Larivière c. Morin | 2021 QCTAL 30529 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Gatineau | ||||||
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No dossier : | 591484 22 20211006 G | No demande : | 3360261 | |||
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Date : | 29 novembre 2021 | |||||
Devant le juge administratif : | Stéphane Sénécal | |||||
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Valérie Larivière |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Réal Morin |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le Tribunal est saisi d’une demande de la locatrice, déposée le 7 octobre 2021 afin d’avoir accès au logement, en exécution provisoire et pour les frais.
[2] Les parties sont liées par bail de logement du 1er août 2018 au 31 juillet 2019 au loyer mensuel de 685 $. Ledit bail est renouvelé jusqu’au 31 juillet 2021, au même loyer mensuel.
[3] Lors de l’audience, Me Paul Émile Constantino, représentant du locataire, soulève de manière préliminaire, la compétence du Tribunal à entendre le présent litige vu l’entente de promesse d’achat intervenue entre les parties.
FAIT :
[4] La locatrice affirme principalement que le locataire était déjà occupant du logement alors que ce dernier était loué à d’autres locataires. En 2018, elle signe un nouveau bail avec le locataire.
[5] Une promesse de vente acceptée est signée entre les parties en octobre 2017. La locatrice offre de vendre l’immeuble au prix de 155 000 $ et le réserve au locataire pour une période de 24 mois. Le locataire lui a versé la somme de 7 500 $ sur le montant de la vente.
[6] Elle avance que le bail du locataire a été conclu avant la promesse de vente.
[7] Le locataire pour sa part, confirme en partie ce que la locatrice avance. Cependant, il ajoute que le bail de location est intervenu après la promesse d’achat et que cette dernière doit prédominer.
[8] Il est soumis au Tribunal en pièce, notamment la promesse de vente du 9 octobre 2017, un document du 17 août 2017, le bail des anciens locataires et le bail liant les parties et signé le 15 juillet 2018.
ANALYSE ET MOTIFS :
[9] Ainsi, il est opportun de déterminer la compétence du Tribunal. Il faut tout d’abord établir si le contrat de promesse d’achat est accessoire au bail ou, à l’inverse, si elle est le contrat principal. Pour ce faire, il est important de tenir compte de l’intention des parties lors de la conclusion de l’entente.[1]
[10] Cela dit, il ne faut pas uniquement tenir compte de la terminologie utilisée dans l’entente entre les parties, mais tenter de découvrir ce que les parties ont vraiment voulu faire. [2]
[11] Il est maintenant bien établi que le Tribunal administratif du logement n'a pas compétence pour entendre une demande relative au contrat de travail ou d’achat (option ou offre) et du bail qui lui est accessoire. Les tribunaux ont déjà décidé que le même tribunal doit décider de tout le litige et que c'est le contrat principal qui sert à établir la compétence du tribunal.
[12] Le Tribunal possède une compétence exclusive et doit, avant d’entendre la question de fond, décider s’il est compétent pour le faire.[3]
[13] L'article 28 de la Loi sur Tribunal administratif du logement[4] édicte la compétence du présent Tribunal et se lit comme suit :
« 28. Le Tribunal administratif du logement connaît en première instance, à l’exclusion de tout autre tribunal, de toute demande:
1° relative au bail d’un logement lorsque la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée ou de l’intérêt du demandeur dans l’objet de la demande ne dépasse pas le montant de la compétence de la Cour du Québec;
2° relative à une matière visée dans les articles 1941 à 1964, 1966, 1967, 1969, 1970, 1977, 1984 à 1990 et 1992 à 1994 du Code civil;
3° relative à une matière visée à la section II, sauf aux articles 54.5, 54.6, 54.7 et 54.11 à 54.14.
Toutefois, le Tribunal administratif du logement n’est pas compétent pour entendre une demande visée aux articles 667 et 775 du Code de procédure civile (chapitre C‐25.01). »
[14] L'article 1851 du Code civil du Québec définit ce qui constitue un contrat de louage :
« 1851. Le louage, aussi appelé bail, est le contrat par lequel une personne, le locateur, s'engage envers une autre personne, le locataire, à lui procurer, moyennant un loyer, la jouissance d'un bien, meuble ou immeuble, pendant un certain temps. Le bail est à durée fixe ou indéterminée. »
[15] Afin que le Tribunal administratif du logement puisse avoir compétence pour décider d’un litige, il doit donc y avoir existence d’un bail.
