Nadeau c. 9395-9146 Québec inc. | 2024 QCTAL 31051 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Québec | ||||||
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No dossier : | 769168 18 20240227 T | Nos demandes : | 4438804 4454405 | |||
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Date : | 02 octobre 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Chantale Trahan | |||||
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Candy Nadeau |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
9395-9146 Québec Inc. |
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Locatrice - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] La demanderesse locataire requiert la rétractation de la décision rendue par le 8 août 2024, par le juge administratif Stéphan Samson, accueillant la demande de la partie locatrice, en la condamnant à payer le loyer dû de 7 908 $ et qu’à défaut de paiement, le bail serait résilié.
[2] À l’audience sur la rétractation, la locataire est absente. Les deux représentants de la locatrice sont présents, ayant reçu la demande de rétractation par courrier recommandé.
[3] Madame Cynthia Asselin et monsieur Jean-François Deschênes témoignent et alertent le Tribunal que la locataire Candy Nadeau fait de fausses déclarations et n’hésite pas à falsifier des documents pour brouiller les pistes de renseignements la concernant. À cet égard, ils ont découvert, avec preuve documentaire à l’appui, que madame Candy Nadeau est en réalité Candy Seaborn, active sur les réseaux sociaux et ayant un plumitif garni au Tribunal administratif du logement.
[4] Ils soutiennent que ses demandes de rétractation ne contiennent pas de motif valable ni aucun moyen de défense sérieux. Elle inscrit dans ses demandes qu’elle voudrait payer le solde aux locateurs et s’entendre avec eux alors qu’ils affirment que madame « Nadeau » n’a jamais tenté de le faire, de quelque façon que ce soit. Au contraire, elle persiste à ne pas rencontrer son obligation principale, soit de payer le loyer. Au surplus, en date du 1er octobre 2024, le montant de loyer impayé s’élève à 12 732 $.
[5] Madame Asselin et monsieur Deschenes demandent au Tribunal une ordonnance de limitation procédurale pour que la locataire soit déclarée forclose d’entreprendre toute autre procédure dans le présent dossier. Ils demandent à pouvoir exécuter leur décision favorable du mois d’août 2024 et de l’expulser sans délai du logement.
[6] La présente demande se fonde sur l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] (LTAL) qui prévoit :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »
[7] À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :
« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. » [2]
[8] L'absence d'une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les autrices Rousseau-Houle et De Billy[3] :
« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »
[9] À la lumière de ces principes, le Tribunal est d'avis que la locataire n'a pas établi, par preuve prépondérante, un motif sérieux de rétractation.
[10] Enfin, concernant la demande de limitation procédurale, il apparaît clair que la locataire n’a pas de motif ni de moyen de défense sérieux à faire valoir. Elle ne fait que retarder l’exécution de la décision en faveur de la locatrice. L’article 63.2 LTAL prévoit ce qui suit :
« 63.2. Le Tribunal peut, sur demande ou d’office après avoir permis aux parties intéressées de se faire entendre, rejeter un recours qu’il juge abusif ou dilatoire ou l’assujettir à certaines conditions.
Lorsque le Tribunal constate qu’une partie utilise de façon abusive un recours dans le but d’empêcher l’exécution d’une de ses décisions, il peut en outre interdire à cette partie d’introduire une demande devant lui à moins d’obtenir l’autorisation du président ou de toute autre personne qu’il désigne et de respecter les conditions que celui-ci ou toute autre personne qu’il désigne détermine.
Le Tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif ou dilatoire d’un recours, condamner une partie à payer, outre les frais visés à l’article 79.1, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les autres frais que celle-ci a engagés, ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs. Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus, le Tribunal peut en décider sommairement dans le délai et aux conditions qu’il détermine. »
[11] La locataire adopte une conduite désinvolte et frauduleuse envers la locatrice depuis le début, en ne respectant pas ses obligations. Elle a introduit deux demandes de rétractation identiques que pour gagner du temps, tout en utilisant le processus judicaire à la légère.
[12] Dans ce contexte, le Tribunal considère qu’il est opportun que la locataire ait à justifier la recevabilité d’une éventuelle demande de rétractation. En effet, il apparaît flagrant que cette dernière utilise de façon abusive le présent recours dans le but d'empêcher l’exécution de la décision.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[13] REJETTE les demandes de rétractation;
[14] MAINTIENT la décision rendue le 8 août 2024;
[15] INTERDIT à la demanderesse de produire une nouvelle demande dans le présent dossier, pour ses deux demandes qui sont au même effet, à moins d’autorisation préalable du président ou de toute personne désignée par lui.
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Chantale Trahan | ||
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Présence(s) : | les mandataires de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 1er octobre 2024 | ||
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[1] RLRQ, chapitre T-15.01.
[2] Entreprises Roger Pilon Inc et al. c. Atlantis Real Estate Co.,
[3] Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée (1989) Montréal, p. 307.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.