Décision

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Droit de la famille — 221332

2022 QCCS 2867

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

ST-FRANÇOIS

 

 

DATE :

29 juillet 2022

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

LINE SAMOISETTE, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

Nº  450-04-016031-196

 

S... P...

Demanderesse

c.

SE… L...

Défendeur

et

ST... H...

           Mis en cause

 

__________________________________

 

Nº  450-04-016689-217

 

S... P...

           Demanderesse

c.

ST... H...

           Défendeur

et

SE... L...

           Intervenant

et

DIRECTEUR DE L’ÉTAT CIVIL

           Mis en cause

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]   Le 12 août 2019, la mère S... P... a signifié au défendeur SE... L... (L...)[1] une demande pour la garde partagée de trois enfants, la fixation d’une pension alimentaire et diverses autres ordonnances.

[2]   L..., de son côté, a entrepris un recours pour la garde des enfants, l’établissement  de droits d’accès, la fixation d’une pension alimentaire pour les enfants ainsi que la désignation d’une tutelle supplétive à l’égard de X, l’une des trois enfants mineurs.

[3]   Le 3 août 2020, la mère a modifié sa demande entre autres pour demander la mise en cause de ST... H... (H...), le père biologique de X.

[4]   Il est admis que H... est le père biologique de l’enfant. Toutefois, L... estime être le « père psychologique » et il soutient que c’est lui qui démontre une possession d’état constante à l’égard de l’enfant depuis qu’elle a l’âge de quatre mois.

[5]   Le 18 mars 2021, la mère en sa qualité de tutrice à l’enfant mineure X, a introduit une demande en réclamation d’état à l’encontre de H.... Le 14 avril 2021, L... a déposé un acte d’intervention volontaire à titre agressif dans ce dossier afin d’être déclaré père de l’enfant X.

[6]   Le 14 mai 2021, le tribunal a autorisé l’intervention agressive de L..., a ordonné la mise en cause de H... dans le dossier relatif à la garde des enfants et les deux dossiers ont été joints pour instruction commune.

Dans le dossier relatif à la réclamation de paternité (H...) (450-04-016689-217)

[7]   La mère, H... et L... se sont impliqués auprès de l’enfant. Cette implication tripartite auprès de X fait en sorte que cette dernière considère aujourd’hui avoir une mère et deux pères. Cela n’avait jamais causé de problème jusqu’à ce que le couple formé par la mère et L... se sépare.

[8]   Selon le droit québécois actuel, l’enfant ne peut avoir plus que deux parents. Le tribunal est donc appelé à trancher les questions suivantes:

  1. Quelle est la filiation paternelle de l’enfant X?
  2. Si H... est reconnu père, comment s’exercera l’autorité parentale?
  3. Quels sont les droits d’accès devant être accordés à H... auprès de l’enfant X?
  4. Quel est le choix de l’école secondaire que fréquentera X à compter de l’année 2022–2023 ?

Dans le dossier relatif à la garde, aux accès et la pension alimentaire (L...) (450-04-016031-196)

[9]   En cours d’instruction, les parties se sont entendues sur divers points qui étaient jusque-là contestés. Ainsi, la garde partagée des trois enfants sera maintenue à raison d’une semaineune semaine en alternance chez la mère et L... et d’autres modalités faisant partie de l’entente seront ajoutées dans les conclusions du présent jugement.  

[10]           Il restera à apporter des précisions pour la période des Fêtes et à déterminer si les communications avec les enfants doivent être maintenues le mercredi soir.

[11]           La pension alimentaire pour les enfants sera fixée rétroactivement au 1er novembre 2018. La question des revenus de la mère et de L... n’est pas contestée. Il reste à déterminer si la pension alimentaire sera fixée en fonction de deux ou de trois enfants et si les frais liés à l’assurance-médicaments et soins dentaires payés par la conjointe de L... et remboursés partiellement par ce dernier seront partagés au prorata des revenus respectifs des parties pour la partie correspondant à la différence entre le statut familial et individuel.

CONTEXTE FACTUEL

Profil de l’enfant X

[12]           X aura bientôt 12 ans ([...]-10). Elle est décrite par tous comme étant une boule d’énergie sans fin. Elle est extravertie et de bonne humeur. Elle a été diagnostiquée d’un TDAH au début de sa scolarité. Au fil du temps, elle a eu besoin que sa dose de médicaments soit rajustée pour une plus grande efficacité.

[13]           Elle souffre du syndrome d’Ehlers-Danlos tout comme sa mère et sa fratrie. Il s’agit d’une maladie du tissu conjonctif qui entraine une souplesse anormale des articulations, une peau très élastique et des tissus fragilisés. 

[14]           X est représentée par procureure avec qui elle a eu neuf rencontres en plus d’avoir discuté avec elle à quelques occasions au téléphone. X a toujours maintenu le souhait que H... soit inscrit sur son certificat de naissance puisque « c’est lui son vrai père » dit-elle. Elle désire continuer à le visiter tous les dimanches et ne souhaite pas que ses visites soient écourtées contrairement à ce que demande L.... Elle dit bien s’entendre avec H... et sa conjointe avec qui il vit depuis neuf ans ainsi que la fille de cette dernière qui a 18 ans.

[15]           La preuve révèle que X ressemble à H... tant physiquement que par son comportement. Le parrain et la marraine de X sont le frère et la belle-sœur de H.... Elle a toujours connu ses grands-parents H... et L....

[16]           Pour X, ce n’est pas compliqué, elle a trois parents : une mère et deux pères. Elle appelle « papa » tant H... que L.... Elle sait que son père biologique est H... et que L... est dans sa vie depuis qu’elle est toute jeune et de plus, qu’il est le père de sa fratrie, Y et Z.

[17]           Quant à la garde partagée entre sa mère et L..., sa position a été fluctuante au fil du temps. Le 16 avril 2020, elle a demandé que sa garde partagée soit suspendue, le 27 mai suivant, elle a souhaité qu’elle reprenne, le 2 novembre 2021, elle a demandé  à nouveau de la suspendre pour demeurer dans son milieu maternel et finalement la garde partagée a repris quelques semaines plus tard ce avec quoi elle est toujours d’accord.

[18]           Depuis 1½ an, X a des difficultés de comportement à l’école. Entre autres, elle a fait une escapade à l’heure du lunch pour aller acheter des bonbons pour ses amis et cela sans avertir le service de garde[2]. Elle n’avait plus le droit de circuler seule à l’école, et ce, pour éviter que les éducatrices la perdent de vue.

[19]           Aussi, X a été prise à voler chez elle, chez L..., à la pharmacie, à l’école. Elle débutera bientôt un suivi en psychoéducation au CLSC. Auparavant, elle rencontrait une psychoéducatrice à l’école, mais celle-ci l’a référée au CLSC parce qu’elle ne pouvait plus gérer la situation actuelle.

Relation entre la mère et H...

