Décision

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Ville de Montréal c. 9150-2732 Québec inc.

2023 QCCA 567

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-029651-213

(500-17-105643-186)

 

DATE :

27 avril 2023

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

 

VILLE DE MONTRÉAL

APPELANTE – défenderesse

c.

 

9150-2732 QUÉBEC INC.

INTIMÉE – demanderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                L’appelante porte en appel le jugement du 29 juin 2021 de l’honorable Stéphane Lacoste de la Cour supérieure, district de Montréal, la condamnant à payer à l’intimée la somme de 1 989 397,99 $, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle, pour les profits perdus en raison du refus de lui octroyer un contrat à la suite d’un appel d’offres.

[2]                Pour les motifs du juge Mainville, auxquels souscrivent les juges Hamilton et Baudouin, LA COUR :

[3]                ACCUEILLE en partie l’appel à la seule fin de remplacer le sous-paragraphe 78.3 du jugement de première instance par ce qui suit :

78.3 Les profits perdus pour la saison 2021-2022, soit 379 894,54 $, ne portent aucun intérêt jusqu’au 15 mars 2022 et, le cas échéant, à compter de cette date, ils seront sujets à l’intérêt au taux légal et à l’indemnité additionnelle. De même, les profits perdus pour la saison 2022-2023, soit 379 894,54 $, ne portent aucun intérêt jusqu’au 15 mars 2023 et, le cas échéant, à compter de cette date, ils seront sujets à l’intérêt au taux légal et à l’indemnité additionnelle.

[4]                    MODIFIE le texte de la condamnation énoncée au paragraphe [80] du jugement de première instance en y remplaçant « aux paragraphes 45, 45.2, 45.2 et 45.3 du présent jugement » par « aux sous-paragraphes 78.1, 78.2 et 78.3 du présent jugement »;

[5]                LE TOUT, sans frais de justice en appel.

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

 

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

 

 

 

 

CHRISTINE BAUDOUIN, J.C.A.

 

 

 

 

Me Alexandre Paul-Hus

Mme Natasha Radu, stagiaire en droit

GAGNIER GUAY BIRON

Pour l’appelante

 

Me Yacine Agnaou

DUPUIS PAQUIN AVOCAT & CONSEILLERS D’AFFAIRES

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

21 février 2023


 

MOTIFS DU JUGE MAINVILLE

 

 

[6]                La Ville de Montréal (la « Ville ») porte en appel le jugement du 29 juin 2021 de l’honorable Stéphane Lacoste de la Cour supérieure, district de Montréal[1], la condamnant à payer à 9150-2732 Québec inc. (« TMD ») la somme de 1 989 397 $, avec les intérêts et l’indemnité additionnelle, pour les profits perdus en raison du refus de lui octroyer un contrat à la suite d’un appel d’offres.

LE CONTEXTE

[7]                Au printemps 2018, la Ville cherche à combler ses besoins en matière de services de transport de neige pour deux lots de l’arrondissement Ville-Marie, soit les lots [...] et [...]. Le 6 juin 2018, elle publie un premier appel d’offres. Insatisfaite des propositions trop élevées des soumissionnaires par rapport à ses estimations, la Ville annule cet appel d’offres.

[8]                Le 11 juillet 2018, la Ville publie un deuxième appel d’offres auquel TMD participe et qui fait l’objet du présent pourvoi. La date limite pour déposer une soumission est fixée au 9 août 2018 et le contrat envisagé est d’une durée de cinq ans.

[9]                Cet appel d’offres prévoit que toute offre déposée doit demeurer valide et contraignante jusqu’au 15 novembre 2018. L’appel d’offres comprend en outre une clause dite clause de « réserve » – qui stipule que la Ville se réserve le droit d’adjuger le contrat en tout ou en partie, de ne pas donner suite à l’appel d’offres et ne pas octroyer le contrat envisagé.

[10]           Vers la mi-juillet 2018, soit une fois l’appel d’offres publié, mais avant la date limite de réception des soumissions, la Ville entreprend des discussions avec Transvrac afin de sonder son intérêt à effectuer les travaux en question selon un contrat de gré à gré. Transvrac est titulaire d’un permis de courtage en camionnage octroyé par le ministère des Transports du Québec et peut conclure des ententes de gré à gré avec la Ville selon le paragraphe 573.3(3) de la Loi sur les cités et villes[2]  L.c.v. »). Transvrac se montre ouverte à effectuer le transport de neige prévu par l’appel d’offres, mais selon un contrat de gré à gré qui n’est pas soumis aux conditions de l’appel d’offres, notamment la formule de paiement qui s’effectuerait à l’heure plutôt qu’au volume de neige prévu à l’appel d’offres.

[11]           Lors de l’ouverture des soumissions le 9 août 2018, il est constaté que TMD présente la soumission conforme la plus basse. Toutefois, les coûts sont supérieurs aux estimations des fonctionnaires de la Ville.

[12]           Peu après, soit le 14 août 2018, les fonctionnaires de la Ville annoncent à Transvrac qu’elle se verra confier les travaux de transport de la neige pour les deux lots en cause pour au moins la prochaine saison de déneigement 2018-2019 au moyen d’un contrat de gré à gré qui ne répond pas aux conditions de l’appel d’offres[3]. En septembre 2018, après avoir vérifié si elle détenait suffisamment de ressources pour effectuer les travaux, Transvrac accepte.

[13]           En parallèle aux négociations entre la Ville et Transvrac qui se déroulent à l’insu de TMD, le représentant de cette dernière communique régulièrement avec les fonctionnaires de la Ville afin d’être tenu au courant des développements quant au processus de l’appel d’offres. À plusieurs reprises au cours des mois d’août et septembre 2018, les fonctionnaires de la Ville informent le représentant de TMD que le dossier est toujours en analyse. Le 12 octobre 2018, un fonctionnaire de la Ville informe finalement TMD que la Ville allait vraisemblablement attribuer les travaux à Transvrac.

[14]           Le 19 novembre 2018, le conseil municipal de la Ville octroie effectivement à Transvrac le contrat de transport de neige pour les lots en cause pour la saison 2018-2019 selon une entente de gré à gré comportant des conditions substantiellement différentes de celles prévues à l’appel d’offres, notamment en ce qui concerne le calcul des coûts des travaux, lesquels se calculent au tarif horaire plutôt qu’au volume de neige, ce qui comporte en soi des incertitudes importantes quant aux coûts finaux du contrat. Le lendemain, TMD est informée de la décision de la Ville selon laquelle l’appel d’offres auquel elle a participé est annulé.

[15]           C’est la première fois de son histoire que la Ville négocie directement avec un tiers, tel Transvrac, pendant qu’un appel d’offres est en cours pour les mêmes lots de déneigement[4].

[16]           TMD dépose peu après une demande d’injonction provisoire afin d’ordonner à la Ville de lui octroyer le contrat et de l’empêcher de signer un contrat de gré à gré avec Transvrac. Sa demande comprend également une réclamation en dommages-intérêts contre la Ville pour avoir refusé de lui octroyer le contrat. La demande d’injonction provisoire est rejetée par la Cour supérieure et la permission d’appeler de ce jugement est refusée[5]. Cependant, la demande en dommages-intérêts se poursuit, laquelle sera modifiée à de nombreuses reprises afin de tenir compte de l’évolution du dossier. Lors du procès, TMD réclame les profits anticipés pour les cinq années du contrat.

