[1] L’appelant se pourvoit contre un verdict rendu le 22 septembre 2017 par l’honorable Joëlle Roy de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, district de Terrebonne, qui le déclare coupable du premier chef d’accusation (homicide involontaire coupable par acte illégal, soit décharger intentionnellement une arme à feu sans se soucier de la vie ou la sécurité d’autrui) et ordonne l’arrêt des procédures sur le deuxième chef d’accusation (négligence criminelle causant la mort), en application de la règle interdisant les condamnations multiples..
[2] Pour les motifs du juge Chamberland auxquels souscrit le juge Schrager, LA COUR :
[3] ACCUEILLE l'appel;
[4] CASSE le verdict de culpabilité prononcé sur le premier chef d’accusation et l’arrêt des procédures quant au second chef d’accusation; et
[5] RETOURNE le dossier en première instance pour la tenue d’un nouveau procès sur les deux chefs d’accusation;
[6] La juge en chef, pour d'autres motifs, aurait rejeté l'appel, estimant que la juge de première instance a eu raison de ne pas ordonner la communication d'information et de dossiers concernant la victime en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, et qu'elle n'a commis aucune erreur dans son analyse factuelle ni dans son traitement de la preuve d'expert.
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MOTIFS DU JUGE CHAMBERLAND |
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[7]
Le 22 septembre 2017[1],
au terme d’un long procès, la juge de première instance déclarait l’appelant
coupable des deux accusations portées contre lui, soit homicide involontaire
coupable en déchargeant intentionnellement une arme à feu sans se soucier de la
vie ou de la sécurité d’autrui (art. 234, 236a) et
[8] L’appelant, un policier de la Sûreté du Québec, reconnaissait avoir fait feu sur D.H.-L., mais soutenait avoir agi ainsi pour se défendre.
[9] La juge de première instance n’a pas retenu ses moyens de défense.
[10] Pour les motifs que j’exposerai maintenant, je suis d’avis d’accueillir l’appel, de casser le verdict de culpabilité et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.
[11] Je décrirai tout d’abord le droit applicable aux accusations portées contre l’appelant ainsi qu’aux moyens de défense soulevés. Je décrirai ensuite les événements tragiques qui ont mené à la mort de D.H.-L. avant de passer aux moyens soulevés par l’appelant en portant une attention toute particulière à ceux qui, selon moi, justifient l’intervention de la Cour.
[12]
Le premier chef d’accusation en est un d’homicide involontaire coupable
par acte illégal (l’infraction sous-jacente), soit d’avoir déchargé
intentionnellement son arme à feu de service sans se soucier de la vie ou de la
sécurité d’autrui, infraction prévue à l’alinéa
[13] L’actus reus de l’infraction sous-jacente est d’avoir déchargé intentionnellement une arme à feu.
[14] Quant à la mens rea de cette infraction, dont l’élément fautif comprend l’insouciance, il existe une certaine controverse chez les auteurs. Pour les uns, la mens rea, qui en est une d’intention générale, comprend deux composantes, l’une subjective, l’autre objective. L’accusé est conscient que sa conduite risque d’engendrer le résultat prohibé (subjective) et il court quand même le risque sans que cela soit justifié eu égard aux circonstances (objective). Bref, une conscience que la conduite risque d’engendrer un résultat prohibé, d’une part, et le caractère injustifiable du risque à la lumière des circonstances, d’autre part[4]. C’est la position que l’appelant soutient.
[15]
Pour les autres, la mens rea est présente lorsque l’accusé est
conscient que sa conduite risque d’engendrer le résultat prohibé et qu’il court
quand même le risque. Le fait que sa conduite est justifiée eu égard aux
circonstances relève alors de la défense que l’accusé pourrait faire valoir,
par exemple, la légitime défense ou, comme en l’espèce, la défense de
justification codifiée à l’article
[16]
La question est intéressante mais, vu les moyens de défense soulevés par
l’appelant, et particulièrement celui prévu à l’article
[17] Je suis d’autant plus enclin à la prudence que dans Hamilton[6], une affaire impliquant l’infraction d’avoir « conseillé » à autrui de commettre un crime, le juge Fish, s’exprimant pour la majorité, écrit qu’« [u]ne norme requérant la présence d’un “risque considérable et injustifiable” pour justifier de conclure à l’insouciance possède de solides assises au Canada […] »[7]. Il l’applique à cette affaire en référant au « mépris conscient du risque injustifié et important inhérent aux conseils »[8], tout en précisant cependant, quelques paragraphes plus loin, qu’il ne faut pas voir dans ses motifs une révision ou un réexamen complet des « principes régissant l’insouciance en tant qu’élément fautif en droit criminel au Canada »[9]. La question demeure donc ouverte pour les autres infractions qui impliquent l’insouciance en tant qu’élément fautif, dont l’infraction sous-jacente qui nous occupe ici.
[18] Je reviens brièvement à l’homicide involontaire coupable pour ajouter que, au-delà de l’acte illégal que constitue l’infraction sous-jacente, la poursuite doit aussi établir que le risque de lésions corporelles non négligeables était raisonnablement prévisible au moment des actes illégaux posés par l’accusé[10].
[19] L’actus reus de cette infraction requiert d’établir que l’accusé, par ses actes ou son omission, a mis en danger la vie et la sécurité d’autrui et a ainsi causé sa mort[11].
[20] La mens rea, l’élément mental de l’infraction, requiert de prouver que le comportement de l’accusé constitue un écart marqué et important par rapport à celui qu’aurait adopté une personne raisonnable (ici un policier) placée dans la même situation[12].
[21] L’analyse de cet élément de l’infraction de négligence criminelle comporte une analyse en deux volets. Il faut d’abord se demander si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, une personne raisonnable aurait prévu le risque et pris les mesures pour l’éviter si possible. Le cas échéant, il faut ensuite décider si l’omission de prévoir le risque et de prendre les mesures pour l’éviter si possible constitue un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé.
[22]
L’appelant, policier, était dans l’exercice de ses fonctions au moment
des événements. Il invoque au soutien de sa défense les règles énoncées aux
paragraphes (1) et (3) de l’article
a) soit à titre de particulier;
b) soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public;
c) soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public;
d) soit en raison de ses fonctions,
est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.
[…]
(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.
[…] |
25 (1) Every one who is required or authorized by law to do anything in the administration or enforcement of the law (a) as a private person,
(b) as a peace officer or public officer,
(c) in aid of a peace officer or public officer, or
(d) by virtue of his office,
is, if he acts on reasonable grounds, justified in doing what he is required or authorized to do and in using as much force as is necessary for that purpose.
[…]
(3) Subject to subsections (4) and (5), a person is not justified for the purposes of subsection (1) in using force that is intended or is likely to cause death or grievous bodily harm unless the person believes on reasonable grounds that it is necessary for the self-preservation of the person or the preservation of any one under that person’s protection from death or grievous bodily harm.
[…] |
[Je souligne] |
[23]
L’article
[24] Le paragraphe (1) reconnaît au policier, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, le droit d’accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et d’employer la force nécessaire à cette fin. Le paragraphe (3) complète cette règle en précisant que le policier n’est pas justifié d’employer une force de nature à causer la mort ou des blessures graves à moins qu’il n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger contre la mort ou des blessures graves.
[25]
Le 11 mars 2013, la Loi sur l’arrestation par un citoyen et la
légitime défense[13]
entrait en vigueur, dont le nouvel article
34. (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :
a) croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;
b) commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;
c) agit de façon raisonnable dans les circonstances.
Facteurs (2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :
a) la nature de la force ou de la menace;
b) la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;
c) le rôle joué par la personne lors de l’incident;
d) la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;
e) la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;
g) la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;
h) la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.
Exception (3) Le paragraphe (1) ne s’applique pas si une personne emploie ou menace d’employer la force en vue d’accomplir un acte qu’elle a l’obligation ou l’autorisation légale d’accomplir pour l’exécution ou le contrôle d’application de la loi, sauf si l’auteur de l’acte constituant l’infraction croit, pour des motifs raisonnables, qu’elle n’agit pas de façon légitime. |
34. (1) A person is not guilty of an offence if
(a) they believe on reasonable grounds that force is being used against them or another person or that a threat of force is being made against them or another person;
(b) the act that constitutes the offence is committed for the purpose of defending or protecting themselves or the other person from that use or threat of force; and
(c) the act committed is reasonable in the circumstances.
Factors (2) In determining whether the act committed is reasonable in the circumstances, the court shall consider the relevant circumstances of the person, the other parties and the act, including, but not limited to, the following factors:
(a) the nature of the force or threat;
(b) the extent to which the use of force was imminent and whether there were other means available to respond to the potential use of force;
(c) the person’s role in the incident;
(d) whether any party to the incident used or threatened to use a weapon;
(e) the size, age, gender and physical capabilities of the parties to the incident;
(f) the nature, duration and history of any relationship between the parties to the incident, including any prior use or threat of force and the nature of that force or threat;
(f.1) any history of interaction or communication between the parties to the incident;
(g) the nature and proportionality of the person’s response to the use or threat of force; and
(h) whether the act committed was in response to a use or threat of force that the person knew was lawful.
