Décision

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Gabarit EDJ

St-Pierre c. Éditions Hurtubise inc.

2020 QCTDP 13

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

 

 

N° :

500-53-000527-190

 

 

 

DATE :

11 juin 2020

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MAGALI LEWIS

AVEC L’ASSISTANCE DES ASSESSEURES :

 

Me Marie-Josée Paiement

Me Myriam Paris-Boukdjadja

______________________________________________________________________

 

 

JESSICA ST-PIERRE

Partie demanderesse

c.

ÉDITIONS HURTUBISE INC.

et

ALEXANDRINE FOULON

et

ARNAUD FOULON

Parties défenderesses

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]          Agissant en vertu de l’article 84 de la Charte des droits et libertés de la personne[1] (la Charte), Jessica St-Pierre poursuit les Défendeurs, les Éditions Hurtubise inc. (Éditions Hurtubise), et ses propriétaires, Alexandrine et Arnaud Foulon, à qui elle reproche d’avoir, du fait de sa grossesse, mis fin au processus de son embauche au poste de responsable des ventes de titres à l’étranger, en contravention des articles 4, 10 et 16 de la Charte.

[2]          Mme St-Pierre soutient qu’en lui retirant le poste qu’elle avait accepté, les Défendeurs ont porté atteinte à son droit d’être traitée en toute égalité en emploi ainsi qu’à la sauvegarde de sa dignité.

[3]          Tenant compte de l’admission formulée à l’issue de l’instruction quant au montant de la perte salariale, Mme St-Pierre réclame 29 250 $ aux Défendeurs, d’abord solidairement 11 250 $ à titre de perte de salaire (10 800 $) et d’avantages (450 $) et 12 000 $ à titre de dommages moraux, puis 2 000 $ à chacun des défendeurs à titre de dommages punitifs, pour un total de 6 000 $ à ce titre.

[4]          Mme St-Pierre demande aussi une indemnité à titre de remplacement de salaire pour les heures supplémentaires qu’elle aurait travaillées, n’eût été la décision d’Éditions Hurtubise de mettre fin au processus de son embauche, montant qu’elle laisse au Tribunal le soin de déterminer.

[5]          Au soutien de leur contestation de la réclamation, les Défendeurs nient avoir fait preuve de discrimination dans leur décision de mettre fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre. Ils soutiennent que l’offre d’emploi qu’ils lui ont faite était à durée déterminée, et expliquent qu’ils la lui ont retirée parce que, du fait de sa grossesse, elle ne répondait pas à l’exigence essentielle du poste puisqu’elle ne pourrait pas participer au plus gros événement annuel de ventes de titres à l’étranger de l’entreprise, à savoir la foire de Francfort d’octobre 2015.

I.          LES QUESTIONS EN LITIGE

[6]          Pour décider de cette affaire, le Tribunal répondra aux questions suivantes :

a)     Éditions Hurtubise a-t-elle offert à Mme St-Pierre le poste de responsable des ventes à l’étranger pour une durée indéterminée ?

b)     Éditions Hurtubise a-t-elle mis fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre en raison d’un motif interdit par la Charte, à savoir le fait qu’elle ne serait pas disponible pour voyager en octobre 2015 parce qu’elle serait en congé de maternité ?

c)      Éditions Hurtubise a-t-elle établi que sa décision de mettre fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre était justifiée du fait que les mesures d’accommodements envisagées en lien avec sa grossesse constituaient une contrainte excessive ?

d)     Alexandrine et Arnaud Foulon ont-ils commis une faute extracontractuelle à l’égard de Mme St-Pierre justifiant qu’ils soient condamnés solidairement avec Éditions Hurtubise à l’indemniser ?

e)     Mme St-Pierre a-t-elle droit aux montants qu’elle réclame à titre d’indemnités pour dommages matériels, moraux et punitifs ?

II.         LE CONTEXTE

[7]          Éditions Hurtubise est une entreprise d’édition familiale, ayant à sa tête Alexandrine et Arnaud Foulon, qui sont frères et sœurs, coprésidents et responsables du processus d’embauche.

[8]          Alexandrine Foulon supervise la production. Elle s’acquitte de diverses tâches, dont la vente de droits à l’étranger, activités dont elle est la seule à connaître les rouages dans l’entreprise. Arnaud Foulon est vice-président, édition et opérations.

[9]          Au moment des événements à l’origine du recours, Mme St-Pierre occupe le poste à durée déterminée d’attachée de presse pour Éditions Hurtubise, en remplacement d’un congé de maternité. Son contrat vient à terme le 13 mars 2015[2].

[10]       Alexandrine Foulon apprend qu’elle-même est enceinte au cours de l’automne 2014 et prévoit partir en congé de maternité en juillet 2015. La réflexion au sujet de l’organisation de son remplacement pendant son congé se conclut par la décision de répartir certaines de ses tâches entre quelques employés et, comme les tâches associées à la vente de droits à l’étranger occupent un cinquième de son temps, de créer le poste à temps partiel de responsable des ventes pour ce secteur d’activité de l’entreprise.

[11]       Du fait qu’Éditions Hurtubise est une petite entreprise, la création de postes est un événement exceptionnel. Lorsqu’un poste est à pourvoir, les propriétaires tentent de recruter parmi leurs employés, celui dont ils évaluent qu’il a les aptitudes nécessaires pour s’acquitter adéquatement des tâches.

[12]       Satisfaite du travail de Mme St-Pierre, Alexandrine Foulon évalue que la création du poste de responsable des ventes de droits à l’étranger est une occasion de la garder dans l’entreprise à l’issue de son contrat, même si elle n’a aucune expérience dans le domaine.

[13]       C’est ainsi qu’en décembre 2014, lorsqu’elle procède à l’évaluation du rendement de Mme St-Pierre, Mme Foulon lui demande si elle souhaite rester dans l’entreprise à l’issue de son contrat de remplacement. Devant la réponse affirmative de son employée, elle lui dit qu’elle lui reviendra avec une proposition dans quelques semaines.

[14]       Mme Foulon convie donc Mme St-Pierre à son bureau le 6 février 2015 pour lui demander si le poste de responsable des ventes de droits à l’étranger l’intéresse. Elle lui décrit les tâches du poste et lui précise qu’il implique plusieurs voyages au cours d’une année. Elle lui mentionne particulièrement la foire annuelle du livre de Francfort qui a lieu en octobre, à laquelle Éditions Hurtubise envoie des représentants depuis 70 ans, dont le responsable des ventes de droits à l’étranger. L’entreprise réalise 50 % de ses revenus annuels de ventes dans ce secteur d’activité à l’occasion de cette foire, dont la préparation demande un temps considérable et où l’horaire de travail est chargé.

[15]       Mme St-Pierre est très enthousiaste. Le poste est un emploi de rêve pour elle parce qu’elle aime voyager. Elle évalue aussi que l’apprentissage des nouvelles tâches représente un défi intéressant à relever et une évolution de carrière. Elle confirme donc son intérêt à Mme Foulon.