[17]           À la suite du refus de Transvrac de répondre aux exigences de sécurité de la Ville, notamment l’installation de barres latérales de sécurité sur les camions, le 27 mai 2020, cette dernière lance un nouvel appel d’offres visant le déneigement pour l’année 2020-2021 pour les lots [...] et [...]. Trois entreprises soumissionnent, dont TMD. Une fois de plus, cette dernière est la plus basse soumissionnaire conforme. Le 20 octobre 2020, sans que l’appel d’offres ne soit annulé, le conseil municipal décide à nouveau de confier le contrat de déneigement en cause à Transvrac au moyen d’une entente de gré à gré qui, par ailleurs, ne comporte pas les exigences de l’appel d’offres, notamment en ce qui concerne l’installation de barres latérales de sécurité sur les camions.

[18]           Le procès sur les dommages-intérêts réclamés par TMD se tient les 10, 11 et 12 février 2021. Le jugement est rendu le 20 juillet 2021.

LE JUGEMENT DE PREMIÈRE INSTANCE

[19]           La principale question en litige devant la Cour supérieure est de décider si la Ville pouvait négocier de gré à gré avec Transvrac de façon concomitante et parallèle à l’appel d’offres en cours. Dans son Exposé sommaire des moyens de défense[6], la Ville soutient que le paragraphe 573.3(3) L.c.v. lui permet d’agir ainsi. Ce paragraphe est rédigé comme suit :

573.3. Les dispositions des articles 573 et 573.1 [appel d’offres] et celles d’un règlement pris en vertu des articles 573.3.0.1 ou 573.3.0.2 ne s’appliquent pas à un contrat:

575.3. Sections 573 and 573.1 [tendering process] and any regulation made under section 573.3.0.1 or 573.3.0.2 do not apply to a contract 

[…]

(…)

 dont l’objet est la fourniture de services de camionnage en vrac et qui est conclu par l’intermédiaire du titulaire d’un permis de courtage délivré en vertu de la Loi sur les transports (chapitre T-12);

(3)  whose object is the supply of bulk trucking services and that is entered into through the holder of a brokerage permit issued under the Transport Act (chapter T-12);

 

[20]           Le juge de première instance rejette cette prétention de la Ville en ces termes[7] :

[49] L’article 573.3 L.c.v. énonce une longue liste d’exceptions à la règle générale. Une telle exception doit être interprétée de manière stricte qui n’en étende pas la portée au-delà de l’intention du législateur, tout en lui donnant pleinement effet. Il faut donc être prudent et éviter de lui donner une portée qui rende inefficace le processus d’appel d’offres.

[50] Le Tribunal estime que l’intention du législateur est de permettre à une municipalité de choisir l’une ou l’autre de deux voies : l’appel d’offres, ou la négociation de gré à gré. Elle n’est pas de permettre à une municipalité d’utiliser la première pour ensuite changer d’idée et négocier de gré à gré avec un tiers.

[51] L’arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans Port Hawkesbury (Town) v. Borcherdt Concrete Products Ltd. porte sur une question semblable.

[52] Dans cette affaire, la Cour confirme la décision de première instance qui concluait que Port Hawkesbury violait ses obligations en vertu du contrat A, en négociant, en parallèle avec un tiers, avant même d’annuler un appel d’offres.

[53] Le Tribunal estime que les mêmes principes s’appliquent au Québec.

[54] L’étude des autres autorités québécoises mène à la même conclusion.

[…]

[61] Il demeure que Montréal commet une faute qui engage sa responsabilité envers TMD en négociant avec Transvrac tout en maintenant en vigueur l’appel d’offres et le contrat A. 

[62] Il est sans conséquence que la procédure suivie par Montréal ait été novatrice (c’est la première fois, en 2018, qu’elle négocie de gré à gré avec Transvrac, après avoir lancé un appel d’offres) ou qu’elle ait permis à Montréal d’économiser.

[63] Il est tout aussi sans conséquence que les contrats accordés à Transvrac l’aient été à des conditions différentes et plus avantageuses que celles imposées par les appels d’offres (notamment en payant à taux horaire plutôt qu’au seul volume, en n’imposant pas un cautionnement aussi élevé, en n’imposant pas l’obligation d’équiper les camions de barres latérales de protection pour les contrats de 2020). 

 

[64] Peu importe ces faits, Montréal ne peut transiger de gré à gré avec Transvrac, après avoir lancé un appel d’offres. En agissant comme elle le fait, Montréal viole ses obligations légales et contractuelles, elle n’est ni transparente ni équitable, et marchande ses contrats.

[Renvois omis]

[21]           Quant au montant des dommages-intérêts, le juge conclut de la preuve que, n’eût été les négociations inappropriées entre la Ville et Transvrac en marge de l’appel d’offres, TMD aurait obtenu le contrat de cinq ans en cause et qu’elle a donc droit à sa perte des profits[8]. Le montant de cette perte fait l’objet d’une admission des parties[9] :

IX. Quantum

55.  Sous réserve des arguments en défense à l’effet que ces sommes ne sont pas dues à la demanderesse, il est admis que le profit qui aurait été généré par la demanderesse si le contrat lui avait été octroyé et avait été exécuté par elle sur l’ensemble du terme serait le suivant :

  - 2018-2019 : 403 102,06 $

  - 2019-2020 : 446 612,31 $

  - 2020-2021 : 379 894,54 $

  - 2021-2022 : 379 894,54 $

  - 2022-2023 : 379 894,54 $

[22]           Le juge réfute aussi la prétention de la Ville qu’elle aurait résilié le contrat avec TMD en invoquant l’article 2125 du Code civil du Québec C.c.Q. »). Cet article permet à un client de résilier unilatéralement et sans cause un contrat d’entreprise ou de service. Le juge est d’avis qu’on ne peut invoquer un tel droit a posteriori[10].

[23]           Aux fins du calcul des intérêts applicables, le juge exerce sa discrétion afin d’imposer une méthode de calcul[11].

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[24]           La Ville identifie ainsi ses moyens d’appel[12] :

1)     Le juge commet-il une erreur révisable en concluant que la Ville a manqué à une obligation implicite envers TMD et les autres soumissionnaires de l’appel d’offres?

2)     Subsidiairement, le juge commet-il une erreur révisable en concluant que la réparation causale à la conduite qu’il dit fautive de la Ville pouvait prendre la forme des entiers profits anticipés de l’exécution des contrats en cause?

3)     Subsidiairement, le juge commet-il une erreur révisable lorsqu’il arbitre au 1er août 2021 la date d’exigibilité des dommages et de point de départ des intérêts et de l’indemnité additionnelle sur les profits anticipés des deux saisons encore futures?

ANALYSE

Première question : le juge commet-il une erreur révisable en concluant que la Ville a manqué à une obligation implicite envers TMD et les autres soumissionnaires de l’appel d’offres?

[25]           La prétention de la Ville repose sur la prémisse que la publication d’un appel d’offres n’entraîne aucune obligation implicite de ne pas négocier ni contracter avec un tiers alors que l’appel d’offres est toujours en cours. Selon la Ville, elle peut exercer les options que lui confère la loi, ce qui signifie, en matière de transport de neige, soit l’option de procéder à un appel d’offres et celle d’avoir recours simultanément à un courtier en transport par la voie d’un contrat de gré à gré, et ce, même si un appel d’offres est lancé et est toujours en cours.