No defence (3) Subsection (1) does not apply if the force is used or threatened by another person for the purpose of doing something that they are required or authorized by law to do in the administration or enforcement of the law, unless the person who commits the act that constitutes the offence believes on reasonable grounds that the other person is acting unlawfully.
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[Je souligne] |
[26] Le premier paragraphe de cet article énumère les trois éléments à satisfaire pour que le moyen de défense s’applique :
‒ la personne croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne (une perception subjective objectivement vérifiée);
‒ la personne agit pour se défendre, ou défendre une autre personne, contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force (un état d’esprit subjectif);
‒ la personne agit de façon raisonnable dans les circonstances (évalué de façon objective)[14].
[27] Dans son évaluation du caractère raisonnable, ou non, des gestes posés par la personne qui se défend en réaction à la force qu’on emploie, ou menace d’employer, contre elle, le juge doit se rappeler que les personnes confrontées à des situations stressantes et dangereuses n’ont pas le luxe d’une réflexion approfondie et elles commettront inévitablement des erreurs de jugement et de fait, par exemple dans l’évaluation de la force requise pour contrer la menace[15]. Leurs actes ne devraient pas être jugés au regard d’une norme de perfection[16].
[28]
Dans l’un ou l’autre cas, que ce soit la défense de justification prévue
à l’article
[29] L’événement à l’origine des accusations portées contre l’appelant survient alors que ce dernier agit dans l’exercice de ses fonctions de sergent à la Sûreté du Québec et qu’il s’apprête à intercepter le conducteur d’un véhicule volé dans le stationnement d’une polyvalente à Sainte-Adèle, sur l’heure du midi, le 22 janvier 2014.
[30] L’appelant est en profond désaccord avec la trame factuelle des événements, ainsi que la juge la relate dans sa décision. Il estime que ce résumé est fondamentalement erroné, totalement incompatible avec la preuve, et il en fait un moyen d’appel.
[31] Je me livrerai donc, pour le moment, à un résumé prudent de la preuve, tout en soulignant les points où il y a divergence entre la juge de première instance et l’appelant.
[32] Le 22 janvier 2014, l’appelant est au volant d’une voiture de police. Au début de son quart de travail, on l’informe qu’un véhicule Mazda RX-8 rouge a été volé. Il connaît les coordonnées de la plaque d’immatriculation. Il sait également que le véhicule est relié à trois vols de guichets automatiques. Il sait enfin que le véhicule a été aperçu à la polyvalente de Sainte-Adèle pendant la matinée. Il tente de repérer le véhicule volé, ce qui l’amène dans la cour de la polyvalente de Sainte-Adèle sur l’heure du midi.
[33] En quittant le stationnement de la polyvalente, il croise le véhicule volé. Il remarque que le conducteur est un jeune homme. Il demande du renfort avant de faire demi-tour et retourner dans le stationnement. Il sait que deux patrouilleurs ont répondu à son appel et qu’ils se dirigent vers la polyvalente.
[34] D.H.-L., le conducteur du véhicule volé, dépose deux jeunes filles dans la cour de la polyvalente.
[35] Le véhicule demeure immobile, moteur en marche.
[36] Pendant ce temps, l’appelant, sans se hâter, stationne sa voiture de police de façon à bloquer la sortie du stationnement. Il descend ensuite de son véhicule, la main à son ceinturon. Une fois devant son véhicule, et après avoir constaté que les deux jeunes filles se sont maintenant éloignées du véhicule volé, il dégaine son arme de service, la tenant de ses deux mains, à 45 degrés vers le sol.
[37] À partir d’ici, l’appelant est en désaccord avec la façon dont la juge relate les faits.
[38] Le conducteur du véhicule volé fait vrombir le moteur à trois ou quatre reprises tout en regardant le policier, d’un « air narquois » dira un témoin lors du procès.
[39] Le policier demande au conducteur de lever les mains, ce qu’il fait pour les rabaisser aussitôt[18].
[40] La vitre du véhicule côté conducteur est baissée.
[41] L’appelant demande au conducteur, à deux autres reprises, de lever les mains. À la deuxième occasion, le conducteur passe les mains par la vitre baissée, trois ou quatre secondes. Croyant à la volonté du jeune conducteur de coopérer, l’appelant s’approche alors du véhicule volé. Il constate que les roues du véhicule sont tournées vers la gauche, dans sa direction.
[42] Alors qu’il se trouve à une quinzaine de pieds du véhicule, le conducteur reprend le volant et met le véhicule en marche, appuyant à fond sur l’accélérateur.
[43] L’appelant tire un premier coup de feu, puis un deuxième. Les deux coups sont consécutifs et le délai les séparant est minime, le temps d’appuyer sur la gâchette.
[44] Le premier coup de feu atteint D.H.-L. au coude gauche et le second, mortel, au cou.
[45] Le véhicule frôle l’appelant, passe entre la voiture de police et un autre véhicule stationné et termine sa course dans un banc de neige.
[46] L’appelant porte immédiatement secours à D.H.-L., mais sans succès.
[47] L’appelant soulève une dizaine de moyens qu’il regroupe pour les fins de son mémoire et de sa plaidoirie orale sous six rubriques : la divulgation de la preuve, les griefs relatifs au premier chef d’accusation, le grief relatif au second chef d’accusation, l’appréciation déraisonnable de la preuve, la preuve d’expert et enfin, la récusation de la juge de première instance.
[48] J’en traiterai dans le même ordre.
[49] D.H.-L. étant tombé sous les balles d’un policier de la Sûreté du Québec, l’enquête a été confiée, comme le veut la règle, à un autre corps de police, en l’occurrence le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
[50] La divulgation de la preuve par le ministère public a révélé l’existence de documents en lien avec trois enquêtes criminelles impliquant D.H.-L. (introduction par effraction dans un commerce en avril 2013, homicide en février 2012 et vol en octobre 2012), de même qu’en lien avec un suivi au Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides (CISSS des Laurentides), par l’agent de probation Simon Blanchette, dans le cadre d’une peine de garde fermée infligée à D.H.-L. en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents[19].
[51] Le 17 janvier 2017, les avocats de l’appelant demandent au ministère public la communication des rapports d’enquête relatifs aux trois événements survenus en 2012 et 2013 et, dans deux de ces cas, les notes personnelles des policiers.
[52] Le 24 janvier 2017, par courriel, une avocate de l’intimée écrit attendre un retour de la Sûreté du Québec relativement aux documents demandés. Ces démarches s’avèrent vite infructueuses, la Sûreté du Québec refusant de divulguer les rapports d’événements et les notes des policiers chargés des enquêtes, tant à l’accusé qu’au ministère public, estimant qu’il ne s’agit pas des fruits de l’enquête en lien avec le dossier de l’accusé.
[53] Le 17 février 2017, l’appelant présente à la juge de première instance une requête en révision du refus de divulgation du ministère public et en production et accès à des éléments de preuve en possession de tiers.
[54] L’appelant soutenait alors, et il le soutient toujours, qu’il avait droit, en vertu de l’arrêt Stinchcombe[20], à ces rapports et aux notes personnelles des policiers relativement à ces trois enquêtes où le profil génétique de D.H.-L. avait été recueilli. Subsidiairement, il soutenait, et il soutient toujours, que la communication de ces documents devait être ordonnée en vertu du régime de communication de la preuve décrit dans l’arrêt O’Connor[21], tout comme ce devait être le cas pour le dossier d’intervention et de suivi relatif à l’exécution de la peine pour adolescent que purgeait D.H.-L. et de tout autre document le concernant en possession de M. Simon Blanchette et du CISSS des Laurentides.
[55]
L’appelant souhaitait obtenir ces éléments pour démontrer le caractère
violent du conducteur du véhicule volé afin d’étayer sa théorie de la cause
voulant que la mens rea des infractions ne soit pas prouvée puisque son
utilisation de la force (de son arme de service) était justifiée ou, vu sous l’angle
des moyens de défense codifiés aux paragraphes
[56] Le 22 mars 2017, la juge de première instance conclut que la procédure établie dans l’arrêt O’Connor s’applique puisque les éléments de preuve recherchés ne sont pas entre les mains de la poursuite, mais plutôt en possession de tiers, en l’occurrence la SQ, le CISSS des Laurentides et M. Blanchette.
[57] La juge estime qu’en l’espèce, l’accusé ne franchit pas la première étape de cette procédure puisque les éléments recherchés n’ont pas de pertinence probable. Comme l’accusé ne connaissait pas l’identité du conducteur qu’il s’apprêtait à interpeller, la juge en déduit qu’il ne pouvait pas invoquer une crainte subjective fondée sur la propension à la violence de la personne qu’il avait devant lui.
[58] La juge ajoute qu’une preuve de propension visant à établir la probabilité que le conducteur ait foncé vers l’accusé avec son véhicule ne satisfait pas l’exigence minimale de « pertinence vraisemblable » requise par la jurisprudence.
[59] L’appelant plaide que cette décision est erronée en ce que, d’une part, la juge aurait dû conclure que le régime de communication de la preuve par la partie principale s’applique ici aux rapports d’enquête et notes personnelles des policiers et, d’autre part, si tant est que le régime applicable soit celui de la communication de renseignements en la possession de tiers, les éléments de preuve recherchés, tant du côté des policiers que de celui de M. Blanchette et du CISSS des Laurentides, satisfont au critère de pertinence vraisemblable exigé par la jurisprudence.
