Cao c. Tremblay | 2023 QCTAL 34921 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Granby | ||||||
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No dossier : | 708400 24 20230509 G | No demande : | 3909321 | |||
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Date : | 13 novembre 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Mélanie Marois | |||||
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Jie Cao |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Maxime Tremblay |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le Tribunal est saisi d’une demande présentée par le locateur, Jie Cao, lequel réclame la résiliation du bail conclu avec le locataire, Maxime Tremblay.
[2] Au soutien de sa demande, il invoque l’état d’insalubrité du logement et les plaintes relatives aux odeurs émanant du logement. Le tout brime la libre et pleine jouissance des lieux des autres locataires. Malgré les demandes répétées, le locataire néglige de rendre les lieux propres et de régler le problème d’odeur.[1]
[3] Le locataire conteste la demande. Il admet une odeur de chien, incrustée entre autres dans son matelas, mais il se défend en alléguant les odeurs de chat et de cannabis de la voisine et le manque d’entretien de leur aire commune. Par contre, il reconnaît que le plancher est abimé en raison de dégâts liés aux chiens. Il concède avoir un mauvais odorat, mais il ne sent pas l’odeur.
Question en litige
[4] L’état du logement cause-t-il au locateur et aux autres locataires un préjudice sérieux justifiant la résiliation du bail et l’éviction du locataire?
Contexte
[5] Les parties sont liées par un bail du 15 décembre 2020 au 14 décembre 2021, lequel est reconduit depuis.
[6] Le locataire refuse les demandes d’accès au logement. Le concierge, Serge Chouinard, témoigne de cette difficulté. Par exemple, l’an passé un exterminateur vient traiter l’immeuble pour des blattes, mais le logement du locataire n’est pas prêt et l’accès est refusé. Il dit recevoir des plaintes relatives aux odeurs. Il constate le tout par lui-même, car il réside dans l’immeuble. Il qualifie le logement d’insalubre. L’odeur y est infecte. Elle se fait sentir en arrivant sur l’étage, notamment sur le portique commun aux deux locataires. Et cela, c’est lorsque sa porte est fermée. Sinon, c’est la suffocation totale. Les deux chiens du locataire font leur besoin sur les planchers. Il accompagne une fois l’inspectrice de la ville et une autre fois l’exterminateur. Il est incapable d’entrer en raison de l’odeur.
[7] Le Tribunal souligne l’animosité entre ce témoin et le locataire.
[8] Une inspectrice de la sécurité et du service des incendies de la ville de Saint-Césaire, Cassandra Harvey, témoigne aussi. Elle procède à l’inspection annuelle de l’immeuble qui inclut une visite de chaque logement depuis 2021. Cette année-là, il y a deux chiens et un chat. Elle perçoit une forte odeur d’urine et elle constate l’absence d’avertisseur de fumée. Il n’y a pas d’encombrement, ou du moins pas qui met en danger la sécurité, telle qu’une diminution de l’accès aux sorties de secours. Le matelas du locataire est directement au sol. Elle sent l’odeur avant d’entrer dans le logement, alors que la porte est encore fermée. Plus tard, elle voit le concierge installer les détecteurs de fumée.
[9] En 2022, elle note une légère insalubrité et l’absence de détecteur de fumée. Il y a des traces d’urine sur le matelas et d’excréments sur le plancher. L’espace de rangement est toujours encombré. Elle souligne qu’à ce moment-là la ville n’a pas encore de règlement concernant l’insalubrité.
[10] En 2023, le matelas est encore au sol et il est insalubre. Il y a une très forte odeur d’excréments à partir de l’extérieur. Il n’y a pas d’accumulation et la propreté n’est pas en cause. Elle ne remarque pas d’excréments par terre, mais la visite était annoncée. Elle tente des visites surprises deux à trois fois par année, mais elle n’obtient jamais de réponse. La SPAD est mise en cause, car l’odeur laisse croire que les animaux font leurs besoins dans le logement, ce qui constitue un manquement aux soins à prodiguer. Elle suggère au locataire de changer de matelas.
