Décision

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9386-4445 Québec inc. c. Bacus

2022 QCTAL 952

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau de Québec

 

No dossier:

515951 18 20200326 F

No demande:

2987380

RN :

 

2992328

 

Date :

18 janvier 2022

Devant le greffier spécial :

Me Gabriel Miron

 

9386-4445 Québec Inc.

Locateur - Partie demanderesse

c.

Fe Bacus

Locataire - Partie défenderesse

 

DÉCISION

 

 

[1]         Le locateur a produit une demande de fixation de loyer devant le Tribunal administratif du logement (TAL), conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec ainsi qu’une demande de remboursement des frais.

[2]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2019 au 30 juin 2020, à un loyer mensuel de 747,00 $.

[3]         À l’audience tenue devant le Tribunal, six dossiers différents ont été entendus simultanément, comme le permet la loi, afin de faciliter la gestion de la preuve et des audiences. Les six dossiers concernent tous le même ensemble immobilier du locateur, la preuve est donc la même dans tous les dossiers.

[4]         Le locateur est représenté par un mandataire lors de l’audience. Celui-ci a pu déposer la preuve documentaire et testimoniale pour appuyer les éléments des dossiers.

[5]         Quant aux locataires présents, ils ont tous pu s’exprimer à tour de rôle sur les raisons de leur contestation de l’avis d’augmentation du loyer et sur leur point de vue du dossier. Le Tribunal a bien tenu compte de leurs témoignages dans l’analyse des questions en litige.

[6]         Essentiellement, les locataires s’opposent tous aux augmentations proposées par le locateur parce que selon eux ils ne devraient pas avoir à défrayer les coûts de l’ajout d’un service Internet nouvellement installé et offert aux locataires des 48 unités d’habitation de cet ensemble immobilier. Le Tribunal reviendra sur ce point dans son analyse de la fixation du loyer plus loin.


[7]         Dans un second temps, bon nombre de plaintes, insatisfactions et dénonciations du piètre état de l’immeuble et de leur appartement ont été présentées devant le Tribunal. Les locataires ne comprennent donc pas pourquoi ils devraient défrayer de tels coûts sur leur loyer, vu l’état inacceptable de leur immeuble.

[8]         Sur ce point, le Tribunal en a déjà fait mention en audience, mais insiste sur les éléments suivants. Il a bien entendu leurs demandes, mais a pu préciser aux locataires que la demande de fixation de loyer dont il est saisi n’est pas le bon forum ou recours pour faire valoir leurs plaintes et insatisfactions au sujet de l’état de l’immeuble et de leur logement.

[9]         Le Tribunal encourage les parties à communiquer entre elles leurs diverses demandes afin de trouver des solutions de cette façon, avant de saisir le Tribunal.

[10]     Advenant divergence entre les parties, malgré les échanges et communications, d’autres recours existent devant le TAL si les locataires se montrent insatisfaits de l’état de leur immeuble et logement.

[11]     Plusieurs plaintes ont été rapportées concernant le manque de chauffage adéquat, les nombreux dégâts causés par l’eau, la présence de vermine, les rénovations non terminées, la vétusté de plusieurs équipements et matériaux de l’immeuble, etc.

[12]     Les locataires se plaignent également de la façon peu cordiale et peu professionnelle avec laquelle ils sont traités par l’un des administrateurs du locateur. Selon eux, ce comportement est injustifié et les rend inconfortables dans leur relation avec l’équipe de gestion de l’immeuble.

[13]     Des services sont souvent déficients, non disponibles ou momentanément inutilisables. Certains locataires présents lors de l’audience ont d’ailleurs quitté l’immeuble depuis l’ouverture des dossiers au TAL, pour ces raisons.

