Décision

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Jubinville c. Balthazard

2024 QCTAL 2969

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

740221 31 20231019 G

No demande :

4079497

 

 

Date :

26 janvier 2024

Devant la juge administrative :

Stella Croteau

 

Maxime Jubinville

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Michel Balthazard

 

Suzie Lamarche

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le 19 octobre 2023, le locateur demande au Tribunal l’autorisation de reprendre le logement, pour sa mère Marie-France Mathieu, à compter du 1er juillet 2024.

[2]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, au loyer de 1 004 $.

[3]         La bénéficiaire n’est pas présente à l’audience. Le Tribunal avise le locateur qu’il est préférable que celle-ci soit présente pour avoir une preuve complète. Le locateur est avisé de l’option de la visio, s’il y a un souci de santé pour sa mère. L’audience pourrait être remise afin de procéder un autre jour en présence de la bénéficiaire. Le locateur affirme qu’il a toute sa preuve et qu’il veut procéder malgré l’absence de sa mère.

[4]         Le contenu de l'avis de reprise transmis aux locataires, ainsi que les délais légaux pour l'avis et la production du présent recours ne sont pas contestés.

QUESTIONS EN LITIGE

[5]         Le locateur a-t-il démontré qu'il a réellement l'intention de reprendre le logement concerné pour y loger sa mère et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre une autre fin?

[6]         Dans l'affirmative, quelle est l’indemnité raisonnable pour le déménagement?

CONTEXTE FACTUEL

[7]         Le Tribunal retient ce qui suit des témoignages.

[8]         Le locateur est l’unique propriétaire de l’immeuble depuis 2014.


[9]         Il s’agit d’un triplex, qui contient deux (2) logements 5 ½ et un logement 4 ½. Aucun logement n’est vacant et aucun ne sera libre sous peu.

[10]     Le locateur est également propriétaire d’un autre triplex qui contient un 2 ½, un 5 ½ et un 6 ½. Aucun n’est libre et aucun ne sera libéré sous peu.

[11]     Le locateur veut reprendre le logement pour sa mère, qui s’est séparée il y a 6 mois. Elle ne va pas très bien et il a de l’empathie pour elle. Il désire l’aider.

[12]     Il souhaite reprendre le logement des locataires car il est situé au rez-de-chaussée, donc peu de marches et a un accès exclusif à la cour. Sa mère a visité le logement il y a environ 9 ans.

[13]     Sa mère ne travaille pas. Elle habite présentement dans sa maison à Repentigny. Elle va éventuellement la vendre.

[14]     Le projet a débuté après sa séparation.

[15]     Toutes les parties confirment que la relation était bonne avant l’annonce de la reprise.

[16]     La locataire mentionne qu’elle a avisé le locateur en février 2023 que son fils et sa conjointe vont habiter avec eux. Le locateur lui dira que le loyer sera plus cher si son fils y habite.

[17]     Elle ne croit pas que la mère du locateur va y habiter car il s’agit d’un 5 ½ et elle est seule. De plus, elle a des problèmes de santé.

ANALYSE ET DÉCISION

[18]     Le Tribunal a pris note de l'ensemble des témoignages et de la preuve administrée devant lui, mais il ne sera fait mention dans la présente décision que des éléments pertinents retenus pour fonder celle-ci.

[19]     La reprise d'un logement est une exception au principe du maintien du locataire dans les lieux loués (article 1936 C.c.Q.)

[20]     La demande du locateur se fonde sur les articles 1957 C.c.Q. et suivants :

« 1957. Le locateur d'un logement, s'il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l'habiter luimême ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien.

Il peut aussi le reprendre pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l'union civile. »

[21]     Aux termes de l'article 1963 C.c.Q., c'est au locateur qu'il appartient de démontrer, par prépondérance de preuve, qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l'avis de reprise. Il doit établir que la demande de reprise n'est pas un prétexte pour atteindre d'autres fins[1].

[22]     Le Tribunal doit être convaincu par la prépondérance de la preuve soumise des intentions réelles du locateur. En cas d'insuffisance de la preuve à cet égard, la demande de reprise du logement sera rejetée.

[23]     En l'espèce, la bénéficiaire de la reprise n'a pas témoigné. Or, il ressort de la jurisprudence que l'absence du bénéficiaire de la reprise à l'audience entraîne une insuffisance quasi totale de la preuve présentée par un locateur.

[24]     Son absence fait en sorte que le Tribunal ne peut évaluer sa réelle intention d'habiter le logement concerné.

[25]     Il est pertinent de citer les propos de la juge administrative Anne Mailfait sur la conséquence juridique de l'absence du bénéficiaire à l'audience dans la décision Si c. Essiambre[2] :

« Finalement, le Tribunal est d'avis que l'absence du bénéficiaire lors de l'audience constitue un obstacle rédhibitoire, non seulement en raison de la faiblesse de la preuve en demande, mais aussi parce que le critère de l'article1963 C.c.Q fait appel à une analyse délicate des intentions et motivations propres au bénéficiaire, analyse ne pouvant être efficacement menée que par le témoignage direct et présent de celui-ci. »


[26]     Cette omission bénéficie aux locataires.

[27]     En tenant compte du libellé de la loi, de la jurisprudence pertinente et de la preuve telle que présentée, le Tribunal n’a d’autre choix que de conclure qu’en l’instance, la reprise du logement ne peut être autorisée.

[28]     Par conséquent, il est inutile de se prononcer sur les conditions de la reprise du logement.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[29]     REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Stella Croteau

 

Présence(s) :

le locateur

les locataires

Date de l’audience : 

8 décembre 2023

 

 

 


 


[2] 2021 QCTAL 4835.

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