Koita c. Château inc. |
2021 QCTAL 20273 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
||||||
Bureau dE Montréal |
||||||
|
||||||
No dossier : |
542113 31 20201023 S |
No demande : |
3274341 |
|||
|
|
|||||
Date : |
05 août 2021 |
|||||
Devant la juge administrative : |
Pascale McLean |
|||||
|
||||||
Kamissa Ma Koita |
|
|||||
Locataire - Partie demanderesse |
||||||
c. |
||||||
Chateau Inc. |
|
|||||
Locateur - Partie défenderesse |
||||||
|
||||||
D É C I S I O N
|
||||||
[1] Par un recours introduit le 23 octobre 2020, la locataire réclame une diminution de loyer de 6 382,50 $ pour la période du 1er octobre 2018 au 1er août 2020. Elle réclame également la somme de 3 000 $ à titre de dommages moraux et la somme de 1 500 $ à titre de dommages punitifs.
[2] Le 7 décembre 2020, le dossier est fermé administrativement faute de preuve de notification.
[3] Le 16 juin 2021, la locataire dépose une demande pour joindre le présent dossier au dossier du locateur en non-paiement du loyer[1]. Cette demande est rejetée séance tenante. Le dossier en non-paiement ayant déjà été remis à trois reprises, il y a lieu de procéder dans ce dossier.
[4] Le 16 juin 2021, la locataire dépose également une demande pour lever la péremption de l’instance et prolonger le délai du dépôt au dossier de la preuve de notification de la demande.
[5] Me Louis Brunet désire représenter le locateur. Bien qu’il s’agisse d’une petite créance, il invoque qu’il y a une demande en diminution de loyer au dossier, ce qui lui permettrait de représenter le locateur.
[6] Le Tribunal souligne l’enseignement du juge Luc Hervé Thibaudeau de la Cour du Québec dans l’affaire Metcap Living Management c. Rouleau[2] qui prévoit qu’une demande de diminution de loyer passée, dont la valeur en litige n’excède pas le seuil d’admissibilité en division des petites créances, constitue une demande qui a pour seul objet le recouvrement d’une créance au sens de l’article 73 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, ce qui empêche un avocat d’agir pour chacune des parties. Par conséquent, le Tribunal a refusé, séance tenante, qu’il représente le locateur.
[7] Jonathan Goyette, mandataire du locateur, se dit prêt à procéder à l’instance sans avocat.
[8] Sur la demande de lever la péremption dans le présent dossier et de prolonger le délai pour déposer la preuve de notification, ce sont les articles 56 et 56.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (LTAL) qui trouvent application :
« 56. Une partie qui produit une demande doit en notifier une copie à l'autre partie.
La notification de la demande peut être faite par tout mode approprié qui permet à celui qui notifie de constituer une preuve de la remise ou de la publication du document.
Elle l'est notamment par l'huissier de justice, par l'entremise de la poste recommandée, par la remise du document en mains propres par un service de messagerie, par un moyen technologique ou par avis public.
Quel que soit le mode de notification utilisé, la personne qui accuse réception du document ou reconnaît l'avoir reçu est réputée avoir été valablement notifiée. »
« 56.2. La preuve de la notification ainsi qu'une liste des pièces au soutien de la demande doivent être déposées au dossier du Tribunal. Ce dernier peut refuser de convoquer les parties en audience tant que ces documents n'ont pas été déposés.