[20]           La mère et H... ont vécu ensemble de 2006 à 2010. Ils avaient planifié avoir un enfant de sorte qu’ils ont été très heureux lorsqu’ils ont appris la bonne nouvelle. Toutefois, quelques mois avant la fin de sa grossesse, la mère a quitté H... puisque ce dernier était aux prises avec un sérieux problème de jeux qui affectait la vie quotidienne.

[21]           Le [...] 2010, la mère a donné naissance à l’enfant X. H... était absent lors de l’accouchement, mais il s’est rendu à l’hôpital avec sa mère pour une visite. À ce moment-là, toute la famille, les amis et les proches savaient que H... était le père biologique de l’enfant. H... n’a aucun doute que X est sa fille, tout comme la mère.

[22]           Le 22 août 2010, la mère a rendu visite à H... le jour de sa fête alors qu’il vivait chez ses parents. À compter de ce moment-là, H... a toujours exercé des accès auprès de X. Au début, il allait la visiter quelques fois par semaine chez la mère et vers  l’âge de six mois, il allait la chercher pour une demi-journée et l’amenait chez ses parents. Vers l’âge de 10 mois, lorsque l’enfant a débuté la garderie, il allait la chercher deux soirs par semaine vers 15 h et la ramenait chez la mère après le souper avant d’aller travailler. Il faut savoir que H... travaille dans une usine avec un horaire de soir ou de nuit.

[23]           Depuis que X a commencé l’école en 2015, H... a toujours exercé des accès tous les dimanches de 10 h à 17 h et il est arrivé qu’il la garde parfois à coucher. C’est toujours cette modalité qui est en place aujourd’hui.

[24]           La mère explique ne pas avoir inscrit le nom de H... sur le certificat de naissance vu ses problèmes de jeux et après avoir fait des vérifications, elle a su, dit-elle, qu’il était plus facile d’ajouter le nom du père éventuellement que de le retirer. De son côté, H...  n’a jamais vu la nécessité de faire ajouter son nom sur le certificat de naissance parce qu’il s’est toujours bien entendu avec la mère et que X savait qu’il était son père.

[25]           La mère et H... se sont toujours bien entendus en ce qui concerne l’enfant. Malgré qu’il n’y ait pas de jugement, H... a contribué financièrement pour les besoins de X. Il a payé la première garderie à 125 $ par semaine et ensuite une deuxième à 35 $ par semaine ainsi que les services de garde à l’école. La mère précise qu’à la garderie, c’est H... qui était connu comme étant le père.

[26]           H... a payé le camp d’été, un cours de gymnastique et de cirque. Leur façon de procéder est simple : la mère n’a qu’à l’aviser des frais à payer et il la rembourse. À l’occasion, il a acheté des vêtements, traîneaux, vélo, etc. Aussi, de 2013 jusqu’à il y a environ un an, X était couverte par l’assurance collective (Croix Bleue) de l’employeur de H... soit jusqu’à l’intervention non désirée de L... auprès de l’assureur. Nous y reviendrons.

Relation entre la mère et L...

[27]           La mère a commencé à faire vie commune avec L... vers la fin novembre 2010 alors que X avait quatre mois. L... savait que H... était le père biologique de l’enfant. 

[28]           L... témoigne à l’effet que pendant la vie commune, la mère a toujours mentionné que c’était lui le père et qu’ils avaient souvent parlé d’adoption. Il percevait H... plutôt comme un oncle, un parrain. Il considère avoir une relation très étroite avec X. Il dit s’être attaché rapidement à elle et a été impliqué dans sa vie depuis le début de sa relation avec la mère. Il nie que H... ait été cherché X à la garderie contrairement à ce qu’affirme la mère et H....

[29]           Avec la mère, ils ont deux enfants Y, 9 ans ([...]-13) et Z, 8 ans ([...]-14). Y est décrite comme étant une enfant tranquille, « catineuse », à l’écoute et près de ses émotions. Elle aime dessiner. Elle est studieuse et aime la nature. Z est décrit comme étant un enfant « colleux », curieux et gêné. Il souffre d’une malformation cardiaque. Son tempérament serait un heureux mélange des tempéraments de ses deux sœurs.

[30]           Le couple a battu de l’aile pendant quelque temps avant de se séparer à la fin du mois d’octobre 2018. Une garde partagée a alors été instaurée laquelle visait les trois enfants. Au début, la modalité était suivant une séquence de 4-3-4 jours puis a changé pour 3-2-2-3. La mère ne voulait pas séparer les enfants et H... explique ne pas s’être objecté à l’établissement d’une garde partagée pour X parce qu’elle était heureuse et il comprenait qu’elle veuille rester avec son frère et sa sœur. H... sait que X appelle L... également « papa », mais ça ne le dérange pas car ce qui importe pour lui, c’est que X soit heureuse. Il est confiant que X sait exactement qui il est par rapport à elle.

[31]           Vers novembre 2019, L... n’a pas voulu prendre X avec son frère et sa sœur durant une semaine parce qu’elle avait été irrespectueuse. Aussi, vers janvier 2020, L... n’a pas vu X pendant minimalement un mois. La mère explique que X a été bouleversée et s’est sentie rejetée. Elle pleurait, rageait, manquait de concentration et faisait des niaiseries à l’école.

[32]           La mère précise que la communication entre elle et L... se dégrade depuis environ un an et demi. Ils reconnaissent tous les deux que la communication entre eux est un enjeu. Même la gestion du cahier de communication est difficile. Ils auraient avantage à entreprendre une démarche auprès d’un(e) intervenant(e) afin d’améliorer leur relation de coparentalité et leur communication, et ce, au plus grand bénéfice des enfants.

[33]           L... vit avec sa conjointe actuelle depuis l’automne 2019. Cette dernière est impliquée dans la vie des enfants. À l’occasion, c’est elle qui véhicule les enfants à l’école. Elle accompagne aussi souvent les enfants lors de rendez-vous. Elle a même été à une rencontre à l’école. L... estime que ce n’est pas un problème malgré que le tribunal lui ait demandé de se présenter seul vu le niveau de conflit entre lui et la mère.

[34]           Après la rupture entre la mère et L..., H... a continué d’exercer les mêmes droits d’accès auprès de X. Il allait la chercher là où elle se trouvait que ce soit chez la mère ou chez L.... Au cours de la dernière année, il a fait face à des réticences de la part de L... et de sa conjointe lors de l’exercice de ses accès. Nous y reviendrons.

[35]           Aussi, il y a environ un an, L... a appelé H... pour qu’il retire X de ses assurances collectives afin de l’ajouter aux assurances de sa conjointe, mais H...  a refusé. Malgré tout, à son insu, L... a fait apporter des modifications de sorte que  X est maintenant couverte par l’assurance collective de sa conjointe. H... souhaite que X soit de nouveau couverte par son assurance collective, mais après vérification auprès de l’assureur, il devra déposer une preuve de paternité. Il veut corriger la situation pour que cela redevienne comme avant.