[26]           Par ailleurs, selon la Ville, l’interprétation retenue par le juge du paragraphe 573.3(3) L.c.v. est erronée. Ainsi, lorsque le juge conclut que la Ville commet une faute en négociant avec Transvrac tout en maintenant en vigueur l’appel d’offres, il commettrait une erreur de droit en ce qu’il omettrait de considérer que l’appel d’offres exigeait explicitement la validité et l’opposabilité des soumissions jusqu’au 15 novembre 2018, prétendument afin de laisser l’opportunité à la Ville d’exercer la clause de réserve tout en négociant simultanément avec Transvrac.

[27]           De plus, toujours selon la Ville, le juge ferait également erreur lorsqu’il lui reproche de marchander ses soumissions, alors que Transvrac n’est pas un soumissionnaire de l’appel d’offres, mais bien un tiers avec qui elle est en droit de contracter de gré à gré selon le paragraphe 573(3) L.c.v.

[28]           Qu’en est-il?

[29]           Les principes généraux de droit applicables à la procédure d’appel d’offres sont bien établis. Il suffit, aux fins de cet appel, de les reprendre brièvement.

[30]           D’abord, dans l’arrêt Ron Engineering[13], la Cour suprême énonce « [qu’]il faut préserver l’intégrité du mécanisme d’appel d’offres chaque fois qu’il est possible de le faire en vertu du droit des contrats »[14]. Elle enseigne aussi qu’un appel d’offres se caractérise le plus souvent par deux contrats : un contrat A qui peut être formé sur présentation d’une soumission en réponse à l’appel d’offres et un contrat B qui résulte de l’acceptation de l’une des soumissions[15].

[31]           En présence d’une clause de réserve, cette dernière devient une condition explicite de l’appel d’offres, c’est-à-dire qu’elle fait partie intégrante du contrat A. Selon sa formulation et la réglementation applicable, une telle clause permet de n’accepter ni la plus basse ni aucune soumission présentée[16]. Notons que dans le domaine municipal, sauf exception, la loi oblige néanmoins la municipalité à accepter la soumission la plus basse[17], ce qui exclut une clause de réserve contraire, mais non pas une clause de réserve permettant l’annulation d’un appel d’offres.

[32]           De même, le contrat A peut aussi contenir des obligations implicites si elles satisfont aux critères énoncés par la Cour suprême dans Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée c. Banque de Montréal[18] et retenus plus spécifiquement dans le contexte des appels d’offres dans M.J.B. Enterprises[19]. Ces obligations implicites peuvent être établies si elles sont 1) fondées sur une coutume ou un usage; 2) des particularités juridiques d’une catégorie ou d’un type particulier de contrat; ou 3) fondées sur l’existence d’une intention présumée des parties, lorsque cela est nécessaire pour donner de l’efficacité commerciale à un contrat ou pour permettre de satisfaire au critère de l’« observateur objectif », condition dont les parties diraient, si on leur posait la question, qu’elles avaient évidemment tenu son inclusion pour acquise[20]. 

[33]           En appliquant ces principes, la Cour suprême a reconnu, dans un premier temps, que le contrat A comportait la condition implicite voulant que le propriétaire accepte uniquement une soumission conforme[21]. Ainsi, dans le processus d'appel d'offres, la clause de réserve doit avoir une fonction qui s'harmonise avec l'efficacité commerciale de ce système et la nécessité d'en protéger l'intégrité. Elle ne peut donc servir à contourner ce processus. Elle octroie un pouvoir discrétionnaire permettant de rejeter les soumissions en prenant compte des facteurs qui ont une incidence sur le coût final du projet[22], mais ne peut pas être utilisée de façon à contourner le processus d’appel d’offres en acceptant une soumission non conforme[23].

[34]           Par ailleurs, une clause de réserve n’affranchit pas non plus de l’obligation de traiter les soumissionnaires sur un pied d’égalité, avec équité et bonne foi[24]. Dans l’arrêt Martel Building, la Cour suprême a reconnu qu’il existait de telles obligations implicites au contrat A[25], puisqu’elles possèdent le degré « d’évidence » établi par la jurisprudence vu qu’il est peu probable que les soumissionnaires investissent temps et argent dans le processus d’appel d’offres s’ils ne croient pas que toutes les soumissions seront traitées avec égalité, équité et bonne foi[26]. Encore là, ces obligations implicites sont compatibles avec l’efficacité commerciale et l’intégrité du processus d’appel d’offres.

[35]           De ces obligations implicites d’égalité, d’équité et de bonne foi découlent un certain nombre d’enseignements tirés de la jurisprudence qui en illustrent l’application lorsqu’il s’agit d’interpréter la portée d’une clause de réserve. Ainsi, une telle clause ne confère pas le droit d’appliquer une condition non divulguée dans le dossier d’appel d’offres[27]. En effet, on peut raisonnablement conclure que les soumissionnaires ne s’engageraient pas dans un processus d’appel d’offres sachant que son issue pourrait être réglée à l’avance par des conditions inconnues d’eux[28].

[36]           Une autre facette des obligations de traiter les soumissionnaires sur un pied d’égalité, équitablement et de bonne foi est celle qui établit que la clause de réserve ne permet ni le marchandage de soumissions ni les procédés qui s’y apparentent[29]. Une définition large du marchandage de soumissions est énoncée par la Cour suprême dans l’arrêt Double N et consiste en « la pratique de l'administration adjudicative d'utiliser, ouvertement ou non, comme outils de négociation avant l'adjudication du contrat [...] les soumissions reçues »[30]. Cette pratique équivaut à de la manipulation des soumissions, ce qui est contraire aux obligations d’égalité, d’équité et de bonne foi qui sous-tendent le processus d’appel d’offres, et ce, peu importe que ce marchandage s’effectue avec un des soumissionnaires ou avec un tiers[31].

[37]           Voyons maintenant comment ces principes trouvent application en l’espèce.

[38]           D’emblée, il faut noter que la Ville ne conteste pas qu’un contrat A se soit formé entre TMD et elle. D’ailleurs, la Ville ne remet pas en cause les principes juridiques applicables à son obligation de traiter les soumissionnaires sur un pied d’égalité, avec équité et de bonne foi. Elle soutient plutôt que, malgré la formation du contrat A avec TMD, elle pouvait négocier et transiger avec Transvrac de gré à gré tout en maintenant simultanément en vigueur l’appel d’offres, sans pour autant contrevenir à ses obligations envers les soumissionnaires. Il s’agit, selon elle, d’une utilisation valide de sa clause de réserve qui, de concert avec le paragraphe 573.3(3) L.c.v., lui offrent la possibilité de négocier et de s’entendre de gré à gré avec Transvrac même pendant qu’un processus d’offres est en cours.

[39]           Le juge de première instance n’a pas erré en concluant que la Ville a tort à ces égards. Voici pourquoi.

[40]           On ne retrouve pas dans la documentation de l’appel d’offres des indications permettant à la Ville d’entamer des négociations ou de conclure une entente de gré à gré avec des tiers pendant que le processus d’appel d’offres est en cours. La Ville soutient qu’une telle possibilité s’infère de la clause de réserve et du paragraphe 573.3(3) L.c.v. mais, comme nous le verrons, cet argument ne résiste pas à l’analyse. Il est d’ailleurs reconnu par la Ville que sa façon particulière d’interpréter la clause de réserve en matière d’attribution de contrats de transport de neige, soit celle lui permettant d’entamer simultanément un processus d’appel d’offres et une négociation de gré à gré avec un courtier en transport, est novatrice et n’a été invoquée qu’aux seules fins du présent dossier.