Si la preuve de notification n'est pas déposée dans les 45 jours suivant l'introduction de la demande, cette dernière est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
Le présent article n'a pas pour effet d'empêcher le Tribunal de convoquer les parties sans délai lorsqu'il le juge approprié, auquel cas la preuve de notification de la demande doit être produite à l'audience sous peine du rejet de la demande. »
[9] Il s'ensuit que les possibilités d'être relevé du défaut ou de voir proroger le délai dont l'inobservance a mené à la péremption sont régies par l'article 59 de la LTAL :
« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave. »
[10] Le juge Aubin de la Cour du Québec s'exprimait ainsi sur l'application de cette dernière disposition dans Société immobilière Parc Samuel Holland inc. c. St-Pierre[3] :
« Cette disposition législative comporte donc comme conditions de fond de prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut ce qui suit :
a) s'il y a un motif raisonnable;
b) si l'autre partie n'en subit aucun préjudice grave;
La condition que constitue le motif raisonnable implique d'abord la bonne foi de celui qui revendique une extension de délai. »
[11] Plus récemment, dans l'affaire Thiffault c. Municipalité de Saint-Ignace-de-Loyola[4], le juge Le Reste de la Cour du Québec, après une revue de la jurisprudence en la matière, concluait :
« [73] Le motif raisonnable a souvent été décrit comme étant un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion. »
[12] À cet égard, le juge
Breault de la Cour du Québec s'exprimait comme suit, dans l'affaire CSX
Transportation Inc. c. Price[5], quant à la possibilité de
relever une partie de son défaut dans une instance périmée en vertu de l'article
« [43] Est-ce à dire que le Tribunal doit relever la partie qui le demande dans tous les cas, quelle que soit la raison, et peu importe sa conduite ou diligence dans le déroulement de l'instance?
[44] Bien sûr que non. Il ne s'agit pas d'un automatisme, sans quoi le délai ne serait pas obligatoire. Comme le dit la Cour d'appel, la « discrétion ne peut être un remède à la négligence, à l'incompétence ou à l'incurie des procureurs ».
[45] En fait, en s'inspirant de la jurisprudence traitant d'autres dispositions du C.p.c. qui, tout en rendant obligatoire un délai, ne prévoient pas qu'il est de rigueur, le Tribunal est d'avis que, dans l'exercice de sa discrétion, il doit vérifier, notamment, si la demande judiciaire est sérieuse et si les raisons invoquées pour justifier le retard sont valables et explicables, si la partie demanderesse a été diligente dans le traitement de son dossier et si la preuve qu'elle présente est probante et suffisante pour justifier le défaut ou retard. Le Tribunal doit sans doute aussi vérifier si la conduite de la partie demanderesse est respectueuse des principes directeurs du C.p.c.
[...]
[54] En somme, dans le contexte des principes directeurs du nouveau C.p.c. où l'efficience du déroulement des procédures doit prévaloir, une demande pour être relevé du défaut d'avoir respecté un délai ne doit pas être présentée avec légèreté. Ce n'est pas un automatisme. Une preuve solide et bien appuyée doit être offerte. »
[Références omises]
[13] En l'instance, la locataire a reconnu que son défaut à produire la preuve de notification dans le délai de 45 jours est dû à son ignorance de la loi.
[14] Au surplus, cette preuve de notification n'était pas encore disponible le jour de l'audience, soit plus de sept mois après que le dossier soit périmé.
[15] Ainsi, l'ignorance de la loi ne peut constituer un motif raisonnable, comme confirmé à maintes reprises par la jurisprudence du présent Tribunal[6].
[16] Vu l'absence de motifs raisonnables, le Tribunal ne peut donc accorder de délai à la locataire pour remédier au défaut et il n'est pas nécessaire de se pencher sur la question du préjudice grave pour le locateur, au sens de l'article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement précité.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[17] REJETTE la demande de la locataire qui en supporte les frais.
|
|
|
|
|
Pascale McLean |
||
|
|||
Présence(s) : |
le locataire le mandataire du locateur Me Louis Brunet, avocat du locateur |
||
Date de l’audience : |
29 juillet 2021 |
||
|
|||
|
|||
[1] Dossier 539801.
[2]
[3] 200-02-004919-876, le 28 janvier 1988, C.Q.
[4]
[5]
[6] Thevenot c. Turcotte, 2006, 31-060228-241G, r. L. Boucher; Brossard c. Reilly, 2011 CanLII 110712 (QC RDL); Memari c. Ryshpan, R.L. Montréal 31-101118-030G, le 1er septembre 2011, r. C. Novello.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.