A) Sur la demande en réclamation d’état (450-04-016689-217)

1. Quelle est la filiation paternelle de l’enfant X?

    1.1  Le droit

[36]           Le principe est à l’effet que nul ne peut réclamer une filiation contraire à celle que lui donnent son acte de naissance et la possession d’état conforme à ce titre[3]. Toutefois, la filiation qui n’est pas établie par un titre et une possession d’état conforme peut être réclamée en justice[4] ce qui est le cas en l’espèce.

[37]           Les articles 523 et 524 du C.c.Q. se lisent :

523. La filiation tant paternelle que maternelle se prouve par l’acte de naissance, quelles que soient les circonstances de la naissance de l’enfant.

À défaut de ce titre, la possession constante d’état suffit.

524. La possession constante d’état s’établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent les rapports de filiation entre l’enfant et les personnes dont on le dit issu.

[38]           La possession constante d’état repose sur l’évaluation de trois critères[5] :

a)     Le nom de famille (nomen) : l’enfant porte le nom du parent à l’égard duquel la possession d’état est invoquée ;

b)     Le traitement (tractatus) : l’enfant est entretenu, éduqué, traité par l’intéressé comme s’il s’agissait du sien ;

c)     La commune renommée (fama) : l’enfant est reconnu notoirement dans son milieu, son entourage et publiquement comme étant celui du prétendu parent.

[39]           La Cour d’appel nous enseigne que le point de départ de la possession d’état doit remonter à la naissance de l’enfant et être constante, ininterrompue et d’une durée assez longue pour être significative[6]. La communauté de vie n’est pas un élément essentiel à la possession d’état[7] :

[40]           Les professeurs Pineau et Pratte traitent du problème des possessions d’état successives pour signaler que la possession originaire l’emporte généralement quoique cela puisse ne pas toujours être dans l’intérêt de l’enfant, signalent-ils[8]. Dans une affaire semblable à la présente, la Cour d’appel traite ainsi des possessions d’état successives[9] :

« [34]           Appliquant ces principes à l'espèce, on doit reconnaître que l'enfant a eu une possession d'état suffisante, qui a duré plus de 30 mois à compter de sa naissance et qui établit juridiquement le lien de filiation l'unissant à M. L..., lien juridique qui se trouve ici à coïncider avec le lien biologique.

[35]           Y a-t-il lieu de déroger à la règle par le fait d'une « possession d'état » qui se serait établie auprès de M. Le... (nouveau conjoint de la mère) et qui aurait succédé à celle qui s'était précédemment établie auprès de M. L...? Les professeurs Pineau et Pratte discutent du problème des possessions d'état successives, pour signaler que la possession originaire l'emporte généralement, quoique cela puisse ne pas toujours être dans l'intérêt de l'enfant, signalent-ils. L'exemple qu'ils donnent, cependant, est celui où la possession du père biologique succéderait à celle du père qui s'est affiché comme tel depuis la naissance. La même règle peut toutefois être transposée au cas inverse, et donc à la présente situation, où la possession du père biologique est suivie d'une possession (ou du moins d'une possession alléguée) par celui qui s'affiche désormais comme père. Ainsi que l'écrivent D.-Castelli et Goubau, parlant de la possession constante depuis la naissance :

De plus, pour les raisons mentionnées plus haut, le fait que, postérieurement, une autre personne agisse à l'égard de l'enfant comme un parent ne saurait entraîner la perte de cette « constance ».

          [36]           On peut citer aussi le juge Dugas dans Droit de la famille — 1663 :

En effet, il est fort plausible qu'un enfant, après avoir vécu quelques années avec son père, perde de vue ce dernier, pour une raison quelconque, et établisse des liens « paternels » avec un autre homme, qui se comportera à son égard comme un père, parce qu'il vit quotidiennement avec lui. Cette nouvelle relation de créée ne change en rien la paternité du père de l'enfant. »

[références omises]

[41]           Dans cette même affaire, la Cour d’appel traite ainsi de la « filiation psychologique »[10] :

« [24]           Selon le texte du Code civil du Québec, la filiation, construction juridique, s'établit en trois cas de figure : la filiation dite « par le sang », la filiation résultant de la procréation assistée et la filiation adoptive. La « filiation psychologique » résultant du lien que crée une personne avec l'enfant dont elle s'occupe n'est pas, en tant que telle, un mode de filiation juridique et, comme on le verra plus loin, elle ne constitue pas non plus, dans des circonstances comme celles de l'espèce, une possession d'état de nature à fonder juridiquement une filiation.

 

 

(…)

[26]           Cette filiation, qui peut être réelle en ce qu'elle coïncide avec la biologie ou être présumée, est attestée soit par l'acte de naissance (art. 523, premier al., C.c.Q.) soit, en l'absence d'un tel titre, par la possession d'état (art. 523, second al., C.c.Q.). L'article 530 C.c.Q. prévoit par ailleurs que la présomption de filiation est irréfutablement établie lorsque les inscriptions figurant sur l'acte de naissance concordent avec la possession d'état.

[27]           En l'espèce, le lien biologique ne fait aucun doute et n'est d'ailleurs pas contesté : l'enfant est bel et bien issu de M. L..., ainsi que le constate le juge de première instance. L'acte de naissance original de l'enfant, pourtant, ne mentionne pas le nom de M. L.... Cette omission est capitale, puisqu'en l'absence de ce titre, la réalité biologique ne suffit pas à établir la filiation juridique de l'enfant. Il faut pour cela établir une possession d'état, conformément aux articles 523, second alinéa, et 524 C.c.Q. »

[références omises]

[42]           La législation québécoise actuelle ne permet pas la filiation tripartite.

[43]           Il est reconnu que l’intérêt de l’enfant doit primer dans toutes les décisions qui le concernent[11]. Toutefois, dans un recours relatif à la filiation, les règles édictées dans le Code civil du Québec sont d’ordre public et elles ont été adoptées dans l’intérêt des enfants et édictées précisément en vue d’assurer leur protection. La Cour d’appel écrit à ce sujet[12] :

« [57]         L'intérêt de l'enfant, qui doit primer dans toutes les décisions qui le concernent, pourrait-il justifier que l'on avalise ici le stratagème des intimés, au motif que la situation qui en découle est à son avantage?