[41]           Lorsqu’une municipalité choisit de procéder par la voie d’un appel d’offres, elle se doit d’en respecter les règles fondamentales, et ce, peu importe si l’appel d’offres prévoit ou non une clause de réserve[32]. Pour paraphraser la juge Rousseau-Houle avant qu’elle ne soit membre de la Cour, une municipalité ne peut maintenir l’appel d’offres alors qu’elle a déjà décidé d’exécuter les travaux autrement, sans que cela constitue un excès ou détournement de pouvoirs de la part des agents administratifs[33].

[42]           La Ville aurait très bien pu négocier de gré à gré un contrat avec Transvrac après l’annulation du premier appel d’offres du printemps 2018. Elle a plutôt choisi de lancer un deuxième appel d’offres en espérant obtenir de meilleurs résultats, tout en relançant Transvrac quant à son intérêt pour effectuer le même travail selon un contrat de gré à gré. La Ville justifie sa décision de poursuivre les négociations simultanées avec Transvrac tout en procédant à l’appel d’offres par le désir d’obtenir les meilleurs coûts possibles pour les travaux. Cette préoccupation ne peut toutefois servir à éluder les règles de transparence et d’intérêt public qui régissent le processus d’appel d’offres. Comme la Cour suprême l’a rappelé dans Tercon Contractors Ltd, les facteurs de transparence et d’intégrité du processus d’appel d’offres importent particulièrement dans le contexte des marchés publics[34]. C’est d’autant plus vrai quant à l’octroi des contrats par des municipalités dont l’irrégularité dans le processus d’appel d’offres affecte l’intérêt public[35].

[43]           Le juge de première instance retient, avec raison, les enseignements de l’arrêt Town of Port Hawkesbury[36]. Dans cette affaire, qui présente des similitudes remarquables avec le présent dossier, la Cour d’appel de Nouvelle-Écosse confirme que les obligations d’égalité, d’équité et de bonne foi d’une municipalité envers les soumissionnaires l’empêchent de négocier avec un tiers après la clôture de l’appel d’offres et ce tant que le processus d’appel d’offres n’est pas formellement annulé par le rejet de la plus basse soumission[37] :

[44]         In my view, the trial judge neither erred by failing to give proper consideration to the excessive amount over budget that the Borcherdt Concrete bid was, nor by conducting an analysis beyond the privilege clause.  The existence of such a provision, as here, is not a final answer to a claim of breach of the duty of fairness.  The full extent of the obligation of fair and equal treatment remained to be determined, and this is what the judge proceeded to do.  In that regard, there was no evidence before him that its tendering documents permitted the Town, post-closing, to change the process and to contact a third party and discuss a scope of work different from that in its original tender.  Nor am I persuaded that he erred in determining that, in the circumstances of this case, the Town had an obligation to notify Borcherdt Concrete that its bid had been rejected, or at least that it was negotiating with a third party.

[44]           Par ailleurs, dans cet arrêt, la Cour d’appel de Nouvelle-Écosse a aussi reconnu que la conduite de la municipalité correspondait au marchandage de soumissions, bien que les négociations avec un tiers aient été entamées seulement après l’ouverture des soumissions, une fois que la municipalité eut constaté que les soumissions reçues dépassaient ses estimations de coûts. Encore là, la clause de réserve invoquée par la municipalité ne lui fut d’aucun secours.

[45]           Les principes qui se dégagent de l’arrêt Town of Port Hawkesbury sont toujours valables et ils avaient d’ailleurs déjà été énoncés par la Cour dans l’arrêt MYG Informatique[38]. Dans cette affaire, une commission scolaire souhaitait acquérir du matériel informatique. Elle n’était pas obligée de procéder par appel d’offres et aurait pu négocier de gré à gré avec un fournisseur de son choix afin d’acquérir le matériel. Elle a néanmoins choisi de procéder par appel d’offres. Lors de l’ouverture des soumissions, la soumission conforme la plus basse est celle de Dumoulin Électronique. Malgré cela, en raison de certaines controverses entourant une modification à l’appel d’offres, la commission scolaire a décidé de procéder avec un second appel d’offres. Cette fois, la soumission présentée par Dumoulin Électronique n’était pas conforme et la soumission conforme la plus basse était celle de MYG Électronique. La commission scolaire a tout de même décidé d’accorder le contrat à Dumoulin Électronique en invoquant sa soumission conforme la plus basse lors du premier appel d’offres. MYG Informatique a intenté une poursuite en dommages-intérêts alléguant violation du processus d’appel d’offres.

[46]           Pour les motifs rédigés par le juge Morissette, la Cour lui donne raison, notamment en écartant la prétention voulant que la commission scolaire était toujours libre de négocier de gré à gré avec Dumoulin Électronique malgré le second appel d’offres[39] :

[48] C’est ici, à mon sens, qu’il y a violation du contrat A intervenu entre l’appelante et l’intimée lors du second appel d’offres. Cette dernière aurait pu, depuis le début, traiter de gré à gré avec Dumoulin Électronique : rien, juridiquement, ne l’en empêchait. Mais, ayant choisi de procéder à deux appels d’offres successifs pour l’adjudication du même contrat B, elle ne pouvait se comporter après l’annulation de l’appel d’offres nº 19 comme si, de fait, elle était libre de traiter de gré à gré avec qui bon lui semble. Si le résultat de l’appel d’offres nº 20 ne lui convenait pas, elle devait s’abstenir d’adjuger le contrat B et lancer, au besoin, un troisième appel d’offres. L’hypothèse est peu invitante, j’en conviens, mais le contrat A ne lui laissait pas le choix. Elle ne pouvait, au mépris du principe de l’égalité entre les soumissionnaires, accorder le contrat B à Dumoulin Électronique.

[49] En somme, n’étant pas légalement tenue de procéder par appel d’offres, la CSRL aurait pu s’adresser à un fournisseur, n’importe lequel, lui demander un prix pour le remplacement de son parc d’ordinateurs et, s’estimant satisfaite de l’offre qui lui était faite, passer un marché dans ce sens avec le fournisseur en question. Il est évident, cependant, qu’un contrat d’approvisionnement d’un organisme parapublic, surtout lorsqu’il engage une somme probablement assez importante pour l’économie locale, attirera l’attention du public. Cela semble d’ailleurs avoir été le cas ici dans les faits. Le public souhaitera, avec raison, que le contrat se fasse avec autant de transparence que possible, sans passe-droit, favoritisme ou avantage indu pour tel ou tel fournisseur, en respectant autant que possible les règles de la concurrence commerciale (c’est une considération importante dans les arrêts M.J.B. et Martel Building), et en obtenant de ce fait pour l’organisme parapublic en question le meilleur rapport coût/qualité possible. Nul doute que c’est en raison de ces considérations que la CSRL s’est dotée d’une politique d’achat prévoyant le recours systématique à des appels d’offres pour tout achat d’une certaine importance. Mais on ne peut rechercher les avantages de transparence, de concurrence parfaite, de rigueur économique et d’intégrité qui découlent d’une procédure d’appel d’offres en bonne et due forme sans respecter en même temps les quelques contraintes qui font l’essence d’un véritable appel d’offres.