[16]       Elle est enceinte, consciente qu’elle partira en congé de maternité peu de temps après Mme Foulon et donc ne sera pas à la foire de Francfort, mais ne dit rien à ce stade-ci.

[17]       Après leur rencontre, Mme Foulon adresse un courriel à Mme St-Pierre, pour lui confirmer qu’elle lui soumettra « une proposition d’emploi ». Elle écrit :

Je te prépare une proposition d’emploi tel que discuté tout à l’heure, pour lundi. On s’en reparle à ce moment. Je pense que tu as le bon profil pour ce genre d’emploi et que tu vas bien défendre les titres […]

Arnaud aimerait te rencontrer quelques minutes lundi pour discuter avec toi du poste. Ne t’inquiète pas rien d’officiel.[3]

[18]       Mme et M. Foulon rencontrent Mme St-Pierre chacun à deux reprises après l’entretien du 6 février 2015, pour lui expliquer les fonctions et les exigences du poste. Ils lui réitèrent qu’elle représentera l’entreprise à différents événements au Canada et à l’étranger. Ils évaluent son niveau d’anglais, qu’ils estiment satisfaisant au regard des besoins du poste qu’il souhaite lui offrir. Le fondateur de l’entreprise, Hervé Foulon, rencontre aussi Mme St-Pierre pour évaluer la qualité de sa candidature et discuter du poste à pourvoir.

[19]       Le 9 février 2015, Mme Foulon présente à Mme St-Pierre un document intitulé « Contrat de travail » relatif au poste de « Responsable des droits étrangers pour les maisons du Groupe HMH », dont le titre précise : « Durée indéterminée à raison de 3 jours/semaine »[4].

[20]       Les tâches du poste offert à Mme St-Pierre se résument comme suit :

-     Vendre des droits hors Québec pour les ouvrages publiés, c’est-à-dire vendre des droits en d’autres langues sous forme de livres papier ou numériques, en langue française sur d’autres territoires, et vendre des droits cinématographiques ou télévisuels ;

-     Représenter les maisons d’édition du groupe lors des foires internationales et salons du livre à l’étranger (Paris, Londres, Bologne, New York, Toronto, Francfort et autres) ;

-     Maintenir à jour et accroître régulièrement le réseau des contacts étrangers du groupe, et s’inscrire à des programmes de « fellowship » à travers le monde à cette fin ;

-     Créer les catalogues de droits, lettres ou blogues relatifs aux succès des ventes et aux prix littéraires pour stimuler les ventes ;

-     Créer un catalogue pour le cinéma et la télévision ;

-     Lire les livres, tenir des rencontres préparatoires avec les éditeurs, organiser l’horaire des rencontres durant les foires pour les préparer et faire un suivi après chaque foire ;

-     Négocier toutes les ententes, faire approuver les contrats par l’employeur, tenir chaque auteur informé des démarches qui le concernent, et faire le suivi des paiements reçus.

[21]       Le salaire du poste est fixé au pro rata d’un salaire annuel de 39 000 $ pour un poste à temps plein, soit 23 400 $ ou une rémunération horaire de 21,50 $. Il est aussi prévu que si l’employée travaille plus de 21 h par semaine lors de déplacements, pour la préparation et le suivi des foires, les heures supplémentaires sont comptabilisées et payées ou prises en journées de congé.

[22]       Le document suggère également à l’employée, dans l’éventualité où elle souhaite mettre fin au contrat, de donner un préavis d’un mois.

[23]       Mme Foulon affirme, malgré le titre du document, que la durée du contrat n’a pas été discutée avec Mme St-Pierre. Selon elle, le document n’était qu’une ébauche et malgré la mention « durée indéterminée » qui y figure, la durée du contrat n’était pas arrêtée. Elle soutient aussi, tentant d’ajouter au texte du contrat, qu’Éditions Hurtubise voulait offrir un poste à durée déterminée à Mme St-Pierre, soit pour la durée de son propre congé de maternité.

[24]       Puisque Mme St-Pierre est d’accord avec les termes du contrat, elle veut le signer sur-le-champ. Mme Foulon lui mentionne toutefois que le contrat doit être revu par le service de comptabilité et, devant l’insistance de Mme St-Pierre, lui fait remarquer qu’aucune ligne n’est prévue à cet effet.

[25]       Selon Mme St-Pierre, il est convenu à l’occasion de cette rencontre qu’elle commence ses nouvelles fonctions au terme de son contrat d’attachée de presse, soit après le 13 mars 2015. Avant de mettre fin à la rencontre, Mme Foulon lui demande de s’assurer d’avoir un passeport valide pour son premier voyage de formation prévu en mars 2015.

[26]       Avant de quitter le bureau — par souci de transparence, dit-elle —, Mme St-Pierre avise Mme Foulon qu’elle est enceinte depuis la fin décembre 2014. Après l’avoir félicitée, Mme Foulon lui indique qu’elle discutera de la situation avec M. Foulon.

[27]       Mme St-Pierre conclut de l’entretien que le poste lui a été attribué. Elle est heureuse et souligne l’événement le soir même avec son conjoint.

[28]       Le 10 février 2015, le lendemain, Mme Foulon informe Mme St-Pierre « qu’ils n’iront pas plus loin parce qu’elle n’est pas disponible pour voyager » à l’automne 2015 pour représenter la maison d’édition à la foire de Francfort. Éditions Hurtubise met ainsi fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre, soutenant qu’elle ne rencontre pas l’une des exigences essentielles du poste.

[29]       Le 11 février 2015, Mme St-Pierre requiert et obtient une rencontre avec M. et Mme Foulon, pour discuter de solutions qui lui éviteraient de perdre l’opportunité qui lui a été offerte.

[30]       Selon les Défendeurs, Mme St-Pierre suggère que la maison d’édition engage et forme une autre personne en même temps qu’elle, de façon à ce qu’elle soit prête pour représenter la maison d’édition à la foire de Francfort.

[31]       Éditions Hurtubise estime que cette option n’est pas envisageable puisqu’elle implique de payer deux salaires pour un seul poste entre mars et juillet 2015, alors que les services de la deuxième personne ne seraient pas requis durant cette période.

[32]       Mme St-Pierre indique à ses patrons qu’elle considère que le retrait de l’offre d’emploi constitue de la discrimination. M. Foulon est surpris, voire vexé par ces propos qui ne reflètent pas la philosophie de l’entreprise dont la majorité des employés sont des femmes, et dans laquelle toutes celles qui ont pris un congé de maternité ont récupéré leur poste lorsqu’elles ont choisi de revenir travailler.

[33]       Selon Mme St-Pierre, elle suggère aussi d’écourter la durée de son congé de maternité pour revenir en janvier 2016, et que son conjoint l’accompagne à Francfort avec son bébé d’un mois pour lui permettre de participer à la foire d’octobre 2015.

[34]       M. Foulon affirme que Mme St-Pierre ne lui a jamais fait ces offres, qu’il entend pour la première fois à l’audience. Il est visiblement choqué par les propos de Mme St-Pierre.