[58]           Avec égards, la Cour estime devoir répondre à cette question par la négative. Les règles relatives à la filiation, à la déchéance parentale et à l'adoption ont été adoptées dans l'intérêt des enfants et édictées précisément en vue d'assurer leur protection. Elles sont d'ordre public. On ne peut permettre qu'elles soient contournées parce qu'il s'agirait de remplacer un « mauvais parent » (ici un père) par un « bon parent ». L'article 33 C.c.Q. ne peut donc permettre de passer outre au régime mis en place par le législateur en matière de filiation et d'adoption. Quant aux articles 4.1 et 4.2 C.p.c., qu'invoquent les intimés, ils n'ont pas de portée substantielle et, dans un cas comme celui-ci, ne peuvent faire obstacle à l'application des dispositions d'ordre public du Code civil du Québec. »

[44]           Dans Droit de la Famille - 211291, le demandeur qui avait agi pendant une certaine période comme figure parentale de l’enfant, mais non à compter de la naissance de l’enfant a vu sa demande en reconnaissance de paternité rejetée[13] :

« [23]      Ce que le demandeur recherche, c’est une déclaration de paternité fondée sur un lien créé plusieurs mois après la naissance et ce n’est pas ce que prévoient et permettent les dispositions du Code civil du Québec.

(…)

[25]      Le fait d’agir comme père, de s’être occupé de l’enfant comme si c’était son fils et de vouloir devenir officiellement son parent n’est pas suffisant. Il faut, pour un parent non biologique, plus que la volonté d’être reconnu comme père afin de le devenir.»

 1.2  Application du droit aux faits

[45]           L... soutient avoir démontré une possession d’état constante à l’égard de X depuis qu’elle a quatre mois et allègue qu’il devrait être déclaré père de l’enfant alors que H... fait valoir que c’est plutôt lui qui démontre une possession d’état constante auprès de l’enfant, et ce, depuis sa naissance.

[46]           Chose certaine, quelle que soit la décision concernant la filiation paternelle, l’intérêt de l’enfant milite en ce que les deux continuent de faire partie de la vie de l’enfant.

[47]           Analysons les divers critères retenus pour déterminer la filiation.

[48]           La jurisprudence a reconnu que le nom avait perdu son caractère déterminant puisqu‘il est possible de porter le nom de l’un ou l’autre des parents[14]. Ici, le nom de l’enfant n’est pas déterminant puisqu’elle porte celui de la mère.

[49]           En l’espèce, le point de départ de la possession d’état de H... remonte quelques jours après la naissance de X et s’est poursuivi de façon constante et ininterrompue. Comme l’écrivent les auteurs D.-Castelli et Goubau[15] :

« (…) Il suffit qu’elle ait commencé à la naissance et ait eu « une durée assez longue pour la constituer solidement ». Cela est d’autant plus nécessaire maintenant en raison de l’instabilité des couples : « La diminution de la constance et le fait que les nouveaux compagnons de la mère traitent l’enfant dans leurs rapports quotidiens comme le leur ne changent rien. »

[références omises]

[50]           H... s’est présenté à l’hôpital et quelques jours après la naissance de X, il a commencé à exercer des accès au domicile de la mère pour ensuite aller chercher l’enfant deux fois par semaine directement à la garderie jusqu’à  ce qu’elle  débute l’école. Depuis, sauf exception, il la voit régulièrement tous les dimanches.

[51]           À la naissance de l’enfant, la famille de la mère, celle de H..., leur entourage et leurs amis savaient que X était l’enfant de H.... Rappelons que c’est le frère de H... qui est parrain de l’enfant et sa conjointe, la marraine. Ceux-ci font toujours partie de la vie de l’enfant.

[52]           L... ainsi que sa famille savent que ce dernier n’est pas le père biologique de  X et que H... était déjà dans la vie de X lorsque L... a rencontré la mère.

[53]           H... a toujours considéré X comme étant sa fille et il l’a traitée comme telle. La preuve prépondérante est à l’effet que H... a assumé des frais de gardienne et de service de garde scolaire en remettant l’argent à la mère sur simple demande. Il a également payé le coût de certaines activités comme la gymnastique, camp de jour et également pour certains vêtements, patins, vélos, etc…

[54]           Suivant la preuve prépondérante, c’est H... qui était reconnu comme étant le père de l’enfant à la garderie.

[55]           H... a toujours été informé de la scolarité de l’enfant par la mère. Elle lui envoie les bulletins dès qu’elle les reçoit. Pour les devoirs et leçons, X les fait chez sa mère ou chez L... et le dimanche, elle montre son agenda à H... et à plusieurs reprises, H... lui fait faire des devoirs et leçons. H... sait qu’en raison de la condition de l’enfant, celle-ci doit se trouver dans un endroit calme pour sa concentration, ce qu’il est en mesure de lui offrir. Soulignons que jusqu’au jugement intérimaire du 19 juin 2020, L... n’avait pas accès au dossier scolaire de l’enfant ce qui avait d’ailleurs mené à un désengagement de sa part auprès de X pendant quelque temps.

[56]           Après la séparation de L... et de la mère, H... a accompagné X deux fois chez le dentiste. À la clinique dentaire, c’est le nom de H... qui était inscrit comme étant le père de X. Vers 2020, lorsque L... l’a appris, il a fait des démarches pour que son nom remplace celui de H... tout comme il a fait des démarches à l’insu de H... afin que X soit désormais couverte par les assurances collectives de sa conjointe.

[57]           Depuis que L... connaît la mère, il sait que H... est le père biologique de l’enfant et qu’il exerce des accès réguliers auprès d’elle. Le fait que L... ait agi à l’égard de X comme parent ne saurait entraîner la perte de la constance de H.... La filiation psychologique ne constitue pas une possession d’état de nature à fonder une filiation juridique.

[58]           L... a certes joué et continue de jouer un rôle important dans la vie de X. Toutefois c’est H..., le père biologique, qui démontre une possession d’état constante et ininterrompue depuis la naissance de l’enfant.

[59]           Le tribunal conclut que la filiation paternelle de X doit être reconnue à  l’égard de H... et que c’est le nom de ce dernier qui doit être ajouté au certificat de naissance de l’enfant.

 

2. Comment s’exercera l’autorité parentale?

[60]           Jusqu’à ce jour, seule la mère était titulaire de l’autorité parentale. Dorénavant, elle serait d’accord à ce que H... délègue son autorité parentale à L... quant à la garde et la surveillance de l’enfant ainsi qu’une délégation partielle à l’égard de l’éducation.

[61]           H... souhaite exercer l’autorité parentale à l’égard de X tout en ne s’opposant pas à ce que L... soit impliqué dans les décisions de vie quotidienne de l’enfant vu que celle-ci habite une semaine sur deux chez lui.

[62]           L..., pour sa part, suggère de lui attribuer une tutelle supplétive à l’égard de X afin de maintenir le statu quo ou encore de lui déléguer l’autorité parentale.

[63]           Traitons tout d’abord de la tutelle supplétive.

[64]           Le père ou la mère d’un enfant mineur peut désigner une personne à qui déléguer ou avec qui partager les charges de tuteur légal et de titulaire de l’autorité parentale lorsqu’il est impossible pour eux ou pour l’un d’eux de les exercer pleinement[16]. La tutelle supplétive doit être autorisée par le tribunal à la demande de l’un d’eux[17].

