Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Décision

Morel c. Bolduc

2020 QCTAL 10495

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Saguenay

 

No dossier :

514008 02 20200312 T

No demande :

3106071

 

 

Date :

15 décembre 2020

Devant la juge administrative :

France Tremblay

 

Time Samuel Morel

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

René Bolduc

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locataire requiert la rétractation de la décision rendue le 28 septembre 2020 portant sur une demande formulée par le locateur en résiliation de bail aux motifs de non-paiement du loyer et des retards fréquents du locataire pour le paiement du loyer.

[2]      Le locataire allège avoir pris connaissance de cette décision le 1er novembre 2020 et il a déposé sa demande le 6 novembre 2020.

[3]      Il soutient que la personne mandatée pour le représenter devant le Tribunal en date du 9 septembre 2020 s’est présentée au palais de justice d’Alma, alors que l’audience était fixée à Saguenay, et ce, sans qu'il n'y ait de faute de sa part.

[4]      Comme moyen sommaire de défense à la demande initiale du locateur, le locataire soumet qu’il détient la preuve de ses paiements réguliers de son loyer.

[5]      Bien que dûment signifié et convoqué, le locateur est absent à l’audience.

PREUVE

[6]      Le Tribunal retient de la preuve administrée les éléments qui suivent.

[7]      Les parties sont liées par un bail de logement du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, lequel a été reconduit jusqu’au 30 juin 2021, au loyer mensuel de 560 $.

[8]      La demande initiale du locateur a été déposée le 12 mars 2020.

[9]      En date du 3 août 2020, un avis d’audition a été expédié au locataire, l’informant que l’audience de la demande était fixée au palais de justice d’Alma, le 9 septembre 2020.


[10]   L’audience de la demande a été tenue en date du 9 septembre 2020, à Alma, en l’absence du locataire.

[11]   À l’audience, la mandataire du locataire, madame Liliane Desbiens témoigne qu’il s’est avéré que la mandataire du locataire, en date du 9 septembre 2020, n’avait pas réellement la capacité d’agir adéquatement pour et au nom du locataire et que cette erreur ne doit pas le préjudicier. À ce titre, madame Desbiens explique au Tribunal que cette mandataire s’est présentée au palais de justice d’Alma, alors que le locataire était convoqué à Jonquière.

[12]   Or, une vérification au plumitif du Tribunal permet d’établir que le locataire a été convoqué en date du 3 août 2020 pour une audition fixée au palais de justice d’Alma, le 9 septembre, ce qui ne corrobore aucunement le témoignage de madame Desbiens.

[13]   Subsidiairement, à titre de moyen sommaire de défense du locataire sur la demande initiale, madame Desbiens confirme au Tribunal que le locataire paie fréquemment son loyer en retard, exhibant à ce chapitre tous les reçus de paiement depuis la dernière année.

[14]   Ainsi se résume l’essentiel de la preuve.

FARDEAU DE PREUVE

[15]   Le locataire a le fardeau de prouver au Tribunal, par prépondérance de preuve, les faits au soutien de sa demande, et ce, en conformité avec les articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec.

[16]   Ainsi, la preuve doit être claire et convaincante et s’appuyer sur des faits probables.

[17]   En somme, si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est la partie sur qui repose le fardeau de preuve qui succombera.

[18]   Enfin, l’appréciation du témoignage est laissée à la discrétion du Tribunal (article 2845 du Code civil du Québec).

ANALYSE

[19]   Le locataire fonde sa demande de rétractation sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, lequel énonce ce qui suit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

[20]   Selon une importante jurisprudence, le recours en rétractation est un recours de nature exceptionnelle et le principe de la stabilité des décisions est essentiel à une saine administration de la justice.

[21]   En effet, en raison du principe de la stabilité des jugements, les motifs soumis au soutien de la rétractation doivent être sérieux[1], sincères et véridiques[2].

[22]   Ce principe a même été réitéré par la Cour d'appel du Québec :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[3]


[23]   Notons que l'absence d'une partie ne donne pas une ouverture systématique à la rétractation de jugement, tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy :

« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »[4]

[24]   Par ailleurs, suivant l’article 72 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, si une personne physique ne peut se présenter elle-même à une audience, elle peut être représentée une autre personne mandatée à ce titre.

DÉCISION

[25]   En l’instance, suivant le témoignage entendu et la preuve soumise à l’audience, le Tribunal est d’avis que le locataire n’a pas été empêché de se conformer aux modalités requises à toutes demandes au Tribunal administratif du logement.

[26]   En effet, l’avis de convocation à l’audience tenue à Alma le 9 septembre 2020 est sans équivoque et il est évident pour le Tribunal que le locataire n’a pas prouvé qu’il a été dans l’impossibilité de se présenter et/ou d’y être dûment représenté. 

[27]   Ainsi, à la lumière des principes précités, le recours en rétractation du locataire ne peut servir à remédier à sa négligence ou à celle de son mandataire.

[28]   Dans les circonstances, accueillir le présent recours porterait atteinte à la saine administration de la justice et banaliserait les responsabilités qui incombent à un justiciable qui se sait partie à une instance judiciaire.

[29]   Le Tribunal juge donc que le locataire n’a pas établi un motif suffisant afin d'obtenir la rétractation de la décision rendue le 28 septembre 2020.

[30]   Par ailleurs, le Tribunal souligne que le moyen de défense sommaire formulé à l’audience par la mandataire du locataire n’incite aucunement le Tribunal à contrevenir au principe d’irrévocabilité des jugements, alors que les reçus des paiements du loyer du locataire exhibés à l’audience confirment ses retards fréquents dans le paiement de son loyer, motif ayant justifié à bon droit la résiliation du bail.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[31]   REJETTE la demande de rétractation du locataire, lequel en assume les frais;

[32]   MAINTIENT la décision rendue le 28 septembre 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

France Tremblay

 

Présence(s) :

la mandataire du locataire

Date de l’audience :  

2 décembre 2020

 

 

 


 



[1]    C.N.T. c. Les Entreprises C.J.S. Inc., 1992 CanLII 2911 (QC CA).

[2]    Haque c. Corporation d'habitation Jeanne-Mance (C.Q., 2019-05-30), 2019 QCCQ 3498, SOQUIJ AZ-51603580.

[3]    Entreprises Roger Pilon Inc. c. Atlantis Real Estate Co., (1980) C.A. 218.

[4]    ROUSSEAU-HOULE, Thérèse et DE BILLY, Martine, Le bail du logement: analyse de la jurisprudence, Éditions Wilson et Lafleur Ltée (1989), Montréal, p. 307.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.