Habitations communautaires NDG c. Lagacé |
2020 QCTAL 1851 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
||||||
Bureau dE Montréal |
||||||
|
||||||
No dossier : |
531323 31 20200730 G |
No demande : |
3034286 |
|||
|
|
|||||
Date : |
21 septembre 2020 |
|||||
Devant le juge administratif : |
Alexandre Henri |
|||||
|
||||||
Les Habitations Communautaires NDG |
|
|||||
Locatrice - Partie demanderesse |
||||||
c. |
||||||
Ginette Lagacé |
|
|||||
Locataire - Partie défenderesse |
||||||
et |
||||||
Office Municipale d'Habitation de Montréal |
|
|||||
Partie intéressée
|
||||||
|
||||||
D É C I S I O N
|
||||||
[2] La locatrice a signifié la demande par huissier à la locataire le 31 juillet 2020.
[3] Malgré l’avis d’audition qui lui a été transmis par le Tribunal, la locataire est absente à l’audience. Le Tribunal a donc procédé à l’instruction de l’affaire par défaut, en l’absence de la locataire, tel que permis en vertu de l'article 67 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1].
La preuve en demande
[4] Les parties sont liées par un bail du 1er juin 2016 au 31 mai 2017, reconduit jusqu’au 31 mai 2021 au loyer mensuel de 720 $.
[5] La locataire occupe un logement de 3 ½ pièces situé au rez-de-chaussée d’un immeuble comprenant 25 logements.
[6] La locatrice est une personne morale sans but lucratif offrant en location des logements à loyer abordable.
[7] Au soutien de sa demande, la locataire allègue que le logement de la locataire est insalubre et infesté de punaises de lit.
[8] Elle soutient que la salubrité déficiente dans le logement de la locataire ainsi que son manque de collaboration ont pour effet de favoriser la propagation des punaises de lit dans l’immeuble, portant ainsi préjudice à la locatrice et aux autres locataires.
[9] La locatrice explique que la locataire ne collabore aucunement afin de préparer adéquatement son logement pour permettre que des traitements d’extermination contre les punaises de lit puissent y être effectués, ce qui compromet sérieusement ses efforts visant à éradiquer une infestation de punaises de lit qui prévaut dans l’immeuble depuis plusieurs mois.
[10] La locatrice est très inquiète de la situation. Selon elle, la locataire est en danger dans son logement, et elle met également en danger les autres locataires de l’immeuble.
[11] Le service d’inspection de l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce ainsi que l’Office Municipal d’habitation de Montréal sont impliqués dans le dossier.
[12] La firme d’extermination Astro a été mandatée par la locatrice afin d’effectuer des traitements visant à éradiquer la présence de punaises de lit dans l’immeuble.
[13] La locatrice fait témoigner à l’audience Mme Charlotte Barrette-Brisson, Chef d’équipe travaux majeurs et entretien pour l’organisme Gérer son Quartier qui assure la gestion de l’immeuble, ainsi que M. Sean D’Arcangeli qui est concierge dans l’immeuble.
[14] Ces témoins expliquent qu’il y a actuellement cinq logements dans l’immeuble qui sont infestés de punaises de lit. Il s’agit du logement de la locataire ainsi que quatre autres logements adjacents à celui de la locataire situés sur le même étage et à l’étage au-dessus.
[15] La locatrice a effectué plusieurs tentatives pour venir en aide à la locataire, mais en vain. Cette dernière ne collabore pas du tout et refuse toute l’aide qui lui est offerte par les divers intervenants sociaux.
[16] Mme Hélène Saint-Pierre, agente d’intervention pour l’Office municipal d’habitation de Montréal, raconte avoir rencontré la locataire le 5 mars 2020, en compagnie de l’inspecteur de l’arrondissement et d’un agent de liaison.
[17] Mme St-Pierre a pour mandat d’intervenir auprès des locataires dont les logements sont infestés d’insectes, mal entretenus ou encombrés afin de les aider à corriger la situation.
[18] Selon elle, le logement de la locataire était insalubre lors de sa visite des lieux. Elle n’a pu circuler à l’intérieur du logement en raison des nombreux objets et déchets empilés un peu partout dans le logement.