[65]           En l’espèce, c’est L... qui demande l’instauration d’une tutelle supplétive et non le père ou la mère et L... ne fait pas partie des tuteurs possibles n’étant plus le conjoint de la mère.  En effet, la désignation ne peut être faite qu’au profit du conjoint du père ou de la mère, un ascendant de l’enfant, un parent de l’enfant en ligne collatérale jusqu’au troisième degré ou un conjoint de cet ascendant ou de ce parent[18].

[66]           La tutelle supplétive ne peut donc être autorisée en faveur de L....

[67]           Qu’en est-il maintenant de la délégation de l’autorité parentale ?

[68]           Les parents exercent conjointement l’autorité parentale[19]. Ils ont à l’égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d’éducation[20].

[69]           Le titulaire de l’autorité parentale peut déléguer la garde, la surveillance ou l’éducation de l’enfant[21]. Le partage de l’exercice de l’autorité parentale ne peut avoir lieu que dans l’intérêt de l’enfant tout comme la délégation de certains attributs.

[70]           En vertu de l’article 601 C.c.Q., l’exercice de certains attributs de l’autorité parentale peut être délégué à des tiers. La Cour d’appel a déterminé que cette délégation ne peut toutefois être faite sur une base permanente[22] et conséquemment, elle est donc sujette à être retirée ou modifiée si des changements surviennent.

[71]           À n’en pas douter, il s’agit ici d’un contexte singulier qui commande un exercice créatif afin de favoriser la continuité et ne pas mettre en péril la stabilité de l’enfant. En effet, bien que la triparentalité ne soit pas reconnue dans le Code civil du Québec, force est de constater qu’au fil des ans, les parties l‘ont appliquée implicitement. Il  existe  entre L... et X une relation de la nature d’une parentalité psychologique et briser  cette relation pénaliserait l’enfant, ce qui irait à l’encontre de son intérêt. X a déjà plusieurs défis à surmonter et il faut éviter de la priver du soutien et support des gens qui l’aiment et l’entourent afin qu’elle puisse s’épanouir dans toutes les sphères de sa vie.

[72]           Le tribunal estime que le contexte global de la présente affaire milite en ce que l’autorité parentale de H... soit déléguée à L... concernant la garde et la surveillance de l’enfant ainsi qu’une délégation partielle relativement à l’éducation, c’est-à-dire que H... conservera le choix de l’école pour l’enfant et L... assumera le suivi scolaire de l’enfant. La mère, de son côté, devra continuer à informer H... concernant la scolarité de l’enfant comme elle le faisait déjà auparavant en lui faisant, entre autres, parvenir les bulletins scolaires.

[73]           Quant aux soins de santé de l’enfant, l’autorité parentale de H... sera déléguée à L... et ce dernier pourra effectuer les suivis nécessaires auprès des professionnels de la santé. C’est toutefois H... qui assumera le coût de l’assurance-médicaments pour X auprès du régime d’assurance chez son employeur.

[74]           H... sera donc titulaire de l’autorité parentale pour tous les attributs qui n’ont pas fait l’objet d’une délégation à L... dont notamment le choix de l’école, la religion, la demande de passeport et l’autorisation de voyager à l’extérieur du Canada.

 

 3. Quels sont les droits d’accès devant être accordés à H... auprès de l’enfant X?

[75]           L’intérêt de l’enfant doit servir de guide afin de déterminer les droits d’accès à être accordés à H...[23].

[76]           H... demande le statu quo c’est-à-dire des accès tous les dimanches de 10 h à 17 h et deux accès à la période des Fêtes. Selon la mère, X est toujours enthousiaste d’aller chez H....

[77]           L... demande, pour sa part, que les accès de H... ne s’exercent plus sur son temps de garde afin de ne pas déranger sa famille. Subsidiairement, il demande que les accès se terminent à 15 h plutôt que 17 h puisque pour lui, c’est plus simple. Sa conjointe a témoigné à l’effet que leur vie familiale s’arrête chaque fin de semaine à cause des contacts de X avec H... ce qui les oblige à s’adapter tout le temps. Elle a ajouté que c’était dommage de briser trois autres vies pour cela.

[78]           X aura bientôt 12 ans. Son désir est clair : elle souhaite continuer les droits d’accès tels qu’ils sont exercés présentement avec H... c’est-à-dire tous les dimanches de 10 h à 17 h ainsi que des accès au temps des Fêtes. Elle ne souhaite pas que le choix de participer ou non aux droits d’accès repose sur ses épaules chaque fin de semaine, comme le suggère L.... Il est arrivé que L... place X dans la situation où elle avait à choisir entre des activités à faire avec eux plutôt qu’avec H... et cela l’a  placée dans une position difficile qu’elle ne veut plus revivre.

[79]           Au cours de la dernière année, H... a rencontré quelques difficultés à exercer ses droits d’accès lorsque X était chez L... puisqu’à plusieurs reprises, ce dernier lui a imposé ses propres conditions.

[80]           Par exemple, L... lui a demandé de ramener l’enfant à 15 h, entre autres, parce qu’il fallait que X finalise ses devoirs alors que H... aurait été en mesure de lui faire faire ses devoirs et leçons sans difficulté. Aussi, le 18 octobre 2021, X n’était pas prête à quitter à 10 h parce qu’elle n’avait pas fini ses devoirs. Pour ne pas créer d’incident, H... a été attendre au parc situé non loin de là. L... l’a texté pour qu’il revienne et lui a dit qu’il voulait qu’il ramène l’enfant à 15 h et qu’il appellerait la police s’il ne le faisait pas. Il lui a dit : « Vous avez fini de  « runner ma vie ». Pour ne pas envenimer la situation, il a ramené X à 15 h, mais il souhaite continuer de la ramener à 17 h puisque l’enfant est déçue s’il la ramène plus tôt. Il faut souligner qu’il demeure à 40 minutes de route du domicile de L... de sorte que cela réduit d’autant les activités qu’il peut faire avec l’enfant.

[81]           Ici, c’est l’intérêt de X qui doit être privilégié et non celui de L... et des autres membres de sa famille.

[82]           Le tribunal estime qu’il est dans l’intérêt de X que le statu quo soit maintenu afin que les accès de H... continuent de s’exercer tous les dimanches de 10 h à 17 h ainsi qu’aux jours suivants durant la période des Fêtes, soit du 26 décembre à 10 h au 27 décembre à 17 h et du 1er janvier 10 h au 2 janvier 17 h. Enfin, considérant que H... a démontré une ouverture à modifier de façon sporadique certains de ses droits d’accès pour permettre à X de participer à une activité spéciale, L... pourra convenir avec lui d’une modification à trois reprises durant l’année ou à tout autre moment convenu entre eux, et ce, sans utiliser l’enfant comme intermédiaire.  