[14]     Le Tribunal a bien expliqué son pouvoir dans les présents dossiers, et ne peut intervenir sur les éléments ci-haut rapportés, mais il soulève tout de même plusieurs interrogations sur la qualité des services offerts et sur l’état du parc immobilier du locateur vu tous les témoignages entendus lors de l’audience. Ceux-ci étaient similaires en tout point de tous les témoins entendus. Le Tribunal rappelle au locateur qu’il est de son obligation de respecter les règles qui lui incombent en pareille matière en vertu de la loi et des règlements.

[15]     Quant à la preuve déposée concernant la fixation des loyers dans les présents dossiers, le Tribunal retient les éléments suivants.

[16]     Le locateur a produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer, ainsi que des pièces justificatives et factures au soutien de ces renseignements. Des précisions ont d’ailleurs été demandées par le Tribunal sur certains paiements. Un délai supplémentaire a été accordé au locateur pour produire ces éléments.

[17]     De cette preuve, le Tribunal a dû ajuster certains montants dans le calcul en vue de fixer le loyer pour la période concernée.

[18]     Il est vrai que le locateur a vu une augmentation significative de sa police d’assurance entre l’année 2018 et 2019. Le Tribunal a dû retirer certaines sommes, afin de rendre conforme la couverture admissible au Règlement sur les critères de fixation de loyer[1] (le Règlement). Ainsi les sommes admissibles ne devaient que concerner les immeubles visés par le présent dossier, de même que la prime de l’assurance responsabilité et incendie, ainsi que la taxe applicable. À la fin de cet ajustement, une augmentation de plus de 6 000 $ est tout de même constatée entre les deux années de référence.

[19]     À l’audience, le locateur a pu expliquer au Tribunal qu’un ajustement de la prime a été effectué entre les deux années par l’assureur pour le rendre conforme à la réalité des bâtiments (trois immeubles, plutôt qu’un seul).

[20]     Les frais d’entretien, de services et de gestion ont été ajustés en fonction des pièces étudiées et des critères de fixation.


[21]     Enfin, quant à l’élément financier majeur du litige, l’ajout du service Internet, le Tribunal autorise l’ajout des coûts fournis par le locateur dans les améliorations majeures de tout l’immeuble. Les factures détaillées ont été fournies, de même que les preuves de paiements associées pour ces dépenses. Elles répondent aux critères du Règlement.

[22]     Il a été mentionné à plusieurs reprises, en audience, que les locataires sont insatisfaits de cet ajout, et croient qu’ils n’ont pas à payer pour un tel service. Leur adhésion devrait être volontaire, et non forcée.

[23]     Sur ce point, ils n’ont pas tort, ils ne peuvent être obligés d’utiliser le service Internet offert par le locateur dans les services dispensés aux locataires des immeubles. Mais ils ne peuvent pas se dissocier des coûts d’installation et des dépenses liées à ce service. Le locateur, s’il engage cette dépense pour leur immeuble, peut l’ajouter dans le calcul des frais annuels lors de la fixation de loyer.

[24]     Il est bien évident que les frais liés sont importants en cette première année d’utilisation, puisqu’elle comprend le coût des équipements, de l’installation et de l’entretien. Mais dans les années à venir, le coût lié ne devrait être qu’associé à la maintenance et à l’entretien de ces équipements, sans plus.

[25]     Tel que le rappelait la juge administrative Croteau en 2020[2], il faut ainsi faire la nuance entre l’obligation de pouvoir ajouter ce service dans les frais visant à fixer le loyer, et l’obligation d’adhérer à ce service :

« [16]   La locatrice désire ajouter un nouveau service d’Internet haute vitesse illimité dans l’ensemble de l’immeuble ainsi que dans le logement du locataire. Elle prétend que si tous ses locataires souscrivent au service, ils auront le service plus rapide et moins cher.

[17]   Le locataire refuse. Il est informaticien de profession. Il allègue qu’il a déjà un fournisseur et qu’il doute que ce nouveau service réponde à ses exigences.