[60] À mon avis, l’appelant a tort quant au choix du régime de communication applicable, mais, et ceci dit avec égards pour la juge de première instance, il a raison quant à la première étape du régime de communication de la preuve décrit dans l’arrêt O’Connor.
[61] Les rapports et notes personnelles des policiers reliés à trois dossiers d’enquête de la Sûreté du Québec auxquels le profil génétique de D.H.-L. était associé, selon un rapport d’expertise transmis par l’intimée aux avocats de l’appelant, ne sont pas entre les mains du ministère public ni entre celles du SPVM qui a mené l’enquête. Ils sont plutôt en possession d’un tiers, en l’occurrence la Sûreté du Québec. Ils ne sont pas sous le contrôle du ministère public ni sous celui du service de police qui a mené l’enquête, et ce, même si les trois dossiers en question sont venus à la connaissance de l’appelant en examinant la preuve qui lui avait été transmise dans le cadre de la communication de la preuve par la poursuite. Finalement, il appert que les efforts du ministère public[22] pour obtenir de la Sûreté du Québec les documents pertinents se sont heurtés à une fin de non-recevoir.
[62] Par contre, et en tout respect pour la juge de première instance, j’estime que les éléments de preuve dont l’appelant veut obtenir la communication, tant du côté policier que du côté des services sociaux, satisfont au fardeau imposé à l’accusé à la première étape de la procédure établie dans l’arrêt O’Connor.
[63] Ce fardeau est important, mais il n’est pas onéreux puisque, à ce stade des procédures, l’accusé n’a toujours pas vu les documents, rapports ou notes recherchés[23]. Il lui suffit d’établir qu’il existe une possibilité raisonnable que les renseignements recherchés aient une valeur probante quant à une question en litige (concernant les événements ou la valeur probante de la preuve) ou à l’inhabileté d’un témoin à témoigner[24].
[64] En l’espèce, la théorie de la défense consistait à dire que D.H.-L. avait foncé sur l’accusé avec son véhicule, justifiant ainsi l’utilisation de la force létale de son arme de service pour se protéger.
[65]
Le comportement de D.H.-L. face au policier qui cherchait à l’interpeller
alors qu’il était au volant d’un véhicule volé était au cœur de l’analyse en ce
qui a trait à l’évaluation du caractère justifié ou non de l’action posée par
le policier, tant sous l’angle de la défense de justification (art.
[66] Il en va de même pour l’accusation de négligence criminelle puisque la preuve de l’intention coupable (la mens rea) requiert de comparer la conduite de l’accusé à celle d’une personne raisonnable, ici un policier, dans les mêmes circonstances, à la recherche d’un écart marqué et important par rapport à celle-ci.
[67] Tout élément de preuve pouvant corroborer la version de l’accusé était donc « vraisemblablement » pertinent.
[68] Dans l’arrêt Scopelliti[25], la Cour d’appel de l’Ontario écrit, sous la plume du juge Martin :
Obviously, evidence of previous acts of violence by the deceased, not known to the accused, is not relevant to show the reasonableness of the accused’s apprehension of an impending attack. However, there is impressive support for the proposition that, where self-defence is raised, evidence of the deceased’s character (i.e. disposition) for violence is admissible to show the probability of the deceased having been the aggressor and to support the accused’s evidence that he was attacked by the deceased.
[Je souligne]
[69] Dans l’arrêt Brousseau[26], notre cour opine dans le même sens, aux paragraphes 19 et 26 :
[19] Il est en effet reconnu depuis l’arrêt Scopelitti que la défense peut mettre en preuve la propension de la victime à commettre des actes de violence, et ce, indépendamment du fait que l’accusé n’avait pas connaissance de ces actes de violence antérieurs au moment où il allègue la légitime défense. Cette preuve sert non pas à démontrer l’état d’esprit de l’accusé et le caractère raisonnable de ses perceptions au moment de l’attaque, mais bien à supporter la preuve que la victime a effectivement violenté l’accusé. Comme le souligne le juge Martin :
Obviously, evidence of previous acts of violence by the deceased, not known to the accused, is not relevant to show the reasonableness of the accused’s apprehension of an impending attack. However, there is impressive support for the proposition that, where self-defence is raised, evidence of the deceased’s character (i.e., disposition) for violence is admissible to show the probability of the deceased having been the aggressor and to support the accused’s evidence that he was attacked by the deceased.
[…]
[26] L’analyse doit néanmoins se poursuivre comme le suggère le ministère public dans son argumentation. La preuve du caractère violent de la victime, ou d’actes violents antérieurs, est admissible dans la mesure où elle est pertinente à l’état de légitime défense invoqué par l’accusée et le juge du procès possède le pouvoir discrétionnaire de refuser une telle preuve si elle a une faible valeur probante :
Since evidence of prior acts of violence by the deceased is likely to arouse feelings of hostility against the deceased, there must inevitably be some element of discretion in the determination whether the proffered evidence has sufficient probative value for the purpose for which it is tendered to justify its admission. Moreover, great care must be taken to ensure that such evidence, if admitted, is not misused.
[Je souligne; renvois omis]
[70]
La refonte des dispositions du Code criminel relatives à la
légitime défense en 2013 semble d’ailleurs faire écho à ces enseignements. Le
paragraphe
[71] À mon avis, la juge a donc erré en rejetant la requête en divulgation de la preuve de l’appelant dès la première étape du régime applicable à la communication de renseignements en la possession de tiers. Il s’agissait de renseignements vraisemblablement pertinents, « raisonnablement susceptibles d’aider l’accusé dans l’exercice de son droit à une défense pleine et entière »[27]. Il ne s’agissait pas d’une recherche à l’aveuglette de sa part. La juge aurait été mieux avisée, et ceci dit avec égards, de passer à la deuxième étape de l’analyse, ce qui lui aurait alors permis d’examiner les documents en question et de déterminer s’ils ont une pertinence véritable, de pondérer les intérêts de chacun et de décider s’ils devaient être transmis à l’accusé et, si oui, dans quelle mesure et à quelles conditions.
[72] Le fait d’exclure des renseignements à première vue pertinents à la preuve de l’innocence de l’accusé dès la première étape de la procédure établie dans l’arrêt O’Connor, sans avoir vu en quoi consistait cette preuve, n’était pas, selon moi, dans l’intérêt non seulement de l’accusé, mais aussi, vu la présomption d’innocence au cœur de notre système de justice criminelle, de la justice.
[73] L’erreur est importante puisqu’elle risque d’avoir porté atteinte au droit de l’appelant à une défense pleine et entière.
[74] Pour s’en convaincre, il suffit de se rappeler que l’appelant affirmait que le jeune conducteur avait dirigé son véhicule vers lui, le pied sur la pédale de l’accélérateur, le faisant craindre pour sa vie et le laissant avec comme seule option celle d’utiliser son arme pour neutraliser la menace. Tout s’est passé très rapidement à partir du moment où le véhicule volé, jusqu’alors immobilisé, aurait foncé vers lui.
[75] Or, la juge de première instance ne retient pas cette version des événements, pas plus qu’elle ne soulève de doute raisonnable dans son esprit. Elle doute même que l’appelant se soit jamais trouvé sur la trajectoire du véhicule et ait craint pour sa vie (paragr. 50, 115, 116 et 126) et affirme que « clairement » le véhicule ne fonçait pas sur lui au moment du second coup de feu (paragr. 128 et 132). Son analyse de la défense soulevée par l’accusé était intimement liée à la trame factuelle qu’elle retenait. Peut-être aurait-elle évalué cette preuve différemment si elle avait eu le bénéfice des éléments de preuve additionnels que l’accusé cherchait à obtenir? Peut-être auraient-ils pu susciter dans son esprit, même si elle ne croyait pas l’accusé, un doute raisonnable?
[76] Cette erreur justifie l’intervention de la Cour et la tenue d’un nouveau procès.
[77] Je poursuivrai tout de même l’analyse des moyens d’appel puisqu’il y a, selon moi, et ceci dit avec égards pour la juge de première instance, d’autres failles dans son raisonnement qu’il n’est pas inutile de relever.
[78] L’appelant fait valoir trois griefs à l’égard du traitement réservé par la juge de première instance au chef d’accusation d’homicide involontaire coupable par acte illégal, soit d’avoir conclu à sa culpabilité a) sans avoir déterminé si l’infraction sous-jacente (avoir déchargé son arme à feu avec insouciance) avait été commise; b) sans avoir considéré que la mens rea de l’infraction sous-jacente implique tout à la fois que l’accusé est conscient que sa conduite risque d’engendrer le résultat prohibé (subjectif) et que le risque pris par lui était injustifié eu égard aux circonstances (objectif); et finalement, c) sur la base de motifs insuffisants.
[79] Je reconnais que la rédaction du jugement entrepris peut sembler quelque peu déroutante à première vue. Après avoir très brièvement résumé les faits (sur lesquels elle reviendra plus en détail plus loin), la juge énonce les deux questions qu’elle a à résoudre, les deux portant sur les moyens de défense invoqués par l’appelant. Pas un mot des éléments constitutifs des accusations portées contre l’appelant, et dont la poursuite devait faire la preuve hors de tout doute raisonnable.
