registered letter to the above address must be sent NO LATER than 3 months prior to the expiry date of your lease and must be signed by all tenants that are on the lease. »
[7] Les locataires ont quitté le logement à la fin du bail. Tel que demandé, ils ont repeint le logement en blanc, toutefois le travail effectué, décrit-il, a été bâclé.
[8] Il y avait encore un trou sur le mur, des taches de peinture colorée à plusieurs endroits et de la peinture blanche sur les tapis et les électroménagers. La cuvette avait été grattée, mais il y avait encore des résidus de peinture or. Le logement était dans un état de grande malpropreté. Outre la saleté, le tapis était empreint de brûlures de cigarettes.
[9] Afin de remettre les lieux en bon état de relocation, explique le locateur, il va devoir changer tous les revêtements de sol (4 502,31 $), changer la cuvette de toilette (529,47 $), remplacer la cuisinière et le réfrigérateur abîmés par les locataires (900 $) et réparer et repeindre le logement (515 $).
[10] Au soutien de sa preuve, il dépose des photographies du logement prises le 15 janvier 2012 et d’autres prises après le départ des locataires. Il produit également l’évaluation des travaux à effectuer et le reçu d’achat de nouveaux électroménagers.
[11] Les locataires contestent la demande du locateur.
[12] Ils témoignent que lors d’une visite préalable à la signature du bail, en avril 2011, le locateur s’engageait notamment à repeindre le logement, à réparer, nettoyer et remplacer les tapis. Ils expliquent que les tapis étaient déjà sales, usés et brûlés à différents endroits. Une liste de travaux avait été dressée à cet effet, signée par le locateur.
[13] Les locataires admettent avoir peint le logement de couleurs diverses et mis celui-ci conforme à leur goût et inspiration. Toutefois, affirment-ils, ils ont rendu le logement tel qu’il leur avait été livré, repeint en blanc. Ils admettent cependant que le ménage n’a pas été fait selon les règles de l’art et confessent ne pas avoir bouché un trou dans un mur, tel que le reflètent les photographies prises par le locateur.
[14] Les locataires ajoutent que le réfrigérateur fourni par le locateur ne fonctionnait pas et que le système de plomberie était déficient.
[15] Au soutien de leur preuve, les locataires produisent des photographies du logement, tel que laissé et font entendre leurs anciens voisins sur l’état usé des tapis.
[16] Ainsi se résume l’essentiel de la preuve.
[17] Compte tenu du départ des locataires du logement, le tribunal n’a plus à disposer de la demande pour ce qui est de la résiliation du bail. Reste toutefois les dommages.
[18] Les articles
« 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu'il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n'est tenu des dommages-intérêts résultant d'un incendie que s'il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l'accès à l'immeuble.»
« 1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l'état où il l'a reçu, mais il n'est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l'usure normale du bien ou d'une force majeure.
L'état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu'en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail.»
[19] Ainsi, les locataires ont le fardeau de prouver que les dommages constatés ne peuvent résulter de leur faute ou des personnes à qui ils ont permis l’accès au logement.
[20] Comme le souligne les auteurs Nadeau et Ducharme dans leur Traité de droit civil du Québec ([1]) :
«Celui sur qui repose l'obligation de convaincre le juge supporte le risque de l'absence de preuve, c'est-à-dire qu'il perdra son procès si la preuve qu'il a offerte n'est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d'autre est contradictoire et que le juge est placé dans l'impossibilité de déterminer où se trouve la vérité.»
[21] Or, la preuve soumise ne permet pas au tribunal de renverser les présomptions de responsabilité qui sont ainsi créées par la loi.
[22] La preuve démontre que les locataires n’ont pas fait un usage raisonnable du logement et que celui-ci n’a pas été remis en bon état de relocation.
[23] Le tribunal retiendra donc la responsabilité des locataires dans les dommages encourus aux biens loués.
[24] L’évaluation des
dommages soumise aux règles édictées par l’article
«1611. Les dommages-intérêts dus au créancier compensent la perte qu'il subit et le gain dont il est privé.
On tient compte, pour les déterminer, du préjudice futur lorsqu'il est certain et qu'il est susceptible d'être évalué.»
[25] Comme le soulignait, l’honorable juge Jean-Louis Baudouin, maintenant à la Cour d’appel, dans son ouvrage portant sur les obligations :
« Le montant des dommages-intérêts accordé par le tribunal doit permettre de replacer le créancier dans la situation où il se serait trouvé si le débiteur avait fidèlement exécuté l'obligation, sans toutefois enrichir le premier aux dépens du second. »([2])
[26] L’évaluation du dommage relève de l’appréciation de la preuve et de l’ensemble des faits. D’autre part, cette évaluation qui vise à replacer le logement dans le même état que celui où il était avant le dommage justifie l’application d’un facteur de dépréciation en tenant compte de la valeur du bien au moment de l’achat et de la durée de vie raisonnable qu’on peut lui attribuer.
[27] Dans les circonstances actuelles, le tribunal est d’avis qu’il y a lieu d’appliquer une dépréciation sur la valeur de remplacement des tapis qui de façon évidente étaient là depuis nombre d’années et étaient, de l’avis du tribunal, à la fin de leur vie utile. Il y a lieu dans cette même veine d’apprécier les autres éléments devant être remplacés par le locateur par la faute des locataires. Ainsi la somme de 1 500 $ pour les dommages à ce titre est donc retenue.
[28] D’autre part, le tribunal considère qu’il y a lieu d’accorder au locateur une somme de 500 $ pour réparer, nettoyer et repeindre le logement laissé sale et détérioré.
[29] La réclamation du locateur est donc retenue pour un montant de 2 000 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[30] CONSTATE la résiliation du bail;
[31]
CONDAMNE les locataires et la caution à payer au locateur la
somme de 2 000 $ avec les intérêts au taux légal et l’indemnité
additionnelle prévue à l’article
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Claudine Novello |
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Présence(s) : |
le locateur les locataires la partie intéressée |
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Date de l’audience : |
11 juin 2012 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.