4. Quel est le choix de l’école secondaire que fréquentera X à compter de l’année 2022–2023 ?

[83]           L’enfant souhaite fréquenter [l'École A] dans le programme de robotique et de sciences. Si elle ne peut intégrer ce programme, elle souhaite tout de même fréquenter cette institution scolaire privée.

[84]           La mère et H... estiment qu’en raison de ses besoins particuliers, X a besoin d’encadrement ce que l’institution scolaire est en mesure de lui offrir. Ils considèrent qu’il est dans le meilleur intérêt de l’enfant de l’inscrire [à l'École A] et ils ont convenu de se partager les frais de scolarité.

[85]           Si L... avait participé à la décision concernant le choix de l’école, il aurait souhaité que X fréquente l’école secondaire publique de son quartier. Son refus n’aurait pas été retenu pour les motifs qui suivent. L... allègue que l’enfant n’aimerait pas porter l’uniforme ce qui n’a pas été démontré et que l’école de quartier pourrait offrir un programme de robotique, ce qu’il n’avait pas vérifié. Il ajoute qu’il n’a pas les moyens financiers d’offrir l’école privée à tous ses enfants alors qu’il est clair qu’il n’aura pas à en défrayer le coût pour X. Enfin, les chiffres qu’il a avancés concernant les coûts de la scolarité sont beaucoup plus élevés que la réalité.

[86]           Le tribunal conclut qu’il est dans l’intérêt de X qu’elle soit inscrite [à l'École A] à compter de l’année 2022-2023.

 

B) Sur la demande relative à la garde, aux accès et la pension alimentaire (L...) (450-04-016031-196)

 

1. Garde des enfants

[87]           Les parties ont convenu que la garde des enfants serait partagée à raison d’une semaine – une semaine du vendredi 17 h au vendredi 17 h. Elles ne s’entendent toutefois pas sur la période des Fêtes. La mère souhaite que la séquence de garde partagée se poursuive alors que L... souhaite que les enfants soient avec lui du 24 décembre à 11 h au 25 décembre à 11 h et avec la mère du 25 décembre à 11 h au 26 décembre à 11 h et que la séquence de garde habituelle reprenne le 26 décembre de chaque année afin de lui permettre de se rendre dans sa famille avec les enfants sur son temps de garde. Pour sa part, X souhaite passer du temps de façon égale entre sa mère, H... et L... en alternant les jours de garde de ceux-ci pendant le congé des Fêtes.

[88]           La preuve démontre que depuis la séparation, les parties se partagent le temps des Fêtes. Il est dans l’intérêt des enfants que cela se poursuive afin qu’ils puissent participer au plus grand nombre de rencontres familiales possible dans le présent contexte. Ainsi, la séquence habituelle se poursuivra, mais afin de ne pas pénaliser les enfants, à chaque année, ils seront avec leur mère du 24 décembre à 10 h au 25 décembre à 11 h ainsi que du 31 décembre à 10 h au 1er janvier à 10 h et avec L... du 25 décembre à 11 h au 26 décembre à 10 h[24].

[89]           Quant aux communications téléphoniques que les enfants ont le mercredi soir avec leur mère ou L..., la mère est d’accord à ce qu’elles se poursuivent alors que L... souhaite qu’elles cessent parce qu’il ne veut pas que la semaine soit interrompue : « ça brise le momentum avec les enfants », dit-il. Il ne voit pas l’intérêt d’une communication au milieu de la semaine.

[90]           Le tribunal estime que les enfants apprécient les communications du mercredi soir entre 18 h 45 et 19 h 15 et qu’il est dans leur intérêt qu’elles se continuent. La mère et L... ne devront plus intervenir de quelque façon lors de ces communications. Les enfants doivent être et se sentir libres de parler et n’ont pas à être impliqués dans les problèmes des adultes qui les entourent.

[91]           Une meilleure communication entre la mère et L... serait certes bénéfique pour les enfants, et ce, afin d’éviter que la situation dégénère.

2. Pension alimentaire payable par L... pour les enfants

[92]           La pension alimentaire sera-t-elle payable en fonction de trois enfants comme le réclame la mère ou plutôt pour deux enfants comme le fait valoir L...?

[93]           La loi prévoit que ce sont les parents qui ont l’obligation de nourrir et entretenir leur enfant[25]. La législation québécoise ne reconnaît pas l’engagement in loco parentis de sorte qu’aucune obligation n’en découle[26].

[94]           Il revient donc à la mère et à H... de subvenir aux besoins de X.

[95]           La pension alimentaire sera donc établie en fonction des besoins des deux enfants Y et Z et sera fixée rétroactivement au 1er novembre 2018.

[96]           Le tableau qui suit représente les revenus de la mère et de L... qu’ils ont admis pour les années de 2018 à 2022 : 

Années

Madame

M. L...

2018

16 322,85$[27]

71 044,42$[28]

2019

21 768,86$[29]

51 876,07$

2020

34 392,55$[30]

44 119,74$[31]

2021

                        40 660,77$

49   229,00$

2022

40 660,77$

49 229,00$

 

[97]           En ce qui concerne les frais de garde, la mère les a payés jusqu’à la fin août 2020 et, depuis septembre 2020, L... les paie durant sa semaine de garde. Aussi, la mère ne réclame plus de remboursement pour les fournitures scolaires à la rentrée des classes puisque depuis 2019, chaque parent les achète alternativement d’une année à l’autre et ils conviennent de continuer ainsi.

[98]           Reste à déterminer s’il y a lieu d’inclure ou non les primes de l’assurance collective à titre de frais particuliers. La règle générale est que la portion correspondant à la différence entre le statut familial et individuel de la police d’assurance-médicaments et soins dentaires se qualifie de frais particuliers au sens de l’article 587.1 C.c.Q. Aussi, l’article 9 du Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants prévoit que les frais particuliers sont réduits de tout avantage, subvention, déduction ou crédit d’impôt y afférent.[32]

[99]           En l’espèce, la mère s’objecte à ce que les frais de l’assurance collective de la conjointe de L... soient considérés à titre de frais particuliers pour les motifs qui suivent. Elle allègue que L... ne l’a pas consultée ni même informée de cette possible couverture d’assurance avant que les changements ne soient faits auquel cas elle n’y aurait pas consenti. Elle soutient que le régime d’assurance qui a été choisi est offert à un coût exorbitant et que pour sa part, elle n’aurait jamais accepté de payer autant.

[100]       L... reconnaît qu’il aurait dû en discuter avec la mère, ce qu’il n’a pas fait. Le 23 août 2020, via le cahier de communication, il l’a avisée que lui-même et les trois enfants étaient désormais couverts par l’assurance-médicaments et soins dentaires de sa conjointe. La mère a donc été placée devant le fait accompli.

[101]       À sa défense, L... explique que suivant la Loi sur l’assurance médicaments, il a été contraint de laisser le régime public d’assurance-médicaments dès lors qu’il a été considéré comme conjoint de fait où il a alors fallu qu’il adhère avec les enfants à l’assurance médicaments et dentaires de sa conjointe[33]. Selon L..., la police d’assurance offre une couverture très avantageuse pour les enfants et il s’agit d’une dépense engagée dans l’intérêt de ceux-ci.