[80] Ceci étant, l’appelant a tort de dire que la juge a omis de décider si l’infraction sous-jacente à l’accusation d’homicide involontaire coupable avait été commise, ici l’infraction d’avoir causé la mort de D.H.-L. en déchargeant intentionnellement son arme à feu sans se soucier de la vie ou de la sécurité de sa cible. Elle en traite de façon précise à partir du paragraphe 106 du jugement entrepris.
[81] La juge retient que l’appelant utilise son arme de service pour tirer à deux reprises sur le conducteur du véhicule en sachant que cela ne peut qu’engendrer des lésions corporelles graves. L’actus reus était donc clairement établi. Quant à la mens rea, la juge conclut que l’accusé est conscient que sa conduite risque d’engendrer des lésions corporelles graves, voire la mort du conducteur.
[82] L’appelant a tort, selon moi, de plaider que la juge n’a pas analysé le caractère justifié ou non de son comportement. Elle a analysé le tout à la lumière des faits qu’elle a retenus, à tort ou à raison, pour conclure que le risque pris par l’appelant était injustifé puisque le véhicule ne fonçait pas sur lui et qu’il ne craignait pas véritablement pour sa vie.
[83] Il est également erroné, selon moi, de dire que la juge a restreint son analyse à l’infraction de négligence criminelle, le deuxième chef d’accusation.
[84]
L’appelant a donc tort, selon moi, de soutenir que la juge a conclu à sa
culpabilité sur la base de motifs insuffisants, et ce, même si, sur le plan
formel, il a raison de dire que la décision ne comprend aucune section relative
à l’accusation d’homicide involontaire coupable par acte illégal, aucune
mention des éléments constitutifs de l’infraction sous-jacente et aucune mention
de l’alinéa
[85]
Il me semble assez clair que, vu la nature des gestes posés par l’appelant,
le seul véritable débat portait sur la justification de l’utilisation de son
arme de service, que ce soit sous l’angle de l’article
[86] Ce moyen d’appel doit être rejeté.
[87] L’actus reus de l’infraction de négligence criminelle causant la mort requiert d’établir que, objectivement, l’accusé a mis en danger la vie et la sécurité d’autrui et a ainsi causé la mort. La mens rea requiert de prouver que la conduite de l’accusé constitue un écart marqué et important par rapport à celle d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.
[88] L’appelant reproche à la juge de première instance d’avoir erronément identifié les éléments de l’infraction, tant au chapitre de l’actus reus qu’à celui de la mens rea.
[89] À mon avis, le reproche est mal fondé.
[90] Au sujet de l’actus reus, la juge conclut que le fait de « décharger une telle arme à feu[28] en visant la tête et les épaules constitue un acte dangereux. L’actus reus est clair »[29]. Il est difficile, selon moi, d’y voir quelque erreur que ce soit. Cette conclusion se fonde sur une application correcte du droit aux faits de l’affaire[30] et ne révèle aucune erreur susceptible de révision en appel.
[91] Au sujet de la mens rea, il est vrai que la juge réfère tantôt à « un écart marqué »[31], tantôt, comme il se doit en matière de négligence criminelle, à « un écart marqué et important »[32]. Selon moi, la référence à l’arrêt de cette cour dans R. c. Czornobaj[33] et le fait de souligner que les parties n’avaient pu bénéficier de cette décision lors de leurs plaidoiries dissipent toute inquiétude quant à la norme qu’elle a appliquée à l’élément moral de l’infraction de négligence criminelle causant la mort.
[92] À cet égard, après avoir déterminé que l’accusé a fait feu à deux reprises avec une arme dont il connaît la puissance et la rapidité, et en visant les épaules et la tête du suspect, la juge conclut que les blessures causées à D.H.-L. étaient « d’une prévisibilité objective mortelle, donc beaucoup plus qu’un risque de préjudice »[34]. Puis, se penchant sur la façon dont l’accusé avait géré ce risque, la juge conclut à une « intention coupable […] supérieure à de l’insouciance »[35].
[93] Dans ce contexte, l’intimée a raison de dire que la juge n’avait pas à préciser davantage sa réflexion quant à l’existence d’un écart marqué et important de la conduite de l’appelant par rapport à celle d’une personne raisonnable.
[94]
À ce chapitre, l’appelant plaide que la juge de première instance a tiré
des conclusions de fait incompatibles avec une preuve qui n’a été ni contredite
ni rejetée, incluant son témoignage. Ces erreurs seraient déterminantes en ce
qu’elles portent sur des faits au fondement même de sa défense voulant que D.H.-L.
ait foncé sur lui avec le véhicule volé, justifiant ainsi l’utilisation de la
force au sens des paragraphes
[95] L’appelant plaide également que la juge a erré en faisant abstraction d’éléments de preuve qui lui étaient favorables.
[96] Selon l’appelant, le résumé des événements que la juge consigne dans sa décision s’avère si incompatible avec la preuve, qu’il donne erronément l’impression que son intervention était totalement injustifiée et que seul, il a provoqué l’incident qui a coûté la vie du jeune conducteur.
[97] À l’audience, l’appelant a fait le tri parmi les nombreuses « erreurs » décrites dans son mémoire pour n’en retenir que quelques-unes.
[98] Qu’en est-il?
[99] Dans son compte rendu du témoignage de l’accusé, la juge écrit qu’il a attendu que les deux jeunes passagères s’éloignent du véhicule volé avant de s’en approcher et de sommer le conducteur de lever les mains, ce que celui-ci aurait fait[36].
[100] Or, l’appelant a affirmé qu’une fois descendu de la voiture de police, il s’est dirigé vers l’avant de celui-ci, sans s’approcher de la Mazda rouge. Son intention était alors de demander au conducteur de lever les mains et de les garder dans cette position pour qu’il puisse bien les voir, ne sachant pas s’il était armé. Mais, avant même qu’il ne s’adresse à lui, le conducteur faisait vrombir le moteur du véhicule à plusieurs reprises, tout en le toisant du regard.
[101] L’appelant y a perçu une menace de le frapper avec le véhicule.
[102] Toujours debout devant sa voiture de police et face à la Mazda rouge, l’appelant a demandé au conducteur de lever les mains, ce qu’il a fait pendant une seconde avant de les baisser. Il a de nouveau demandé qu’il lève les mains, le conducteur n’a pas réagi. L’appelant lui a alors répété, pour une troisième fois, de montrer ses mains, ce que le suspect a fait, mais en partie seulement, le temps de trois ou quatre secondes à peine.
[103] Cette version de l’appelant est corroborée par les témoins J.T.-M. et M.B., deux étudiants, M.B. précisant que le suspect se « foutait » du policier et qu’il faisait plutôt rugir le moteur de son véhicule.
[104] Les témoignages d’Yvon Rioux, un enseignant, et de Julie Duchesneau, une technicienne en éducation spécialisée, vont dans le même sens, manque de collaboration du suspect et vrombissement du moteur de son véhicule. M. Rioux confirme que le jeune conducteur regardait l’appelant avec un sourire narquois, dans une attitude de défi.
[105] La juge écrit ensuite que l’appelant met le conducteur en joue alors qu’il s’approche de la Mazda rouge, son arme toujours pointée vers lui[37]. Or, l’appelant affirmait n’avoir mis le suspect en joue qu’après avoir constaté qu’il fonçait vers lui. Il avait peur et craignait pour sa vie. La neutralisation immédiate de la menace lui semblait la seule option disponible. D’où sa décision de tirer deux coups de feu consécutifs, sans se déplacer ni se repositionner entre les deux coups.
[106] Contrairement à ce qu’écrit la juge, il semble bien qu’aucun témoin n’ait affirmé clairement que l’appelant avait mis en joue le suspect en commençant à s’approcher de la Mazda rouge. Au contraire, M.B. affirme que l’appelant tenait son arme pointée vers le sol jusqu’à ce que le conducteur fonce vers lui avec son automobile. Selon ce témoin, ce n’est que lorsque la Mazda rouge était « vraiment proche » de lui que l’appelant a fait feu. J.T.-M. et M. Rioux confirment.
[107] Il semble donc erroné de conclure que l’appelant s’est approché de la Mazda rouge son arme à feu pointée vers le suspect. Il semble plus juste de dire que l’appelant s’est approché du véhicule volé, son arme tenue à deux mains, à 45 degrés vers le sol, et qu’il ne l’a pointée vers le suspect qu’après avoir constaté qu’il fonçait en sa direction, en accélérant.
[108] La juge écrit correctement que l’appelant fait feu en direction du suspect parce que « le véhicule fonce dans sa direction » et que, craignant pour sa vie, il estime ne pas avoir d’autre option afin de neutraliser la menace[38]. Elle ajoute toutefois qu’un témoin, Yvon Rioux, est « affirmatif : le policier ne se trouve pas dans la trajectoire du véhicule »[39]. Plus loin dans l’analyse, la juge découpe la séquence des événements en deux moments, selon qu’il s’agit du premier ou du second coup de feu. Elle écrit avoir « un doute » sur le fait que le véhicule fonce, ou non, sur l’appelant au moment du premier coup de feu[40], alors que, « clairement », le véhicule ne fonçait pas sur lui au moment du deuxième coup de feu[41]. Un peu plus loin encore, la juge semble abandonner l’idée d’un plan en deux séquences pour conclure, sur ce point capital, « [l]e Tribunal ne croit pas que le véhicule fonce sur l’accusé […] »[42].