[19] Elle a tout de même été en mesure d’apercevoir, dans l’embrasure de la porte, l’état lamentable à l’intérieur du logement. Elle estime à environ douze heures, le nombre d’heures requis pour désencombrer et nettoyer le logement.
[20] La locataire accepte alors l’offre qui lui ait faite par Mme St-Pierre de lui fournir les services d’une firme spécialisée pour l’aider à nettoyer son logement et le préparer adéquatement pour le prochain traitement d’extermination prévu au début du mois d’avril 2020.
[21] Cette firme devait effectuer les travaux de nettoyage le 24 mars 2020, mais malheureusement, elle a dû annuler en raison de la pandémie de la COVID-19.
[22] Par la suite, Mme St-Pierre a tenté à plusieurs reprises de communiquer avec la locataire pour re-céduler les travaux de nettoyage, mais cette dernière n’a jamais retourné ses appels.
[23] M. D’Arcangeli a visité le logement à plusieurs reprises en compagnie de l’exterminateur de la firme Astro, et celui-ci confirme l’état lamentable du logement tel qu’il appert des photographies qu’il a prises de l’intérieur du logement et qui sont déposées en preuve.
[24] Il y a tellement d’objets qui jonchent le sol qu’il est très difficile de circuler à l’intérieur du logement.
[25] La locatrice a tenté à quatre reprises d’effectuer des traitements d’extermination dans le logement de la locataire, soit le 3 avril, le 14 juillet, le 28 juillet et le 25 août 2020.
[26] Lors de chacune de ces visites, il a été impossible pour l’exterminateur d’effectuer un traitement d’extermination car le logement était trop encombré et n’avait pas été préparé adéquatement.
[27] Pourtant, à chaque occasion, la locatrice avait pris soin au préalable d’aviser la locataire en lui transmettant une lettre de mise en demeure pour la prévenir de la visite de l’exterminateur et pour lui demander de préparer adéquatement son logement selon les instructions qui lui ont été communiquées.
[28] Madame Barrette-Brisson termine son témoignage en indiquant que la locatrice a fait tout ce qu’elle pouvait pour tenter de venir en aide à la locataire pour l’aider à nettoyer son logement et procéder à des traitements d’extermination contre les punaises de lit. Toutefois, elle fait face à un manque flagrant de collaboration de sa part.
[29] Elle fait valoir que de tels agissements de la part de la locataire causent un préjudice suffisamment sérieux à la locatrice et aux autres locataires de l’immeuble pour justifier la résiliation du bail et l’expulsion de la locataire.
[30] Selon elle, la locataire a besoin d’aide, et à cet effet elle indique à l’audience que la locatrice s’engage à aviser les services sociaux avant de l’expulser afin que ceux-ci puissent tenter de lui venir aide pour éviter qu’elle ne se retrouve en situation d’itinérance.
[31] Ainsi se résume l’essentiel de la preuve de la locatrice.
Droit applicable
[32] Les principales
obligations de la locataire pertinentes en l’espèce se retrouvent aux articles
1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien avec prudence et diligence.
1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.
Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail.
1911. Le locateur est tenu de délivrer le logement en bon état de propreté; le locataire est, pour sa part, tenu de maintenir le logement dans le même état.
Lorsque le locateur effectue des travaux au logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté.
1912. Donnent lieu aux mêmes recours qu’un manquement à une obligation du bail:
1°Tout manquement du locateur ou du locataire à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou à la salubrité d’un logement;
2°Tout manquement du locateur aux exigences minimales fixées par la loi, relativement à l’entretien, à l’habitabilité, à la sécurité et à la salubrité d’un immeuble comportant un logement.
[33] Le recours de la
locatrice est fondé sur l’article
1863. L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L’inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir.
Analyse et décision
[34] À la lumière de la preuve soumise par la locatrice, le Tribunal doit décider si la demande de résiliation du bail est bien fondée.
[35] Au soutien de sa demande, la locatrice invoque essentiellement deux motifs, soit l’état d’insalubrité du logement ainsi que le manque de collaboration de la locataire dans la préparation de son logement afin de permettre à locatrice d’y effectuer des traitements visant à exterminer les punaises de lit.
[36] La preuve soumise à cet égard est accablante pour la locataire.
[37] D’entrée de jeu, le Tribunal tient à souligner que tous les témoignages entendus à l’audience sont crédibles, sincères et probants.