[102]       D’une part, le père ne pouvait unilatéralement décider de l’ampleur de la couverture d’assurance sans consulter la mère et d’autre part, l’obligation de consulter l’autre parent avant d’engendrer des frais particuliers ne confère pas pour autant à ce dernier un droit inconditionnel de refus, par exemple, dans un cas comme en l’espèce où L... avait l’obligation de souscrire à l’assurance collective.

[103]       La dépense d’un frais particulier doit être acceptable en fonction des revenus des parents et non en fonction des revenus de la nouvelle cellule familiale de l’un des deux parents.

[104]       Ici, le choix de L... et de sa conjointe s’est arrêté sur le Module Or qui coûte actuellement 5 130,84 $[34] par année. La différence entre le statut individuel et le statut familial est de 105,62 $ aux deux semaines. Le père a témoigné à l’effet qu’il rembourse 50 $ par semaine à sa conjointe pour couvrir sa part du montant total des primes.

[105]       Suivant le document intitulé « Régime d’assurance collective pour les membres de la FIQ- La Capitale » le Module Bronze est moins dispendieux et se rapproche davantage du régime public. La différence entre les coûts liés au statut individuel et familial est de 59,28 $ aux deux semaines.

[106]       Le père et sa conjointe sont libres de continuer à souscrire au Module Or, mais le père ne peut contraindre la mère à y contribuer vu les coûts élevés.

[107]       Le tribunal conclut que la mère devra contribuer au coût net des primes entre le statut individuel et familial de l’assurance collective du Module Bronze dans la même proportion que la contribution parentale de base eu égard aux revenus disponibles de chaque parent. Ainsi, au lieu d’un montant de 2 600$ (52 semaines x 50 $) tel que le réclame L..., le calcul s’effectuera selon un coût annuel net pour l’année 2020 de 1 546,78$, pour 2021 de 1 596,78$ et pour 2022 de 1 606,98$.

[108]       L... devra donc payer à la mère une pension alimentaire à compter du 1er novembre 2018 pour les enfants Y et Z de la façon suivante :

-          Du 1er novembre 2018 au 31 décembre 2018 :  764,28$ par mois

-          Du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019 :  549,39$ par mois

-          Du 1er janvier 2020 au 31 août 2020 :  167,78$ par mois

-          Du 1er septembre 2020 au 31 décembre 2020 :  31,36$ par mois

-          Du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 :  11,61$ par mois

-          À compter du 1er janvier 2022 :  11,94$ par mois

 

[109]       La mère et L... devront se transmettre leurs déclarations fiscales, provinciale et fédérale, avec les avis de cotisation afférents au plus tard le 15 juin de chaque année afin d’effectuer les ajustements nécessaires, le cas échéant.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Sur la demande introductive d’instance en réclamation d’état (450-04-016689-217)

[110]       DÉCLARE que  ST... H... est le père de l’enfant X;

[111]       ORDONNE au Directeur de l’état civil d’apporter les corrections qui s’imposent aux registres de l’état civil quant à l’enfant X de sorte que dorénavant, à l’acte de naissance de cette dernière, le nom de ST... H... soit indiqué à titre de père ;

[112]       ORDONNE au Directeur de l’état civil de modifier le certificat de naissance de l’enfant X de façon que ledit certificat de naissance se lise dorénavant comme suit :

Nom      Prénom(s)

X      X

 

Sexe

Féminin

 

Lieu de naissance       A      M    J    H    M

Sherbrooke   Date de naissance 2010  [...] 13   44

 

Père      Mère

H...      P...

ST...     S...

 

Numéro d’inscription

[...]

 

[113]       ORDONNE au greffier de notifier le présent jugement au Directeur de l’état civil;

[114]       ORDONNE au Directeur de l’état civil d’inscrire le présent jugement dans le registre concerné suivant les prescriptions de la loi;

[115]       LÈGUE les attributs de l’autorité parentale de ST... H... à SE... L... concernant la garde, la surveillance et les soins de santé de l’enfant X; 

[116]       PREND ACTE de l’engagement de ST... H... d’assumer le coût de l’assurance-médicaments pour X auprès du régime d’assurance chez son employeur, et ce, tant et aussi longtemps qu’il bénéficiera de telle assurance;

[117]       DÉCLARE que ST... H... exercera l’autorité parentale à l’égard du choix de l’école de X et DÉLÈGUE à SE... L... l’autorité parentale concernant le suivi scolaire de l’enfant X;

[118]       DÉCLARE que ST... H... conserve tous les attributs de l’autorité parentale  qui n’ont pas été délégués à SE... L... dont notamment les questions relatives à la religion de l’enfant, la demande de passeport et les autorisations de voyager à l’extérieur du Canada;

[119]       DÉCLARE que l’enfant X sera inscrite [à l'École A] à compter de l’année 2022-2023;

[120]       SANS FRAIS DE JUSTICE,  vu la nature du litige.

 

Sur la demande introductive d’instance re-re-modifiée de la demanderesse du 3 novembre 2021 pour garde partagée, pension alimentaire, ordonnance d’expertise psychosociale, autorisation de mettre en cause un tiers, nomination d’avocat aux enfants et autres modalités et la demande du défendeur pour garde exclusive, fixation de droits d’accès et de pension alimentaire et obtention d’une tutelle supplétive à l’égard d’une enfant mineure; (450-04-016031-196)

[121]       DÉCLARE que la demanderesse et le défendeur SE... L... exerceront conjointement l’autorité parentale à l’égard des enfants Z et Y et leur ORDONNE de se consulter avant de prendre quelques décisions importantes, notamment concernant la santé, l’éduction, la religion et les activités parascolaires majeures;

[122]       ORDONNE que les suivis médicaux et sociaux soient assumés par la demanderesse et le défendeur SE... L...; les conjoints n’intervenant que s’il y a urgence ou si un des professionnels offrant des suivis à l’un ou l’autre des enfants ne requière leur présence;

[123]       CONFIE à la demanderesse et au défendeur SE... L... la garde partagée des enfants X, Z et Y de la façon suivante :

a)     une semaine - une semaine, du vendredi au vendredi, l’échange s’effectuant à la fin des classes ou à 17 h les jours où il n’y a pas d’école ;

b)     pour la période des Fêtes, la séquence habituelle se poursuivra, sous réserve qu’à chaque année, les enfants seront :

  1. avec leur mère du 24 décembre à 10 h au 25 décembre à 11 h ainsi que du 31 décembre à 10 h au 1er janvier à 10 h;
  2. avec le défendeur SE... L... du 25 décembre à 11 h au 26 décembre à 10 h;

[124]       ACCORDE au mis en cause ST... H... des droits d’accès auprès de l’enfant X:

-          tous les dimanches de  10  h à 17 h; étant convenu qu’à trois reprises durant l’année, le défendeur SE... L... et le mis en cause ST... H... pourront convenir, entre eux, d’une modification, sans utiliser l’enfant comme intermédiaire;

-          aux Fêtes du 26 décembre à 10 h au 27 décembre à 17 h et du 1er janvier 10 h au 2 janvier 17 h;

-          à tout autre moment selon entente entre les parties;

 

[125]       ACCORDE à la demanderesse et au défendeur SE... L... un accès auprès des enfants X, Y et Z par Messenger, le mercredi soir entre 18h45 et 19h15 pendant la semaine où la partie n’exerce pas sa semaine de garde et étant convenu que les enfants pourront communiquer avec elles selon leur désir ;

[126]       ORDONNE à la demanderesse et au défendeur SE... L... de remplir un cahier de communication afin de transmettre l’information utile et pertinente concernant les enfants X, Y et Z, ledit cahier devant être remis lors de l’échange des enfants;

[127]       ORDONNE au défendeur SE... L... de verser à la demanderesse une pension alimentaire pour les enfants Y et Z payable suivant la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires de la façon suivante :

 

-          du 1er novembre 2018 au 31 décembre 2018 : 764,28$/mois

-          du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019:  549,39$/mois

-          du 1er janvier 2020 au 31 août  2020: 167,78$/mois

-          du 1er septembre 2020 au 31 décembre 2020 :  31,36$/mois

-          du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2021 : 11,61$/mois

-          à compter du 1er janvier 2022 :  11,94$/mois

 

[128]       ORDONNE à la demanderesse et au défendeur SE... L... d’assumer chacun les frais de garde des enfants Y et Z durant leur semaine de garde ;

[129]       ORDONNE à la demanderesse et au défendeur SE... L... d’assumer pour moitié sur présentation des factures les frais particuliers relatifs aux enfants Y et Z, notamment pour les lunettes ;

[130]       ORDONNE que le défendeur SE... L... paie 80,47$ à la demanderesse pour le remboursement de deux habits de neige dans les dix (10) jours du présent jugement;

[131]       ORDONNE à la demanderesse et au défendeur SE... L... de payer les fournitures scolaires des enfants Y et Z à raison d’une année sur deux étant convenu que le défendeur SE... L... paiera pour l’année scolaire 2022 – 2023, la demanderesse pour l’année scolaire 2023 – 2024 et par la suite, alternativement d’une année à l’autre ;

[132]       ORDONNE à la demanderesse et au défendeur SE... L... de se transmettre leurs déclarations fiscales provinciale et fédérale avec les avis de cotisation y afférents au plus tard le 15 juin de chaque année afin d’effectuer les ajustements nécessaires à la pension alimentaire, le cas échéant;

[133]       SUGGÈRE et RECOMMANDE à la demanderesse et au défendeur SE... L... de retenir les services d’un(e) intervenant(e) afin de participer à des séances dans le but d’améliorer leur communication et leur relation de coparentalité;

[134]       ORDONNE à chaque partie de ne pas dénigrer l’autre en présence des enfants;

 

 

 

[135]       SANS FRAIS DE JUSTICE, vu la nature du litige.

 

 

 

__________________________________

LINE SAMOISETTE, J.C.S.

 

Me Céline Gallant

Aide juridique de l’Estrie

Avocate pour la demanderesse

 

Me Karine Pinette

Girard Avocats

Avocate pour le défendeur/intervenant SE... L...

 

Me Mélissa Leblanc

Johanne Marcil Avocats

Avocate pour le défendeur/mis en cause ST... H...

 

Me Solem Panneton-Jutras

Pariseau Cliche Avocats

Avocate pour l’enfant X

 

Dates d’audience :

 

3 et 4 novembre 2021, 28 février 2022

Mis en délibéré le 25 avril 2022 après avoir reçu  les plaidoiries écrites de chaque partie.

Remis en délibéré le 14 juillet 2022 après réouverture des débats.

 

 


[1] Le tribunal identifie les parties par leur nom de famille non par manque de respect, mais uniquement pour faciliter la lecture du présent jugement.

[2] Pièce D-5.

[3] C.c.Q., art. 530.

[4] C.c.Q., art. 532 al. 1.

[5] Michel TÉTRAULT, Droit de la famille, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, p. 1099; Jean PINEAU et Marie PRATTE, La famille, Montréal, Éditions Thémis, 2007, pages 608-609. Droit de la famille – 181478, 2018 QCCA 1120, par. 60; Droit de la famille – 1528, 2015 QCCA 59, par. 21.

[6] Droit de la famille – 181478, préc. note 5, par. 67-68; Droit de la famille – 142296, 2014 QCCA 1724.

[7] J. PINEAU et M. PRATTE, préc. note 5, no 398, p. 609  ; Droit de la famille – 11394, 2011 QCCA 319.

[8] J. PINEAU et M. PRATTE, préc. note 5, no 387, p. 590.

[9] Droit de la famille – 11394, préc. note 7, par. 34-36.

[10] Id., par. 24, 26 et 27.

[11] C.c.Q., art. 33.

[12] Droit de la famille — 11394, préc. note 7, par. 57-58.

[13] 2021 QCCS 2881, par. 23 et 25.

[14] P.B. c. M.S. et C.T. et M.S., 2003 CanLII 527 QC CS, par. 16; 2011 QCCA 319, préc. note 7, par. 29.

[15] Mireille D.-CASTELLI et Dominique GOUBAU, Le droit de la famille au Québec, 5e éd., Presses de l’Université Laval, 2005, p. 203

[16] C.c.Q., art. 199.1.

[17] C.c.Q., art. 199.2.

[18] Id.

[19] C.c.Q., art. 600.

[20] C.c.Q., art. 599.

[21] C.c.Q., art. 601.

[22] Michel TÉTRAULT, Droit de la famille, 4e éd., vol. 3, « La filiation, l’enfant et le litige familial », Montréal, Édition Yvon Blais, 2019, par. 2.3.4, p. 932; Droit de la famille – 3444, [2000] R.D.F. 627.

[23] C.c.Q., art. 33.

[24] Au cours de l’instruction, L… a témoigné à l’effet qu’il n’avait pas de demande particulière pour le Jour de l’An.

[25] C.c.Q., art. 599 al. 2.

[26] C. R. c. J. B., 2005 QCCA 547.

[27] Pièce P-2.

[28] Pièce D-1.

[29] Pièce P-7.

[30] Pièce P-9.

[31] Pièce D-27.

[32] Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, RLRQ c. C-25.01, r. 0.4, article 9.

[33] Loi sur l’assurance médicaments, RLRQ c. A-29.01, art. 15 et suivants.

[34] Module Or familial : 136,35 $ + 44,70 $ = 181,05 $ + 9% taxes = 197,34 $ x 26 versements.

AVIS :
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