[47]           Le juge de première instance ne s’est pas non plus trompé en concluant que le paragraphe 573.3(3) L.c.v. n’était d'aucun secours pour la Ville. En effet, l’exception prévue au paragraphe 573.3(3) L.c.v. doit s’interpréter à la lumière de l’ensemble des dispositions de la L.c.v. en matière d’attribution des contrats municipaux, suivant l’objet de la loi et l’intention du législateur. Rappelons que l’un des objets importants du processus d’attribution des contrats municipaux par voie d’appel d’offres est de remplacer la négociation par la concurrence selon un processus public et transparent offrant une chance égale à tous les soumissionnaires[40]. C’est d’ailleurs une volonté de transparence qui a incité l’Assemblée nationale à apporter des modifications au processus d’adjudication des contrats par sa réforme de la Loi sur les cités et villes en 2002[41]. C’est donc dans ce contexte qu’il faut interpréter les dispositions de la loi régissant le processus d’appel d’offres s’appliquant aux municipalités.

[48]           C’est ainsi que l’article 573(1) L.c.v. dispose qu’en règle générale, un contrat de service (autres que de services professionnels) ne peut être adjugé par une municipalité qu’après une demande de soumissions publiques. Dans un tel cas, la municipalité ne peut choisir son cocontractant que parmi les soumissionnaires qui ont présenté une soumission conforme et qu’à celui d’entre eux qui a présenté la soumission conforme la plus basse, sous réserve de la possibilité de certaines pondérations prévues par la loi ou d’une exemption ministérielle[42].

[49]           Cependant, certains contrats énumérés à la L.c.v. sont exemptés de l’obligation de procéder par appels d’offres, notamment les contrats pour la fourniture de services pour lequel un tarif est fixé ou approuvé par le Gouvernement du Canada ou du Québec ou par un de ses ministres ou organismes[43]. Le camionnage en vrac était antérieurement visé par cette exemption vu que ce service était assujetti à une tarification réglementée. Notons qu’aucune preuve dans le dossier ne révèle que cette exception aurait permis à la Ville ou à une autre municipalité de contourner le processus d’appel d’offres en procédant simultanément avec un appel d’offres visant certains cocontractants et une négociation de gré à gré avec d’autres. Quoi qu’il en soit, à la suite d’une déréglementation du camionnage en vrac, cette exemption pouvait être remise en question pour ce secteur.

[50]           La première mouture du paragraphe 573.3(3) L.c.v. fut donc introduite en 1999 dans le cadre du projet de loi n° 89 intitulé Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac[44] afin de permettre à cette exemption de continuer à s’appliquer malgré la déréglementation du secteur. Lors de l’étude détaillée du projet de loi, le ministre responsable énonce ainsi son objet[45] :

Cette disposition a pour objet de maintenir l'exception qui permet aux municipalités de contracter du camionnage en vrac par l'intermédiaire d'un titulaire de permis de courtage sans être obligé de procéder par appel d'offres public. L'abrogation des tarifs de camionnage en vrac qui découlent de l'article 11 du projet de loi aurait pour effet de rendre les dispositions générales applicables, alors que généralement un seul courtier peut, en vertu du permis de courtage, offrir le service de courtage requis.

[Soulignement ajouté]

[51]           Toujours lors de cette étude détaillée, le ministre responsable explique, à plusieurs reprises, que l’effet du paragraphe 573.3(3) L.c.v. est de permettre aux municipalités de choisir si elles souhaitent continuer de conclure des contrats de camionnage en vrac, soit par appel d’offres ou soit directement de gré à gré comme la loi antérieure le leur permettait, vu que ce type de contrat était tarifié en vertu de l’ancienne Loi des transports[46]. Cet objet législatif est d’ailleurs confirmé par l’Union des municipalités elle-même dans le cadre de ses représentations à l’égard du projet de loi 89[47] :

Votre projet de loi vise à permettre aux municipalités de continuer à contracter de gré à gré, malgré la déréglementation des tarifs énoncée pour janvier […]. Le projet de loi répond aux objectifs d'allégement des contrôles et des normes et il respecte le principe d'autonomie municipale. Les municipalités n'en seront aucunement pénalisées, puisqu'elles pourront choisir d'aller en appel d'offres si elles le souhaitent. Vous recevez donc notre entier appui pour l'adoption de ces dispositions.

[52]           Dès lors, à la lumière des travaux parlementaires, il n’a jamais été question de permettre aux municipalités de se prévaloir simultanément de l’exception du paragraphe 573.3(3) L.c.v. afin de contourner les mécanismes d’appel d’offres. Il faut en déduire, comme l’a fait avec justesse le juge de première instance, que « l’intention du législateur est de permettre à une municipalité de choisir l’une ou l’autre de deux voies : l’appel d’offres, ou la négociation de gré à gré »[48].

[53]           Le juge de première instance ne commet donc aucune erreur en concluant que la Ville a manqué à ses « obligations légales et contractuelles, [qu’]elle n’est ni transparente ni équitable, et marchande ses contrats »[49]. En effet, se prévaloir simultanément de deux méthodes d’adjudication de contrat n’est manifestement pas compatible avec l’objet du processus d’appel d’offres public prévu par la L.c.v.

Deuxième question : le juge commet-il une erreur révisable en concluant que la réparation causale à la conduite qu’il dit fautive de la Ville pouvait prendre la forme des entiers profits anticipés de l’exécution des contrats en cause?

[54]           La Ville ne conteste pas en appel que, n’eût été sa faute contractuelle, le contrat de transport de neige visé par l’appel d’offres aurait été accordé à TMD[50]. Cela étant, la Ville soutient que le juge de première instance aurait dû tenir tenu compte de la preuve qui attestait que les soumissions de TMD étaient désavantageuses et aurait ainsi dû retenir les prétentions de la Ville voulant qu’elle aurait vraisemblablement invoqué le droit du client à la résiliation unilatérale prévu par l’article 2125 C.c.Q dès la fin de la première année du contrat[51]. Par conséquent, selon la Ville, le dispositif du jugement devrait être modifié et les condamnations en dommages-intérêts infirmées pour ne viser que le profit anticipé de la première année du contrat, soit 2018-2019.

[55]           La Ville reconnaît qu’il n’existe aucune jurisprudence qui appuie sa prétention voulant que l’article 2125 C.c.Q. puisse être invoqué a posteriori afin de réduire le montant des dommages réclamés dans le cadre du non-respect de la procédure d’appel d’offres. Sa prétention repose essentiellement sur une thèse avancée à cet effet par l’auteur Pierre Giroux[52].

[56]           Le juge de première instance n’a pas retenu cette thèse au motif que la Ville ne pouvait invoquer a posteriori la résiliation prévue à l’article 2125 C.c.Q.[53]. Il n’est pas nécessaire de décider si le juge a commis une erreur de droit en décidant ainsi, puisque même à supposer que ce fut le cas, la Ville ne parvient pas à démontrer que cette erreur pourrait affecter l’issue du pourvoi. Sans se prononcer sur le bien-fondé de cette thèse, pour qu’elle puisse s’appliquer, encore faut-il que la preuve établisse, selon la balance des probabilités, que la Ville aurait effectivement invoqué l’article 2125 C.c.Q. à la fin de la première année du contrat ou subséquemment. Or, la Ville ne réussit pas à faire cette démonstration[54].