[35]       Il explique que la participation à la foire de Francfort demande une préparation d’environ 3 mois pour réviser le carnet d’adresses, préparer le catalogue, réviser et rédiger les contrats. Selon M. Foulon, il ne fait aucun sens qu’une personne qui ne participera pas à l’événement le prépare. En d’autres termes, même si Mme St-Pierre travaille pour Éditions Hurtubise entre le 15 mars et la fin août 2015 (soit entre le début du contrat et le début de son congé de maternité), elle ne préparera pas la foire de Francfort entre la mi-juillet et la mi-octobre 2015.

[36]       Si Mme St-Pierre est engagée, la question est donc de savoir quand sa remplaçante doit être engagée et qui assumera sa formation pour la préparation de la foire de Francfort.

[37]       Quant à la proposition de Mme St-Pierre d’écourter son congé de maternité pour revenir en janvier 2016, puisqu’elle n’offre pas de solution à sa non-disponibilité pour participer à la foire de Francfort, elle implique pour la maison d’édition de former une personne pendant 3 mois (une dépense d’environ 6 000 $), à la seule fin qu’elle participe à la foire pendant 4 ou 5 jours.

[38]       En filigrane des explications de M. Foulon quant au fait que le responsable des ventes de droits à l’étranger a de 40 à 45 rendez-vous par jour durant la foire de Francfort, se pose la question de la viabilité de la suggestion que Mme St-Pierre fait à l’audience de se rendre à Francfort avec son conjoint et son nouveau-né.

[39]       Le 13 février 2015, M. Foulon rencontre Mme St-Pierre une dernière fois au sujet du retrait de l’offre d’emploi. Il l’informe que l’entreprise ne change pas de position quant au fait qu’elle n’est pas une bonne candidate pour le poste. À l’issue de la rencontre, il doit lui demander de faire attention à ce qu’elle dit lorsqu’elle monte le ton.

[40]       Éditions Hurtubise précise qu’elle aurait offert un autre poste à Mme St-Pierre si un autre poste avait été à pourvoir.

[41]       Mme Foulon explique que puisqu’elle assumait seule la responsabilité des ventes de droits à l’étranger, elle seule pouvait former le candidat qui occuperait le poste créé pour pallier son absence pour cause de maternité, formation qui devait être terminée avant le début de son congé prévu pour juillet 2015. Elle avait évalué qu’elle aurait besoin de 3 mois pour ce faire parce que le poste était offert à raison de 3 jours par semaine. Elle ne précise pas si la formation de Sandra Felteau, qui a occupé le poste à partir du mois de mai 2015, a effectivement duré 3 mois.

[42]       Mme St-Pierre dépose une plainte auprès de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (la Commission) le 23 mars 2016[5].

[43]       Le 15 mai 2019, la Commission conclut de son enquête que la décision d’Éditions Hurtubise de ne pas embaucher Mme St-Pierre au poste de responsable des ventes de droits à l’étranger constituait de la discrimination fondée sur la grossesse[6], l’entreprise ayant mis fin à son processus d‘embauche parce qu’elle serait non disponible pour voyager au cours de l’année 2015 en raison de son congé de maternité.

[44]       La Commission a également conclu qu’Éditions Hurtubise n’a pas démontré en quoi il aurait été impossible d’accommoder Mme St-Pierre sans subir une contrainte excessive, argument que Mme St-Pierre reprend lorsqu’elle invite le Tribunal à accueillir son recours.

[45]       M. Foulon confirme, en réponse à l’argument de Mme St-Pierre que Sandra Felteau qui a été engagée en mai 2015 pour pourvoir au poste de responsable de la vente des droits à l’étranger ne s’est pas rendue seule à Francfort en octobre 2015, et que, comme chaque année, un autre collègue et lui s’y sont aussi rendus. Il précise toutefois que son collègue et lui représentaient l’entreprise dans d’autres secteurs d’activités, avaient un horaire chargé, n’ont aucunement participé à la vente des droits à l’étranger, et que la responsable des ventes de ces droits a assumé seule les responsabilités liées à son poste à la foire de Francfort.

[46]       Au soutien de sa réclamation, Mme St-Pierre explique qu’elle n’a pas trouvé d’emploi après la fin de son contrat d’attachée de presse chez Éditions Hurtubise avant le début de son congé de maternité, soit entre le 13 mars et le 28 août 2015.

[47]       Elle trouve un emploi à temps plein de responsable des communications à compter de mai 2016, un poste similaire à celui qu’elle a occupé temporairement chez Éditions Hurtubise, pour un salaire annuel de 32 000 $, donc un taux horaire inférieur à celui qu’Éditions Hurtubise lui avait offert.

[48]       Pour établir sa réclamation, Mme St-Pierre utilise comme base le salaire annuel de 39 000 $ qu’elle aurait gagné chez Éditions Hurtubise si elle avait travaillé à temps plein au poste de responsable des ventes de droits à l’étranger. Elle n’est pas en mesure d’expliquer pourquoi elle utilise ce chiffre comme référence alors qu’elle aurait travaillé à temps partiel pour un salaire de 23 400 $ (450 $ par semaine) pour la maison d’édition, autre que de dire que la situation aurait pu être revue au retour du congé de maternité de Mme Foulon, et que la possibilité existait qu’elle travaille plus de 3 jours par semaine, si elle l’avait accepté.

[49]       De même, alors qu’elle ne connait rien des tâches du poste qui lui a été offert, elle n’offre aucune explication au soutien de son affirmation qu’elle aurait pu travailler plus que 3 jours par semaine.

[50]       Au début de l’instruction de l’affaire, Mme St-Pierre demande la permission de réduire le montant de l’indemnité qu’elle réclame à titre de remplacement de salaire de 14 320 $ à 13 640 $.

[51]       Durant les plaidoiries toutefois, les parties s’entendent sur les montants de 10 800 $ de perte de salaire (soit 24 semaines entre le 16 mars et le 28 août 2015 au salaire hebdomadaire de 450 $) et de 450 $ de perte d’avantages, pour un total de 11 250 $ à titre de dommages matériels. Elles indiquent que c’est ce montant qui devrait être accordé à Mme St-Pierre si le Tribunal conclut qu’elle a subi de la discrimination en emploi interdite par la Charte.

[52]       Mme St-Pierre demande aussi au Tribunal de lui accorder un montant à titre de compensation pour les heures supplémentaires qui lui auraient été payées si Éditions Hurtubise ne lui avait pas retiré le poste de responsable des ventes de droits à l’étranger, mais laisse au Tribunal le soin d’en établir la valeur. Elle ne suggère pas un nombre d’heures supplémentaires qu’elle aurait pu travailler entre mars et août 2015 (avant son congé de maternité), et ne suggère pas non plus un pourcentage d’heures supplémentaires qui lui aurait été « payées » en salaire plutôt qu’en journée de congé, comme le prévoyait le contrat qui lui a été soumis.