[109] Or, quand on lit l’ensemble du témoignage de M. Rioux, celui-ci est loin d’être affirmatif quand il parle de la trajectoire du véhicule rouge. Tantôt, et c’est probablement ce sur quoi la juge de première instance s’est arrêtée, il affirme que le policier n’est pas dans la trajectoire du véhicule, tantôt, un peu plus loin, il semble dire que le véhicule se dirige vers le policier. Chose certaine, selon M. Rioux, l’arrière du véhicule dérape (sous-virage) sur la surface durcie et glacée du stationnement au moment de se mettre en marche, pour ensuite se diriger vers la sortie du stationnement et donc, à tout le moins, dans la direction générale du policier.
[110] Quant aux autres témoins, J.T.-M. confirme à plusieurs reprises que le véhicule rouge fonce sur le policier, ce dernier faisant même un « bond » sur sa gauche avant de faire feu. Le témoignage de M.B. va exactement dans le même sens. Mme Duchesneau, quant à elle, est incapable de décrire la trajectoire du véhicule, mais elle situe clairement l’accusé devant celui-ci.
[111] Bref, la juge de première instance réfère erronément au témoignage de M. Rioux pour la conforter dans sa conclusion voulant que, contrairement à ce que dit l’accusé, le véhicule ne fonce pas en sa direction, tout en passant sous silence les autres témoignages qui, eux, confirmaient celui de l’accusé. La juge ne dit pas mot non plus des images extraites de la vidéo tournée par la jeune étudiante J.T.-M. où l’on voit les roues avant du véhicule, tournées vers la gauche, au moment de frôler le policier côté conducteur.
[112] La juge écrit également que l’appelant, bien qu’il n’ait pas changé de position après le premier coup de feu, s’est « plutôt repositionné » pour tirer un second coup de feu, le tout laissant l’impression d’une véritable pause entre les deux coups de feu[43]. Il est important de souligner, ce que la juge fait d’ailleurs, que, selon l’appelant, le délai entre les deux coups de feu est minime, le temps d’appuyer sur la gâchette de nouveau. Les coups de feu sont successifs. Tout se déroule très vite. L’expert Poulin précise que l’arme de service de l’appelant pouvait facilement tirer quatre balles par seconde. L’appelant affirme ne pas s’être repositionné entre les deux coups de feu.
[113] La juge écrit enfin, dans le cadre de son analyse du moyen de défense soulevé par l’appelant, un policier dans l’exercice de ses fonctions, qu’au moment où l’accusé met le suspect en joue, ce dernier n’a rien dans les mains et il ne possède « aucune information » pouvant laisser croire à sa dangerosité.
[114] Or, selon la preuve, à ce moment, l’appelant ne voit plus les mains du suspect, pas plus qu’il ne sait s’il a accès à une arme cachée sur lui ou à l’intérieur du véhicule. Le policier sait cependant que le suspect est au volant d’un véhicule volé dont il vient de faire rugir le moteur à 3 ou 4 reprises, en le défiant d’un regard narquois. Il sait également que le suspect n’obéit pas à ses ordres alors qu’il n’y a aucune méprise possible sur le fait qu’il est un policier dans l’exercice de ses fonctions. Il sait aussi que le suspect est au volant d’un véhicule associé à trois vols de guichets automatiques. Finalement, il sait que le suspect est définitivement animé d’une intention malveillante puisqu’il fonce vers lui, le pied à fond sur la pédale de l’accélérateur.
[115] Bref, il est vrai que l’accusé ne connaissait pas l’identité du jeune homme, mais les informations accumulées depuis le matin, et particulièrement depuis le début de son intervention dans le stationnement de la polyvalente, lui permettaient certes de se faire une idée, ou à tout le moins de commencer à se faire une idée, sur la dangerosité potentielle de la personne à laquelle il avait affaire.
[116] Dans ce contexte, il me semble erroné, voire carrément déraisonnable, d’écrire que l’accusé ne possède « aucune information » pouvant lui laisser croire à la dangerosité de l’individu qu’il a devant lui. En écrivant cela, la juge commet, selon moi, une erreur d’importance vu les éléments propres aux accusations portées contre l’accusé et aux moyens de défense qu’il soulevait.
[117] L’appelant a fait feu sur D.H.-L., cela est acquis. Sa défense, que ce soit sous l’angle de la preuve que devait faire la poursuite des éléments essentiels des deux infractions ou sous celui des défenses codifiées dans le Code criminel aux articles 25 (pour les personnes qui, comme lui, sont chargées de l’application de la loi) et 34 (la légitime défense), consiste à dire qu’il a utilisé son arme de service pour se protéger, le suspect au volant d’un véhicule volé refusant d’obtempérer à ses ordres et fonçant sur lui, en pleine accélération.
[118] Le déroulement du tragique événement est au cœur de cette défense. Le comportement du policier certes, mais aussi celui de D.H.-L. À mon avis, et ceci dit avec égards pour la juge de première instance, la trame factuelle qu’elle retient me semble incompatible avec la preuve sur certains points qui sont au cœur de la défense de l’accusé. Par exemple, sur la question cruciale de savoir à quel moment l’appelant a mis D.H.-L. en joue ou, encore, celle de savoir si le véhicule fonce sur lui, ou non.
[119] Ne serait-ce que sur ces deux points, l’appelant me convainc que le portrait que la juge trace de la trame factuelle est déraisonnable et que cela a nécessairement eu un impact sur l’appréciation de ses moyens de défense. S’agissant d’erreurs portant sur des faits d’une importance capitale pour la défense, le risque d’erreur judiciaire est, selon moi, réel. Je ne dis pas que, sans ces erreurs, la conclusion ultime aurait été différente, mais je crois qu’elle aurait pu l’être. À mon avis, cela justifie la tenue d’un nouveau procès.
[120] Au soutien de sa défense, l’appelant a témoigné et fait entendre deux experts : Pierre Bellemare, un expert en reconstitution, et Bruno Poulin, un expert en emploi de la force et intervention policière. La juge de première instance n’a pas retenu les conclusions de l’expert Poulin au motif d’absence de pertinence dans le contexte d’une poursuite criminelle et de partialité. Elle estime de plus que le document « le Modèle national de l’emploi de la force », émanant de l’École nationale de police du Québec et déposé au soutien du témoignage de M. Poulin, a « très peu de valeur probante »[44].
[121] À mon avis, et ceci dit avec égards pour la juge de première instance, considérant les accusations portées et les moyens de défense soulevés, elle se trompe en concluant qu’il n’était pas pertinent d’évaluer si le policier avait agi conformément aux enseignements prodigués dans les écoles de police.
[122] Les
défenses codifiées aux articles
[123] De plus, l’accusation de négligence criminelle exigeait, toujours au chapitre de la mens rea, de déterminer si l’omission de l’accusé de prévoir le risque lié à sa conduite, et de prendre les mesures pour l’éviter si possible, constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable, ici un policier, dans la même situation que lui.
[124] Ainsi, la juge devait considérer ce qui est enseigné aux policiers en matière d’emploi de la force puisque, en principe, un policier raisonnable respecte ces enseignements dans l’exercice de ses fonctions. Elle devait être éclairée quant au degré de force qui doit être utilisé lors d’une intervention policière en fonction des enseignements prodigués en cette matière dans les écoles de police.
[125] Ces enseignements ne relevant vraisemblablement pas de la connaissance d’office du juge, l’expertise de M. Poulin en matière d’emploi de la force et d’intervention policière s’avérait donc pertinente, et nécessaire[45].
[126] Quant à la partialité de M. Poulin, cette conclusion, et je le dis avec beaucoup d’égards pour la juge de première instance, ne me semble pas fondée sur la preuve. À la lecture de son témoignage, M. Poulin semble bien comprendre son rôle et celui du juge, le décideur ultime des questions à trancher dans le cadre d’un procès criminel.
[127] Il a décrit et expliqué les normes et tableaux apparaissant dans le Modèle national de l’emploi de la force. La juge dit de ces tableaux qu’ils concernent le degré de force à utiliser lors d’une intervention policière, un « enjeu qui appartient au Tribunal d’évaluer et seulement au Tribunal »[46]. L’expert exprime aussi son opinion sur la conduite de l’accusé tout au long de l’intervention par rapport à l’enseignement prodigué à l’École nationale de police du Québec.
[128] Tout cela me semble parfaitement correct, et ce, même si, ultimement, il appartenait à la juge d’apprécier la preuve tant en ce qui a trait à la preuve de la poursuite des éléments essentiels des accusations portées contre l’accusé qu’à celle des moyens de défense mis de l’avant par ce dernier.
[129] M. Poulin ne me semble pas être allé plus loin que ce que l’on attend d’un expert.
[130] Il est intéressant de noter que, contrairement à ce qu’écrit la juge[47], « le Modèle national de l’emploi de la force » a été déposé par la poursuite dans le cadre de la preuve à charge, et non par M. Poulin. Le document déposé par ce dernier est une présentation PowerPoint comportant des extraits de ce document. Il faut en conclure - sans s’en étonner d’ailleurs, vu la nature du dossier - que l’application des enseignements du Modèle national de l’emploi de la force constituait un enjeu tant pour la poursuivante que pour l’accusé.