[11] Le locataire déclare qu’il travaille de nuit, alors il dort avec des bouchons. Même de jour, il garde des écouteurs, alors si les gens frappent à la porte, il ne les entend pas. Lors de l’audience, il affirme avoir acheté un nouveau matelas qui sera livré dans deux jours. Il dit être conscient que le matelas a un problème, car même s’il fait du ménage, cela ne change rien. Par contre, selon lui, la mauvaise odeur à l’extérieur vient du manque d’entretien des aires communes. Quant aux blattes, il explique régler le problème lui-même. Il n’est pas chaud à l’idée des traitements en raison de ses chiens. Il admet refuser une visite non annoncée, car il dormait et cela l’a mal réveillé.
[12] Suivant que la preuve probante est à l’effet que la réelle problématique est l’odeur, le Tribunal décide de se rendre sur les lieux accompagné des parties et de l’avocate du locateur. L’audience est ajournée deux jours plus tard pour permettre aux parties de se faire entendre à la suite de cette visite.
[13] Lors de son arrivée, le Tribunal constate l’odeur nauséabonde avant d’arriver au deuxième étage, bien que l’escalier est à l’extérieur. Il y a de l’accumulation le long d’un mur, mais la majorité de l’espace est dégagée. Le matelas est directement au sol. Les planchers sont endommagés, probablement par l’urine et les excréments des deux chiens. L’odeur est tellement forte que la visite est brève. Les lieux sont insalubres.
[14] Lors de la reprise de l’instance, l’avocate du locateur plaide que l’état du logement porte atteinte à l’intégrité de l’immeuble, en plus de brimer la libre jouissance des autres locataires. La situation cause un préjudice sérieux au locateur.
[15] Le locataire déclare recevoir le nouveau matelas le matin même. Il dit être conscient de l’état des lieux. Il propose de repeindre et de changer les revêtements de planchers à ses frais. Il accepte aussi de permettre l’accès à son logement et il propose de communiquer par texto puisqu’il écoute sa musique sur son cellulaire.
[16] Le Tribunal tente de trouver une solution avec les parties. Or, le locateur est ouvert à la condition que le locataire se départisse des deux chiens, ce que le locataire refuse. À la limite, il pourrait se départir de la femelle, car c’est elle qui s’échappe, mais il ne se séparera pas du mâle.
[17] Après l’étude de l’ensemble de la preuve, le Tribunal ne croit pas qu’il y a lieu de sursoir à la résiliation du bail et de rendre des ordonnances afin d’offrir une dernière chance au locataire. Il n’y a aucune preuve au soutien de son témoignage à l’effet que seule la femelle s’échappe dans le logement. La preuve démontre plutôt une problématique récurrente sur au moins trois ans. Même si le locataire n’a pas d’odorat, face aux constats des excréments à répétition, des propos de l’inspectrice, des interventions suite aux plaintes et de l’introduction de la présente demande, il ne corrige pas la situation. Il garde les chiens, y compris la chienne, malgré les implications de sa présence. Aussi, même s’il effectuait les travaux, si les soins apportés aux animaux ne se corrigent pas, la même situation reviendra. Toutefois, la preuve du locataire est muette à cet égard, sauf pour la suggestion de mettre une couche avec des bretelles à la femelle. Cela est insuffisant face à l’ampleur de la situation.
[18] La demande du locateur est accueillie considérant l’insalubrité du logement, les odeurs intenses d’excréments et d’urine, la dégradation de l’immeuble qui en résulte et les inconvénients anormaux que les odeurs causent aux autres occupants de l’immeuble. Cette situation cause un préjudice sérieux au locateur et aux autres locataires et justifie la résiliation du bail, l’éviction du locataire et l’exécution provisoire de la décision malgré appel.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[19] ACCUEILLE la demande du locateur;
[20] RÉSILIE le bail et ORDONNE l’éviction du locataire et de tous les occupants du logement;
[21] ORDONNE l’exécution provisoire de cette décision à la 20e journée de la date de la signature de la décision;
[22] CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais judiciaires de 107 $.
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Mélanie Marois | ||
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Présence(s) : | le locateur Me Victoria Robert-Jodoin, avocate du locateur le locataire | ||
Dates des audiences : | 25 octobre 2023 27 octobre 2023 | ||
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[1] Un problème relatif au stationnement est aussi allégué, mais il est réglé au moment de l’audience.
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