[53]       Mme St-Pierre est très émotive lorsqu’elle témoigne sur les conséquences pour elle d’avoir perdu le poste de responsable des ventes de droits à l’étranger chez Éditions Hurtubise.

[54]       Elle considère avoir perdu un emploi de rêve qui, puisqu’il lui demandait de travailler 3 jours par semaine, était parfait pour la conciliation travail-famille. Elle considère aussi avoir perdu une famille et des amis parmi les employés qu’elle a connus chez Éditions Hurtubise. Elle s’est sentie trahie par les Foulon et affirme que l’ampleur de sa déception a « gâché sa grossesse » parce qu’elle « voyait juste l’opportunité perdue ».

III.        LE DROIT APPLICABLE

[55]    Les dispositions de la Charte pertinentes pour décider du recours de Mme St-Pierre sont celles qui suivent :

4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité […].

10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur […] la grossesse […].

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

16. Nul ne peut exercer de discrimination dans l’embauche, […], la promotion, […] ou les conditions de travail d’une personne […].

49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.

En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.

[56]        Quelle que soit la forme que prend la discrimination, une analyse en deux volets s’impose[7].

[57]    La personne qui institue le recours doit tout d’abord établir par preuve prépondérante qu’elle a été victime d’une distinction, d’une exclusion ou d’une préférence ; fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa de l’article 10 ; qui a eu pour effet de détruire ou de compromettre son droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne[8].

[58]       L’article 10 de la Charte interdit de traiter une personne différemment en lien avec le motif de la « grossesse ». En matière d’emploi, l’article 16 de la Charte établit que l’interdiction de discriminer doit être respectée tant au moment de l’embauche que pendant toute la durée du lien d’emploi[9].

[59]       Pour donner plein effet à la protection contre la discrimination au motif de la « grossesse », ce terme doit comprendre, non seulement le fait d’être enceinte, mais aussi les absences liées au suivi prénatal et à l’accouchement.

[60]       Sans être une maladie ou un accident, la grossesse est un motif de « santé » valable pour s’absenter du travail. La procréation est un des besoins fondamentaux de l’être humain et nécessaire à la survie d’une société[10]. Toutefois, seules les femmes doivent obligatoirement s’absenter pour les suivis pré et postnatal, pour accoucher, se remettre de l’accouchement, et pour allaiter si elles choisissent de le faire. Il n’y a cependant pas lieu qu’elles supportent seules les conséquences de cet état sur leur emploi et leur carrière.

[61]       En dehors de leur état de grossesse, les femmes enceintes sont disponibles pour travailler. Une règle qui les prive du droit à l’embauche du seul fait qu’elles sont enceintes et devront prendre un congé de maternité, alors qu’autrement elles seraient embauchées parce qu’elles ont les qualifications requises pour un poste donné, viole leur droit à la pleine égalité en emploi[11].

[62]       Lorsqu’il est établi que la « grossesse » est à l’origine d’un refus d’embauche, au stade du deuxième volet de l’analyse, le Tribunal doit évaluer si l’employeur a démontré que l’exécution personnelle et sans interruption d’une partie du contrat qui a été refusé à une candidate enceinte est une exigence rationnelle qui ne peut faire l’objet d’un accommodement sans contrainte excessive[12].

[63]    Si l’employeur démontre qu’il a tenté de trouver un accommodement raisonnable avant de mettre fin au processus d’embauche d’une candidate pour un motif interdit par la Charte — la grossesse en l’occurrence —, le refus d’embauche est réputé non discriminatoire[13].

[64]       Pour se décharger de son fardeau dans un contexte d’embauche, l’employeur doit établir qu’il a identifié des accommodements possibles avant de mettre fin au processus, et expliquer pourquoi chacun d’eux constituait une contrainte excessive qui ne lui donnait d’autre choix que de ne pas retenir la candidature.

[65]       A priori, un employeur qui fournit des congés de maternité rémunérés à ses employées peut en faire de même avec les employées nouvellement engagées, sans que cela constitue une contrainte excessive[14].

[66]       La situation pourrait être différente lorsqu’un poste est à pourvoir pour une courte durée et que l’absence planifiée liée à la grossesse doit couvrir une partie importante de sa durée, suivant la taille de l’entreprise, ses revenus, la période de formation de la candidate sélectionnée et celle de la personne qui la remplacerait durant son congé de maternité, éléments qu’il appartient à l’employeur de mettre en preuve[15].

[67]       Dans ce contexte, la question de savoir si le contrat offert à Mme St-Pierre était à durée déterminée ou non est importante.

a)    Éditions Hurtubise a-t-elle offert à Mme St-Pierre le poste de responsable des ventes à l’étranger pour une durée indéterminée ?

[68]       Le Tribunal répond par l’affirmative à cette question.

[69]       Le contrat d’emploi n’a pas à être écrit pour être valablement formé. Or, lorsque la loi ne commande pas une forme particulière pour un contrat donné, qu’une offre de contracter qui comporte tous les éléments essentiels du contrat envisagé est faite par un offrant qui a l’intention d’être lié par l’acceptation[16], le contrat se forme par le seul échange de consentement[17], au moment où l’offrant reçoit l’acceptation[18].

[70]       Éditions Hurtubise ne conteste pas avoir offert le poste de responsable des ventes de droits à l’étranger à Mme St-Pierre :

Ø  Les dirigeants de la maison d’édition, incluant son fondateur, l’ont identifiée comme une bonne candidate et lui ont offert le poste avant de chercher un candidat à l’externe ;

Ø  Ils n’ont considéré aucun autre candidat avant de lui soumettre les termes du contrat envisagé par écrit ;

Ø  À l’issue de chacune des rencontres qui ont eu lieu entre le 6 et le 11 février 2015, les dirigeants l’ont invitée à s’assurer d’avoir un passeport valide parce que son premier voyage de formation était prévu pour le mois de mars 2015 ;

Ø  Bien que Mme Foulon ait indiqué que le service de comptabilité devait vérifier le contrat, elle a aussi admis que ce service n’était pas impliqué dans la définition des tâches du poste, qu’elle seule connaissait, et n’avait pas d’opinion à donner sur le choix de la candidate.

[71]       Le document que Mme Foulon présente à Mme St-Pierre établit en détail les conditions du poste, dont le fait qu’il s’agit d’un poste à temps partiel, et prévoit la possibilité de compenser en temps plutôt qu’en salaire les heures supplémentaires qui pourraient être travaillées dans une semaine donnée en fonction de besoins ponctuels.

[72]       Dans son courriel du 6 février 2015 à Mme St-Pierre, Mme Foulon indique qu’elle lui fera une proposition d’emploi et c’est ce qu’elle fait avec le projet de contrat qu’elle lui présente le 9 février[19].

[73]       Mme St-Pierre accepte tous les termes du contrat qu’Éditions Hurtubise lui soumet, lesquels sont on ne peut plus clairs quant au fait que le poste lui est offert pour une durée indéterminée. Le document ne comporte aucune rature ou inscription manuscrite pour indiquer que ses termes ont été modifiés lorsque Mme Foulon l’a présenté à Mme St-Pierre. Or, si effectivement le qualificatif « indéterminé » qui apparaît dans le titre du document avait été le fruit d’une erreur, Mme Foulon l’aurait corrigé.

