Décision

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Ming c. Gestion jugements Québec inc.

2025 QCTAL 948

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

526105 31 20200622 T

No demande :

4494104

 

 

Date :

15 janvier 2025

Devant la juge administrative :

Leyka Borno

 

Rui Qi Ming

 

Shu Zhang

 

Locataires - Partie demanderesse

c.

Gestion Jugements Québec Inc. Cessionnaire de 9000-7527 Québec Inc.

 

Locatrice - Partie défenderesse

et

9000-7527 Québec Inc.

 

Partie intéressée

 

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Les locataires requièrent la rétractation d’une décision rendue le 10 août 2020 à la suite d’une audience tenue le 28 juillet 2020 à laquelle ils étaient absents.
  2.          Les locataires demandent également d’être relevés des conséquences de leur défaut quant au délai pour introduire leur recours en rétractation, la condamnation de la locatrice au paiement des frais de justice ainsi que l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel.

CONTEXTE PROCÉDURAL

  1.          Le 22 juin 2020, la locatrice introduit un recours en résiliation du bail et expulsion des locataires pour non-paiement du loyer et réclame notamment les loyers dus au moment de l’audience.
  2.          Le 10 août 2020, le Tribunal rend la décision contestée.

  1.          Par cette décision, le Tribunal résilie le bail, ordonne l’expulsion des locataires ainsi que de tous les occupants du logement, les condamne à payer à la locatrice la somme de 2 340 $ et aux frais de justice.
  2.          Le 17 octobre 2024, la locataire introduit le présent recours.

PREUVE

  1.          La locataire Shu Zhang déclare qu’elle a pris connaissance de la décision contestée au début du mois de septembre 2024, lorsqu’elle reçoit une lettre des services juridiques de Gestion Jugements Québec[1].
  2.          Le 4 septembre 2024, la locataire, ne comprenant pas la teneur de la lettre reçue, transmet un courriel à l’expéditeur de la lettre, mais n’obtient aucune réponse[2].
  3.          La locataire témoigne qu’elle ignorait quelle démarche entreprendre. Elle consulte le site Internet du Tribunal et comprend qu’elle doit absolument prendre rendez-vous avec un préposé aux renseignements. Elle entreprend ainsi les démarches nécessaires pour obtenir ce rendez-vous.
  4.      Elle déclare avoir été incapable d’obtenir un rendez-vous avant le 17 octobre 2024.
  5.      Les locataires ont par la suite introduit leur recours le 24 octobre 2024.
  6.      Quant au motif de sa demande de rétractation, la locataire soumet qu’elle n’a jamais reçu l'avis d’audience.
  7.      La locataire témoigne qu’elle a quitté son logement depuis la fin du mois d’avril 2020. Elle souligne avoir avisé la locatrice de son départ dès le 1er avril 2020.
  8.      Elle allègue qu’une entente verbale a été conclue avec la locatrice en 2018, lui permettant de quitter son logement à tout moment, puisqu’aucune augmentation de loyer ne lui a été imposée.
  9.      Pour sa part, le mandataire de la locatrice s’oppose à la demande de rétractation.
  10.      Il nie l’existence d’une entente de résiliation de bail entre la locatrice et les locataires et produit à l’appui de ses affirmations, les échanges courriel entre ces derniers[3].

ANALYSE ET DÉCISION

  1.      Le recours des locataires est fondé sur les articles 89 et 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[4], lesquels stipulent ce qui suit;

« 89.  Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se  présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en              invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

« 59.  Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l’autre partie n’en subit aucun préjudice grave. »


  1.      Selon le troisième alinéa de l'article 89 de la Loi, la demande de rétractation doit être déposée dans les dix jours de la connaissance de la décision.
  2.      En l'instance, les locataires ont produit au Tribunal leur demande de rétractation le 24 octobre 2024.
  3.      Les locataires ayant eu connaissance de la décision contestée au début du mois de septembre 2024, ils n’ont pas déposé leur demande de rétractation dans le délai prescrit.
  4.      Ainsi, il incombe aux locataires de démontrer qu'ils n'ont pu produire leur demande de rétractation dans le délai imparti par la loi pour un motif raisonnable et que la locatrice n'en subit aucun préjudice grave.
  5.      La locataire indique qu'elle ignorait ce qu’elle devait faire lorsqu’elle est informée qu’une décision avait été rendue contre elle. Elle soumet qu’elle n'a pas pu introduire son recours dans le délai en raison de l'attente d'un rendez-vous avec un préposé aux renseignements du Tribunal, celui-ci ayant été fixé à l'extérieur du délai de dix jours.
  6.      Il convient de souligner qu’il est précisé sur le site Internet du Tribunal qu’il est possible de se présenter sans rendez-vous dans ses bureaux lorsque des circonstances urgentes le justifient, notamment dans les situations où le dépôt d’un recours doit s’effectuer dans un court délai.
  7.      De l'avis du Tribunal, le motif invoqué par le locataire est insuffisant pour justifier son retard à déposer sa demande dans le délai imparti de dix jours.
  8.      Il appartient aux locataires de faire preuve de diligence dans la conduite de leur dossier.
  9.      Le Tribunal partage les propos du juge administratif Alexandre Henri dans l'affaire Wilson c. Placements Sergakis inc[5].,

« [36] Le Tribunal rejette aussi l'argument voulant que le locataire ait été retardé en raison de difficultés à obtenir un rendez-vous avec un préposé aux renseignements du Tribunal. Bien qu'utile, une telle rencontre n'était pas strictement nécessaire pour permettre au locataire d'exercer ses droits. Il aurait très bien pu s'informer autrement de ses droits et déposer sa demande en ligne sur le site Internet du Tribunal.

[37] À ce sujet, le Tribunal souscrit aux propos de la juge administrative Manon Talbot dans l'affaire Sky Concierge inc. c. Charpentier :

[34] Par ailleurs, même si les représentants préféraient requérir les services d'un préposé aux renseignements du Tribunal pour la préparation de leur demande de rétractation, il est opportun de souligner que la préparation d'une telle demande est une procédure simple pouvant être introduite au moyen d'un formulaire disponible auprès du Tribunal. Celle-ci peut aussi être faite en ligne sur le site Internet du Tribunal. »

[Références omises]

  1.      De plus, sa méconnaissance de la Loi ne saurait être un motif valable pour justifier le nonrespect d'un délai.
  2.      Dans l'affaire Van c. Eddarissi,[6] la juge administrative Francine Jodoin mentionne ce qui suit :

« L'omission de respecter une exigence légale dans la mise en œuvre d'un droit lorsqu'elle résulte de la négligence, d'une mauvaise compréhension ou ignorance de la loi n'est pas retenue comme motif raisonnable permettant de justifier la prolongation du délai. »

  1.      Considérant que les locataires n'ont pas déposé leur demande dans le délai prévu à la Loi et qu'ils ne disposent d'aucun motif raisonnable justifiant d'être relevés de leur défaut de l'avoir déposée dans les délais, la demande de rétractation doit être rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande des locataires d’être relevés du défaut d’avoir produit leur demande dans les délais;

  1.      REJETTE la demande de rétractation.
  2.      MAINTIENT la décision rendue le 10 août 2020.

 

 

 

 

 

 

 

 

Leyka Borno

 

Présence(s) :

les locataires

le mandataire de la locatrice

le mandataire de la partie intéressée

Date de l’audience : 

12 novembre 2024

 

 

 


 


[1] Pièce L-1.

[2] Pièce L-2.

[3] Pièce P-1.

[4] RLRQ, c. T-15.01.

[5] 2022 QCTAL 36316.

[6] 2015 QCRDL 14373.

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