[57]           La preuve démontre plutôt que la Ville a éprouvé plusieurs difficultés, d’une part à assurer l’exécution par Transvrac des contrats en cause et, d’autre part, pour obtenir des soumissions pour l’année 2019-2020 dans le cadre de ses appels d’offres pour le transport de la neige.

[58]           Lors de l’audience en première instance, le représentant de Transvrac a d’ailleurs admis qu’il a eu de sérieux problèmes en 2018-2019 avec sa main-d’œuvre pour mettre en œuvre le contrat en cause[55]. Par ailleurs, une abondante preuve démontre aussi qu’entre 2018 et 2021, la Ville a éprouvé des difficultés importantes avec Transvrac à titre de cocontractant en regard de plusieurs autres lots de déneigement[56]. Cette preuve tend à démontrer que Transvrac couvrait une proportion trop grande des lots de déneigement, ce qui a notamment entraîné des ruptures de services pour les citoyens[57].   

[59]           Par ailleurs, la responsable du déneigement pour la Ville a témoigné que pour l’année 2019-2020 (qui correspond à la seconde année du contrat) non seulement la Ville faisait face à une « catastrophe » au regard des appels d’offres[58], mais aussi que la capacité de Transvrac pour répondre à la demande était « vraiment très, très, très faible »[59]. Dans ces circonstances, il est fort improbable que la Ville ait choisi de résilier le contrat avec TMD pour l’année 2019-2020 en invoquant l’article 2125 C.c.Q.

[60]           Quant à l’année 2020-2021, il faut noter que dès 2019, Transvrac a annoncé à la Ville qu’elle refusait de reprendre les travaux de déneigement pour les lots en cause au motif que la Ville l’obligeait à installer des barres latérales de sécurité sur ses camions, ce qu’elle n’était pas disposée à faire vu les coûts impliqués[60]. La Ville finira par soumettre à nouveau les travaux en appel d’offres pour les deux lots en cause. Considérant les résultats du marché et bien que TMD fut une fois de plus le plus bas soumissionnaire conforme dans le cadre de ce nouvel appel d’offres, la Ville choisit néanmoins d’encore octroyer le contrat à Transvrac au moyen d’une entente de gré à gré sans annuler l’appel d’offres et sans que Transvrac ne soit elle-même tenue d’installer des barres latérales de sécurité sur ses camions selon l’exigence faite aux soumissionnaires. Ainsi, même si la Ville avait résilié le contrat de TMD à compter de l’année 2020-2021 pour procéder à un nouvel appel d’offres, c’est toujours TMD qui aurait eu droit au contrat, n’eût été les manœuvres de contournement du processus d’appel d’offres par la Ville, puisque TMD a encore présenté la plus basse soumission conforme lors du nouvel appel d’offres.

[61]           Quant aux années 2021-2022 et 2022-2023, la question de la résiliation unilatérale du contrat de TMD par la Ville repose uniquement sur des spéculations et la Ville ne satisfait manifestement pas à la norme de la prépondérance des probabilités.

[62]           Notons au surplus que la preuve ne révèle pas que la Ville a invoqué par le passé l’article 2125 C.c.Q. afin de résilier l’un quelconque de ses contrats de transport de neige. Aucun témoin n’a affirmé que la Ville aurait agi autrement à l’égard du contrat de TMD. Considérant le contexte des contrats de déneigement et les conséquences anticipées sur la confiance des entrepreneurs dans le système d’adjudication de gestion de ses contrats, il est peu probable que la Ville se serait prévalue de l’article 2125 C.c.Q au simple motif que le contrat qui aurait alors été octroyé à TMD dépassait les coûts de ses estimations. Cela est d’autant plus improbable sachant que la preuve révèle qu’il n’est pas rare que la Ville octroie des contrats de déneigement dont les coûts excèdent ses estimations, et ce dans des proportions fort supérieures au contrat de TMD, sans pour autant les résilier pendant leur durée[61].  Tout indique que la Ville aurait exercé un tel droit qu’en présence de circonstances fort exceptionnelles, lesquelles n’ont manifestement pas été établies en l’espèce.

[63]           Dans ce contexte, la Ville ne parvient pas à convaincre qu’elle aurait couru les risques associés à l’utilisation de l’article 2125 C.c.Q. après la saison 2018-2019 au simple motif que le contrat qui aurait alors été octroyé à TMD dépassait les coûts de ses estimations.

[64]           Quant au quantum des dommages, les principes sont depuis longtemps établis. TMD bénéficie de ce que cette Cour a qualifié de la « triple présomption », soit « d’avoir remis une offre régulière, d’être apte à exécuter le travail et d’offrir le prix le plus avantageux »[62]. Dans de tels cas, selon une jurisprudence constante de la Cour suprême et de la Cour, « [l]a base d’évaluation des dommages-intérêts pour rupture de contrat est généralement le profit espéré », c’est-à-dire le profit que le soumissionnaire aurait réalisé s’il avait obtenu le contrat B[63]. En l’espèce, ce profit fait l’objet d’une admission[64].

[65]           Cela étant, l’obligation de minimiser les dommages n’est pas nécessairement écartée si les circonstances s’y prêtent, entre autres lorsqu’il est question de contrats à exécution successive sur une base pluriannuelle. Ce fut le cas dans l’arrêt 3051 Canada inc. c. Aéroport de Montréal[65] où la somme réclamée de 2 565 000 $, fondée sur des pertes de profits à la suite d’un contrat pluriannuel d’entretien ménager à l’aéroport de Dorval qui n’avait pas été adjugé à la suite d’un appel d’offres, a été réduite à 400 000 $ au motif que le soumissionnaire n’avait pas pris les moyens raisonnables pour minimiser ses dommages[66]. Dans la même veine, dans l’arrêt Ferme Gérard Renaud inc. c. Sucriers du Mont-Beu ltée[67], la perte de profit à la suite de la résiliation d’un bail de 15 ans pour l’exploitation d’une érablière fut réduite, sur le même fondement, à trois ans et demi de profits perdus.

[66]           Or, le fardeau de prouver que le créancier a failli à l’obligation de minimiser les dommages est celui du défendeur[68]. Il revient donc à la partie fautive, en l’occurrence la Ville, de démontrer non seulement que l’autre partie, en l’occurrence TMD, a omis de prendre des mesures raisonnables en vue de minimiser son préjudice, mais aussi que cette dernière avait la possibilité de le minimiser.

[67]           En l’espèce, la Ville n’a jamais soulevé la question de la minimisation des dommages devant le juge de première instance et aucune preuve n’a été administrée à ce sujet. La déclaration d’appel de la Ville et son mémoire d’appel sont également muets quant à la question de la minimisation des dommages, comme l’a d’ailleurs confirmé le procureur de la Ville lors de l’audience de l’appel en réponse aux questions de la Cour à ce sujet.  Cette question n’a d’ailleurs été soulevée que par la Cour lors de l’audition de l’appel.

[68]           Dans ces circonstances, vu l’admission des parties quant au quantum des profits perdus et considérant que la question de la minimisation des dommages ne fut soulevée ni au procès ni en appel, il n’y a pas lieu d’intervenir sur l’évaluation retenue par le juge de première instance quant au montant des dommages subis[69].

Troisième question : le juge commet-il une erreur révisable lorsqu’il arbitre au 1er août 2021 la date d’exigibilité des dommages et de point de départ des intérêts et de l’indemnité additionnelle sur les profits anticipés des deux saisons encore futures?