[74]       Le document qui a été présenté à Mme St-Pierre a été rédigé spécifiquement pour elle en lien avec la création du poste qui lui a été offert. Puisqu’elle travaillait déjà pour l’entreprise pour une durée déterminée, à savoir le remplacement de l’attachée de presse pendant son congé de maternité, si le nouveau poste était créé pour une durée déterminée seulement, à savoir le congé de maternité de Mme Foulon, celle-ci l’aurait précisé par écrit et verbalement, et les parties ou l’une d’elles s’en seraient souvenues.

[75]       Milite enfin en faveur de la conclusion que le poste a été offert à Mme St-Pierre pour une durée indéterminée, le fait que le poste offert le 16 avril 2015 à Mme Felteau pour une durée déterminée débutant le 4 mai 2015[20] a rapidement été transformé en un poste à durée indéterminée en décembre de la même année[21].

b)   Éditions Hurtubise a-t-elle mis fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre en raison d’un motif interdit par la Charte, à savoir le fait qu’elle ne serait pas disponible pour voyager en octobre 2015 parce qu’elle serait en congé de maternité ?

[76]       Éditions Hurtubise ne conteste pas qu’elle a mis fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre au poste de responsable des ventes de droits à l’étranger parce qu’elle était enceinte. Elle justifie sa décision par le fait que Mme St-Pierre ne pourrait pas préparer ni participer à la foire de Francfort d’octobre 2015 étant donné son absence planifiée à partir d’août 2015 pour accoucher, alors que cet événement annuel est très important pour l’entreprise.

[77]       La maison d’édition invoque donc la défense de « non-disponibilité » de Mme St-Pierre liée à sa grossesse.

[78]       Comme nous l’avons vu précédemment, l’exigence de disponibilité affecte nécessairement une femme enceinte puisqu’elle doit s’absenter pour donner naissance[22]. Or, le législateur a ajouté la « grossesse » aux motifs interdits de discrimination pour faire en sorte que les femmes ne perdent plus ou ne se voient plus refuser un emploi du fait qu’elles doivent s’absenter du travail pour accoucher.

[79]       Ainsi, lorsque la « non-disponibilité » d’une employée est liée au fait qu’elle est enceinte, le refus de lui accorder un poste ou une promotion est directement lié à sa grossesse[23], et donc interdit par la Charte.

[80]       Le Tribunal conclut que le refus d’Éditions Hurtubise de finaliser le processus d’embauche de Mme St-Pierre était contraire à l’interdiction prévue aux articles 10 et 16 de la Charte de discriminer une personne en emploi à cause de sa « grossesse ».

[81]       Pour être exonérée d’avoir à indemniser Mme St-Pierre, Éditions Hurtubise doit établir que les accommodements qu’elle a envisagés avant de mettre fin au processus de son embauche présentaient tous une contrainte excessive qui la justifiait d’agir comme elle l’a fait[24].

c)    Éditions Hurtubise a-t-elle établi que sa décision de mettre fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre était justifiée du fait que les mesures d’accommodements envisagées en lien avec sa grossesse constituaient une contrainte excessive ?

[82]       Le Tribunal répond par la négative à cette question.

[83]       Selon la preuve non contredite, Éditions Hurtubise réalise la moitié de ses revenus en droits de vente à l’étranger à la foire de Francfort et la participation à cet événement requiert une préparation de 3 mois. Le Tribunal retient donc que de toutes les tâches du poste qui était offert à Mme St-Pierre, celles relatives à la préparation de cette foire et au suivi des rencontres qu’elle aurait eues à cette occasion étaient les plus importantes en termes de temps et de revenus pour l’entreprise.

[84]       C’est dans ce contexte qu’Éditions Hurtubise soutient que le fait d’avoir à remplacer Mme St-Pierre à la foire de Francfort en octobre 2015 pendant son congé de maternité constituait une contrainte excessive pour l’entreprise.

[85]       Analysons si la preuve relative aux mesures d’accommodements envisagées permet de retenir cette conclusion.

[86]       Le Tribunal ne retient pas la prétention de Mme St-Pierre qu’elle a proposé de se rendre à la foire de Francfort en octobre 2015 avec son bébé de quelques semaines et son mari, parce que la preuve est contradictoire sur ce point.

[87]       Si tant est qu’elle ait fait cette proposition, tenant compte qu’il ne s’agissait pas d’un voyage d’agrément pour Mme St-Pierre et du fait que personne avant l’accouchement n’aurait pu prévoir si son bébé et elle pourraient voyager en octobre 2015, la question se pose de savoir si, en employeur prudent et diligent, la maison d’édition n’aurait pas dû prévoir qu’une autre personne soit engagée et formée pour participer à la foire dans l’éventualité où Mme St-Pierre choisissait de continuer son congé de maternité comme le lui permet la loi, ou avait été dans l’impossibilité de se rendre à Francfort.

[88]       La question se pose aussi de savoir si la suggestion avait été mûrement réfléchie et était réaliste.

[89]       Quoi qu’il en soit, une femme ne doit pas avoir à renoncer à une partie de la durée de son congé de maternité pour éviter de perdre un emploi ou une promotion. Cela est contraire au droit que lui garantit la Charte de ne pas être discriminée en emploi sur la base de sa grossesse.

[90]       Éditions Hurtubise soutient que la proposition de Mme St-Pierre d’engager une personne en même temps qu’elle pour la former aux tâches relatives à la foire de Francfort constituait un fardeau financier excessif pour l’entreprise.

[91]       D’une part, il ne suffit pas pour l’employeur d’invoquer que les propositions d’accommodement d’une employée ne sont pas réalistes. Pour que sa décision de refuser le poste à une candidate qui a les aptitudes et les qualités requises ou de mettre fin au processus de son embauche au motif qu’elle est enceinte soit réputée non discriminatoire, il doit démontrer qu’il a lui-même envisagé des possibilités d’accommodement et que ces solutions constituaient toute une contrainte excessive pour lui ou les autres employés.

[92]       D’autre part, le seul fait d’affirmer, sans démonstration, qu’une solution d’accommodement est une contrainte excessive n’est pas suffisant. N’est pas non plus suffisante l’affirmation que la situation financière de l’entreprise ne permet pas l’implantation de la solution si elle n’est pas étayée par des chiffres concrets.

[93]       Lorsque Mme St-Pierre annonce à la maison d’édition, après avoir accepté le poste qui lui a été offert, qu’elle est enceinte et partira en congé de maternité peu de temps après Mme Foulon, l’entreprise se trouve face au même problème qu’avant d’avoir offert le poste à Mme St-Pierre, à savoir trouver une remplaçante à Mme Foulon pour assumer la responsabilité de vendre des titres à l’étranger durant la foire d’octobre 2015 parce que celle-ci serait en congé de maternité.