[38] La locatrice a fait preuve de beaucoup de patience et d’empathie envers la locataire en lui donnant plusieurs chances pour lui permettre de corriger la situation, mais tous ces efforts n’ont donné aucun résultat.
[39] Les photos déposées en preuve démontrent, sans l’ombre d’un doute, que le logement est dans un état important d'encombrement et de malpropreté. On peut y apercevoir de nombreux objets, vêtements, nourriture et déchets empilés dans toutes les pièces du logement.
[40] Les nombreux amoncellements d’objets et de déchets gênent grandement la circulation à l’intérieur du logement.
[41] Au surplus, la preuve non contredite révèle la présence de punaises de lit dans le logement ainsi que l’absence totale de collaboration de la locataire qui ignore les consignes de la locatrice visant à préparer adéquatement son logement pour les traitements d’éradication des punaises de lit.
[42] Nul doute qu’en agissant de la sorte, la locataire enfreint ses obligations d’user de son logement avec prudence et diligence et de le maintenir en bon état de propreté. Au surplus, elle enfreint les exigences légales en matière d’entretien, de sécurité et de salubrité.
[43] De plus, le Tribunal
est également d’avis que la locatrice a relevé son fardeau de prouver, de façon
prépondérante, que les agissements de la locataire causent un préjudice sérieux
à elle-même ainsi qu’aux autres locataires de l’immeuble, ce qui lui permet de
demander la résiliation du bail en vertu de l’article
[44] Les agissements de la locataire font notamment obstacles aux efforts de la locatrice visant à assurer la pleine jouissance des lieux loués aux locataires de l’immeuble, l’empêchant ainsi de s'acquitter de ses propres obligations reliées à la conservation de l'immeuble et à son bon état d'habitabilité.
[45] Il apparait urgent que la locatrice puisse effectuer des traitements dans le logement de la locataire pour y éradiquer les punaises de lit afin de freiner la propagation des punaises de lit dans les logements voisins.
[46] De plus, en agissant de manière à favoriser la propagation des punaises de lit dans l’immeuble, la locataire cause également un préjudice sérieux aux autres locataires de l’immeuble qui doivent faire face à une infestation de punaises de lit dans leur propre logement. Leur jouissance paisible des lieux loués s’en trouve d’autant affectée.
[47] À la lumière de qui précède et après analyse de l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que la résiliation du bail est tout à fait justifiée en l’espèce. Le Tribunal donne donc droit à la demande de la locatrice de résilier le bail et expulser la locataire.
[48] Par ailleurs, le
Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu, en l’espèce, d’exercer son pouvoir
discrétionnaire afin d'émettre une ordonnance pour surseoir à la résiliation du
bail comme le permet l'article
[49] Il apparait évident que la locataire a besoin d’aide et à cet effet, le Tribunal espère que la locataire acceptera l'aide et le support qui sont offerts par les divers services publics, sociaux ou communautaires, tel que l’Office municipal d’habitation de Montréal ou le Centre local de services communautaires (CLSC).
[50] Considérant la preuve soumise, le Tribunal ordonne l’exécution provisoire de la décision, nonobstant l’appel, en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement et ce, à compter du 10e jour suivant la date de signature de la présente décision, le tout afin de permettre dans l’intervalle aux services publics, sociaux ou communautaires d’intervenir auprès d’elle, le cas échéant.
[51] Puisque le Tribunal accueille la demande, les frais applicables sont adjugés contre la locataire en vertu de l’article 79.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[52] RÉSILIE le bail et ordonne l’expulsion de locataire et de tous les occupants du logement;
[53] ORDONNE l’exécution provisoire, nonobstant l’appel, de l’ordonnance d’expulsion à compter du 10e jour suivant la date de signature de la décision;
[54] CONDAMNE la locataire à payer à la locatrice les frais au montant de 101 $.
|
|
|
|
|
Alexandre Henri |
||
|
|||
Présence(s) : |
la mandataire de la locatrice |
||
Date de l’audience : |
15 septembre 2020 |
||
|
|||
|
|||
[1] La Loi sur la Régie du logement (RLRQ, c. R-8.1) a été modifiée par le Projet de loi No 16 (2019, chapitre 28) à compter du 31 août 2020, et elle s’intitule dorénavant Loi sur le Tribunal administratif du logement.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.