Décision

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Durandisse c. 9401-7167 Québec inc.

2025 QCTAL 763

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

811318 31 20240729 T

No demande :

4545053

 

 

Date :

14 janvier 2025

Devant le juge administratif :

Jean-Sébastien Landry

 

Mille Marie Danny Durandisse

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

9401-7167 Québec Inc

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          La locataire demande la rétractation de la décision rendue le 11 novembre 2024 dans le présent dossier.
  2.          Elle allègue, dans sa demande, qu’elle ne s’est pas présentée à l’audience puisque le représentant du locateur lui aurait mentionné qu’elle n’avait pas à le faire.
  3.          Au début de l’audience sur sa demande de rétractation, la locataire affirme que son avocat est dans l’impossibilité d’être présent. Elle tient toutefois à procéder sur sa demande et insiste pour ce faire malgré les explications données par le Tribunal sur la possibilité de demander une remise. La locataire est formelle, elle souhaite procéder sans son avocat.

LE CONTEXTE ET LA PREUVE

  1.          Dans un témoignage laborieux et relativement confus, la locataire soutient qu’elle n’a jamais reçu l’avis d’audition transmis par le Tribunal en prévision de l’audience tenue le 16 octobre 2024.
  2.          Elle affirme par ailleurs que la personne qui représente le locateur à l’audience l’a appelé le 13 octobre 2024, soit trois jours avant l’audience, pour lui dire qu’il n’était pas nécessaire de se présenter au Tribunal le 16 octobre 2024.
  3.          Questionnée sur le contexte de cet appel, la locataire affirme que, dans un premier temps, un employé du locateur lui téléphone pour l’informer que le représentant souhaite lui parler. Elle répond alors que ce représentant pouvait l’appeler.
  4.          La locataire reçoit ensuite, selon ses dires, un appel du représentant du locateur. La conversation dure environ 3 minutes. Selon la locataire, le représentant du locateur l’avise qu’elle n’a pas à se présenter à l’audience du 16 octobre puisqu’une autre audience est prévue le 11 novembre suivant.
  5.          Précisions qu’une audience a effectivement lieu entre les mêmes parties le 11 novembre 2024, mais dans un autre dossier.

  1.          La locataire est catégorique, la personne qui l’appelle le 13 octobre 2024 est la même personne qui représente le locateur lors de l’audience.
  2.      La locataire évoque par ailleurs des avis que le représentant du locateur lui aurait remis, mais qui étaient rédigés en espagnol. Or, le représentant du locateur nie parler l’espagnol.
  3.      La locataire affirme qu’elle ne doit aucun loyer, puisqu’une série de 12 chèques postdatés auraient été remis au locateur en début d’année. Le locateur négligerait toutefois d’encaisser certains de ces chèques dans le but d’obtenir son départ.
  4.      Questionnée par le représentant du locateur à savoir si elle pouvait exhiber la preuve qu’elle avait reçu un appel le 13 octobre 2024, la locataire explique que cela lui est impossible puisqu’elle a dû changer de téléphone récemment.
  5.      Au cours de son témoignage, le représentant du locateur nie catégoriquement avoir téléphoné à la locataire le 13 octobre 2024.
  6.      Il affirme que 2 900 $ de loyer sont toujours impayés. Il précise qu’un chèque postdaté n’a pas été honoré par l’institution financière faute de fonds suffisants. Il nie par ailleurs qu'il refuse d’encaisser les autres chèques de la locataire. Il précise que les chèques postdatés remis par cette dernière en début d’année n’étaient pas au nombre de 12.
  7.      Le représentant du locateur demande au Tribunal de déclarer abusif le recours de la locataire et demande qu’il soit interdit à cette dernière d’introduire une nouvelle demande dans le même dossier.