[94]       Bien qu’il n’en ait pas été question durant l’audience, il est facile de concevoir que la nouvelle de la grossesse de Mme St-Pierre après qu’ils aient pensé avoir trouvé une remplaçante pour la foire d’octobre 2015, ait causé une certaine frustration chez les administrateurs d’Éditions Hurtubise. Il est même permis de penser qu’ils se sont sentis trahis dans le contexte, lorsqu’ils ont appris la nouvelle.

[95]       Tenant compte qu’elle n’a jamais travaillé dans le domaine de la vente de titres à l’étranger et n’aurait alors elle-même jamais participé au gros événement qu’est la foire de Francfort, il est facile d’appréhender la pression qu’aurait représenté pour Mme St-Pierre le fait d’avoir à former sa remplaçante pour qu’elle puisse participer à l’événement, si le processus de son embauche avait suivi son cours.

[96]       Cette situation aurait été tout aussi inconfortable pour Éditions Hurtubise qui, à moins que Mme Foulon ait pu former la remplaçante de Mme St-Pierre avant ou pendant son propre congé de maternité, n’aurait eu aucune façon de s’assurer que la remplaçante de Mme St-Pierre était suffisamment formée et autonome pour que sa participation à la foire de Francfort soit rentable.

[97]       L’annonce de Mme St-Pierre qu’elle serait en congé de maternité presque en même temps que Mme Foulon, en plus de laisser entier le problème du remplacement de Mme Foulon pour cause de maternité, posait le problème plus complexe du moment du remplacement de Mme St-Pierre et de savoir qui verrait à la formation de la remplaçante.

[98]       Quoi qu’il en soit, Éditions Hurtubise avait le fardeau d’établir qu’elle a envisagé des solutions dans le but d’éviter d’avoir à mettre fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre, et que les solutions envisagées constituaient une contrainte excessive, fardeau dont elle ne s’est pas déchargée.

[99]       Si, en février 2015, elle a identifié des pistes de solutions et évalué la charge financière qu’aurait représentée le fait d’avoir à former une autre personne que Mme St-Pierre pour participer à la foire de Francfort, il n’en a en effet pas été question à l’instruction.

[100]    D’ailleurs, Éditions Hurtubise, qui voulait engager Mme St-Pierre dès la mi-mars pour que Mme Foulon ait le temps de la former avant de partir en congé de maternité en juillet 2015, s’est ajustée lorsque ce n’est qu’au début du mois de mai 2015 qu’elle a engagé Mme Felteau pour pourvoir le poste.

[101]    La preuve n’a pas été faite que cette nouvelle employée a eu à monter elle-même un carnet d’adresses et rédiger des contrats justifiant une période de formation de 3 mois, et il est permis de penser qu’elle a travaillé avec la documentation déjà disponible : carnet d’adresses, contrats et modèles de contrats.

[102]    Ce qui précède soulève les questions de savoir s’il était nécessaire que Mme St-Pierre intègre ses nouvelles fonctions dès le 15 mars 2015, et si les économies qui auraient été réalisées en retardant son entrée en fonction auraient été suffisantes pour compenser les coûts reliés à la formation de sa remplaçante pour la foire de Francfort, en prévision du fait qu’elle serait en congé de maternité durant l’événement.

[103]    En dehors du problème d’organisation des chevauchements des congés de maternité de mesdames Foulon et St-Pierre, Éditions Hurtubise n’a pas établi que le casse-tête représentait une contrainte financière qu’elle ne pouvait pas supporter, puisqu’elle n’a fourni aucune information relative à ses finances.

[104]    Éditions Hurtubise ne s’est donc pas déchargée de son fardeau d’établir que les dispositions qu’elle aurait dû prendre parce que Mme St-Pierre devait s’absenter du travail pour cause de maternité constituaient une contrainte excessive.

[105]    Ainsi, le refus d’embaucher Mme St-Pierre, en plus d’être discriminatoire parce qu’interdit par les articles 10 et 16 de la Charte, a porté atteinte au droit de celle-ci à la sauvegarde de sa dignité, garanti par l’article 4 de la Charte.

[106]    Le travail est en effet un des aspects fondamentaux de la vie d’une personne parce qu’il lui permet de subvenir à ses besoins financiers et de jouer un rôle utile dans la société. Composante essentielle du sens de l’identité d’une personne, de sa valorisation et de son bien-être émotionnel, les conditions d’emploi façonnent l’ensemble des aspects psychologiques, émotionnels et physiques de la dignité et du respect qu’une personne a d’elle-même[25]. Ainsi, tout comportement qui nuit au développement d’une personne, à son sentiment de sécurité, de respect et d’estime d’elle-même doit être exclu, du milieu du travail comme des autres sphères de la vie.

[107]    La notion de dignité humaine réfère au respect et à l’estime de soi qu’une personne ressent. Elle relève de l’intégrité physique et psychologique et de la prise en main personnelle. La dignité d’une personne est bafouée par un traitement fondé sur ses caractéristiques ou sa situation particulière, lorsqu’elle est marginalisée, mise de côté et dévalorisée[26], comme c’est le cas lorsqu’une femme est mise de côté parce qu’elle est enceinte, comme si donner naissance était moins important que vendre des droits d’auteurs.

d)   Alexandrine et Arnaud Foulon ont-ils commis une faute extracontractuelle à l’égard de Mme St-Pierre justifiant qu’ils soient condamnés solidairement avec Éditions Hurtubise à l’indemniser ?

[108]    Le Tribunal répond par la négative à cette question

[109]    L’obligation de ne pas discriminer en emploi dans le dossier qui nous occupe est celle d’Éditions Hurtubise et la preuve n’a pas établi qu’Alexandrine et Arnaud Foulon ont utilisé leur compagnie pour nuire à Mme St-Pierre.

[110]    La règle veut en effet que les personnes morales aient une personnalité juridique distincte de celle de leurs dirigeants[27]. L’article 317 C.c.Q. prévoit une exception à cette règle, permettant de soulever le voile corporatif et de rechercher la responsabilité des administrateurs lorsqu’ils utilisent la compagnie pour masquer la fraude, l’abus de droit ou une contravention à une règle intéressant l’ordre public à l’encontre d’une personne de bonne foi[28]. Cette exception empêche ainsi les administrateurs d’utiliser impunément la personne morale à mauvais escient[29].

[111]    Alexandrine et Arnaud Foulon n’ont pas agi en leurs noms ni pour leur bénéfice personnel lorsqu’ils ont mis fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre, et la preuve d’une faute autonome de leur part qui justifierait de lever le voile corporatif pour les condamner à titre d’administrateurs d’Éditions Hurtubise à payer des dommages punitifs n’a été ni invoquée ni faite.

[112]    Il n’est pas contesté que la foire de Francfort est un événement important pour la maison d’édition et que l’impossibilité pour Mme St-Pierre de s’y rendre demandait à la petite entreprise de gérer deux absences simultanées au même poste à un mois d’intervalle pour motif de grossesse.