[131] Les experts sont retenus pour informer le juge sur des sujets pointus, souvent techniques, qui ne relèvent pas de la connaissance d’office et, lorsqu’on les y invite, pour exprimer leur opinion, toujours dans le respect du juge qui, ultimement, doit trancher. C’est, selon moi, ce que M. Poulin a fait ici.
[132] Contrairement à ce qu’écrit la juge de première instance, la finale de son interrogatoire ne se voulait pas « d’un biais étonnant et sans limites »[48], pas plus qu’il n’a émis l’opinion sans nuance que « toute l’intervention [était] conforme avec l’enseignement prodigué par l’École nationale de police »[49].
[133] M. Poulin a droit à son opinion et ce n’est pas parce qu’il croit que l’intervention était conforme aux enseignements prodigués dans les écoles de police - et que la juge voit les choses différemment - que son témoignage mérite d’être qualifié « d’un biais étonnant et sans limites ». De plus, il n’a pas affirmé sans nuance que toute l’intervention était conforme puisqu’il a reconnu, plus d’une fois pendant son témoignage, qu’elle « n’était pas parfaite » et expliqué pourquoi il apportait cette nuance.
[134] Les experts ont « l’obligation envers le tribunal de donner un témoignage d’opinion qui soit juste, objectif et impartial »[50]. Toute conclusion judiciaire à l’effet contraire est grave et doit reposer sur des fondements solides. Pour qu’un juge rejette le témoignage d’un expert pour cause de partialité, « il faut plus qu’une simple apparence de partialité »[51]. Il faut un motif qui justifierait le juge de conclure que l’expert ne peut pas, ou ne veut pas, s’acquitter de son obligation d’aider le tribunal. À mon avis, ce n’était pas le cas ici.
[135] Ici encore, le comportement du policier dans le cadre de l’intervention menée, face à l’attitude de D.H.-L., était au cœur de ses moyens de défense. Le rejet par la juge du témoignage de M. Poulin, notamment en ce qui a trait à la conformité de la conduite de l’appelant par rapport aux enseignements reçus, n’est fort probablement pas sans conséquence sur l’analyse de la preuve à charge et des moyens de défense. Ici encore, l’erreur justifie la tenue d’un nouveau procès.
[136] Reste la question de la récusation.
[137] Je traite de ce moyen même si je suis d’avis, à ce stade de mon analyse, que l’appel doit être accueilli et un nouveau procès ordonné. En effet, il est possible, du moins en théorie, que le nouveau procès soit entendu devant la même juge.
[138] Le verdict de culpabilité a été rendu le 22 septembre 2017.
[139] Le 28 septembre 2017, l’appelant apprenait que, le 27 février 2012, alors qu’elle était avocate et présidente de l’Association des avocats de la défense, la juge avait dit à la télévision « [ne pas savoir] combien de personnes se font… se font assassiner en fait par des policiers », et le lendemain, 28 février 2012, à la Commission permanente des institutions, à l’Assemblée nationale, que beaucoup trop d’interventions policières avaient entraîné la mort, tout en déplorant le peu d’accusations portées contre les policiers.
[140] Le même jour, l’appelant apprenait également que, le 21 mars 2012, à la suite d’une mise en demeure de la Fraternité des policiers et policières de Montréal, la juge, alors avocate, s’était excusée publiquement pour les propos tenus dans les médias, affirmant que ceux-ci « s’avèrent inadéquats et inappropriés dans les circonstances ».
[141] Le 18 janvier 2018, l’appelant demandait à la juge de première instance de se récuser.
[142] Le 26 janvier 2018, la juge rejetait cette requête.
[143] Selon l’appelant, la juge a rejeté sa requête en se contentant de souligner que l’avis d’appel ne comportait aucun moyen d’appel invoquant sa partialité et qu’il y avait absence totale de preuve au soutien des prétentions avancées, mais sans jamais énoncer ni considérer le critère applicable en matière de récusation.
[144] L’appelant plaide que la juge ne pouvait pas conclure à l’absence de preuve puisque la preuve au soutien de la requête établissait clairement les propos qu’elle avait tenus, propos qu’elle qualifiait elle-même plus tard, au moment de présenter ses excuses, d’« inadéquats et inappropriés ».
[145] Il s’agissait donc d’une erreur de sa part et, selon l’appelant, la juge aurait dû considérer cette preuve et se demander, comme l’enseigne la Cour suprême en reprenant à son compte le critère énoncé par la Cour fédérale d’appel sous forme de question[52], « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le juge], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? ».
[146] Répondant à cette question, l’appelant affirme que la juge aurait dû conclure à la nécessité de se récuser puisque les propos qu’elle avait tenus alors qu’elle était avocate avaient fait naître une apparence de partialité.
[147] L’appelant ajoute, en tout respect pour la juge de première instance, que son appréciation de la preuve au terme du procès tend à démontrer qu’elle n’a pas considéré celle-ci avec un esprit ouvert.
[148] L’appelant conclut ce moyen d’appel en soutenant, d’une part, que la juge avait l’obligation de divulguer, avant le début du procès, les propos qu’elle avait déjà tenus, et pour lesquels elle s’était excusée publiquement, ce qu’elle n’a pas fait et, d’autre part, qu’elle ne pouvait pas rejeter la requête en s’appuyant sur le fait que l’avis d’appel ne comportait aucun moyen invoquant sa partialité puisque celui-ci a été produit (le 20 octobre 2017) avant même que la requête ne soit rédigée (le 22 décembre 2017, modifiée le 18 janvier 2018).
[149] À mon avis, ce moyen d’appel est mal fondé.
[150] Les juges canadiens jouissent d’une forte présomption d’impartialité[53]. Il appartient à la partie qui allègue la partialité d’un juge de repousser cette présomption en démontrant que la conduite du juge suscite une crainte de partialité aux yeux d’une personne sensée et raisonnable, et bien renseignée à ce sujet. Les motifs de crainte doivent être sérieux. La seule démonstration que le juge a des croyances, opinions ou préjugés ne suffit pas à établir la partialité; il faut démontrer que ces croyances, opinions ou préjugés empêchent le juge de les mettre de côté pour parvenir à une décision fondée sur la preuve[54].
[151] La juge avait raison de conclure que ses propos formulés une seule fois, à titre de présidente d’une association d’avocats, plusieurs années auparavant (cinq ans) dans le contexte d’un débat général sur un projet de loi, ne pouvaient pas à eux seuls susciter une crainte raisonnable de partialité défavorable à l’appelant aux yeux « d’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique »[55].
[152] La seule utilisation du mot « assassiner », bien qu’inadéquate et inappropriée, et pour laquelle des excuses publiques ont été présentées à l’époque, ne constitue pas une preuve convaincante de nature à renverser la forte présomption d’impartialité dont tous les juges canadiens bénéficient en raison du serment qu’ils prêtent au moment de leur accession à la magistrature et des règles de déontologie qui les gouvernent.
[153] Ceci étant, s’il devait y avoir un nouveau procès, comme je le propose, je crois qu’il serait mieux avisé de tenir ce procès devant un autre juge pour éviter tout malaise.
***
[154] Pour toutes ces raisons, je propose d’accueillir l’appel, de casser le verdict de culpabilité prononcé sur le premier chef d’accusation et l’arrêt des procédures quant au second chef d’accusation, et de retourner le dossier en première instance pour la tenue d’un nouveau procès sur les deux chefs d’accusation.
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JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A. |
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MOTIFS DE LA JUGE EN CHEF |
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[155] J’ai eu l’avantage de prendre connaissance des motifs de mon collègue le juge Chamberland. Je souscris à son analyse relativement aux moyens d’appel portant sur le premier chef d’accusation et le second chef d’accusation, ainsi que son analyse du moyen relatif à la demande de récusation de la juge de première instance, moyens qu’il rejette. J’estime toutefois non fondés les trois moyens d’appel qu’il propose d’accueillir, lesquels concernent : 1) la décision de la juge de première instance de ne pas ordonner la communication d’enquêtes menées et de dossiers montés au sujet de la victime dans le cadre de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, 2) certains aspects de l’analyse factuelle de la juge et enfin, 3) son traitement de la preuve d’expert. Le jugement étant, à mon avis, exempt d’erreur, l’ordonnance d’un nouveau procès n’est pas justifiée. Je limiterai ma propre analyse à ces trois moyens.
Les faits
[156] Je reprends ici les paragraphes 1 à 7 du jugement de première instance :
[1] L’accusé fait face à deux chefs
d’accusation, soit d’un homicide involontaire coupable en déchargeant
intentionnellement une arme à feu sans se soucier de la vie ou de la sécurité
d’autrui (articles
[2] En date du 22 janvier 2014, l’accusé, sergent à la Sûreté du Québec, effectue une patrouille dans le but de repérer un véhicule volé, qui l’amène dans la cour de la polyvalente de Ste-Adèle, sur l’heure du midi.
[3] L’accusé n’a aucune information sur l’identité du présumé voleur, ni sur le conducteur, ni sur les circonstances du vol. Il sait seulement que le véhicule peut être lié à des vols dans des guichets automatiques. Aucun incident de violence n’est associé à cette enquête.
