E.F. c. Habitation TCC Montérégien |
2018 QCRDL 5234 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Saint-Hyacinthe |
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No dossier : |
296914 23 20160916 G |
No demande : |
2083744 |
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Date : |
09 février 2018 |
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Régisseure : |
Danielle Deland, juge administrative |
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E... F... |
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Locataire - Partie demanderesse |
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c. |
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Habitation TCC Montérégien |
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Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La
locataire demande une somme de 9 544 $ à titre de dommages-intérêts,
avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[2] Au moment de la survenance des événements à l’origine de la présente réclamation, les parties étaient liées par un bail d’un studio pour un loyer mensuel de base de 592 $ plus 1 210 $ par mois pour les services (870 $ pour les repas, 135 $ pour de l’« aide personnelle », 75 $ pour de l’« accompagnement et aide générale », 130 $ pour le ménage dans l’appartement de la locataire une fois par semaine).
Les faits
[3] La locataire, suite à un accident, est devenue locataire de la résidence en 2010 alors qu’elle était sous tutelle depuis le 25 septembre 2007. Le 20 août 2013, la locataire a vu son régime de protection modifié alors que Madame C... H... a été nommée conseiller au majeur. La locataire a retrouvé la pleine administration de ses biens en décembre 2017, alors qu’a pris fin le dernier régime de protection qui avait été ouvert en sa faveur.
[4] Entre-temps, le locateur est devenu propriétaire de la résidence en 2011.
[5] Parce qu’elle avait insulté une employée de la résidence, la locataire a été privée totalement de ses trois repas par jour pendant 11 jours, puis n’a eu droit qu’à des demi-portions pour les 45 jours suivants.
[6] La locataire a eu droit à des demi-portions suite à un appel qu’elle avait logé à une de ses tantes et elle n’a eu droit au rétablissement normal du service de repas qu’à compter du moment où elle a accepté de s’excuser auprès de l’employée, suite à une rencontre organisée avec le conseiller au majeur de la locataire et sa travailleuse sociale, le 29 novembre 2013.
[7] Le locateur a admis les faits.
Ventilation des dommages demandés
[8] Dans les motifs de sa demande, la locataire ne ventile pas sa réclamation autrement qu’en faisant référence « au jugement de la Cour du Québec pour les détails ».
[9] En effet, la locataire s’était tout d’abord adressée à la division des petites créances de la Cour du Québec (district de Saint-Hyacinthe, dossier […]). L’honorable juge Monique Dupuis, dans une décision rendue le 6 septembre 2016, déclinait compétence et déclarait que la réclamation de la locataire était de la compétence exclusive de la Régie du logement, d’où l’introduction de la présente demande.
[10] Les parties n’ont pas produit la requête déposée en cour du Québec, mais la décision du juge Dupuis précise :
[18] En effet, la réclamation de F... comprend le remboursement de deux mois de loyer, le remboursement des montants dépensés pour se nourrir (restaurant et transport adapté pour s’y rendre), de même que des dommages pour compenser les préjudices et inconvénients qu’elle a subis en raison des manquements de Habitation TCC Montérégien relatifs aux obligations en vertu du bail, assimilable à un bail de résidence de personnes âgées.
[11] La locataire réclamant le remboursement de deux mois de loyer (3 604 $), on en déduit que les dommages matériels pour la nourriture que la locataire a dû acheter et pour le transport adapté et les dommages moraux pour préjudices et inconvénients subis totalisent une somme de 5 940 $. La décision du juge Dupuis n’offre pas d’autre éclairage sur la ventilation des dommages. La locataire n’ayant fourni aucune pièce justificative à l’appui de sa demande de dommages matériels, la soussignée déduit que la réclamation peut être ventilée comme suit : 940 $ de dommages matériels et 5 000 $ de dommages moraux.
Défense du locateur
[12] Le mandataire du locateur et directeur de la résidence, Monsieur Gilles Dumouchel, témoigne que la locataire avait été agressive avec des membres du personnel et de la direction. Une directive avait été émise l’année précédente à l’effet que les locataires seraient retournés dans leur studio en cas de comportement agressif ou irrespectueux envers les autres locataires ou envers le personnel.