[113]    La bonne foi se présume[30]. Dans la présente affaire, contrairement à d’autres où la preuve a permis de remettre en cause la bonne foi et la sincérité des motifs qui ont conduit l’âme dirigeante de l’employeur à agir[31], la mauvaise foi des dirigeants impliqués dans la présente affaire n’apparaît pas de la preuve administrée.

[114]    La preuve n’a en effet pas établi que leur décision de mettre fin au processus d’embauche de Mme St-Pierre était l’expression d’un préjugé qu’ils ont contre les femmes enceintes ou leur refus injustifié d’accommoder la situation.

[115]    Confrontés par Mme St-Pierre quant à la légalité de leur décision, ils ont même pris la peine de consulter un conseiller juridique pour valider leur décision.

[116]    La situation en l’instance est particulière puisqu’avec l’annonce de sa grossesse, Mme St-Pierre informait les administrateurs d’Éditions Hurtubise qu’ils n’avaient pas trouvé une personne pour remplacer Mme Foulon durant son congé de maternité, particulièrement pour l’événement annuel le plus important de la foire de Francfort.

[117]    Dans ce contexte, la réaction immédiate ou instinctive des Foulon de vouloir régler la question du remplacement d’Alexandrine Foulon durant son congé de maternité et de faire en sorte qu’elle puisse former sa remplaçante pour la foire de Francfort avant de partir en congé de maternité n’est pas incompréhensible.

[118]    Le problème en l’instance, sans présumer qu’il existait une solution qui permettait de finaliser le processus d’embauche de Mme St-Pierre qui n’imposait pas une contrainte excessive à l’entreprise, c’est qu’ils n’ont pas établi avoir réfléchi à des solutions pour pallier les deux absences simultanées pour congé de maternité qui permettaient à l’entreprise de vendre des titres à l’étranger à la foire de Francfort de 2015, et que ces solutions constituaient toutes une contrainte excessive.

[119]    Alexandrine et Arnaud Foulon ont semblé sincères et la preuve n’a pas établi que l’un ou l’autre était motivé par le désir de nuire à Mme St-Pierre. D’ailleurs, malgré qu’ils n’aient pas apprécié le ton arrogant et menaçant de celle-ci à l’occasion de leurs dernières discussions concernant le fait qu’elle ne serait pas embauchée au poste de responsable des ventes de droits à l’étranger, ils ont fait en sorte qu’elle termine son contrat en mars 2015 dans une bonne atmosphère et sans aucunes représailles.

[120]    Ainsi, il n’y a pas lieu de déroger au principe selon lequel l’indemnité de remplacement de salaire doit être payée par l’employeur[32], Éditions Hurtubise en l’instance.

[121]    De même, quant au paiement des sommes qui pourraient être attribuées à titre d’indemnité pour dommages moraux et punitifs, la preuve n’ayant pas établi qu’Alexandrine et Arnaud Foulon ont engagé leur responsabilité, il n’y aura pas lieu de les condamner personnellement à indemniser Mme St-Pierre.

e)    Mme St-Pierre a-t-elle droit aux montants qu’elle réclame à titre d’indemnités pour dommages matériels, moraux et punitifs ?

[122]    Mme St-Pierre réclame 11 250 $ à titre de dommages matériels pour perte de salaire et d’avantages, 12 000 $ à titre de dommages moraux, et 2 000 $ de chacun des défendeurs à titre de dommages punitifs.

[123]    Elle réclame également le montant qui lui aurait été versé pour les heures supplémentaires qu’elle aurait travaillées, montant qu’elle laisse au Tribunal le soin d’établir.

Dommages matériels

[124]    Les parties ont convenu que si le Tribunal concluait que Mme St-Pierre a été victime de discrimination, il devait lui attribuer un montant de 11 250 $ à titre de dommages matériels.

[125]    Le Tribunal lui accorde donc ce montant, mais rien pour compenser les heures supplémentaires qu’elle aurait travaillées, parce que la preuve ne permet pas d’établir un nombre heures qu’elle aurait ainsi travaillées et pour lequel elle aurait été rémunérée plutôt que compensée en temps comme le prévoyait le contrat.

Dommages moraux

[126]    Le préjudice moral comprend les inconvénients, la perte de jouissance de la vie et les souffrances psychologiques, des atteintes qui sont d’autant plus pernicieuses qu’elles sont difficiles à cerner[33]. L’exercice visant à déterminer le montant de l’indemnité relative au préjudice moral subi par une personne du fait que ses droits ont été bafoués est donc délicat[34].

[127]    Mme St-Pierre s’est sentie diminuée et stressée par le rejet de sa candidature. Elle s’est aussi sentie trahie du fait de s’être vue retirer la possibilité de relever le défi qui lui avait été offert de développer de nouvelles compétences dans le milieu de l’édition.

[128]    Des montants entre 5 000 $[35] et 8 000 $ ont été accordés pour compenser le préjudice moral dans des dossiers où le motif de la discrimination était la grossesse[36]. Compte tenu des circonstances particulières de la présente instance, le Tribunal estime qu’un montant de 5 000 $ est suffisant pour indemniser le préjudice moral de Mme St-Pierre.

Dommages punitifs

[129]    Le Tribunal peut accorder des dommages et intérêts punitifs en vertu de l’article 49 de la Charte lorsque la preuve révèle que l’atteinte au droit qu’elle garantit était illicite et intentionnelle.

[130]    L’atteinte est intentionnelle lorsque l’état d’esprit de son auteur dénote une volonté de causer les conséquences de sa conduite illicite — ce qui n’est pas le cas en l’instance —, ou s’il agit en toute connaissance des conséquences immédiates et naturelles ou extrêmement probables que sa conduite engendrera[37]. Ce critère est moins strict que l’intention particulière, mais dépasse la simple négligence. Ainsi, l’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas à elle seule à ce critère.

[131]    L’octroi de dommages punitifs a pour fonction de punir et de dissuader toute personne qui serait tentée d’adopter un comportement similaire, et marquer la désapprobation face à une conduite donnée[38]. Le montant accordé à ce titre ne doit ainsi pas excéder ce qui est suffisant pour assurer sa fonction préventive[39].

[132]    L’état d’esprit des dirigeants d’Éditions Hurtubise décrit ci-dessus ne dénote pas une insouciance quant aux conséquences de la décision qui a été prise qui justifierait l’octroi de dommages punitifs.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[133]    ACCUEILLE partiellement la demande ;

[134]    CONDAMNE les Éditions Hurtubise inc. à payer 11 250 $ à Jessica St-Pierre à titre de dommages matériels et 5 000 $ à titre de dommages moraux, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q. à compter du 21 mai 2019 ; 

[135]    LE TOUT avec les frais de justice contre Éditions Hurtubise inc. ;

 

[136]    REJETTE la réclamation contre les défendeurs Alexandrine Foulon et Arnaud Foulon, le tout avec les frais de justice contre Jessica St-Pierre.