[69]           Le point de départ du calcul des intérêts et de l’indemnité additionnelle pour les dommages en lien avec les années 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021 n’est pas remis en question par la Ville. La Ville reproche plutôt au juge de première instance de l’avoir condamnée au paiement des intérêts et de l’indemnité additionnelle à compter du 1er août 2021, pour les dommages liés aux saisons de déneigement 2021-2022 et 2022-2023. Or, le juge disposait d’une preuve sur les pratiques habituelles de paiement de la Ville pour un tel service, soit des paiements graduellement effectués entre décembre et août de chaque année. La Ville soutient donc que le juge n’appuierait pas sa répartition des dommages sur la preuve, usant ainsi de sa discrétion de façon non judiciaire. Selon la Ville, la date du 15 mars (mi-saison) pour chacune des années 2021-2022 et 2022-2023 serait raisonnable en fonction de la preuve dans le dossier.

[70]           Puisque la perte de profits pour chacune des années est admise par les parties et vu qu’il est raisonnable selon la preuve de conclure que la perte subie pour chacune de ces années se serait matérialisée au cours de l’année pour laquelle les travaux ont été effectués, le juge a erré en octroyant des intérêts sur des profits futurs à compter d’une date où une partie de ceux-ci ne se seraient pas matérialisés. Notons par ailleurs que lors des plaidoiries en première instance, TMD a reconnu la validité de la position de la Ville quant au calcul des intérêts[70]. En l’occurrence, il y a lieu d’accueillir l’appel en partie afin de fixer le point de départ des intérêts et de l’indemnité additionnelle pour les années 2021-2022 et 2022-2023 selon ce que propose la Ville.

[71]           Enfin, la conclusion du jugement de première instance comporte des erreurs typographiques qui doivent être corrigées.

CONCLUSION

[72]           Pour ces motifs, je propose à la Cour d’accueillir en partie l’appel à la seule fin de remplacer le sous-paragraphe 78.3 du jugement de première instance par ce qui suit :

78.3 Les profits perdus pour la saison 2021-2022, soit 379 894,54 $, ne portent aucun intérêt jusqu’au 15 mars 2022 et, le cas échéant, à compter de cette date, ils seront sujets à l’intérêt au taux légal et à l’indemnité additionnelle. De même, les profits perdus pour la saison 2022-2023, soit 379 894,54 $, ne portent aucun intérêt jusqu’au 15 mars 2023 et, le cas échéant, à compter de cette date ils seront sujets à l’intérêt au taux légal et à l’indemnité additionnelle.

[73]           Je propose aussi de modifier le texte de la condamnation énoncée au paragraphe [80] du jugement de première instance en y remplaçant « aux paragraphes 45, 45.2, 45.2 et 45.3 du présent jugement » par « aux sous-paragraphes 78.1, 78.2 et 78.3 du présent jugement ».

[74]           Je propose aussi qu’il n’y ait pas de condamnation aux frais de justice en appel vu que bien que l’appel soit accueilli en partie, la plupart des moyens d’appel soulevés par la Ville sont rejetés.

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 


[1]  9150-2732 Québec inc. c. Ville de Montréal, 2021 QCCS 2899 (le « jugement de première instance »).

[2]  Loi sur les cités et villes, RLRQ, c. C-19.

[3]  Transcription du témoignage de Valérie Matteau du 11 février 2021, p. 74.

[4]  Jugement de première instance, par. 62; transcription du témoignage de Valérie Matteau du 11 février 2021, p. 74 et 140.

[5]  9150-2732 Québec inc. c. Ville de Montréal, 2018 QCCA 2221.

[6]  Exposé sommaire des moyens de défense de la défenderesse Ville de Montréal, 19 février 2019, par. 1 à 7.

[7]  Jugement de première instance, par. 49-54 et 61-64.

[8]  Jugement de première instance, par. 68 et 73.

[9]  Liste des admissions des parties, 10 février 2021, par. 55.

[10]  Jugement de première instance, par. 74.

[11]  Id., par. 78.

[12]  Argumentation de l’appelante, p. 7.

[13]  La Reine (Ont.) c. Ron Engineering, [1981] 1 R.C.S. 111.

[14]  Id., p. 121.

[15]  Id., p. 121-124.

[16]  M.J.B. Enterprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée), [1999] 1 R.C.S. 619, par. 45-48 (« MJB Enterprises »). Voir aussi : Mercier c. Raby, 2008 QCCA 1830, par. 12.

[17]  Par. 573(7) L.c.v. Voir aussi : Rimouski (Ville de) c. Structures GB ltée, 2010 QCCA 219, par. 52-53; Entreprise P.S. Roy inc. c. Magog (Ville de), 2013 QCCA 617, par. 34; R.P.M. Tech inc. c. Gaspé (Ville), 2004 CanLII 76642 (QC CA), par. 23-24.

[18]  Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée c. Banque de Montréal, [1987] 1 R.C.S. 711, p. 775.

[19]  M.J.B. Enterprises, par. 27 et s. Voir aussi Double N Earthmovers Ltd. c. Edmonton (Ville), 2007 CSC 3, [2007] 1 R.C.S. 116, par. 30-31 et Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transport et Voirie), 2010 CSC 4, [2010] 1 R.C.S. 69. par. 67-71.

[20]  Société hôtelière Canadien Pacifique Ltée c. Banque de Montréal, [1987] 1 R.C.S. 711, p. 775, et M.J.B. Enterprises, par. 27.

[21]  M.J.B. Enterprises, par. 30.

[22]  Id., par. 45-48.

[23]  M.J.B. Enterprises, par. 41; Martel Building Ltd. c. Canada,  2000 CSC 60, [2000] 2 R.C.S. 860, par. 88 (« Martel Building »); Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transports et Voirie), [2010] 1 R.C.S 69, 2010 CSC 4, par. 69; Tapitec inc. c. Ville de Blainville, 2017 QCCA 317, par. 14-15.

[24]  MYG Informatique inc. c. Commission scolaire René-Lévesque inc., 2006 QCCA 1248, par. 35-36; 3051226 Canada inc. c. Aéroports de Montréal, 2008 QCCA 722, par. 49-50; Hydro-Québec c. Entreprises Bon Conseil ltée, 2002 CanLII 62420 (QC CA), confirmant Entreprises Bon Conseil ltée c. Hydro-Québec, 1999 CanLII 11165 (QC CS). À ce titre, la Cour a rappelé, en citant avec approbation les propos du professeur Patrice Garant, que les municipalités doivent respecter le principe selon lequel « [t]ous les administrés ont un droit égal à contracter avec l'Administration en vertu d'un principe de base qui s'appelle le principe de l'égalité devant le service public » : Entreprise P.S. Roy inc. c. Magog (Ville de), 2013 QCCA 617, par. 48, citant Patrice Garant, Droit administratif, 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2010, p. 395.

[25]  Martel Building, par. 88 et 116.

[26]  Ibid.

[27]  Martel Building, par. 84.

[28]  Martel Building, par. 88. Voir aussi : Pierre Giroux, Contrats des organismes publics québécois, Publications CCH ltée, Brossard, 2010, par. 5-300.