[16] La Cour d'appel du Québec, dans l'affaire Coopérative d'habitation Jeanne-Mance c. Landry s’exprime comme suit sur la compétence de la Régie du logement :
« Ainsi, selon l'article 28, deux paramètres définissent la compétence de la Régie : d'abord, une compétence générale sur toute demande "relative au bail" de logement pourvu que l'intérêt monétaire en jeu soit du niveau de la compétence de la Cour du Québec (par. 1) et ensuite une compétence particulière sur certaines matières précisées sans égard à la valeur de l'objet en litige (par. 2 et 3). Cela dit, la Régie aura compétence au sens du premier paragraphe de l'article 28 sur les accessoires se rattachant au bail. Ainsi, elle pourra déterminer la sanction au défaut du locataire de payer à son locateur les améliorations faites et les meubles vendus à l'occasion de la sous-location puisque ces éléments faisaient partie de la considération incluse au bail. Inversement, la Cour supérieure a conclu à l'absence de compétence sur le bail accessoire d'un contrat de travail. »[5]
[17] Le Juge Claude Tellier de la Cour supérieure, dans l'affaire Thériault c. U. Tomassini & frères Ltée quant à lui mentionne :
« Par conséquent, advenant un conflit ou un litige entre les parties, on doit d'abord considérer les deux contrats ensemble et dans leur entier. En clair, ceci veut dire que le contrat de louage de services étant le principal, doit avoir priorité sur le bail, qui n'est que l'accessoire. En cas de litige entre les parties, les procédures doivent être intentées devant le tribunal qui a compétence pour appliquer le contrat de louage de services. Comme il s'agit d'un contrat civil, compte tenu des sommes en jeu, ce n'est pas la Régie qui avait compétence pour trancher toute question sur le contrat de service.
Ceci étant, la Régie n'avait pas compétence, dans les circonstances, de se saisir des problèmes relatifs au bail, qui est un accessoire à un contrat de louage de services. Autrement, l'article 28 de la loi aurait inclus dans le deuxième paragraphe l'article 1661.4 C. c. Le législateur n'a pas jugé bon de l'inclure et on doit en déduire que l'on n'a pas voulu donner une telle compétence. »[6]
[18] En espèce, selon la preuve soumise, il ressort que le contrat principal est le contrat de promesse de vente et que la location est venue par la suite en attendant la vente.
[19] Il est possible que le locataire fût un occupant du logement, mais la preuve au dossier démontre que la promesse de vente a été signée en 2017 et le bail entre les parties, en juillet 2018.
[20] Pour le Tribunal, l’intention des parties était nettement de conclure un contrat de promesse de vente. D’autant plus que le locataire a déjà versé des sommes sur le prix de vente. Les termes du contrat du 9 octobre 2017 sont clairs et sans équivoques.
[21] Par conséquent, pour le Tribunal il est plus qu’évident qu’il ne peut entendre le présent litige et que la demanderesse devra s’adresser aux tribunaux de droit commun afin de faire valoir ses droits.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[22] DÉCLINE compétence.
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Stéphane Sénécal | ||
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Présence(s) : | la locatrice le locataire Me Paul Émile Constantino, avocat du locataire | ||
Date de l’audience : | 1er novembre 2021 | ||
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[1] El Oulidi c. Aubut, R.L. Gatineau, le 17 novembre 2011, r. Morin.
[2] Crédit M.P. Ltée c. Jorgensen, [1994] J.L. 137 (C.Q.). Suivi : Requête en révision judiciaire accueillie par la Cour Supérieure (C.S.M. 500-05-004709-943, 13 septembre 1994, j.Tingley) (J.E. 94-1572); appel accueilli (avec dissidence). La Cour d’appel a décidé que le jugement de la Cour du Québec ne pouvait être qualifié de déraisonnable, [1999] R.J.Q. 2220 (C.A.) (J.E. 99-1713).
[3] Bilodeau c. Danveranna Investment Ltd., (C.Q., 1996-02-05), SOQUIJ AZ-96031105, J.E. 96-617, [1996] J.L. 168.
[4] Chapitre T-15.01.
[5] Coopérative d'habitation Jeanne-Mance c. Landry* (C.A., 2002-02-20), SOQUIJ AZ-50113906, J.E. 2002-416, [2002] R.J.Q. 336, [2002] J.L. 173.
[6] Thériault c. Cour du Québec (C.S., 1995-11-23), SOQUIJ AZ-95021984, J.E. 95-2230, [1996] J.L. 99.
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