[4] Il croise ledit véhicule lorsqu’il quitte le stationnement de la polyvalente, fait demi-tour et suit ce dernier jusqu’à sa destination finale. L’accusé remarque que le conducteur est un jeune homme.
[5] Le conducteur, un jeune homme de 17 ans, dépose deux jeunes filles dans la cour de la polyvalente et le véhicule demeure immobile, mais en marche.
[6] Au même moment, l’accusé, sans hâte, stationne son véhicule patrouille de façon à bloquer toute issue possible au conducteur. Il sort de son véhicule, dégaine son arme à feu, la tient des deux mains, vers le jeune homme et vers le bas avec un angle de 45 degrés. Il se dirige ainsi vers le véhicule volé en sommant le conducteur de lever ses mains dans les airs. Il le met en joue lorsqu’il se trouve à une distance d’à peu près quinze pieds du véhicule, du côté conducteur.
[7] Le jeune homme fait alors vrombir son moteur et obtempère en partie aux semonces du policier. Lorsque l’accusé le met en joue, il quitte prestement avec son véhicule et, simultanément, le policier, croyant que le véhicule fonce sur lui, tire un premier coup de feu en direction du jeune homme et l’atteint au coude gauche. Puis, le véhicule poursuit sa très courte route et, lorsqu’il passe près de l’accusé, ce dernier tire un second coup de feu dans le cou de la victime, blessure qui est mortelle.
[Soulignements ajoutés.]
[157] Cette description résume correctement les faits. La juge explique au paragraphe 12 de son jugement qu’afin d’éviter les redondances, elle y insérera ponctuellement des précisions pour « tisser la trame événementielle complète »[56].
[158] C’est effectivement ce qu’elle a fait dans une analyse des faits des plus adéquates.
Analyse
La divulgation de la preuve
[159] En l’espèce, l’appelant cherchait à obtenir la communication de rapports d’enquête et les notes personnelles des policiers dans trois enquêtes criminelles visant la victime ainsi que le dossier d’intervention et de suivi de celle-ci (auprès du Centre intégré de santé et de services sociaux des Laurentides) relativement à une peine pour adolescent qui lui fut imposée.
[160] À l’instar de mon collègue le juge Chamberland, je suis d’avis que la communication des dossiers détenus par la Sûreté du Québec est soumise au régime établi dans l’arrêt O’Connor[57].
[161] Toutefois, l’appelant n’avait aucune information sur l’identité du conducteur ni sur les circonstances du vol du véhicule. La juge d’instance n’a donc pas erré en concluant que l’appelant ne franchit pas la première étape du test, lequel requiert d’un accusé de démontrer que les renseignements sont vraisemblablement pertinents, c’est-à-dire, qu’il « existe une possibilité raisonnable qu’[ils] aient une valeur logiquement probante relativement à une question en litige ou à l’habilité à témoigner d’un témoin »[58] (soulignements ajoutés). Bien que le fardeau de l’accusé à cette étape ne soit pas onéreux, il doit tout de même satisfaire au critère de la « pertinence probable » :
[…] Ce critère de la « pertinence probable » a été
qualifié d’important, sans être onéreux : O’Connor, par. 24; McNeil,
par. 29. Il est « important » en ce qu’il permet aux tribunaux de jouer le rôle
de gardien, de manière à éviter les demandes de production « qui reposent
sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées,
obstructionnistes et dilatoires » : O’Connor, par. 24, citant R. c.
Chaplin,
[Soulignements ajoutés.]
[162] La juge, à bon droit, a évalué la pertinence vraisemblable des documents en se référant au contexte particulier de l’affaire. Elle souligne le fait que l’appelant ne connaissait pas la victime au moment de son intervention policière et conclut que ces documents ne peuvent servir à établir que la crainte subjective de l’appelant était basée sur le caractère violent de la victime, qui d’ailleurs n’était pas armée. Ensuite, la juge détermine que la proposition de l’appelant selon laquelle les documents seraient pertinents pour établir la probabilité que la victime ait foncé sur lui relève de conjectures.
[163] En décidant ainsi, la juge a correctement appliqué les principes qui se dégagent de l’arrêt O’Connor. Tout d’abord, il est important de rappeler que la juge d’instance était la mieux placée pour évaluer le critère de pertinence probable[60]. Elle a considéré que les évènements qui font l’objet des documents concernés ne sont pas contemporains aux accusations portées contre l’appelant. De plus, deux des rapports d’enquête visés par la requête de l’appelant ne traitent pas de crimes violents. Quant au troisième, même en supposant qu’il contienne des éléments qui pourraient démontrer une propension à la violence chez la victime, ils ne sont pas manifestement pertinents pour la raison principale que l’accusé n’en savait rien. En outre, la preuve de propension à la violence d’une victime est de nature circonstancielle et la victime, non armée, avait une arme à feu braquée sur elle. Cherchait-elle simplement à échapper au danger? Enfin, le critère de pertinence est intimement lié à la valeur probante que pourraient avoir les renseignements recherchés. Le dossier en l’espèce comportait beaucoup d’éléments de preuve directe, soit les témoins oculaires ainsi que la vidéo du deuxième coup de feu. J’estime qu’il n’existe aucune possibilité que les dossiers réclamés par l’appelant aient pu aider sa défense, sauf en colorant les faits. La juge n’a pas commis d’erreur.
L’appréciation de la preuve
[164] Avec égards, les erreurs alléguées par l’appelant ne peuvent fonder une intervention de cette Cour pour prononcer un acquittement ou même ordonner un nouveau procès. Tout d’abord, il est utile de rappeler qu’un.e juge d’instance n’a pas à couvrir individuellement tous les éléments de la preuve. L’omission de ce faire ne peut constituer une erreur de droit « à moins que les motifs démontrent que [l’examen de l’ensemble de la preuve relative à la question fondamentale] n’a pas été fait »[61]. Ce n’est clairement pas le cas.
[165] Les erreurs alléguées par l’appelant quant à la conclusion de la juge que la victime ne fonçait pas sur lui n’en sont pas. Je me limiterai à la conclusion de la juge que, dans les faits, l’appelant n’était pas dans la trajectoire du véhicule lors du tir du deuxième coup de feu. Cette constatation de fait est supportée par la vidéo prise par le témoin J.T.-M. et exempte d’erreur. En effet, l’accusé a tiré sur la victime à travers la fenêtre ouverte du conducteur alors que le véhicule passait à côté de lui. L’appelant affirme que ses deux coups de feu ont été consécutifs, le temps d’appuyer sur la gâchette. Si le véhicule avait foncé sur lui, il aurait atteint la victime à travers le pare-brise. De plus, la juge a clairement conclu que l’usage de la force était excessif et non justifié en l’espèce. Selon elle, le second coup de feu qui a atteint la victime au cou et qui s’est avéré mortel n’était pas nécessaire. La preuve permettait à la juge d’en arriver à une telle conclusion.
[166] Est-il besoin de rappeler ici les enseignements de la Cour suprême du Canada dans R. c. Lohrer[62] sur la norme stricte qui gouverne l’interprétation erronée de la preuve. Celle-ci doit « porter sur l’essence plutôt que sur des détails. Elle doit avoir une incidence importante plutôt que secondaire sur le raisonnement du juge du procès. Une fois ces obstacles surmontés, il faut en outre […] que les erreurs ainsi relevées aient joué un rôle capital non seulement dans les motifs du jugement, mais encore “dans le raisonnement à l’origine de la déclaration de culpabilité.” »[63].
[167] La Cour suprême renforçait ce message l’année suivante dans R. c. Clark[64], notamment au paragraphe 9 : « […] Les cours d’appel ne peuvent pas modifier les inférences et conclusions de fait du juge du procès, à moins qu’elles soient manifestement erronées, non étayées par la preuve ou par ailleurs déraisonnables. De plus, l’erreur imputée doit être clairement relevée. Il faut aussi démontrer qu’elle a influé sur le résultat. »
[168] Il m’apparaît qu’au final, les « erreurs » reprochées à la juge par l’appelant sont de ne pas avoir retenu sa version des faits (relativement, par exemple, au moment où il aurait mis la victime en joue) sur des aspects qui ne sauraient être déterminants. Il n’appartient pas à une cour d’appel de substituer son appréciation des faits à celle de la juge de première instance, surtout sur des questions de crédibilité, à moins d’être en présence d’une erreur manifeste, c’est-à-dire évidente, et déterminante, c’est-à-dire, qui rend le verdict déraisonnable. L’analyse factuelle de la juge de première instance ne recèle aucune telle erreur et je ne saurais considérer que le verdict est déraisonnable vu l’ensemble de la preuve.
La preuve d’expert
[169] Quant au moyen fondé sur le traitement de la preuve d’expert par la juge de première instance, je le résume ainsi. L’appelant avance que la juge a erré en droit en rejetant le témoignage de M. Bruno Poulin, expert en intervention policière. Il lui reproche d’avoir conclu sans motif à la partialité de M. Poulin ainsi qu’à l’absence de pertinence de son témoignage.
[170] Voici ce que la juge en dit dans la décision dont appel[65] :
[72] L’expert ne doit pas usurper le rôle du Tribunal en tirant des conclusions qui sont du ressort exclusif du Tribunal, non plus qu’il ne doive témoigner en lieu et place de l’accusé.