[29]  M.J.B. Entreprises, par. 50; Naylor Group Inc. c. EllisDon Construction Ltd., [2001] 2 R.C.S. 943, 2001 CSC 58, par. 9; Double N Earthmovers Ltd. c. Edmonton (Ville), 2007 CSC 3 (CanLII), [2007] 1 R.C.S. 116, par. 56.

[31]  Stanco Projects Ltd. v. British Columbia (Ministry of Water, Land and Air Protection), 2004 BCSC 1038, par. 100, confirmé par Stanco Projects Ltd. v. HMTQ and Aplin & Martin Consultants Ltd., 2006 BCCA 246.

[32]  Patrice Garant, Droit administratif, 7e éd., Cowansville (QC), Yvon Blais, 2017, p. 415 : « Si l'Administration décide de procéder par appel d'offres sans en être obligée, elle doit néanmoins respecter certaines règles ». Voir aussi André Langlois et Pier-Olivier Fradette, Les contrats municipaux par demandes de soumissions, 4e éd., Yvon Blais, Montréal, 2018, p. 173 et s.

[33]  Thérèse Rousseau-Houle, Les contrats de construction en droit public & privé, Wilson & Lafleur, Montréal, 1982, p. 53.

[34]  Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transports et Voirie), 2010 CSC 4, par. 68.

[35]  Entreprise P.S. Roy inc. c. Ville de Magog, 2013 QCCA 617, par. 63.

[36]  Port Hawkesbury (Town) v. Borcherdt Concrete Products Ltd, 2008 NSCA 17.

[37]  Id., par. 44.

[38]  MYG Informatique inc. c. Commission scolaire René-Lévesque inc., 2006 QCCA 1248.

[39]  Id., par. 48-49.

[40]  Voir notamment Julie Perreault, Appels d’offres municipaux, Wolters Kluwer, Sherbrooke, 2020, p. 22.

[41]  Bernard P. Quinn, « Les nouvelles règles d’adjudication des contrats municipaux au Québec », (2003) Développements récents en droit de la construction 3, p. 4.

[42]  Par. 573(7) L.c.v.

[43]  Par. 573.3(1°) L.c.v.

[44]  Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac, L.Q. 1999, c. 82, art. 19.

[45]  Assemblée nationale, Commission permanente des transports et de l’environnement, Journal des débats, 36e lég., 1re sess., vol. 36, no 35, 10 décembre 1999, p. 55 (G. Chevrette). Notons que cette interprétation est également exposée dans les notes explicatives du projet de loi 89.

[46]  Assemblée nationale, Commission permanente des transports et de l’environnement, Journal des débats, 36e lég., 1re sess., vol. 36, no 35, 14 décembre 1999, p. 9-10. (G. Chevrette).

[47]  Id., p. 10.

[48]  Jugement de première instance, par. 50; italiques dans l’original.

[49]  Id., par. 64.

[50]  Argumentation au mémoire de l’appelante, par. 77.

[51]  Id., par. 80.

[52]  Pierre Giroux, « Les appels d’offres des organismes publics : Quelques aspects pratiques sur l’application de la théorie du contrat « A » et du contrat « B » », dans S.F.C.B.Q., Congrès annuel du Barreau du Québec (2007), Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 327-330, par. 274-287.

[53]  Jugement de première instance, par. 74.

[54]  Dans son mémoire d’appel (par. 73-81), la Ville invite la Cour à réviser la preuve sur cette question et TMD ne s’y oppose pas, consacrant une partie substantielle de son mémoire (par.133-141) à cette question de fait. Dans ces circonstances, vu que les parties elles-mêmes l'invitent à le faire, la Cour peut procéder à l’exercice d’évaluation de la preuve qu’aurait pu mener le juge de première instance.

[55]  Transcription du témoignage de Richard Forest du 10 février 2021, p. 175181.

[56]  Liste des admissions des parties, par. 37-38; voir aussi la pièce P-17, p. 1 : « ATTENDU QUE [Transvrac] ne peut remplir ses obligations pour l’arrondissement du Sud-Ouest en raison de pénurie de camionneurs en vrac pour le transport de la neige »; voir aussi Pièce P-24.

[57]  Liste des admissions des parties, par. 37-40; Pièce P-17, p. 1; transcription du témoignage de Valérie Matteau du 11 février 2021, p.  97, lignes 10-16, et p. 99-101; transcription du témoignage de Richard Forest du 10 février 2021, p. 175-179.

[58]  Transcription du témoignage de Valérie Matteau du 11 février 2021, p. 91.

[59]  Id., p. 95.

[60]  Transcription du témoignage de Richard Forest du 10 février 2021, p. 178-179.

[61]  Voir notamment Liste des admissions des parties, par. 21-28, 31, et 36. Voir aussi la pièce P-16.

[62]  Bau-Québec ltée c. Ville de Sainte-Julie, [1999] R.J.Q. 2650,1999 CanLII 13429 (QC CA), p. 2654 de l’éd. R.J.Q.

[63]  M.J.B. Enterprises, par. 55; MYG Informatique inc. c. Commission scolaire René-Lévesque inc., 2006 QCCA 1248, par. 64-65; Bau-Québec ltée c. Ville de Sainte-Julie, [1999] R.J.Q. 2650,1999 CanLII 13429 (QC CA), p. 2655 de l’éd. R.J.Q.; Société du parc industriel et portuaire de Bécancour c. Soterm inc., 2001 CanLII 39459 (QC CA), par. 80-84; Construction Gesmonde Ltée c. 2908557 Canada Inc., 2005 QCCA 537, par. 6-7; Canada (Procureur général) c. Constructions Bé-Con inc., 2013 QCCA 665, par. 75 ; Municipalité de Val-Morin c. Entreprise TGC inc., 2019 QCCA 405, par. 11.

[64]  Liste des admissions des parties, par. 55.

[65]  3051 Canada inc. c. Aéroport de Montréal, 2008 QCCA 722.

[66]  Id., par. 55-58.

[67]  Ferme Gérard Renaud inc. c. Sucriers du Mont-Beu ltée, 2021 QCCA 632.

[68]  Geffard c. Fonds d’assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec, 2014 QCCA 911, par. 56, incorporant au droit québécois la règle de common law à ce sujet énoncée notamment dans Southcott Estates Inc. c. Toronto Catholic District School Board, 2012 CSC 51, [2012] 2 R.C.S. 675, par. 24. Voir également : Laflamme c. Prudential-Bache Commodities Canada Ltd., 2000 CSC 26, [2000] 1 R.C.S. 638, par. 56; Carrier c. Mittal Canada inc., 2014 QCCA 679, par. 112-113; Construction et location Jenik inc. c. Jenkins, 2020 QCCA 260, par. 3; Ferme Gérard Renaud inc. c. Sucriers du Mont-Beu ltée, 2021 QCCA 632, par. 18.

[69] Pitre et Durand Inc. (Syndic De), 1990 CanLII 3147 (QC CA), [1990] R.J.Q. 2088 (C.A); Cadieux c. Industrielle Alliance, assurances et services financiers inc., 2011 QCCA 1667, par. 7; Godin c. Compagnie d'assurance du Canada sur la vie, 2006 QCCA 851, par. 53; Aliments Pasta Romana inc. c. Zurich, compagnie d'assurances, 2017 QCCA 701, par. 9; V.L. c. Ville de Gatineau, 2022 QCCA 1395, par. 43.

[70] Transcription des plaidoiries de Me Oliver du 12 février 2021, p. 7-8.

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