[13] Il ajoute que la locataire n’était pas dans un milieu fermé et qu’elle pouvait donc s’acheter de la nourriture puisqu’elle avait dans son studio un réfrigérateur, une micro-onde et un grille-pain.
[14] Il précise que pendant les 56 jours (huit semaines) la locataire n’a pas été complètement privée de service de ménage hebdomadaire puisqu’une employée a fait le ménage dans son studio à une reprise.
[15] Il explique également que la locataire a renoncé à poursuivre le locateur le 3 janvier 2014 (voir pièce P-6).
Analyse
[16] Le tribunal conclut que la locataire a droit à une diminution de loyer de 319 $ pour les 11 jours où elle a été privée de tous les repas (870 $ ÷ 30 X 11), plus 652,50 $ pour les 45 jours où elle n’a eu droit qu’à des demi-portions (870 $ ÷ 30 X 45 ÷ 2) plus 227,50 $ pour sept semaines sur huit où la locataire n’a pas bénéficié du service de ménage de son studio (130 $/mois X 2 mois ÷ 8 X 7). En ce qui concerne l’« aide personnelle » et l’« accompagnement et aide personnelle », le mandataire du locateur a témoigné que la locataire avait bénéficié d’une aide ponctuelle à certains moments. Le tribunal doute cependant, compte tenu des circonstances, que la locataire a bénéficié de la même aide que les autres locataires de l’aide dont elle bénéficiait avant la survenance des événements et arbitre à 50 % du coût de ses services la diminution additionnelle accordée (135 $ + 75 $ X deux mois ÷ 50% = 210 $).
[17] Le tribunal conclut que la sanction imposée à la locataire était cruelle et inusitée.
[18] Dans sa décision précitée, le juge Dupuis écrivait que Monsieur Dumouchel avait expliqué qu’il s’agissait d’une forme de discipline imposée par le locateur à ses locataires qui, en raison du traumatisme crânien ou cérébral qu’ils ont subi, peuvent être agressifs verbalement et parfois physiquement.
[19] Cette sanction, en contravention des obligations contractuelles du locateur, est d’autant plus inacceptable que les locataires du locateur constituent une clientèle vulnérable.
[20] Si les actes reprochés à la locataire étaient si graves, le locateur aurait dû provoquer une rencontre en urgence avec sa travailleuse sociale et son conseiller au majeur. Le fait que cette rencontre n’ait eu lieu que 56 jours après la survenance des faits qu’il reprochait à la locataire est un signe de plus de l’incurie et de l’insensibilité de la direction de la résidence.
[21] Même si la locataire pouvait se rendre par transport adapté avec son quadriporteur au restaurant ou à l’épicerie, elle n’était pas admise à la salle communautaire pour partager ses repas. La locataire n’était donc pas seulement privée de nourriture, mais également de la vie sociale qui accompagne les repas pris en résidence.
[22] En ce qui concerne la renonciation de la locataire à réclamer des dommages du locateur, la locataire a expliqué aux termes de son bail, elle a voulu déménager dans une unité de copropriété, mais que celle-ci n’ayant pu lui être livré à temps, elle s’est trouvée démunie et a dû négocier le renouvellement du bail chez le locateur sur une base mensuelle. Madame F... a témoigné qu’elle avait été forcée de signer cette renonciation à défaut de quoi elle aurait été expulsée du logement avant de pouvoir aménager dans son unité de copropriété.
[23] De plus, le locateur n’a pas démontré que le conseiller au majeur de la locataire est intervenu au moment de cette renonciation et le tribunal ne retiendra donc pas ce moyen de défense du locateur.
[24] CONSIDÉRANT l’ensemble de la preuve ;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[25] ACCUEILLE en partie la demande de la locataire ;
[26]
CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 1 409 $
à titre de diminution de loyer, la somme de 940 $ à titre de dommages
matériels et la somme de 5 000 $ à titre de dommages moraux, le tout
avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[27] REJETTE la demande de la locataire quant au surplus.
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Danielle Deland |
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Présence(s) : |
la locataire le mandataire du locateur |
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Date de l’audience : |
25 janvier 2018 |
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