[73] Le degré de force nécessaire demeure l’apanage du Tribunal.
[74] Récemment, notre Cour d’appel s’est prononcée sur les limites du témoignage d’un expert et sur ce qui appartient au juge des faits, R. c. Bresaw [renvoi omis], arrêt unanime du 23 août dernier.
[171] La juge de poursuivre en notant que l’expert a ici démontré dans son témoignage un « biais étonnant et sans limite »[66].
[172] Il convient de rappeler qu’ainsi que l’écrit notre collègue Vauclair, la preuve d’expert « ne doit pas avoir pour effet de se substituer » à l’analyse du décideur des faits[67]. Il n’appartient pas à l’expert de se prononcer sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé, par exemple, non plus que sur la crédibilité d’un témoin. C’est ce que l’on appelle dans les provinces de common law le « ultimate issue rule »[68].
[173] Le juge Vauclair enchaîne ainsi :
[…] une telle preuve [d’expert] ne sera admissible que si le juge des faits est incapable de tirer ses propres conclusions. Encore une fois, on vise à éviter que l’expert n’en vienne à usurper les fonctions du jury… Ce danger est exacerbé par le fait que cette preuve est très imperméable au contre-interrogatoire. À cela s’ajoute le fait que l’expert témoigne souvent à partir de données recueillies dans des publications scientifiques ou lors d’entrevues extrajudiciaires dont la fiabilité ne peut être vérifiée par un contre-interrogatoire […][69]
[174] Il ressort clairement du jugement entrepris que la juge a considéré que l’expert Poulin, en plus de sa partialité, avait enfreint ces règles. Ayant d’abord souligné que son témoignage se basait sur des enseignements dispensés aux policiers, et constituait un exposé théorique sur des normes déontologiques, elle s’est étonnée que[70] :
➢ l’expert se prononce ainsi, sans ambages, sur l’actus reus et la mens rea du policier et il est catégorique : toute l’intervention est conforme avec l’enseignement prodigué par l’École nationale de police, les deux coups de feu sont justifiés et c’est la seule solution possible à cause de la menace, de l’imminence du danger, selon la perception du policier;
➢ il va également se prononcer sur le temps de cognition dans la tête du policier, sur les stress comme facteur humain (alors que l’accusé lui-même n’en dit mot), que le policier n’a plus d’autres options à considérer dans le temps;
➢ il calcule le temps entre les deux coups de feu de trente centième de seconde, alors qu’il n’a aucune donnée sur le premier tir, sauf approximatif et base le temps de réaction approprié du policier sur ce calcul plus qu’hypothétique;
➢ selon lui, le policier, avec ce si court laps de temps, ne peut réfléchir entre les deux coups de feu, non plus que se repositionner pour tirer (la vidéo montre le contraire);
➢ l’expert conclut que le policier tire pour protéger sa vie, qu’il se défend et réitère qu’il n’a pas d’autre solution de rechange;
➢ aussi, que sur une photo extraite de la vidéo, lorsque l’on aperçoit l’accusé, la main gauche levée près du véhicule, avant le second coup de feu, qu’il s’agit d’un geste de protection pour le policier et que cela est enseigné aux policiers (l’accusé n’en parle pas non plus : ni de cet enseignement, ni ne décrit ce geste en fonction d’une protection quelconque);
[76] De telles affirmations, excluant toute nuance, ponctuées d’hypothèses afin de supporter leur teneur, ne peuvent qu’amener le Tribunal à écarter les conclusions de cet expert sur deux points : la partialité et la pertinence.
[…]
[80] Le Tribunal réitère que nous ne sommes pas dans le cadre d’une justification déontologique sur la conformité ou non de l’intervention policière d’après des règles enseignées aux policiers.
[81] Peut-être que le témoignage de cet expert peut devenir pertinent lors d’une telle audience, mais pas ici, dans le contexte qui nous occupe.
[82] D’ailleurs, il est intéressant de lire l’avertissement sur la première page du document, en petits caractères et au bas de celle-ci :
« Ce document est rédigé à l’intention des étudiants à un cours et constitue un complément à la formation diffusée en classe. L’information présentée dans ce document ne doit pas être interprétée comme constituant un manuel de procédure et ne doit en aucun cas servir à d’autres fins que celles de la formation. Les lecteurs ne devraient pas agir sur la seule foi des informations qui y sont contenues. »
[175] Il ressort des motifs de la juge que même si le contenu du témoignage de M. Poulin avait été pertinent, elle ne lui accordait qu’une très faible valeur probante. Encore une fois, en l’absence d’une erreur manifeste et déterminante, que je ne perçois nullement ici, cette conclusion mérite déférence puisqu’elle relève de l’exercice discrétionnaire de la juge d’instance[71]. La question du caractère raisonnable de l’utilisation de la force qui a tué D.H.-L. ne relevait pas de la compétence de l’expert, mais bien de celle de la juge d’instance qui devait la trancher conformément aux articles 25 et 34 du Code criminel[72].
[176] La juge d’instance n’ayant commis aucune erreur qui justifierait l’intervention de cette Cour, je propose le rejet de l’appel.
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NICOLE DUVAL HESLER, J.C.Q. |
[1]
R. c. Deslauriers,
[2] D.H.-L. n’avait pas 18 ans au moment des événements, le 22 janvier 2014. Il en va de même de quelques-uns des témoins entendus lors du procès. J’utiliserai donc des initiales pour les désigner tout au long de mes motifs.
[3]
R. c. Kienapple,
[4]
R. c. Hamilton,
[5]
Dont celles codifiées aux articles
[6] R. c. Hamilton,
[7] Id., paragr. 28.
[8] Id., paragr. 29.
[9] Id., paragr. 33.
[10] R. v. McRae,
[11]
R. c. Fontaine,
[12]
R. c. Javanmardi,
[13] L.C. 2012, ch. 9.
[14] R. v. Cormier,
[15] R. v. Cunha,
[16] R. c. Nasogaluak,
[17] David Watt, Watt’s Manual of Criminal
Evidence, Toronto, Thomson Reuters Canada, 2019, p. 195-196. Voir également
Morris Manning, Alan W. Mewett et Peter Sankoff, Criminal Law, 5e
éd., Markham, LexisNexis Canada, 2015, p. 396-398; Don Stuart, Canadian
Criminal Law, 7e éd., Toronto, Carswell, 2014, p. 507; R. c. Paul,
[18] Ou une seule main, selon la juge (jugement entrepris, paragr. 41), alors que les témoins disent plutôt qu’il « lève les mains ».
[19] Les documents révélaient également deux vols d’essence en lien avec le véhicule volé, le 20 janvier 2014 vers 19 heures, à Sainte-Adèle et le 22 janvier 2014 vers 10 heures, à Morin-Heights, le matin même du drame. Toutefois, à moins d’erreur de ma part, il n’y a pas de preuve indiquant que le policier était au courant de ces deux vols au moment de l’intervention.
[20] R. c. Stinchcombe,
[21] R. c. O’Connor,
[22]
R. c. McNeil,
[23] McNeil, id., paragr. 29 et 33.
[24] Id., paragr. 33; O’Connor, précité, note 21, paragr. 22.
[25] R. v. Scopelliti (1981), 63 C.C.C. (2d) 481, p. 492 (C.A. Ont.).
[26]
Brousseau c. R.,
[27] McNeil, précité, note 22, paragr. 44; O’Connor, précité, note 21, paragr. 21.
[28] Un Glock, calibre 9 mm, semi-automatique, jugement entrepris, paragr. 94.
[29] Jugement entrepris, paragr. 99.
[30] Id., paragr. 90-97.
[31] Id., paragr. 88 et 98.
[32] Id., paragr. 89.
[33]
[34] Jugement entrepris, paragr. 103.
[35] Id., paragr. 107.
[36] Id., paragr. 32-33.
[37] Id., paragr. 37-39, 43-44.
[38] Id., paragr. 49.
[39] Id., paragr. 50.
[40] Id., paragr. 126.
[41] Id., paragr. 128.
[42] Id., paragr. 132.
[43] Id., paragr. 51.
[44] Id., paragr. 83.
[45]
R. c. Mohan,
[46] Jugement entrepris, paragr. 78
[47] Id., paragr. 77.
[48] Id., paragr. 75.
[49] Ibid.
[50] White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co.,
[51]
Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville),
[52] Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie,
[53]
R. c. S. (R.D.),
[54] Id., paragr. 107.
[55] Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, précité, note 52.
[56] Jugement entrepris, paragr. 12.
[57] R. c. O’connor,
[58] Id., p. 436.
[59] R. c. Gubbins,
[60] R. v. Budimirovic,
[61] R. c. Walle,
[62] R. c. Lohrer,
[63] Id., paragr. 2.
[64] R. c. Clark,
[65] Jugement entrepris, paragr. 72-83.
[66] Jugement entrepris, paragr. 75.
[67]
Martin Vauclair et Tristan Desjardins,
[68]
Voir, notamment : R. c. J.-L.J.,
[69] Ibid.
[70] Jugement entrepris, paragr. 75, 78, 80-82.
[71] White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co.,
[72]
Dans le même sens, voir : R. v. Power,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.