 

 

__________________________________

MAGALI LEWIS

Juge au Tribunal des droits de la personne

 

 

 

 

Me Pierre-Marc Hamelin

HAMELIN & VRKIC AVOCATS INC.

Pour la partie demanderesse

 

Me Simon-Pierre Hébert

BCF AVOCATS

Pour les parties défenderesses

 

 

Dates d’audience :

11 décembre 2019

 



[1]     RLRQ, c. C -12. En vertu de cette disposition, lorsque la Commission exerce sa discrétion de ne pas saisir le Tribunal de la réclamation d’une victime dont elle a par ailleurs évalué que la preuve était suffisante pour justifier d’en déposer une, celle-ci peut saisir le Tribunal.

[2]     Pièce D-3 : Relevé d’emploi de Mme St-Pierre du 23 mars 2015.

[3]     Pièce P-2 : Courriel de Mme Foulon à Mme St-Pierre du 6 février 2015.

[4]     Pièce P-3 : Contrat de travail entre Éditions Hurtubise et Mme St-Pierre.

[5]     Pièce P-4 : Plainte de Mme St-Pierre à la Commission contre Éditions Hurtubise du 23 mars 2016.

[6]     Pièce P-7 : Résolution de la Commission en date du 15 mai 2019.

[7]     Québec (Commission des droits de la personne et de droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, par. 34.

[8]     Id., par. 35-36.

[9]     Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (M.C.) c. Service et mécanique MLT inc., 2017 QCTDP 14, par. 39.

[10]    Brooks c. Canada Safeway Ltd., 1989 CanLII 96 (CSC).

[11]    Commission des écoles catholiques de Québec c. Gobeil, 1999 CanLII 13 226 (QC CA), p. 25 (PDF) (Gobeil). Cette décision est l’arrêt de principe en matière de discrimination fondée sur la grossesse : Association professionnelle des inhalothérapeutes du Québec c. Ménard, 2001 CanLII 39535 (QC CA).

[12]    Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, 1999 CanLII 652 (CSC), par. 62-67 (Meiorin) ; Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), 1999 CanLII 646 (CSC), par. 21 (Grismer).

[13]    Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), 2008 CSC 43, par. 14, 18 (Hydro-Québec) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Drolet) c. Sûreté du Québec, 2007 QCTDP 13, par. 84.

[14]    Hydro-Québec c. Syndicat des employé-e-s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000 (SCFP-FTQ), id.

[15]    Maurice DRAPEAU, Grossesse, emploi et discrimination, Montréal, Wilson & Lafleur, 2003, p.  74.

[16]    Code civil du Québec, RLRQ, c. CCQ-1991, art. 1388.

[17]    Id., art. 1385 (C.c.Q.).

[18]    Id., art. 1387.

[19]    Pièce P-2, Courriel de Mme Foulon à Mme St-Pierre du 6 février 2015 et pièce P-3, Proposition de contrat de travail.

[20]    Pièce D-7 : Contrat de travail entre Éditions Hurtubise et Sandra Felteau signé le 16 avril 2015.

[21]    Pièce D-7 : Addenda au contrat de travail entre Éditions Hurtubise et Sandra Felteau le 16 avril 2015.

[22]    Gobeil, préc., note 11, p. 14, 22-23 (PDF).

[23]    Id., p. 22-25 (PDF).

[24]    Meiorin, préc., note 12, par. 55.

[25]    Renvoi relatif à la Public Service Employee Relations Act (Alb.), 1987 CanLII 88 (CSC), par. 91 ; Terre-Neuve (Conseil du Trésor) c. N.A.P.E., 2004 CSC 66, par. 40 ; Université Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2005 QCCA 27, par. 144 ; Fortier c. Centre de réadaptation en déficience intellectuelle Saguenay-Lac-St-Jean, 2015 CanLII 17222 (QC SAT), par. 8 ; Mohamed Wahid Moustafa c. Bureau de la Sécurité Privée, 2018 CanLII 70281 (QC TAQ), par. 11.

[26]    Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1999 CanLII 675 (CSC), par. 53.

[27]    C.c.Q., art. 298.

[28]    C.c.Q., art. 317. Karam c. Succession de Yared., 2018 QCCA 320, par. 66-68 ; Chauvin c. Beaucage, 2008, QCCA 922, par. 73.

[29]    Karam c. Succession de Yared, id., par. 69.

[30]    C.c.Q., art. 2805.

[31]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (M.C.) c. Service et mécanique MLT inc., préc., note 9, par. 64-74. Dans cette affaire, le juge conclut que les explications du défendeur, âme dirigeante de la compagnie défenderesse, ne sont pas crédibles, que les motifs de la fin d’emploi ne s’appuient pas sur la trame factuelle et que le vrai motif du congédiement est le handicap et non pas la déloyauté.

Dans Bertrand c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2014 QCCA 2199 (demande d’autorisation d’appel rejetée par 2015 CanLII 29266 (CSC)), la Cour d’appel confirme le jugement du juge d’instance qui a conclu que les motifs des défendeurs pour avoir interdit l’accès des victimes au bar parce qu’elles n’avaient pas de pièce d’identité n’étaient pas en lien avec l’obligation de s’assurer qu’ils étaient majeurs puisque leur apparence physique ne laissait planer aucun doute sur ce point, mais parce qu’ils étaient noirs.

Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Paquette) c. 9208-8467 Québec inc. (Résidence Sainte-Anne), 2016 QCTDP 20, le Tribunal qualifie les explications de l’employeur pour justifier d’avoir mis fin au lien d’emploi de la victime, d’invraisemblables, en plus d’avoir menacé un employé de représailles pour obtenir qu’il témoigne en sa faveur (par. 47-48).

[32]    Charte, art. 19 ; Université Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2005 QCCA 27, par. 128.

[33]    Bou Malhab c. Métromédia C.M.R. Montréal inc., 2003 CanLII 47948 (QC CA), par. 63 (Conf. par 2006 QCCS 2124 sur ce point, aux par. 154 et 156).

[34]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (X) c. Commission scolaire de Montréal, 2017 QCCA 286 (demande pour autorisation d’appeler refusée, 2017 CanLII 53394 (CSC)).

[35]    Commission des droits de la personne c. Lingerie Roxana ltée, 1995 CanLII 3209 (QC TDP) ; Commission scolaire Jean-Rivard c. Commission des droits de la personne, 1999 CanLII 13399 (QC CA).

[36]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Commission scolaire des Hauts-Bois-de-l’Outaouais, 2010 QCTDP 4. Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Innvest Hotels GP II Ltd. (Boucherville Comfort Inn par Journey’s End), 2013 QCTDP 31, le Tribunal a accordé 6 500 $ à la victime tenant compte que d’autres facteurs avaient contribué à la situation difficile qu’elle avait vécue (par. 68).

[37]    Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, 1996 CanLII 172 (CSC), par. 117, 120 et 121.

[38]    Id., par. 119 ; de Montigny c. Brossard (Succession), 2010 CSC 51, par. 47 et 49.

[39]    C.c.Q., art. 1621 ; Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, par. 210.

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