[18]   Il faut diviser la modification de la locatrice en deux parties distinctes; soit l’installation du service Internet dans l’immeuble et l’obligation du locataire à retenir les services du fournisseur de la locatrice.

[19]   Tel que le mentionne Me Isabelle Hébert, greffière spéciale :

« Après analyse, le Tribunal est d’avis que l’objet de la demande, soit la fourniture d’Internet par la locatrice, constitue la mise en place d’un nouveau service, tel que le prévoit l’article 3 du Règlement sur les critères de fixation de loyer. Cette disposition réglementaire, reproduite ci-après, est d’application stricte. En conséquence, le coût annuel de ce nouveau service doit être considéré dans le calcul du nouveau loyer, et ce, malgré l’opposition des locataires. » (Références omises)

[20]   Donc, la locatrice pourra mettre dans ses dépenses ses factures concernant l’installation de ce nouveau service. Cette dépense sera considérée pour tous les locataires de l’immeuble, qu’ils souscrivent ou non, à ce nouveau service. On pourrait comparer avec l’installation d’une piscine par la locatrice. Les factures pour l’installation de la piscine seraient supportées par tous les locataires, mais personne ne pourrait obliger les locataires à s’y baigner. Aucune modification du bail n’est requise pour l’installation de ce service, étant donné qu’on se situe dans le cadre du Règlement sur les critères de fixation de loyer. La locatrice pourra donc produire toutes ses factures concernant l’installation du service Internet dans l’immeuble dans le calcul de l’augmentation des loyers de ses locataires. Elle n’a pas besoin de l’autorisation de ses locataires ni du Tribunal. C’est son droit de gérance.

[21]   En ce qui concerne l’obligation du locataire à obtenir les services du fournisseur Internet de la locatrice, cette obligation est effectivement une modification des conditions du bail qui est contestée par le locataire. »

[26]     Dans le présent dossier, le Tribunal comprend que le locateur ne demande pas l’adhésion des locataires en modifiant les conditions de leur bail, mais uniquement le droit de pouvoir ajouter ces frais dans le calcul de fixation du loyer, ce que permet le Tribunal.

[27]     En résumé, le calcul est affecté à la hausse essentiellement à cause de la prime d’assurance qui augmente significativement entre 2018 et 2019, ainsi que par l’ajout d’un service d’exploitation aux immeubles. Ce service à lui seul représente un coût de près de 10 000 $.


[28]     Le Tribunal peut comprendre les locataires qui se montrent surpris de cette dépense, d’autant qu’ils considèrent que ces sommes pourraient être mieux investies dans des équipements et matériaux de l’immeuble, tels que fenestration, isolation, plomberie, chauffage, etc. Malheureusement, le Tribunal n’a pas le pouvoir d’ordonner au locateur de dépenser ses sommes à un endroit plutôt qu’à l’autre dans son parc immobilier. Les dépenses soumises sont donc admises avec les modifications précisées.

[29]     Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement précité est de l’ordre d’environ 4,5% et représente une augmentation de 34,01 $ par mois, s’établissant comme suit :

Taxes municipales et scolaires

1,19 $

Assurances

 9,61 $

Gaz

 1,51 $

Électricité

 (0,06 $)

Mazout

 0,00 $

Frais d’entretien

1,42 $

Frais de services

0,58 $

Frais de gestion

 0,71 $

Réparations majeures, améliorations majeures,

mise en place d’un nouveau service

 

 14,65 $

Ajustement du revenu net

 4,40 $

 

TOTAL

 

 34,01 $

[30]     CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;

[31]     CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 34,01 $ est justifié;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[32]     FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 781,00 $ par mois du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021;

[33]     Les autres conditions du bail demeurent inchangées;

[34]     Le locateur assume les frais de la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Gabriel Miron, greffier spécial

 

Présence(s) :

le mandataire du locateur

le locataire

le mandataire du locataire

Date de l’audience :

7 octobre 2021

 

 

 


 


[1] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.

[2] 2020 QCTAL 5521.

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