ANALYSE

  1.      Le recours en rétractation est prévu à l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (LTAL) :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

  1.      Soulignons que la rétractation constitue un remède juridique d’exception qui fait entorse à la stabilité des rapports juridiques et au principe de l’irrévocabilité des jugements. Il s’agit de principes maintes fois réitérés par les Tribunaux. Leur importance a notamment été soulignée par la Cour d’appel du Québec :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements constitue un élément important de notre système juridique. En effet, une jurisprudence constante affirme que la stabilité des décisions judiciaires est essentielle à une saine administration de la justice. Ce principe se comprend facilement, car il est évident que le justiciable, qui est partie à une action, s'attend à ce que le jugement en résultant mette fin au litige de façon définitive, sous réserve, bien sûr, de la possibilité de porter le jugement en appel. Toutefois, il existe une exception à ce principe de l'irrévocabilité des jugements. Il s'agit du recours en rétractation prévu aux articles 482 et suivants du Code de procédure civile[1]. »

  1.      Par ailleurs, en fonction des règles de preuve prévues au Code civil du Québec (C.c.Q.), il appartient à celui qui veut faire valoir un droit de prouver les faits qui soutiennent sa prétention (art. 2803).
  2.      La force probante des témoignages est laissée à l’appréciation du Tribunal, conformément à l’article 2845 C.c.Q.
  3.      Or, en l’instance, la force probante du témoignage de la locataire est faible. Ce témoignage souffre, à certains égards, d’incohérences.

  1.      Notamment, le Tribunal ne parvient pas à réconcilier l’affirmation selon laquelle la locataire n’avait pas connaissance de la tenue d’une audience le 16 octobre 2024 avec l’affirmation voulant que le représentant du locateur lui a mentionné, trois jours avant, qu’elle n’avait pas à se présenter à cette audience.
  2.      Même s’il avait été prouvé qu’un employé du locateur, autre que le représentant à l’audience, avait communiqué avec la locataire le 13 contre 2024, le Tribunal n’aurait pas été certain que le témoignage de la locataire rapportait fidèlement la teneur de la conversation.
  3.      En sommes, la locataire n’a pas convaincu le Tribunal qu’elle avait été empêchée de se présenter à l’audience du 16 octobre 2024.
  4.      Elle n’a pas plus convaincu le Tribunal qu’elle possède un moyen de défense valable.
  5.      Le témoignage du représentant du locateur est quant à lui plus probant. Celui-ci conteste vigoureusement qu’il ait téléphoné à la locataire le 13 octobre 2024. À l’audience, il demande à la locataire d’exhiber son historique d’appel, ce que celle-ci ne peut faire.
  6.      Cela démontre néanmoins que le représentant du locateur ne redoute pas de soumettre sa version à l’épreuve des faits.
  7.      Selon le représentant du locateur, la locataire est toujours, au moment de l’audience, en retard de plusieurs mois dans le paiement de son loyer. Le Tribunal croit le représentant du locateur à cet égard.
  8.      Compte tenu de ce qui précède, la demande de rétractation de la locataire sera rejetée.
  9.      En ce qui concerne la demande verbale du locateur visant à obtenir une ordonnance de limitation procédurale à l'égard du locataire, celle-ci sera refusée.
  10.      En vertu de l'article 63.2 LTAL, une telle ordonnance peut être émise lorsque le Tribunal constate qu'une partie utilise de façon abusive un recours dans le but d'empêcher l'exécution d'une de ses décisions.
  11.      En l'instance, la locataire n'a produit qu'une seule demande de rétractation. La preuve présentée par le locateur ne convainc pas le Tribunal que cette demande a été effectuée avec comme intention principale d'empêcher ou retarder l'exécution de la décision.
  12.      Le Tribunal croit plutôt que la locataire souhaitait véritablement obtenir la rétractation de la décision, bien qu’elle n’ait pas eu gain de cause pour les raisons expliquées précédemment.
  13.      Pour cette raison, le Tribunal n’accorera pas l’ordonnance recherchée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande de rétractation.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Sébastien Landry

 

Présence(s) :

la locataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience : 

17 décembre 2024

 

 

 


 


[1] Lavallée c. Banque Nationale du Canada, [1998] R.J.Q. 2289 (C.A.)

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